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des pressions aortique et pulmonaire. Cet effet ne tient pas seulement à la suppression des influences modératrices que le bulbe exerce continûment sur le myocarde, mais aussi à l'action toni-cardiaque des accélérateurs qui peut, dans cette condition, s'exercer librement. Cependant ce phéno

mène, très marqué chez le chien, ne s'observerait pas chez tous les animaux; la vagotomie double ne modifierait la fréquence des pulsations ni chez le lapin, ni chez la grenouille, par exemple.

4. Le pneumogastrique droit serait en général plus excitable que le gauche (E. Masoin 1, 1870).

5. La fonction des nerfs d'arrêt du cœur est liée à la présence de calcium libre dans le sang. Les sels qui précipitent ou immobilisent le calcium empêchent l'action de l'appareil nerveux inhibiteur (expériences de Busquet et Pachon, 1909); dans cette condition en effet l'excitation du pneumogastrique n'arrête plus les battements du cœur.

6. Différents poisons suppriment l'action cardiaque modératrice des pneumogastriques; l'administration d'atropine produit les effets de la vagotomie double, c'est-à-dire l'accélération du cœur; si sur un animal atropinisé (il suffit de 1 ou 2 milligrammes de substance pour obtenir cet effet chez le chien) on excite le bout périphérique de l'un des nerfs vagues, cette excitation ne produit plus son effet. Elle redevient efficace quand on injecte à l'animal 1 ou 2 centigrammes de pilocarpine (antagonisme de la pilocarpine et de l'atropine; voy. sur ce point p. 470); c'est que la pilocarpine, comme aussi la muscarine, excite les terminaisons du vague; à dose suffisante, ces deux substances provoquent l'arrêt du cœur en diastole. Le curare à dose forte paralyse, comme l'atropine, les terminaisons du nerf pneumogastrique. - Plusieurs toxines microbiennes, telles que la toxine pyocyanique, la toxine diphtérique, diminuent notablement l'action cardiaque modératrice.

7. Les nerfs modérateurs sont antagonistes des accélérateurs. La modification du rythme cardiaque qui se produit dans le cas d'excitations simultanées des deux nerfs, dépend du rapport entre la valeur de ces excitations; suivant que les modérateurs sont plus fortement excités que les accélérateurs, le résultat sera un ralentissement du cœur, mais moindre que si les premiers avaient été seuls excités; et vice versa.

8. L'action des nerfs modérateurs se produit d'autant moins facilement que le cœur bat déjà lentement; quand ses battements sont très lents, cette action peut même être nulle.

C. NATURE DE L'ACTION NERVEUSE MODÉRATRICE. L'action du pneumogastrique ne s'exerce pas directement sur le muscle, mais sur les ganglions intracardiaques.

En effet : 1o le muscle, on vient de le voir (p. 455), reste excitable tout le temps que se produit l'effet d'une excitation du vague; 20 sur une grenouille empoisonnée par la nicotine l'excitation du vague n'amène plus l'arrêt des mouvements du cœur. Or, J. N. Langley 2 a démontré que

1. Physiologiste belge contemporain, professeur à l'Université de Louvain. 2. Physiologiste anglais contemporain.

la nicotine met obstacle à la propagation à travers les cellules ganglionnaires sympathiques des excitations venues du système nerveux central et qui ont à traverser ces cellules, tandis que les filets issus des mêmes cellules restent excitables.

On peut donc penser que le pneumogastrique agit en suspendant momentanément l'activité des ganglions intracardiaques excitomoteurs.

Mais quelle est la nature intime de cette action? On dit que c'est un phénomène d'inhibition ou d'arrêt. Jusqu'à la découverte des frères Weber l'idée d'excitation fut en physiologie étroitement liée à celle de mouvement; après cette découverte il fallut bien admettre que l'excitation d'un nerf centrifuge peut arrêter un mouvement. Alors la notion des phénomènes d'arrêt s'étendit peu à peu et elle est établie aujourd'hui sur de nombreuses preuves. Mais nous ignorons toujours en quoi consiste exactement l'action inhibitoire.

C. Nerfs sensitifs du cœur. Le cœur ne possède pas de nerfs qui transmettent des impressions tactiles; il est insensible aux attouchements et aux piqûres. De cet organe partent néanmoins des nerfs centripètes dont la fonction est très importante. Ce sont les deux nerfs dépresseurs, découverts sur le lapin par Ludwig et E. de Cyon (1866) et que l'on appelle pour cette raison nerfs de Ludwig-Cyon.

Le nerf dépresseur, chez le lapin, naît du pneumogastrique, au cou, par deux racines, l'une provenant du laryngé supérieur, l'autre du trone même du pneumogastrique; il suit alors le même chemin que le sympathique cervical, parallèlement à celui-ci, jusqu'au ganglion cervical inférieur. Chez le chat, le cheval, la tortue, le dépresseur est également isolé; chez le chien il se confond avec le pneumogastrique. Les terminaisons de ces nerfs se trouveraient surtout dans l'endocarde des oreillettes et des ventricules et à la base des artères aorte et pulmonaire.

L'excitation du bout périphérique du dépresseur ne produit aucun effet. L'excitation du bout central, douloureuse d'ailleurs sur les animaux non anesthésiés, détermine une chute de la pression artérielle et un ralentissement du cœur (fig. 110). C'est la chute de pression qui est le phénomène important et essentiel. Si, avant de faire cette expérience, on sectionne les deux vagues, l'excitation du dépresseur ne produit plus de ralentissement du cœur, tandis que survient toujours l'abaissement de la pression. Le premier de ces deux effets n'est donc que le résultat de l'excitation réflexe du vague. Le second est aussi le résultat d'une excitation réflexe, d'une dilatation réflexe des vaisseaux abdominaux. En effet, la section préalable des nerfs splanchniques (nerfs vaso-constricteurs des viscères abdominaux), qui amène la vaso-dilatation intestinale et, en raison de l'énorme capacité des vaisseaux abdominaux, une chute considérable de la pression aortique, si elle n'empêche pas absolument l'effet

de l'excitation du dépresseur, le réduit beaucoup, des 9/10 au moins 1

(Ludwig et Cyon).

L'excitation du dépresseur, qui se transmet d'abord au bulbe, produit donc ensuite son effet surtout par l'intermédiaire des nerfs splanchniques,

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Fig. 110.

Chute de la pression artérielle

soit qu'elle paralyse les noyaux d'origine de ces nerfs (centres vasoconstricteurs), soit qu'elle agisse sur des centres vaso-dilatateurs dont elle mettrait en jeu le fonctionnement. La première théorie (inhibition réflexe des centres vaso-constricteurs) a été jusqu'à présent plus en faveur que la seconde (excitation réflexe des centres vaso-dilatateurs).

Quel est le rôle des nerfs dépresseurs? Ce rôle est de protéger le cœur contre les trop grands accroissements de la pression dans l'aorte ou dans l'artère pulmonaire. Dans ces cas, le travail du cœur augmente et les ter

par excitation du bout central d'un nerf minaisons du dépresseur dans dépresseur, sur le lapin.

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PC, pression carotidienne, égale à 13 centim. de mercure; E, excitation du nerf

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par un courant induit; - T, temps s'inscri

vant de 2 en 2 secondes.

l'endocarde et dans la crosse de l'aorte se trouvent excitées. Il se produit alors une baisse de la pression dans le système artériel, ce qui facilite l'écoulement du sang du ventricule et en même temps réduit l'afflux du sang dans les oreillettes; par suite le travail du cœur diminue. En même temps le ralentissement des battements cardiaques, que provoque en outre l'excitation du dépresseur, contribue pour sa part à diminuer encore le travail du cœur. Ainsi ce ralentissement et d'abord la vaso-dilatation intestinale que produit l'action du dépresseur constituent essentiellement des phénomènes défensifs pour le cœur.

D. Centres nerveux cardiaques. On peut considérer comme centres cardiaques les régions du système nerveux par l'excitation automatique ou réflexe desquelles l'activité des nerfs du cœur est mise en jeu.

1. De cette particularité E. de Cyon a conclu que, si le dépresseur agit surtout sur le système vasculaire de l'abdomen, il agit cependant aussi sur les autres artères du corps. Cette conclusion se trouve confirmée par des expériences de W. M. Bayliss (1893), qui a montré à l'aide de la méthode plethysmographique que les vaisseaux des membres se dilatent sous l'influence de l'excitation du dépresseur.

L'existence d'un centre accélérateur dans la région médullaire cervicale supérieure est démontrée par les expériences dans lesquelles, après section préalable des pneumogastriques (pour éviter une accélération possible du cœur par paralysie des modérateurs) et des splanchniques (pour éviter des réflexes vasculaires pouvant modifier la fréquence des battements du cœur), l'excitation de la partie supérieure de la moelle Pn cervicale accélère le cœur.

Le ganglion 1er thoracique peut aussi jouer le rôle de centre accélérateur1.

Nac

Fig. 111.

Sy.c

Gc.i

BP

Gith

Ba

Fonction réflexe du ganglion

Voici l'expérience sur laquelle François-Franck (1894) croit pouvoir établir ce rôle (voy. fig. 111); on sépare le ganglion de toutes ses connnexions médullaires; on sectionne la branche antérieure de l'anneau de Vieussens très près du ganglion cervical inférieur; on excite alors un de ses filets par de faibles excitations induites qui ne peuvent diffuser jusqu'au ganglion; cette excitation centripète se transforme dans le ganglion en une excitation motrice que la branche postérieure de l'anneau de Vieussens conduit au plexus cardiaque; et il survient une accélération réflexe des battements du cœur.

1er thoracique (François-Franck). Cith, ganglion 1er thoracique; — Gei, ganglion cervical inférieur; Ba, branche antérieure de l'anneau de Vieussens, dont on excite un filet isolé le plus loin possible du ganglion étoilé, - Bp, branche postérieure de l'anneau de Vieussens; - Nac, nerfs accélérateurs cardiaques; Syc, sympathique cervical; Pn, pneumogastrique.

L'existence d'un centre modérateur est démontrée par l'effet de l'excitation directe du bulbe qui amène l'arrêt du cœur. Ce centre se trouve dans les noyaux d'origine des pneumogastriques.

La mise en jeu des centres accélérateurs et modérateurs peut se faire suivant un des trois modes de fonctionnement du système

nerveux :

1. Mode réflexe (excitations sensitives par exemple);

2. Mode automatique (excitation par des variations qualitatives ou quantitatives du sang);

3. Mode synergique (par association fonctionnelle avec d'autres centres).

1. Toute impression sensible, à moins qu'elle ne soit très légère, retentit sur le cœur. Les excitations faibles amènent en général l'accélé

1. On a déjà cité (voy. p. 179) un exemple du pouvoir réflexe des ganglions sympathiques et attiré l'attention sur l'importance de ce fait.

ration1. Les excitations fortes et brusques produisent le ralentissement ou l'arrêt plus ou moins prolongé du cœur en diastole 2. L'excitation électrique du bout central des nerfs sensitifs (par exemple du nerf sciatique) a les mêmes effets suivant son intensité. Toutes ces excitations se propagent jusqu'aux centres bulbo-médullaires où elles sont transformées, puis réfléchies sur les nerfs accélérateurs ou modérateurs

Les excitations des centres nerveux supérieurs, du cerveau, ont le même effet que celles des muqueuses ou de la peau. On connaît les palpitations du cœur auxquelles donnent lieu les diverses émotions, la joie, l'attente anxieuse, etc., ou au contraire l'arrêt que peut provoquer une brusque frayeur, une soudaine et violente colère, etc. Expérimentalement, les excitations de l'écorce cérébrale sont suivies de ces mêmes réactions du cœur, positives (accélération) ou négatives (ralentissement ou arrêt) selon leur intensité, selon le degré d'excitabilité de l'écorce elle-même et aussi selon l'état du cœur; en général, les excitations faibles ont pour conséquence l'accélération. Dans tous ces cas, le cerveau paraît se comporter comme une surface sensible quelconque, les excitations qu'il reçoit se transmettant jusqu'aux véritables centres cardiaques bulbo-médullaires. Il n'y a pas en effet de centres cardiaques dans l'écorce cérébrale, puisque les réactions observées sont les mêmes, quel que soit le point excité et que l'ablation des points excitables n'entraîne aucun trouble cardiaque.

Le réflexe d'arrêt, de quelque excitation qu'il soit le résultat, est particulièrement important. Il a fréquemment son point de départ dans les organes qui tiennent leur innervation sensitive des pneumogastriques ou des splanchniques. Ainsi l'excitation de la muqueuse trachéale, laryngée (nerf laryngé supérieur) ou pulmonaire par des vapeurs irritantes peut provoquer l'arrêt du cœur; tel est l'arrêt diastolique qui survient parfois au début de la chloroformisation chez des animaux ou des individus dont le système pneumogastrique est spécialement excitable. L'influence des impressions sensitives portées sur l'estomac ou sur l'intestin n'est pas moindre; si, sur une grenouille, l'on vient à porter un coup sur l'un de ces organes préalablement exposé à l'air pendant quelques instants, le cœur s'arrête en diastole (expérience de Goltz3, 1862), ce qui ne se produit plus quand les deux vagues ont été coupés; et l'on sait qu'un coup violent à l'épigastre, chez l'homme, amène parfois une syncope; celle-ci peut même être mortelle (cas de mort sans lésions apparentes, par inhibition, dont les médecins légistes ont eu maintes fois à connaitre). Parmi ces faits, les uns s'expliquent par le résultat classique de l'excitation du bout central d'un pneumogastrique sectionné, arrêt du cœur et

1. Les excitations qui se produisent dans le domaine du trijumeau agissent seulement sur le pneumogastrique et amènent toujours un ralentissement des battements du cœur; ainsi l'excitation de la muqueuse nasale arrête le cœur (syncope cardiaque par irritation du trijumeau au début de la chloroformisation par exemple).

2. En même temps, on observe un spasme vasculaire généralisé (excitation des centres vaso-constricteurs) et un arrêt de la respiration.

3. Fr. L. Goltz (1834-1902), célèbre physiologiste allemand qui a fait de nombreuses et importantes recherches sur les nerfs vaso-moteurs, sur les fonctions de la moelle, sur celles du cerveau, etc.

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