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physiologistes allemands, Fuld et Spiro, d'une part, et Morawitz 1, d'autre part, et du physiologiste belge Nolf, doivent être considérées comme étant encore à l'étude. Il est permis de remarquer que le fait, qu'une action donnée favorise ou empêche un processus tel que la coagulation, ne suffit pas à démontrer par lui seul l'existence de la substance hypothétique à laquelle on s'est empressé d'attribuer la dite action.

Deux autres conditions sont à examiner ; l'une est relative à l'état des leucocytes, l'autre à l'état du foie.

3o On a prétendu lierla genèse de la plasmase dans le sang à la destruction des globules blancs (Mantegazza, Al. Schmidt et son école). Or, c'est une erreur de croire que ceux-ci, hors des vaisseaux, se désagrègent rapidement; la coagulation se fait bien avant leur désagrégation; et l'on peut constater par l'examen microscopique qu'ils conservent au contraire longtemps leurs propriétés. Il n'y a donc pas de relation nécessaire entre la mort des globules blancs et l'apparition de la plasmase; c'est d'une sécrétion et d'une excrétion du ferment qu'il s'agit (Löwit 2, 1882, 1899, A. Dastre et ses élèves, 1903). Cette sécrétion se ferait surtout sous l'influence d'excitations mécaniques (contact des globules avec des corps étrangers, frottements, etc.).

4o De l'intégrité du foie parait dépendre la quantité de fibrinogène nécessaire pour que la coagulation se fasse normalement. Nous avons présenté quelques faits concernant cette question p. 326.

On sait

POURQUOI LE SANG NE SE COAGULE PAS DANS LES VAISSEAUX. que le sang, dans les vaisseaux, ne se coagule pas (voy. p. 324). La raison en est que dans cette condition il ne se forme pas de plasmase. Si, dans l'expérience de la jugulaire du cheval (p. 325), au sang demeuré liquide on ajoute quelques gouttes d'une solution de ferment, ce sang se coagule rapidement (L. Fredericq). D'ailleurs, par injection intraveineuse de plasmase à dose massive, on peut déterminer des coagulations telles dans les vaisseaux, qu'il y a arrêt de la circulation et mort (Al. Schmidt).

SUBSTANCES ANTICOAGULANTES. - Il y a un grand nombre de substances qui empêchent la coagulation du sang. On peut les diviser en substances anticoagulantes directes, c'est-à-dire qui agissent directement sur le sang, qui mettent obstacle à sa coagulation in vitro, et en substances anticoagulantes indirectes, qui ne rendent le sang incoagulable que si on les injecte dans les vaisseaux de l'animal vivant.

Parmi les premières on connait les solutions concentrées de sels neutres (chlorure de sodium, sulfate de soude, sulfate de magnésie), les solutions concentrées de sucre et de gomme, les décalcifiants (oxalates neutres d'alcalis, savons alcalins [voy. p. 218 et 241]) et les fluorures alcalins. On con

1. Elles sont très bien exposées dans une étude de Morawitz sur la coagulation du sang, in Ergebnisse der Physiol., t. IV, 1905.

2. Löwit avait qualifié ce phénomène de plasmoschise (de plasma et oyios, séparation; séparation du protoplasma cellulaire). Par la suite, Lilienfeld, qui a fait provenir les substances coagulantes du noyau cellulaire, a appelé le phénomène caryoschise (de zipov, noyau, et i;).

naît déjà le mode d'action des décalcifiants (voy. p. 350). Quant aux sels neutres, aux solutions sucrées et aux fluorures, ils empêchent sans doute la sortie des produits leucocytaires. — Il faut ajouter à toutes ces substances l'extrait de têtes de sangsues 1 (J. B. Haycraft, 1884).

Les substances anticoagulantes indirectes sont des plus diverses : extrait de têtes de sangsues (qui agit in vivo comme in vitro), extraits d'organes, extraits d'animaux entiers, tels que moules ou vers de terre, histone provenant des leucocytes (L. Lilienfeld, 1892), sérum de quelques animaux (comme le sérum d'anguille), lait, diastases diverses, plusieurs venins, plusieurs toxines microbiennes et d'abord et surtout les albumoses (pour l'action de celles-ci, voy. p. 216). - C'est spécialement de ces dernières que l'on s'est servi pour étudier le mode d'action de tous ces corps. L'inection intraveineuse très rapide d'une solution d'albumoses détermine la formation dans l'organisme d'une substance qui rend le sang incoagulable. L'adjonction d'une petite quantité de ce sang ou de son plasma à du sang normal provenant d'un autre animal empêche en effet la coagulation de ce sang normal. Cette substance se forme dans les intestins et dans le foie (Ch. Contejean 2, 1895), dans le foie (E. Gley et V. Pachon, 1895); quand ce dernier organe a été préalablement détruit ou extirpé, les injections d'albumoses restent sans effet (expériences de Gley et Pachon, 1895-1896). On a réalisé la contre-épreuve de ces expériences en pratiquant dans le foie isolé une circulation artificielle avec du sang chargé de propeptone; on peut recueillir par les veines sus-hépatiques un liquide qui possède un fort pouvoir anticoagulant (C. Delezenne, 1896). Les mêmes circulations artificielles, pratiquées dans d'autres organes (reins, intestin, etc.), ne donnent rien de semblable. On a supposé que la substance qui se forme dans le foie sous l'action des albumoses met obstacle à la coagulation du sang en empêchant la formation de la plasmase. En réalité, elle agit à la manière d'un antiferment, c'est une antiplasmase (L. Camus et E. Gley) qui s'oppose à l'action de la plasmase.

Les autres substances anticoagulantes indirectes paraissent agir également sur le foie à la manière des albumoses. Du moins la preuve en a été fournie pour plusieurs d'entre elles.

Il est intéressant de faire remarquer que toutes ces recherches ont établi la réalité d'une fonction du foie inconnue jusqu'alors, la fonction anticoagulante. Rappelons à ce sujet que l'on savait depuis longtemps (Lehmann, 1850; Cl. Bernard, 1855) que le sang des veines sus-hépatiques est naturellement moins coagulable que celui des autres vaisseaux3. Et il n'est pas sans intérêt non plus de rapprocher ces faits de ceux qui ont montré,

1. D'autres animaux suceurs de sang, tels que les Ixodes ou Tiques (Ixodes ricinus), sécrètent aussi une substance anticoagulante in vitro et in vivo. L'extrait d'ixodes est très anticoagulant (L. Sabbatani, 1899)..

2. Ch. Contejean (1866-1897), physiologiste français, a laissé d'excellents travaux sur la sécrétion gastrique, sur la contraction cardiaque, sur les fonctions du cerveau, sur la coagulabilité du sang, etc.

3. Dans des expériences poursuivies méthodiquement sur 25 chiens M. Doyon (1906), avec ses collaborateurs Cl. Gautier et N. Kareff, a toujours trouvé, sauf sur trois ou quatre de ces animaux, que le sang sus-hépatique se coagule plus lentement que le sang artériel.

d'autre part, que le foie, en tant qu'organe formateur du fibrinogène (voy. p. 326), assure la coagulabilité normale du sang.

D. Nature de la coagulation. Comment du fibrinogène la fibrine est-elle engendrée? On sait (voy. p. 326) que le poids de fibrine formée est toujours inférieur au poids de la matière génératrice. De là l'idée que la fibrine résulterait d'un dédoublement du fibrinogène s'opérant par l'action de la plasmase. Après la coagulation, il resterait en effet en dissolution dans le plasma une globuline, différente de la sérumglobuline, puisqu'elle coagule à 64°; c'est la fibrino-globuline. Sur ce point une réserve nécessaire a été faite plus haut (voy. p. 326). Cette scission du fibrinogène serait le résultat d'une action diastasique (voy. ce qui a été dit à ce sujet p. 349).

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Une tout autre conception de la nature du processus coagulant s'est fait jour (théorie de Nolf, 1908). On part de ce fait, démontré par le physiologiste anglais Wooldridge dès 1886, que tous les plasmas naturels sont spontanément coagulable. S'il en est ainsi, le plasma contient donc tous les facteurs de la coagulation. Ceux-ci, de nature colloïdale, se ramènent à trois, le fibrinogène et le thrombogène (dont il a été dit p. 350 quelques mots), colloïdes d'origine hépatique, et le thrombozyme, colloïde d'origine leucocytaire (c'est la thrombokinase de Morawitz), qui se maintiennent en équilibre au contact des parois vasculaires, à condition que ces parois ne soient pas altérées; mais c'est un équilibre instable; différents agents, contact du verre, corps étrangers, substances colloïdes extraites des tissus, etc., le rompent aisément (agents thromboplastiques). L'équilibre rompu, les trois colloïdes s'unissent en donnant des produits d'addition, dont une partie se précipite sous forme de fibrine. Dans le sang des Poissons le seul produit de la coagulation serait la fibrine, la formation de celle-ci étant accompagnée de la disparition totale de la thrombozyme et du fibrinogène et presque totale du thrombogène (Nolf, 1909); la coagulation se présente donc bien ici comme le résultat de l'union de trois colloïdes solubles en un complexe insoluble, la fibrine, union pour laquelle il faut des sels solubles de chaux; et, puisqu'elle consomme les colloïdes qui réagissent, elle ne peut être un phénomène · catalytique.

1. Il est curieux de remarquer que l'on revient ainsi à l'ancienne conception de Denis, pour qui la plasmine (il avait appelé ainsi la substance qu'il considérait comme la substance mère de la fibrine), dans la coagulation, se dédouble en fibrine concrète (c'est la fibrine typique) et en fibrine dissoute (il avait ainsi appelé une matière albuminoïde qu'il retrouvait dans le sérum). En réalité, la plasmine de Denis, telle qu'il la préparait, n'était pas une espèce chimique; c'était un mélange de fibrinogène et de sérumglobutine (L. Fredericq). Armand Gautier n'en a pas moins eu raison de dire que les travaux de Denis sont restés à la base de nos connaissances chimiques sur la coagulation du sang.

GLEY.

Physiologie,

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La coagulation du sang ne serait par conséquent qu'une précipitation réciproque de colloïdes. Une explication physique remplacerait l'explication chimique du phénomène.

E. Rôle de la coagulation. La coagulation du sang est le moyen par lequel s'arrêtent naturellement les hémorragies accidentelles des capillaires, des veines et même des artérioles. C'est donc un mode de défense de l'organisme. Chez les hémophiliques (malades dont le sang se coagule avec difficulté ou même a perdu sa coagulabilité), la moindre hémorragie peut être mortelle.

On voit combien la question de la coagulation du sang est compliquée et combien de problèmes intéressants elle pose au physiologiste. C'est quasi le type du problème physiologique, à facteurs multiples, à conditions complexes. Et c'est pourquoi il a fallu, pour le débrouiller d'abord, puis pour le résoudre, les efforts de tant de chercheurs, dont quelques-uns, comme Al. Schmidt, y ont consacré presque toute leur existence scientifique. Encore la solution ne peut-elle passer pour définitive; la somme des acquisitions l'emporte toutefois sur celle des incertitudes.

II. LA CIRCULATION DU SANG.

La circulation du sang consiste dans le mouvement continuel de ce liquide dans un réservoir circulaire en forme de canaux ramifiés (appareil circulatoire). Cet appareil, considéré dans son ensemble, forme essentiellement une série de tubes (fig. 41), à propriétés et à fonctions différentes. Ce sont : 1o le cœur, réservoir musculaire (muscle creux [Bichat]), divisé en quatre cavités (chez l'homme, mais bien plus simple chez les animaux moins élevés). Primitivement il forme, lui aussi, un tube cylindrique qui, pendant la vie embryonnaire, se tord et se cloisonne de façon à donner les oreillettes et les ventricules; 2o les artères, système de canaux ramifiés en forme d'arbre, remarquables au premier abord par l'épaisseur de leurs parois (fig. 41, a); — 3o les reines, autre système ramifié, comme celui qui constitue les artères, mais se distinguant de ces dernières par la minceur relative et la flaccidité de leurs parois (fig. 41, p); — 4o entre ces deux systèmes, le système capillaire (qui nait des artères et aboutti aux veines), ensemble de vaisseaux très fins disposés en réseau fig. 41, CP), dont les plus étroits ont généralement le diamètre des globules sanguins; leur calibre est même quelquefois moindre, mais

les globules étant élastiques peuvent s'allonger et s'amincir pour traverser des canaux plus fins qu'eux (voy. p. 301).

On voit qu'en somme on peut diviser l'ensemble de ce cercle (fig. 42) en un organe central, le cœur, et une série d'organes périphériques, les vaisseaux (ar

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tères, capillaires, veines). Il y a deux cercles semblables, celui de la circulation générale ou grande circulation, et celui de la circulation pulmonaire ou petite circulation (fig. 42).

Le sang circule dans le système des vaisseaux, parce qu'à l'origine de ce système (origine de l'aorte ou de l'artère pulmonaire) se trouve une des cavités du cœur, dont les parois contractiles, par leurs mouvements, y provoquent de continuelles variations de pression, cause nécessaire et suffisante pour produire le courant circulatoire et en maintenir la constance.

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- Type de l'appareil circulatoire schématisé.

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En effet, le sang circule par suite de l'inégalité de pression dans les différentes parties du système vasculaire ; et le cœur, dans son ensemble (oreillettes et ventricules), a pour fonction de produire et maintenir cette inégalité de pression, qui, des artères, où la pression est forte, fait passer le sang dans les veines, où elle est de plus en plus faible.

(sans la circulation pulmonaire); comparer avec la figure 42. - CR, cœur, ventricule; o, oreillette; s, s, valvules; a, artères; CP, capillaires;

On n'a représenté que la grande circulation

p, veine. Les flèches indiquent le sens dans lequel circule le liquide.

Les anciens n'avaient que des notions fausses et incomplètes sur la circulation. Galien fait du foie l'organe formateur du sang; il croit que, parti du foie, le sang se répand dans la partie inférieure du corps par la veine cave inférieure, dans la partie supérieure par la veine cave supérieure ; une portion de ce dernier sang arrive au cœur, et, filtrant à travers la cloison interventriculaire, y acquiert des propriétés nouvelles pour circuler dans les artères sous le nom d'esprits vitaux. Galien ne soupçonnait donc pas la circulation pulmonaire.

Michel Servet 1a, en 1553, ainsi que Colombo, en 1559, indiquèrent pour

1a. Michel Servet (1509-1553). C'est dans un livre de théologie (Christianismi restitutio, etc.) que Servet parle de la circulation pulmonaire. Servet, espagnol

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