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Ainsi la caséine contient deux fois moins d'azote, sous la forme de diamine, que l'ovalbumine. La gélatine ne contient qu'une minime quantité d'azote amidé. On peut se demander s'il n'y aurait pas dans ces faits des indications importantes sur la valeur alimentaire des différentes matières protéiques. La gélatine, par exemple, ne peut jamais suppléer qu'une fraction de l'albumine alimentaire; la caséine se digère plus facilement que l'ovalbumine. Cependant, on a récemment contesté qu'il y eût aucune relation entre le mode de liaison de l'azote dans une matière protéique et son aptitude à être assimilée. La question doit encore être étudiée.

On vient de voir que les matières protéiques contiennent deux grands groupements, acides monoaminés et acides diaminés (avec l'arginine). Mais il existe dans cette molécule d'autres groupements importants, par exemple le groupement générateur d'ammoniaque et celui qui contient le soufre (les protamines ne contiennent pas de soufre), un groupement hydrate de carbone 2, des noyaux hétérocycliques (du groupe pyrrolique, comme la proline, et du groupe indolique, comme le tryptophane). On s'est occupé et l'on s'occupe encore de déterminer la place et l'importance respectives de ces divers groupements dans la molécule. On n'a résumé ici que les faits les plus solidement établis.

C. Propriétés générales des matières protéiques. a. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES. - Voyons d'abord leurs propriétés physiques. Ce sont des substances colloïdes, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent traverser les membranes animales humides ou le parchemin, à l'inverse des éristalloides (solutions salines, par exemple). Parmi ces substances, il en est quelques-unes cependant qui sont dialysables; telles sont les peptones qui ont la propriété de traverser une membrane de parchemin pour se répandre dans l'eau distillée qui baigne l'autre face de la membrane. Ceci prouve que les peptones sont des produits de décomposition des matières albuminoïdės, beaucoup plus simples que celles-ci.

Les matières protéiques, comme les colloïdes en général, sont incristallisables. On sait pourtant que cette règle n'est pas absolue et que beau

1. Le soufré paraît être combiné dans la molécule d'albumine sous plusieurs formes, sous trois formes, d'après Mörner.

2. Ce groupe hydrate de carbone manque à la caséine et à l'édestine, matière albuminoïde des semences du chanvre, tandis qu'il entre pour plus de 10 p. 100 dans l'ovalbumine.

GLEY. Physiologie.

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coup de substances peuvent exister sous les deux états, cristalloïde et colloïde. Ainsi lâ silice et l'alumine qui se trouvent dans la nature à l'état cristallisé (quartz, rubis), sont connues aussi sous la forme de solutions colloïdales. Pendant longtemps les matières albuminoïdes n'ont été connues qu'à l'état de colloïdes, exception faite pour la seule oxyhemoglobine. Puis on a trouvé dans les tissus végétaux des matières albuminoïdes cristallisées, les cristaux d'aleurone, microscopiquement constatés dans les semences et les tubercules de diverses plantes et qui sont constitués par une globuline, puis on a obtenu une autre globuline végétale cristallisée, l'édestine, extraite des semences du chanvre, et, enfin, on a pu, par des artifices de laboratoire, faire cristalliser plusieurs albuminoïdes naturelles, la sérumalbumine, l'ovalbumine; on a aussi préparé de la fibrine eristallisée.

Les matières protéiques dévient la lumière polarisée à gauche. Cependant, A. Gamgee1 a découvert que l'hémoglobine est dextrogyre, ayant un pouvoir rotatoire [×]= + 10°,4; et, d'autre part, en collaboration avec le physiologiste américain Walter Jones, il a montré que les nucléoprotéides extraits du pancréas, des capsules surrénales et du thymus sont également dextrogyres, ayant un pouvoir rotatoire variant de [ά] ±+ 37o,58 å [x] = 97,9 (nucléoprotéide du pancréas). En conséquence, A. Gamgee et W. Jones se sont demandé si tous les nucléoprotéides et les nucléines qui en dérivent ne formeraient pas une classe de substances protéiques dextrogyres.

b. PROPRIÉTÉS CHIMIQUES. Parmi les propriétés chimiques des matières protéiques, il faut signaler les principales réactions de coloration et de précipitation, employées par les physiologistes.

1. Réactions de coloration. — Réaction xanthoproteique. — Sous l'influence de l'acide azotique à froid, et mieux à l'ébullition, les substances albuminoïdes ou leurs solutions se colorent en jaune-serin clair. Si l'on ajoute de l'ammoniaque jusqu'à réaction alcaline, la coloration devient jaune orangé foncé. Cette réaction serait due aux groupes phénylés des matières protéiques.

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Réaction du biuret. Les substances albuminoïdes ou leurs solutions, en présence d'un excès d'alcali (potasse ou soude caustique) et d'une très petite quantité de solution de sulfate de cuivre, se colorent en violet ou en rose, suivant la nature de la substance. Cette réaction est extrêmement sensible. On l'a appelée réaction du biuret, parce que ce corps, qui est un produit de condensation de l'urée, donne cette même réaction. On ne sait pas à quel groupement elle est due, peut-être à un complexe aspartique ou glycocollique.

Réaction de Millon. Le réactif de Millon est une solution de nitrate de mercure dans l'acide nitrique nitreux; il donne lieu, dans les solutions de substances albuminoïdes, à un précipité blanc. Ce précipité se colore rapidement en rouge-brique par l'ébullition. Cette réaction est due à la pré

1. Ancien professeur de physiologie à l'Université d'Edimboufg (1841-1909)

sence du noyau aromatique de la tyrosine; elle se produit en effet avec la tyrosine.

2. Réactions de précipitation. — Coagulation par la chaleur. — A l'exception des peptones, la plupart des matières protéiques sont coagulables par la chaleur, de 53a à 100o, suivant la substance. Ce phénomène est une précipitation, c'est-à-dire un passage à l'état solide, mais accompagnée d'un changement d'état du corps, tel que ce corps ne peut plus se redissoudre. Précipitation par l'alcool, par les acides minéraux, par les sels, etc. L'alcool précipite les matières protéiques. La plupart des acides minéraux et quelques acides organiques, comme l'acide acétique en présence du ferrocyanure de potassium (réaction très sensible), l'acide trichloracétique, etc., font de même. Les solutions saturées de sulfate d'ammoniaque ou de sulfate de magnésie les précipitent également (sauf les peptones). Le réactif de Tanret (acide acétique, iodure de potassium, bichlorure de mercure et eau) les précipite aussi; le précipité est insoluble dans l'alcool, tandis que le précipité que donne le réactif de Tanret avec les alcaloïdes est soluble dans l'alcool.

Il convient maintenant de passer en revue les différents groupes de matières protéiques qui ont été distingués p. 28.

D. Matières albuminoïdes naturelles. Ce sont les albumines et les globulines.

Les albumines sont solubles dans l'eau distillée, les globulines y sont insolubles et sont solubles dans les solutions étendues de sels neutres (à 1 p. 100, par exemple), comme le chlorure de sodium; le sulfate de magnésie dissous à saturation précipite totalement les globulines à la température ordinaire, tandis qu'il ne précipite pas les albumines.

Ces substances se trouvent en grande quantité dans l'organisme, en particulier dans le sang, dans le lait, dans les muscles.

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GROUPE DES HISTONES. On peut rapprocher des globulines ces corps, dont l'importance est très grande, mais dont l'étude est loin d'être terminée.

Les histones possèdent les propriétés générales des globulines. Deux caractères principaux les distinguent, d'après Kossel, des autres matières albuminoïdes naturelles : leur teneur élevée en bases hexoniques (arginine surtout) et la propriété basique de leur molécule globale. Ce sont en effet des albuminoïdes basiques. L'histone en solution neutre (celle que Kossel a isolée des globules rouges de l'oie) n'est pas coagulable par la chaleur, précipite par l'ammoniaque, le précipité étant insoluble dans un excès de réactif, et enfin précipite par l'acide nitrique, le précipité se dissolvant à chaud et reparaissant par le refroidissement. Mais d'autres histones ont été isolées, du thymus, des ganglions lymphatiques, de la rate, de l'hémoglobine du cheval et du chien, qui ne présentent pas toutes ces propriétés; il en est qui sont coagulables par la chaleur, vers 60o par exemple, qui

sont précipitées par les alcalis, tels que la soude, mais le précipité est soluble dans un excès de réactif.

Il existe donc, selon toutes probabilités, différentes histones. La globine de l'hémoglobine, que l'on a longtemps considérée comme une globuline, serait une histone. L'histone des leucocytes aurait la propriété, injectée dans les vaisseaux, de retarder ou d'empêcher la coagulation du sang. Ainsi, certaines histones, par cette remarquable propriété physiologique, se rattacheraient aux albumoses. L'attention se porte donc justement sur ces corps.

E. Protéides. La matière protéique est ici unie à une autre substance organique non protéique. Il y a trois grands groupes de protéides les glyco-proteides, les nucléo-protéides et les chromo-proteides.

a. GLYCO-PROTÉIDES. - Composés résultant de la combinaison d'une albuminoïde avec un groupement hydrate de carbone. Telle est la mucine qui, traitée par les acides à l'ébullition, donne un corps réduisant la liqueur de Fehling; ce corps réducteur est un hydrate de carbone, la glycosamine, C6H1105.AzH2. Telles sont aussi l'ovomucoïde, un des constituants de l'albumine de l'œuf de poule, la substance chondrogène des cartilages, etc.

Les mucines sont insolubles dans l'eau; elles se dissolvent dans les alcalis dilués; leurs solutions sont filantes. L'acide acétique les précipite; le précipité est insoluble dans un excés d'acide. L'acide chlorhydrique et l'acide azotique les précipitent également, mais le précipité est soluble dans un excès d'acide; à cet égard elles se comportent donc comme les matières albuminoïdes proprement dites.

On trouve la mucine dans le tissu conjonctif, dans les tendons et dans plusieurs liquides de l'organisme, le mucus nasal, la salive, le suc gastrique. Il y a dans la bile du bœuf un corps analogue, mais qui n'est pas une vraie mucine; c'est une pseudo-mucine, car, traitée par les acides bouillants, elle ne donne pas de substance réductrice; la bile humaine contient au contraire une mucine vraie. b. NUCLEO-PROTÉIDES. Ce sont des corps formés par la combinaison d'une albuminoïde avec une nucléine, composé organique phosphoré.

Il y a lieu de distinguer les nucléo-protéides vrais des nucléo-albumines, corps formés sur le même type, mais dont les produits de dédoublement sont différents.

En effet, les nucléo-protéides, hydrolysés par digestion chlorhydropepsique, donnent des protéoses solubles et laissent un résidu insoluble de nucléine, corps azoté et phosphoré celle-ci, hydrolysée à son tour par

l'action des acides minéraux dilués et bouillants, se dédouble en une substance protéique et en acide nucléinique; et enfin celui-ci, traité encore par les acides dilués, se dédouble en bases nucléiniques ou bases xanthiques ou alloxuriques (adénine, guanine, xanthine, hypoxanthine), et bases pyrimidiques (uracile, thymine, cytosine) et en acide phosphorique. Les nucléo-albumines, soumises à la digestion pepsique, fournissent des protéoses solubles et laissent un résidu de pseudo-nucléine (Hammarsten), dite aussi paranucléine (Kossel)1. Les paranucléines, comme les nucléines, se décomposent en albumines et en acides paranucléiques; mais ceux-ci ne donnent jamais naissance par leur dédoublement à des bases alloxuriques; ils ne laissent qu'un résidu d'acide phosphorique; les autres produits de décomposition ne sont pas encore bien étudiés. La caséine, principale matière albuminoïde du lait, est le type des nucléo-albumines. On peut représenter schématiquement de la façon suivante la série des décompositions que subissent les nucléo-protéides :

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Acide

phosphorique

Bases Bases Hydrates de carbone nucléiniques pyrimidiques (pentoses, hexoses) ou alloxuriques

Les nucléo-protéides présentent la plupart des réactions des globulines. Ils sont insolubles dans l'eau et dans l'alcool; ils se dissolvent dans les alcalis dilués ou les sels alcalins (carbonates, phosphates). En solutions neutres ils sont coagulés par la chaleur. Cette dernière propriété n'appar tient pas aux nucléo-albumines; et c'est pour cette raison que le lait, porté à l'ébullition, ne se coagule pas (incoagulabilité de la caséine, qui est une nucléo-albumine, par la chaleur).

Les nucléo-protéides forment la matière principale des noyaux des cellules; la chromatine des histologistes est sans doute une nucléine; on les trouve donc dans tous les tissus. Ils y jouent

1. Les paranucléines et les nucléines sont donc elles-mêmes des protéides, puisqu'elles sont constituées par une matière albuminoïde unie à un autre groupement. Elles présentent les réactions de coloration des matières albuminoïdes. Elles contiennent du soufre et du phosphore. Les acides qui en dérivent ne contiennent que du phosphore, environ 10 p. 100, tandis que les nucléines n'en contiennent que 3 à 4 p. 100. Ces acides nucléiniques et paranucléiniques sont des corps très complexes; ainsi, quand on les attaque par les acides étendus bouillants (hydrolyse acide), ils fournissent, outre les composés énumérés ci-dessus, divers hydrates de carbone. C'est là un fait physiologiquement très intéressant. Quant aux bases qui dérivent des acides nucléiniques, leur importance physiologique est également très grande, à cause des relations constatées entre elles et l'acide urique. Les bases xanthiques et l'acide urique proviennent en eTet d'une combinaison hypothétique, la purine (E. Fischer), groupement commun à tous ces corps. Nous verrons quels sont ces rapports entre les bases puriques et l'acide urique, quand nous étudierons ce dernier.

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