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mitrale et de la tricuspide sont diagnostiquées justement par ces altérations. Mais, si les deux bruits avaient exactement la même et unique cause, ils auraient le même timbre, ce qui n'est pas; - et, d'autre part, sur le cœur extrait de l'animal, continuant à battre vide de sang, la systole ventriculaire s'accompagne encore d'un bruit sourd; dans ce cas, les valvules ne sont plus tendues, puisque le cœur est vide de sang ; — et, enfin, l'introduction par l'oreillette droite d'un instrument écarteur des valvules (qui empêche leur fermeture) laisse au premier bruit à peu près tous ses caractères. Si donc la production de ce bruit dépend en partie de la fermeture des valvules (comme suffisent à le prouver ses modifications dans les cas d'altérations de celles-ci), elle dépend aussi et davantage d'une autre cause. D'après ce que l'on vient de voir de la persistance du premier bruit sur le cœur vide de sang, cette cause ne peut être que la contraction des ventricules. Toute contraction musculaire produit en effet un bruit (bruit rotatoire).

Le premier bruit, résultant à la fois de la tension des valvules et de la tension des parois ventriculaires elles-mêmes, est donc un mélange de son musculaire grave et de son valvulaire plus aigu. De là les différences entre les deux bruits du cœur.

Le rythme des bruits du cœur est le suivant :

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ce que l'on peut représenter par la notation ci-dessous :

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Moment de la production des bruits du cœur. Comment fixer le moment exact où se produisent les bruits du cœur et leur correspondance avec les divers phénomènes de la révolution cardiaque?

On a dans ce but employé plusieurs méthodes: l'auscultation associée à la palpation du cœur à nu; l'auscultation associée à l'inscription graphique de la pulsation cardiaque; l'inscription électrique des bruits du cœur associée à l'inscription graphique de la pulsation cardiaque. Mais la méthode la plus parfaite est la combinaison de l'inscription électrique des phénomènes valvulaires, dont dépendent les bruits du cœur, avec l'inscription des tracés de pression intraventriculaire (Chauveau, 1894). Des signaux électriques sont mis en action par un ressort-contact qui, porté, à l'aide d'une sonde spéciale, dans le coeur même au niveau des valvules, ferme ou ouvre le courant sous l'influence de la fermeture ou de l'ouverture des valvules. On obtient ainsi des tracés du type de ceux des figures 60 e 61, représentant le jeu respectif des valvules auriculo-ventri

culaires et des valvules sigmoïdes en correspondance avec les mouvements intérieurs du sang dans le cœur.

On voit nettement que le premier bruit (fermeture des valvules auriculo-ventriculaires) est isochrone à la phase de début de la systole ventriculaire et se produit pendant la première partie de la brusque ascension de la courbe des pressions intraventriculaires. Le second bruit (fermeture des valvules sigmoïdes) correspond juste au moment où le ventricule se relâche, c'est-à-dire au début de la diastole ventriculaire. Aussi bien, on dit que le premier bruit est systolique et le second bruit diastolique.

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Fig. 60. Jeu de la valvule tricuspide (d'après Chauveau).

PV, tracé des variations de pression dans le ventricule droit; - S, tracé du signal électrique ndiquant le jeu de la valvule.

Le courant se ferme sous l'influence de la fermeture de la valvule.

Ces bruits, exactement connus dans leur correspondance avec les phénomènes de la révolution cardiaque, peuvent dès lors servir

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Fig. 61. Jeu des sigmoïdes aortiques (d'après Chauveau).

PV, tracé des variations de pression dans le ventricule gauche ; S, tracé du signal électrique indiquant le jeu des sigmoïdes.

Le courant est fermé par la fermeture des valvules.

de repère aux cliniciens pour l'étude de cette révolution, à l'état pathologique.

D. Travail du cœur. Le cœur fait circuler le sang, c'est-à-dire fait parcourir un chemin à une masse; il accomplit donc un travail.

Par définition, un travail mécanique est représenté par le produit d'une force par le chemin parcouru ou d'une charge par la hauteur à laquelle elle a été soulevée. Soit P la charge, H la hauteur de soulèvement, le produit PH représente le travail effectué dans un temps considéré T. Le problème du travail du cœur consiste donc à rechercher la valeur de la charge soulevée et celle de la hauteur de soulèvement. A vrai dire, une remarque doit être faite au sujet du second terme. Le problème, tel qu'il est ainsi posé, se rapporte à une forme de travail dit travail moteur. Dans le cas du cœur, il s'agit d'un travail résistant. Ce qui signifie qu'il ne s'agit point pour le cœur de soulever une charge à une certaine hauteur, mais de faire vaincre par cette charge une certaine résistance. Le travail mécanique est alors représenté par le produit de la charge par la résistance à vaincre. Quelle est donc pour le cœur la charge à soulever? et quelle est la résistance qu'il a à vaincre?

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a. ÉVALUATION DU TRAVAIL DU COEUR. La charge à soulever est évidemment représentée par l'ondée sanguine lancée dans les artères à chaque systole ventriculaire et la résistance à vaincre est représentée par la pression artérielle qui tient closes les sigmoïdes et contre laquelle le cœur doit lutter pour ouvrir ces valvules et faire pénétrer le sang dans l'aorte. Le sang ventriculaire, on l'a vu, réussit à passer soit dans l'aorte, soit dans l'artère pulmonaire, mais seulement lorsque les cavités ventriculaires gauche et droite ont soumis le sang qu'elles renferment à une pression, pour le moins un peu supérieure à celle qui règne à l'origine des deux systèmes artériels. Le problème du travail du cœur consiste donc à déterminer, d'une part, la valeur de l'ondée systolique ventriculaire, c'est-à-dire du débit cardiaque, et, d'autre part, la valeur des tensions artérielles aortique et pulmonaire.

La détermination du débit ventriculaire est chose très délicate.

On avait cru pouvoir y réussir, soit en pesant comparativement le cœur à l'état de vacuité et à l'état de réplétion, soit en évaluant le volume des cavités cardiaques remplies avec une masse solidifiable. Mais les résultats obtenus varient avec la pression sous laquelle se fait la réplétion; et, d'autre part, il est démontré que les ventricules ne se vident pas complètement dans la systole. Les chiffres que l'emploi de ces méthodes a donnés sont beaucoup trop forts. La méthode la plus exacte consiste à enregistrer directement le débit du cœur (R. Tigerstedt 1, 1891); le cours du sang est endigué dans l'aorte. seule ou prolongée par une de ses branches principales, les collatérales ayant été liées; puis on interpose sur son passage un compteur approprié.

Par cette méthode on est arrivé à des résultats précis sur les animaux. Étendus à l'homme, ils donnent pour le débit de chaque ventricule une valeur moyenne de 60 grammes par systole.

1. Physiologiste finlandais contemporain, professeur à l'Université de Helsingfors.

La détermination des tensions aortique et pulmonaire, faite par les méthodes manométriques qui seront décrites à propos de la circulation dans les artères, conduit à admettre, chez l'homme, les valeurs moyennes suivantes : 15 centimètres Hg pour l'aorte et 5 centimètres pour l'artère pulmonaire. Le calcul du travail du cœur donne done : Pour le ventricule gauche 60 × 2 (1) 120 grammètres ;

Pour le ventricule droit le tiers de cette valeur (5 étant le tiers de 15), soit 40 grammètres, en ne tenant pas compte de la vitesse du sang (0,50 à la seconde, à l'origine de l'aorte), facteur relativement négligeable. La somme du travail du cœur est donc égale à 120+40, soit à 160 grammètres; et il vient :

Pour une minute 160 × 70 (2)=11 kilogrammètres 200;
Pour une heure 11 200 × 60=672 kilogrammètres;

Pour vingt-quatre heures 672 × 24= 16 128 kilogrammètres. L'équivalent mécanique de la chaleur étant de 425 kilogrammètres, ces 16 128 kilogrammètres représentent

chiffres ronds.

16 128

425

38 calories, en

b. ORIGINE ET DESTINATION DE L'ÉNERGIE MÉCANIQUE DU COEUR. Quelle est la source de ce travail que nous venons d'évaluer? et, d'autre part, sous quelle forme reparaît-il ultérieurement?

Pour résoudre la première question on a recours à la méthode des circulations artificielles dont le principe a déjà été donné p. 338. Il existe des appareils qui permettent l'application facile de cette méthode (voy. fig. 62). Si l'on se sert comme liquide de circulation d'un sérum artificiel, la composition de ce sérum doit être appropriée aux échanges chimiques qui conditionnent le fonctionnement cardiaque. C'est ainsi qu'il doit être oxygéné, contenir des éléments minéraux en proportion déterminée, en particulier des sels de sodium et de calcium, et contenir aussi de la glycose, substance fort importante au point de vue qui nous occupe (voy. p. 339 ce qui a été dit du liquide de Ringer-Locke). Dans ces conditions, non seulement un cœur d'animal à sang froid, mais un cœur de Mammifère (lapin, chien, homme), pourvu qu'il soit, en outre, soumis à une température de 38°-40°, peut être maintenu de longues heures en bon état de fonctionnement, comme il a été dit p. 339.

Au point de vue de l'origine énergétique du travail du cœur, on a pu constater que, tandis que les albuminoïdes ne sont pas absolument indispensables (le liquide de Ringer-Locke n'en contient point), les hydrates de carbone, au contraire, doivent être partie constituante du milieu nutritif, par exemple sous forme de glycose. D'autre part, dans des recherches

1. La densité du mercure étant de 13,6 et celle du sang de 1,06, une colonne de 15 centimètres de mercure correspond sensiblement à une colonne de 2 mètres de sang.

2. Chiffre moyen des pulsations par minute, chez l'homme adulte.

d'autre part, que le foie, en tant qu'organe formateur du fibrinogène (voy. p. 326), assure la coagulabilité normale du sang.

Comment du fibrinogène la

D. Nature de la coagulation. fibrine est-elle engendrée ? On sait (voy. p. 326) que le poids de fibrine formée est toujours inférieur au poids de la matière génératrice. De là l'idée que la fibrine résulterait d'un dédoublement du fibrinogène s'opérant par l'action de la plasmase. Après la coagulation, il resterait en effet en dissolution dans le plasma une globuline, différente de la sérumglobuline, puisqu'elle coagule à 64°; c'est la fibrino-globuline1. Sur ce point une réserve nécessaire a été faite plus haut (voy. p. 326). Cette scission du fibrinogène serait le résultat d'une action diastasique (voy. ce qui a été dit à ce sujet p. 349).

Une tout autre conception de la nature du processus coagulant s'est fait jour (théorie de Nolf, 1908). On part de ce fait, démontré par le physiologiste anglais Wooldridge dès 1886, que tous les plasmas naturels sont spontanément coagulable. S'il en est ainsi, le plasma contient donc tous les facteurs de la coagulation. Ceux-ci, de nature colloïdale, se ramènent à trois, le fibrinogène et le thrombogène (dont il a été dit p. 350 quelques mots), colloïdes d'origine hépatique, et le thrombozyme, colloïde d'origine leucocytaire (c'est la thrombokinase de Morawitz), qui se maintiennent en équilibre au contact des parois vasculaires, à condition que ces parois ne soient pas altérées; mais c'est un équilibre instable; différents agents, contact du verre, corps étrangers, substances colloïdes extraites des tissus, etc., le rompent aisément (agents thromboplastiques). L'équilibre rompu, les trois colloïdes s'unissent en donnant des produits d'addition, dont une partie se précipite sous forme de fibrine. Dans le sang des Poissons le seul produit de la coagulation serait la fibrine, la formation de celle-ci étant accompagnée de la disparition totale de la thrombozyme et du fibrinogène et presque totale du thrombogène (Nolf, 1909); la coagulation se présente donc bien ici comme le résultat de l'union de trois colloïdes solubles en un complexe insoluble, la fibrine, union pour laquelle il faut des sels solubles de chaux ; et, puisqu'elle consomme les colloïdes qui réagissent, elle ne peut être un phénomène catalytique.

1. Il est curieux de remarquer que l'on revient ainsi à l'ancienne conception de Denis, pour qui la plasmine (il avait appelé ainsi la substance qu'il considérait comme la substance mère de la fibrine), dans la coagulation, se dédouble en fibrine concrète (c'est la fibrine typique) et en fibrine dissoute (il avait ainsi appelé une matière albuminoïde qu'il retrouvait dans le sérum). En réalité, la plasmine de Denis, telle qu'il la préparait, n'était pas une espèce chimique; c'était un mélange de fibrinogène et de sérumglobutine (L. Fredericq). Armand Gautier n'eu a pas moins eu raison de dire que les travaux de Denis sont restés à la base de nos connaissances chimiques sur la coagulation du sang.

GLEY. Physiologie,

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