Imágenes de páginas
PDF
EPUB

cher le phénomène de l'addition latente, dont nous avons déjà parlé (voy. p. 979).

Il en va pour le nerf moteur comme pour la cellule nerveuse : des excitations électriques, qui, isolées, ne provoquent aucune réaction, peuvent déterminer une contraction musculaire, quand elles se suivent à des intervalles assez rapprochés. Le phénomène de l'addition latente a été observé aussi dans les nerfs sensitifs.

Une autre condition concerne la durée de l'excitation.

On a admis longtemps comme générale la loi établie par Em. Du BoisReymond d'après ses recherches sur le nerf sciatique de la grenouille, le muscle gastrocnémien étant pris comme réactif de l'excitation du nerf. En vertu de cette loi sur l'excitation électrique des nerfs, la condition essentielle de l'efficacité d'une excitation serait la brusquerie des variations du flux électrique qui passe par le nerf; un courant continu n'a pas d'effet excitant; c'est seulement quand il augmente ou diminue d'intensité, au moment où il naît ou prend fin, que le nerf entre en activité. Ce n'est done pas, disait E. Du Bois-Reymond, la valeur absolue de la densité du courant qui détermine la grandeur de l'excitation, c'est la variation de cette densité d'un moment à un autre.

Or, G. Weiss (1901) a commencé par montrer qu'en excitant un sciatique de grenouille par des courants électriques d'une durée très courte, ne dépassant pas quelques millièmes de seconde, si l'on détermine, pour chacune de ces durées, l'intensité minima nécessaire pour provoquer une contraction du gastrocnémien, on constate qu'il faut employer un courant d'autant plus fort que la durée de l'excitation est plus courte. Puis les recherches de L. Lapicque et celles en particulier que ce physiologiste a faites avec Mme Lapicque (1903-1905) sur les muscles de divers Invertétébrés marins ont bien établi que la durée du passage du courant est un élément important dans l'efficacité de l'excitation électrique. Mais on ne peut pas abaisser indéfiniment l'intensité du courant constant par accroissement de la durée du passage; pour un muscle déterminé, il y a une durée à partir de laquelle une prolongation de l'excitation est sans effet ; à cette durée se trouve donc atteinte l'intensité minima efficace (seuil fondamental de Lapicque); c'est en deçà de cette durée que l'intensité nécessaire varie avec le temps de passage et augmente à mesure que le passage devient plus court. La rapidité de cette augmentation et la limite pour l'influence de la durée sont liées à un coefficient chronologique que Lapicque a défini sous le nom de chronaxie (1909). La chronaxie, qui est caractéristique de chaque excitabilité, varie largement quand on passe d'un muscle ou d'un nerf à un autre. Pour le nerf moteur du gastrocnémien de la grenouille et pour les nerfs moteurs des animaux à sang chaud en général, la limite est atteinte à trois millièmes de seconde. Du Bois-Reymond, cherchant l'influence de la durée, avait réduit le temps de passage jusqu'à un demi-centième de seconde seulement. C'est ce qui explique que cette influence lui ait échappé.

Sous l'influence du courant continu, l'excitabilité du nerf subit des modifications remarquables.

Quand ce courant est appliqué à un nerf, nous avons vu qu'il n'y a excitation qu'au moment de la fermeture et de la rupture (sauf quand le courant est très intense). Néanmoins, pendant toute la durée du courant, l'excitabilité du nerf est modifiée dans le voisinage des pôles, c'est l'électrotonus physiologique ; il y a diminution de l'excitabilité à l'anode (pôle positif) ou anélectrotonus et augmentation à la cathode (pôle négatif) ou catélectrotonus. On représente souvent ces variations d'excitabilité par un schéma comme celui de la figure 261. Dans la région sise entre les S

[blocks in formation]

Fig. 261.

Schéma de l'électrotonus physiologique (d'après André Broca).

NN1, nerf moteur; - A et B, pôles positif et négatif de la pile P; d'induction servant à explorer l'excitabilité du nerf.

[ocr errors]

- 3, pôles d'un appareil

La courbe OQRST montre les valeurs de l'excitabilité, qui est diminuée en Q, conservée en R, augmentée en S.

deux pôles, il existe un point indifférent, c'est-à-dire dépourvu d'électrotonus. Quand le courant est faible, ce point est rapproché de l'anode et, au contraire, plus près de la cathode quand le courant est fort.

L'autre propriété du nerf, la conductibilité, est également modifiée par l'électrotonus. Elle est diminuée à l'anode; on verra plus loin (p. 1077) l'utilisation de ce fait pour l'étude de la fatigue du nerf.

3o Effets de l'excitation.

Les effets de l'excitation des nerfs sont à considérer dans les organes auxquels aboutissent ces nerfs et dans ceux-ci mèmes.

A. Réactions des organes. Le changement que détermine toute excitation dans un nerf ne se révèle par aucune modification morphologique, mais seulement par les phénomènes qui se produisent dans les organes auxquels se rend ce nerf, sensation

1. On donne le nom d'électrotonus physique à un phénomène découvert par Du Bois-Reymond en 1843; c'est un courant électrique qui se manifeste dans le nerf pendant le passage du courant continu (courant polarisant) et qui est de même sens que le courant polarisant. Pour qu'il n'y eût pas de confusion entre ce phénomène et l'électrotonus physiologique, il serait préférable de dénommer ce dernier modifications électrotoniques de l'excitabilité (A. Waller).

spéciale, contraction musculaire, sécrétion, action d'arrêt. Aussi le résultat de l'excitation, quel que soit l'excitant, est-il toujours le même.

A l'état physiologique, un nerf n'est excité qu'à l'une de ses extrémités et par un seul excitant, qui est spécifique. Ainsi les impressions de son, de lumière agissent exclusivement sur les appareils terminaux des nerfs auditif, optique, etc. De même, les nerfs centrifuges sont mis en activité à leur origine dans les centres nerveux par des excitations produites dans les cellules constitutives de ces centres.

B. Modifications du nerf. Dans le nerf excité se passe-t-il des phénomènes par lesquels se révélerait cet état particulier du nerf et qui seraient en même temps la preuve de son activité propre ? Dans tout tissu qui fonctionne, il peut se produire des modifications physiques et des modifications chimiques.

a. MODIFICATIONS PHYSIQUES. Il a été impossible jusqu'à présent de déceler, sous l'influence d'une excitation, aucun changement appréciable de la température d'un nerf sensitif ou moteur, et cela avec les dispositifs les plus sensibles (certains appareils permettant de déceler 0°,0006).

Par contre, une modification électrique permet de reconnaître l'état d'excitation d'un nerf; c'est le meilleur signe, sinon le seul, de l'activité de ce nerf.

Si l'on sectionne un nerf et qu'on applique une électrode sur la surface de section et une autre sur la surface naturelle, et qu'on introduise dans ce circuit un galvanomètre, on constate, grâce à cet instrument, qu'il y a dans le circuit un courant qui va de la surface naturelle du nerf (positive) à la surface de section (négative); c'est là le courant de repos (courant de démarcation de Hermann). Or, si l'on vient à exciter ce nerf par quelque excitant que ce soit, mécanique, électrique ou chimique, on voit la déviation du galvanomètre diminuer; l'aiguille revient vers le zéro; le courant primitif a donc perdu de son intensité; c'est ce que E. Du BoisReymond (1843) a appelé l'oscillation ou la variation négative, c'est le courant d'action.

La force électromotrice du nerf en repos est de 0,03 volt ou 0,04 et celle de la variation négative est naturellement beaucoup moindre, le dixième environ.

La variation négative ne présente pas de temps perdu; elle apparaît dans le nerf dès qu'on l'excite. Elle se propage dans les deux sens avec une vitesse d'environ 27 mètres par seconde, ce qui est la vitesse du courant nerveux (voy. plus loin, p. 1080).

Conformément aux idées soutenues par Hermann, on admet généralement que ces courants ne préexistent pas dans les nerfs normaux (pas plus que dans les muscles normaux, où nous les retrouverons);

ils résulteraient de phénomènes physico-chimiques accompagnant une lésion quelconque des tissus ou l'activité fonctionnelle de ceuxci. De fait, le nerf normal (comme le muscle) est isoelectrique; si l'on réunit, par des électrodes impolarisables, deux points quelconques de sa surface naturelle, il ne se produit aucun courant.

[ocr errors]

b. MODIFICATIONS CHIMIQUES. Contrairement à ce que l'on a cru pendant longtemps, les nerfs périphériques ne fonctionnent pas sans phénomènes de combustion et d'usure.

Au moyen d'un appareil spécial très délicat, appelé microspiromètre, on a trouvé que des nerfs de lapins consomment par gramme et par heure 22 millimètres cubes d'oxygène et produisent proportionnellement de l'acide carbonique (expériences de T. Thunberg, 1904). D'ailleurs un nerf de grenouille, placé dans une atmosphère inerte (ne contenant point d'oxygène), perd, lentement il est vrai, son excitabilité et sa conductibilité; si l'asphyxie n'a pas duré trop longtemps, ses propriétés reparaissent dès que l'air ou l'oxygène peut y arriver de nouveau. Le nerf a donc besoin d'oxygène pour conserver son activité.

Il faut remarquer cependant que le métabolisme des nerfs doit être très restreint, étant donné qu'ils peuvent supporter longtemps la privation de sang et que néanmoins leur fonctionnement reste normal.

C. INFATIGABILITÉ DES NERFS. Tout organe qui reçoit pendant un temps plus ou moins long des excitations constantes présente des réactions décroissantes et finit même, après un temps variable, par ne plus réagir. C'est cette impossibilité de réaction que l'on appelle la fatigue.

Les nerfs ne paraissent pas exposés à la fatigue. Plusieurs expériences tendent à le montrer.

[ocr errors]

Expérience sur un nerf anélectrotonisé. On prépare les deux nerfs sciatiques Set S' d'une grenouille et on les excite par un courant induit tétanisant. Mais, par application d'un courant continu ascendant, on met l'un de ces nerfs S', dans la partie voisine du muscle, en état anélectrotonique; l'excitation induite ne peut par suite franchir cette région anélectrotonisée, et le muscle gastrocnémien ne se contracte pas. Quand le muscle correspondant au nerf S cesse de réagir, si on supprime le courant polarisant, le muscle correspondant au nerf S' entre immédiatement en contraction. On peut faire durer cette expérience plusieurs heures. Excitation prolongée d'un nerf moteur sur un animal curarisé. injecte du curare 1 à un animal (chien ou chat) et, après avoir établi la respiration artificielle, on tétanise un de ses nerfs sciatiques pendant plusieurs

1

On

1. Le curare, avec quoi les Indiens de l'Amérique méridionale empoisonnaient leurs flèches, est un extrait de diverses plantes du genre Strychnos. Claude Bernard a fait de cette substance un précieux moyen d'analyse physiologique; elle supprime en effet les mouvements des muscles striés sans agir, à doses modérées, sur le cœur ni sur la circulation, ni sur les sécrétions.

heures; les muscles curarisés ne peuvent se contracter. Peu à peu l'animal élimine le poison, et à ce moment, malgré que le nerf ait été longtemps excité sans interruption, les contractions se produisent. Excitation prolongée de la corde du tympan. · On peut exciter pendant des heures la corde du tympan sans que l'écoulement de la glande sousmaxillaire cesse de se produire.

L'importance de ces expériences est sans contredit diminuée par les faits que nous avons signalés plus haut concernant l'usure respiratoire des nerfs. D'ailleurs, on a constaté que les nerfs moteurs des Mollusques céphalopodes ne sont nullement infatigables. Il semble donc difficile aujourd'hui d'assimiler, comme on le faisait, le nerf à un fil télégraphique qui ne dépense aucune énergie propre. On doit admettre cependant que la fatigue de cet élément ne se manifeste qu'avec une grande lenteur.

[blocks in formation]

L'excitation, appliquée en un point du nerf, se transmet jusqu'à l'organe périphérique et en provoque l'action. Cette transmission de l'excitation, c'est la conductibilité. Suivant les nerfs, elle se fait dans le sens centripète ou centrifuge. Mais nous verrons que, quand le nerf est excité artificiellement, la transmission a lieu dans les deux sens.

1° Distinction de la conductibilité et de l'excitabilité.

Ces deux propriétés se confondent-elles ou au contraire sont-elles distinctes?

Voici quelques faits sur lesquels on s'est fondé pour admettre que ces deux propriétés sont différentes l'une de l'autre.

On dispose le nerf d'une patte galvanoscopique dans un tube de verre formant chambre à gaz, de façon qu'il y soit soumis à l'action d'un courant d'acide carbonique allant de A en B (fig. 262); dans cette condition, l'excitation du nerf sciatique en S' n'est suivie d'aucun effet, tandis que l'excitation au point S, c'est-à-dire en amont de la région qui reçoit l'action de l'anhydride carbonique, provoque une contraction musculaire. La conductibilité du nerf paraît donc conservée, alors que son excitabilité a été supprimée.

L'oxyde de carbone a le même effet.

D'ailleurs, Duchenne (de Boulogne) a autrefois démontré (1849) que, chez l'homme, les nerfs des organes paralysés (dans les cas de paralysie saturnine ou par lésions traumatiques des nerfs) ne sont plus sensibles aux

1. Voy. p. 388.

« AnteriorContinuar »