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Chez quelques animaux, dans des conditions spéciales (nouveau-nés ou animaux très jeunes, animaux refroidis ou strychnisés [la strychnine augmente l'excitabilité médullaire]), on peut voir apparaître, après section sous-bulbaire, des mouvements du tronc et de l'abdomen, si l'on a eu soin de prolonger assez longtemps (une demi-heure environ) la respiration artificielle. Les plus probants de ces faits sont dus aux expériences méthodiques de Wertheimer (1886-1887).

La question est de savoir si ce sont là de vrais mouvements respiratoires, ou de simples contractions des muscles thoraciques ou abdominaux, dues au fonctionnement des noyaux d'origine des nerfs de ces muscles et particulièrement des nerfs phréniques. Or, quels sont les caractères de ces mouvements? 1o Ils sont inconstants; ils ne se produisent que dans des conditions exceptionnelles, indiquées ci-dessus et, même dans ces conditions, ils ne surviennent pas à coup sûr ; — 20 quand ils existent, ils présentent des types très variables; leur rythme n'est pas régulier; le plus souvent, ce sont des mouvements fréquents, superficiels, d'amplitude inégale; 30 ils ne sont pas influencés, comme la respiration ordinaire, par une ventilation pulmonaire énergique ou par l'asphyxie; — 4o ils ne présentent pas de synchronisme rythmé avec les mouvements respiratoires de la gueule ou de la face; 5o enfin ils ne peuvent subvenir à une respiration suffisante de l'animal. - N'est-ce pas là un ensemble de caractères qui empêche de considérer comme des mouvements respiratoires proprement dits ces contractions plus ou moins bien rythmées du diaphragme et des muscles du tronc et de l'abdomen qui apparaissent avec un type variable dans quelques conditions exceptionnelles chez les animaux à bulbe sectionné ?

Les véritables centres respiratoires restent donc les centres bulbaires; ceux-ci détruits, il n'y a plus de respiration suffisante.

Quant à leurs relations avec les noyaux d'origine des nerfs moteurs du diaphragme et des muscles du tronc, elles se font par les cordons latéraux de la moelle; c'est par là que le centre bulbaire envoie à ces noyaux leurs impulsions motrices. Une petite partie seulement des fibres qui le relient aux cordons latéraux s'entrecroiserait dans la moelle (W.-T. Porter, 1895).

D. Fonctionnement des centres respiratoires. Tout autonomes que sont les centres respiratoires bulbaires, ils fonctionnent, comme tous les appareils nerveux, sous l'action de divers excitants. Déterminer ceux-ci c'est déterminer la ou les causes des mouvements réguliers de la respiration. Si ces

1. Physiologiste américain contemporain.

GLEY.

Physiologie.

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causes sont multiples, il faut fixer leur importance respective. a. EXCITATIONS CHIMIQUES PROVENANT DES VARIATIONS DU MILIEU SANGUIN. Le centre bulbaire peut fonctionner, isolé de ses connexions avec les centres encéphaliques ou médullaires et séparé des poumons par la section des pneumogastriques (voy. p. 558). C'est ce qu'on a désigné par le terme d'automatisme respiratoire. L'excitabilité des centres bulbaires ne peut être alors mise en jeu que par des excitations dues aux variations chimiques du sang. Quelles sont ces excitations?

On sait que la respiration modifie doublement la composition du sang, l'appauvrissant en acide carbonique et l'enrichissant en oxygène dans les poumons; dans les tissus le sang se recharge, au contraire, d'acide carbonique et il s'en dégage de l'oxygène. Au niveau du bulbe, le sang veineux pourra donc être un excitant des centres qu'il baigne, soit par l'excès d'acide carbonique qu'il contient, soit par le déficit d'oxygène dont il est dépouillé. Or, les centres respiratoires subissent l'influence du sang veineux.

Des expériences déjà anciennes, faites vers le milieu du siècle dernier par Brown-Séquard, ont montré l'influence excitante du sang veineux sur tous les tissus en général et sur les centres nerveux respiratoires en particulier. Ceux-ci réagissent violemment à l'asphyxie, c'est-à-dire à la suppression de la respiration'. L'animal, dont la trachée est oblitérée et dont le sang artériel prend les caractères du sang veineux (expérience de Bichat), est saisi de secousses musculaires violentes, qui se traduisent, pour les muscles du tronc et de l'abdomen, par de véritables convulsions respiratoires. Même réaction des centres vaso-moteurs: il se produit une forte constriction des vaisseaux abdominaux, tandis que les vaisseaux de la peau se dilatent (voy. p. 479). Les centres de la dilatation pupillaire, de la miction, de la défécation subissent de leur côté l'excitation asphyxique. Et muscles lisses comme muscles striés, tous sont le siège de contractions violentes provoquées par l'action excitante du sang noir. Les centres respiratoires manifestent seulement d'une manière plus intense une réaction à laquelle prend part tout le système bulbo-médullaire.

Cette influence du sang asphyxique sur les mouvements respiratoires n'est que l'exagération des excitations normales que les variations de composition du sang exercent sur le centre respiratoire bulbaire.

Preuve en est qu'un animal, auquel on fait respirer un mélange gazeux pauvre en oxygène ou riche en acide carbonique présente tout de suite de la dyspnée, c'est-à-dire une respiration fréquente avec des inspirations profondes suivies d'expirations actives et accompagnées de plus ou moins d'angoisse. C'est ce qui arrive si on lui fait respirer de l'azote ou de l'hydrogène purs ou mélangés à une quantité insuffisante d'oxygène, quoique, 1. Sur l'asphyxie, voy. p. 582.

dans ces conditions, il élimine parfaitement l'acide carbonique qu'il produit. Et c'est ce qui arrive de même, si on lui fait respirer un excès d'acide carbonique dans un mélange contenant la proportion normale d'oxygène.

Ainsi se résout la question si souvent agitée de savoir quelle est la véritable cause des mouvements respiratoires, la diminution de l'oxygène du sang ou l'augmentation de l'acide carbonique. Il semble bien que chacun de ces facteurs ait sa part dans le processus. Le sang moins oxygéné agirait surtout sur le centre inspirateur et le sang plus riche en acide carbonique sur le centre expirateur (production d'expirations actives). C'est là, il est vrai, une interprétation qui n'est pas admise par tous les physiologistes; beaucoup ont trouvé que les puissances inspiratoires sont mises en jeu par les deux facteurs.

L'influence du déficit d'oxygène résulte encore des expériences d'apnée'. Si la diminution d'oxygène stimule le centre respiratoire, l'excès d'oxygène doit amener une cessation temporaire de la respiration, par suspension de l'activité du centre (Rosenthal, 1862).

Cet état d'apnée s'obtient aisément sur le chien et sur le lapin en pratiquant pendant quelques instants une énergique ventilation pulmonaire (au moyen de la respiration artificielle). La preuve que cette suspension de la respiration est due à l'action sur le bulbe d'un sang riche en oxygène serait fournie par ce fait que la ligature des carotides et des vertébrales met immédiatement fin à l'apnée (expérience de Rosenthal, 1865). On a remarqué, il est vrai, que la teneur du sang en oxygène ne peut jamais augmenter que très peu. C'est la teneur en acide carbonique qui s'abaisse par le fait de la ventilation pulmonaire plus active 2. Aussi l'apnée ne dure-t-elle guère plus d'une demi-minute, soit chez le chien ou le lapin, soit chez l'homme (quand on la réalise par une série d'inspirations volontaires profondes). — De cette apnée chimique, dite quelquefois apnée vraie, qui est toujours de très courte durée (et il ne peut en être autrement, puisque les échanges gazeux ne s'arrêtent point dans les tissus, que l'oxygène y est rapidement consommé et que l'acide carbonique continue à s'y produire et s'accumule vite dans le sang), il faut distinguer l'apnée dite à tort fausse et que l'on peut appeler plus justement nerveuse (B. Danilewski 3, 1882) ou réflexe. On a en effet observé que, chez les animaux à pneumogastriques sectionnés (expériences de Brown-Séquard, 1877, souvent confirmées) ou dont l'excitabilité centripète est supprimée par la congélation

1. De noi, absence de respiration.

2. C'est dans cette diminution de l'anhydride carbonique du sang qu'il faudrait voir la cause de l'apnée vraie (Miescher, 1885). Pour Mosso aussi (Arch. ital. de Biol., 1903, t. XL, p. 1-30), l'apnée vraie est une forme d'acapnie (voy. p. 554).

Fr. Miescher (1844-1895), physiologiste suisse, auteur de travaux d'une importance capitale sur la répartition des albuminoïdes du sang et des tissus, sur la nucléine qu'il découvrit d'ailleurs, sur la fonction respiratoire, etc.

3. Physiologiste russe contemporain, professeur à l'Université de Kharkov.

brusque (expériences de Gad sur le lapin, 1880), l'apnée est beaucoup plus difficile, sinon impossible à produire, ou ne dure que quelques secondes. Les insufflations pulmonaires fortes et répétées auraient donc la propriété, mais seulement chez les animaux à pneumogastriques intacts, de diminuer l'excitabilité du centre respiratoire 1; d'où résulterait une cessation temporaire de la respiration.

Cependant, l'importance de l'acide carbonique comme excitant normal de la respiration est certainement plus grande que celle du déficit d'oxygène.

Voici quelques faits qui le prouvent :

1° Une faible augmentation d'acide carbonique dans l'air inspiré augmente la ventilation pulmonaire; une diminution correspondante de la quantité d'oxygène est sans effet (expériences de Gad, 1886).

20 L'expérience dite de la circulation céphalique croisée (L. Frederic. 1890) démontre directement le rôle de la veinosité du sang. Sur deux chiens A et B dont le sang est préalablement rendu incoagulable par une injection d'extrait de têtes de sangsues ou d'albumoses, on lie les artères vertébrales et on prépare les carotides de telle façon que les bouts centraux des carotides de l'un soient unis aux bouts périphériques des carotides de l'autre ; la tête du chien B reçoit donc le sang de A, et la tête du chien A reçoit le sang du chien B. On lie alors la trachée du chien A. La respiration reste normale chez ce chien. Le chien B subit, au contraire, l'influence de l'asphyxie et est pris de dyspnée et de convulsions respiratoires. C'est qu'en effet le bulbe de A est irrigué par le sang normal venu du chien B; au contraire, le bulbe du chien B est irrigué par le sang de A soumis à l'asphyxie. 3o L'injection intraveineuse sur le chien ou le lapin d'une certaine quantité de soude, qui fixe l'acide carbonique du sang, suspend momentanément les mouvements respiratoires (expériences d'un élève de Fredericq, de Hougardy, 1904). Dans ces cas, la tension de l'acide carbonique du sang artériel diminue; l'apnée en résulte. Il semble donc que, par la disparition de l'acide carbonique qui s'est combiné à la soude injectée, les centres respiratoires soient privés de leur excitant naturel 2.

Les gaz du sang ne sont pas les seuls excitants chimiques de la respiration. Il se forme dans la contraction musculaire des substances, encore mal déterminées d'ailleurs, qui jouent le même rôle.

Sur un chien dont la moelle dorsale a été sectionnée à sa partie inférieure, on tétanise les muscles d'un membre postérieur. Tant que dure la tétanisation, la veine efférente est comprimée. Aussitôt après la tétanisa

1. L'action des nerfs vagues sur la respiration sera étudiée tout à l'heure. 2. Il est très intéressant de remarquer que, sur des chiens à moelle cervicale sectionnée et sur lesquels les mouvements respiratoires s'étaient rétablis, dans les conditions signalées p. 561, Wertheimer (Soc. de Biol.,23 déc. 1905, p. 668) a obtenu par l'injection intraveineuse de soude des résultats analogues à ceux de Hougardy. Ce qui tendrait à prouver que « les centres respiratoires spinaux sont sensibles aux mêmes influences que le centre bulbaire.

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tion, on rétablit le cours du sang; la respiration s'accélère immédiatement (expériences de Geppert et Zuntz, 1888). Or, cette accélération ne peut être due à une modification dans la quantité ou dans les tensions des gaz du sang, puisque après le travail musculaire le sang contient un peu plus d'oxygène et moins d'acide carbonique qu'à l'état de repos.

On sait d'ailleurs par l'observation journalière que le travail musculaire augmente le nombre et l'amplitude des mouvements respiratoires.

D'après Geppert et Zuntz, le sang recevrait des muscles en travail une substance non encore définie, mais probablement de nature acide, qui exciterait le centre respiratoire.

Le foetus, dans l'utérus de

Causes du premier mouvement respiratoire. la mère, est à l'état d'apnée (apnée fœtale); son sang est chargé d'oxygène ; la consommation de ce gaz est d'ailleurs chez lui réduite à un minimum; la transformation du sang artériel en sang veineux est en effet à peine marquée. Aussitôt après la naissance, la circulation placentaire est interrompue, d'où perte d'oxygène, en même temps que la consommation de ce gaz augmente brusquement par les mouvements qui se produisent alors. La veinosité du sang, résultant de ces deux causes qui agissent simultanément, doit exciter le centre respiratoire. De fait, chez les fœtus encore enfermés dans leurs membranes, l'interruption de la circulation placentaire a suffi pour amener des mouvements respiratoires.

On a reconnu cependant que la production de ces premiers mouvements peut être due à une autre cause. Chez des foetus de cobayes encore enfermés dans leurs membranes ou chez des poulets dans l'œuf, une forte excitation de la peau détermine des mouvements respiratoires. Il est vraisemblable que l'impression du froid sur la peau du nouveau-né met en jeu l'activité du centre respiratoire.

b. EXCITATIONS RÉFLEXES VENUES DE LA PÉRIPHÉRIE. RÔLE SPÉCIAL DES NERFS PNEUMOGASTRIQUES. Les centres respiratoires, outre qu'ils sont stimulés par les excitations chimiques que leur apporte constamment le sang veineux, réagissent par mode réflexe aux impressions sensitives venues de la périphérie générale ou de la périphérie pulmonaire.

De nombreuses observations démontrent que les excitations mécaniques, thermiques, électriques, chimiques de la surface cutanée ou des muqueuses en contact avec le milieu extérieur, telles que la muqueuse nasale, la muqueuse conjonctivale, etc., transmises au bulbe, peuvent provoquer des réflexes respiratoires. Voici de cette donnée générale quelques exemples. L'application du froid sur la peau, par le moyen d'éponges ou de linges mouillés, l'inhalation de sels odorants sont des moyens journellement employés pour réveiller la respiration de l'individu en syncope ou du noyé. L'excitation brusque de la conjonctive par une forte impression lumineuse, par la contemplation soudaine et directe du soleil, provoque la toux; c'est un réflexe rétinien. L'inhalation d'ammoniaque, de chloroforme peut pro

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