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l'on peut voir remonter comme automatiquement, en observant sa face inférieure par l'abdomen ouvert et vidé; c'est que le poumon tend à remonter très haut et entraîne puissamment le diaphragme, comme tantôt il le suivait. Aussi sur le cadavre trouve-t-on le diaphragme très bombé vers le haut et très tendu.

Il n'y a pas que l'élasticité du poumon qui produise la réaction expiratoire; il faut encore tenir compte de celle des parois de la cage thoracique, parois qui ont été également violentées, comme, par exemple, les cartilages costaux, qui ont subi un mouvement de torsion assez notable selon leur axe pendant l'inspiration. Enfin les viscères et les parois abdominales, déplacés pendant l'inspiration, tendent à reprendre leurs dispositions normales; l'estomac et l'intestin notamment, qui renferment des gaz élastiques, repoussent ainsi. le diaphragme vers le haut.

Ainsi, à l'état normal, l'inspiration et l'expiration paraissent différer de mécanisme : la première est active et due à des contractions musculaires; la seconde, passive, est due à des phénomènes d'élasticité de la part des organes violentés par l'inspi

ration.

On a soutenu cependant qu'elle est aussi en partie un phénomène actif.

L'intervention des intercostaux internes par exemple, dans l'expiration ordinaire, ne résulte-t-elle pas de ce fait que l'on peut interrompre à quelque moment que ce soit l'acte expiratoire (L. Luciani)? C'est là un acte d'inhibition volontaire qui ne peut s'exercer que sur les muscles expirateurs ; pour que cet acte soit possible en effet, il faut bien que ces muscles soient actifs dans l'expiration normale.- En faveur de cette opinion V. Aducco (1887) a apporté toute une série de preuves directes dont les plus importantes peut-être sont les suivantes : 1° les facteurs passifs de l'expiration étant supprimés, par large ouverture des cavités thoracique et abdominale, de façon à rendre impossibles la réaction des poumons et celle des gaz intestinaux, le mouvement expiratoire ne s'en produit pas moins bien; 20 deux expirations d'égale intensité étant données, l'une sur l'animal vivant, l'autre artificiellement produite sur le cadavre du même animal, c'est la première qui développe la pression trachéale positive la plus élevéc.

Des faits qu'il a réunis Aducco conclut que l'expiration thoracique normale n'est pas un phénomène exclusivement passif, mais aussi actif.

Ce caractère de l'expiration est encore plus manifeste dans des cas spéciaux. De même qu'il existe une inspiration ordinaire et une inspiration forcée, de même on observe une expiration ordinaire et une expiration forcée. C'est dans cette dernière particulièrement que le phénomène est actif et que l'on voit intervenir des puissances

musculaires, telles que les muscles de l'abdomen, le petit dintele inférieur, et en général tous les muscles capables d'abaisser les côtes. Cette expiration active se produit spécialement dans la toux; alors les parois thoraciques ne se contentent plus de suivre le mouvement de retrait du poumon, elles compriment celui-ci pour augmenter la vitesse et l'énergie du courant d'air expiré (contraction des muscles abaisseurs des côtes, grand oblique et petit oblique de l'abdomen; les muscles de l'abdomen abaissent les côtes et en même temps compriment les viscères abdominaux, c'est-à-dire agissent par leur intermédiaire sur le diaphragme qu'ils repoussent de bas en haut).

B. Conséquences mécaniques de l'acte respiratoire. a. PRESSION NÉGATIVE INTRA-PLEURALE (VIDE PLEURAL). SES VARIATIONS PENDANT LES PHASES INSPIRATOIRE ET EXPIRATOIRE D'UNE RESPIRATION. A l'état normal, existe constamment une pression négative entre les deux feuillets de la plèvre qui maintiennent l'adhérence du poumon au thorax. C'est que le poumon, enfermé dans une cavité close et tendant sans cesse, en vertu de son élasticité, à revenir sur luimême, exerce à la face interne du thorax une aspiration constante; de cette aspiration résulte dans la cavité pleurale virtuelle une pression inférieure à la pression atmosphérique. Puisque cette aspiration thoracique est produite par la force de retrait élastique pulmonaire, elle varie nécessairement dans le même sens que cette force. Aussi peut-on avoir sa valeur soit par la mesure de la pression négative pleurale (résultat de l'élasticité pulmonaire), soit par la mesure de la pression dans les voies broncho-pulmonaires (appréciation directe de la force élastique même du poumon).

On mesure en effet l'aspiration thoracique au moyen de deux methodes principales. La première, celle de Donders 1, consiste dans la détermination de la pression à laquelle donne lieu, sur un manomètre introduit dans la trachée d'un cadavre, l'affaissement du poumon résultant de l'ouverture du thorax. Dès que celui-ci est ouvert, la pression atmosphérique s'exerce à la surface externe du poumon; cet organe tend aussitôt à prendre sa forme d'équilibre élastique; et par suite l'air qu'il contient s'échappe et vient comprimer le mercure qui monte dans la branche libre du manomètre trachéal. L'effort que le poumon exerce ainsi sur l'air qui y était contenu mesure sa force de retrait élastique (Hutchinson, 1849). Les mensurations, faites avec cette méthode, ont montré que la force élastique du poumon (affaissement élastique de cet organe consécutif à l'ouverture du thorax) fait équilibre à une colonne de mercure de 3mm,9. Mais, quand cet organe élastique subit une traction qui le dilate, sa force de retrait augmente suivant l'expansion même à laquelle il a été soumis; c'est pour cela que

1. Fr. Donders (1818-1889), célèbre physiologiste hollandais.

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pendant l'inspiration la force élastique du poumon augmente; dans les conditions expérimentales que nous venons d'indiquer, elle fait équilibre à une colonne de mercure de 9mm, 4. La différence entre la valeur de l'aspiration thoracique, à l'inspiration et à l'expiration, est donc en moyenne de 5mm,5 de mercure. 1

La seconde méthode, applicable sur l'animal vivant, consiste à mettre en communication la cavité intrapleurale avec un manomètre à eau ou à mercure (L. Fredericq); le liquide s'élève du côté de la branche en rapport avec la canule intrapleurale. De plus, des oscillations manométriques se produisent suivant les phases inspiratoire et expiratoire. Dans la respiration normale, le manomètre indique une dépression de 10 à 15 millimètres de mercure environ pour l'inspiration et de 6 à 8 millimètres pour l'expiration.

Ces valeurs, a-t-il été dit tout à l'heure, mesurent la force élastique pulmonaire respectivement en inspiration et en expiration. Il est facile de s'en rendre compte par l'examen des conditions d'équilibre du poumon et du thorax dans ces deux phases. La figure 132 fixe exactement ces conditions. Elle montre les forces en présence qui se font équilibre en inspiration et en expiration.. Soit d'abord le cas de l'inspiration.

Une force musculaire, représentée par la grande flèche F synthétisant l'action d'ensemble des muscles inspirateurs, a déplacé le thorax en avant de sa ligne d'équilibre de repos absolu (ligne pointillée), comme le montre la figure 132. Il s'est donc développé dans le thorax violenté une force élastique (F. él. th.) qui s'exerce dans le sens indiqué par la figure, c'est-à-dire dans le même sens que la force élastique pulmonaire. En inspiration deux ordres de forces opposées se trouvent, par suite, en présence : d'une part, une force musculaire, celle des muscles inspirateurs; d'autre part, les deux forces élastiques combinées, thoracique et pulmonaire, s'exerçant dans le même sens et en antagonisme avec la première. Quand ces deux systèmes de forces sont arrivés à se faire équilibre, à la phase d'inspiration, le poumon, très distendu, tâche, en raison de son élasticité, à revenir sur lui-même avec une grande force. Mais dès lors il y a, de ce fait, tendance à la création d'un vide partiel, c'est-à-dire d'une pression négative entre le thorax maintenu à distance de sa position de repos par l'action des muscles inspirateurs et le poumon exerçant un mouvement de retrait, c'est-à-dire tendant à séparer les deux feuillets pariétal et viscéral de la plèvre, en raison de la force élastique qu'a développée en lui sa distension inspiratoire. On comprend ainsi que la grandeur de la pression négative intrapleurale, à ce moment, donne justement la valeur de la force élastique pulmonaire, en inspiration, et qui est égale, comme on l'a vu, à 10-15 millimètres de mercure.

Soit maintenant le cas de l'expiration.

Celle-ci est habituellement un phénomène surtout passif. D'autre part, le poumon, ainsi qu'il a été dit (p. 370, 437 et 503), est toujours en un état 33

GLEY. Physiologie.

donné de distension, même après une expiration forcée, même après la dernière expiration agonique; le poumon du cadavre n'est pas complètement revenu sur lui-même et il n'y revient entièrement que si l'on ouvre la cage thoracique.

Quelle est donc la cause de cette tension permanente du poumon dans la cage thoracique close? La figure 131 montre que le thorax en expiration,

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Fig. 132.

État d'équilibre du poumon et du thorax en inspiration et expiration
(schéma de V. Pachon).

Ligne pointillée : état de repos absolu du thorax (thorax ouvert du cadavre).

F. él. pulm. force élastique pulmonaire.

F. él. th. force élastique thoracique.
F. m. insp. force musculaire inspiratoire.

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c'est-à-dire après retour à sa position d'équilibre ou de repos (ligne pointillée), a dépassé cette ligne en deçà, d'une valeur déterminée. En effet, et c'est là le point essentiel qu'il importe de bien considérer, la ligne d'équilibre de repos absolu, pour le thorax, n'est point, comme il pourrait paraître au premier abord, la ligne correspondant à l'état d'expiration. La preuve expérimentale en est facile à donner. Appliquons d'abord sur le thorax du cadavre un appareil explorateur tel qu'un cardiographe, par exemple, et relions celui-ci à un tambour à levier inscripteur. Puis ouvrons le thorax: immédiatement le levier inscripteur exécute un mouvement d'ascension et trace sur le cylindre enregistreur une ligne ascendante (P. Bert 1, voy. fig. 133). C'est donc que le thorax, après son ouverture, a

1. Paul Bert (1833-1886), physiologiste français que ses travaux sur les greffes animales, sur la respiration, sur les effets de la pression barométrique, sur l'anesthésie, etc., ont illustré. Homme politique et orateur de talent, il fut ministre de l'Instruction publique et mourut prématurément gouverneur général du Tonkin, dont il s'efforçait d'organiser la récente conquête.

exécuté un mouvement en avant; en d'autres termes, il n'était pas à sa position de repos absolu, quand sa cavité était close, et il avait dépassé en deçà cette position d'une valeur déterminée, comme le montre la figure 132. Il faut savoir pourquoi. Que se passe-t-il dans l'expiration ? Le poumon et le thorax, tous deux très distendus en inspiration, reviennent naturellement sur eux-mêmes, dès que cesse l'effort des muscles inspirateurs. Dans ce mouvement de retrait il arrive un moment où le thorax passe exactement par sa position de repos absolu. A ce moment précis le thorax n'est plus le siège d'aucune force élastique. Au contraire, le poumon, encore distendu,

Fig. 133. Effet de l'ouverture du thorax sur les côtes (Paul Bert). Expérience faite sur un chien. On voit « qu'après une forte expiration (celle qui suit la mort) les parois thoraciques sont tirées en dedans et maintenues avec une force qu triomphe en partie de leur élasticité même, laquelle fait effort pour les ramener au dehors. Quelle est cette force? l'élasticité des poumons. Ainsi l'équilibre, à la fin de l'expiration, s'établit entre l'élasticité des poumons qui tire en dedans le diaphragme et les côtes, et celle du thorax, qui tend à ramener les côtes en dehors » (Paul Bert, Leçons sur la physiologie comparée de la respiration, Paris, 1870, p. 360).

tend toujours à se rétracter de la valeur même de sa force élastique, à ce moment même. Or, le thorax n'étant plus le siège d'aucune force élastique, et aucune force antagoniste ne s'opposant au mouvement de retrait du poumon, ce mouvement va contiuer à s'exécuter. Et, comme le poumon et le thorax sont deux organes entièrement solidaires, comme l'un et l'autre sont reliés par les feuillets viscéral et pariétal de la plèvre, comme il ne peut anatomiquement exister d'espace vide proprement dit entre eux, le thorax inerte (à sa position de repos absolu) accompagne un instant le poumon dans le mouvement de retrait que celui-ci continue. Mais alors le thorax dépasse en deçà sa position de repos; conséquemment une force élastique de déformation s'y développe de nouveau. Mais, cette fois, la force élastique thoracique, développée vers la fin de l'expiration, est de sens opposé à la force élastique pulmonaire. Et il va arriver un moment où ces deux forces élastiques, pulmonaire et thoracique, de sens opposé en expiration (fig. 132), se feront équilibre. Ce moment marquera la fin de l'expiration. Le poumon n'aura pu exécuter jusqu'au bout son mouvement de retrait sur lui-même; il tendra néanmoins toujours à satisfaire son élasticité; de ce fait il résultera, comme dans le cas de l'inspiration, une tendance au décollement du poumon du thorax, c'est-à-dire une pression négative intrapleurale. La valeur de cette pression négative, en expiration, égale à 6-8 mm. de mercure, mesure ainsi la force élastique pulmonaire à la phase expiratoire, comme la pression négative intrapleurale en inspiration mesure la force élastique pulmonaire, à la phase inspiratoire.

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