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4o La pression osmotique est la même quand le nombre des molécules dissoutes est le même dans un même volume (loi d'Avogadro)1. Ainsi est devenue profonde l'analogie entre les pressions osmotiques et les pressions gazeuses. C'est pour cela que Van't Hoff, qui saisit le plus fortement cette analogie, assimila la loi des concentrations à la loi de Mariotte, et celle des températures à la loi de Gay-Lussac 2, c'est-à-dire aux lois fondamentales qui régissent les propriétés des gaz 3.

On a été amené cependant à remarquer que les lois osmotiques s'appliquent surtout aux solutions étendues des substances organiques. Elles s'appliquent moins bien aux solutions concentrées et aux solutions des substances électrolytes.

B. Théorie des ions. On sait que les composés chimiques se divisent en deux grandes classes: ceux qui, comme les matières organiques, telles que le sucre, en solution, ne laissent pas passer le courant électrique, ce sont les non-électrolytes ou non-conducteurs, et ceux qui le conduisent et qu'on nomme pour cette raison électrolytes, tels que les sels métalliques, les acides.

Or, ces substances paraissent échapper au principe qui résume toutes les lois osmotiques, au principe de l'équimolécularité : toute molécule, quelle qu'elle soit, exerce en dissolution la même pression osmotique (loi de Van't Hoff). La pression osmotique des substances électrolytes est plus forte que ne l'indique la loi, c'est-à-dire le nombre de leurs molécules dissoutes.

Cette anomalie a été expliquée par le chimiste suédois S. Arrhenius, d'après qui tous ces corps à pression osmotique trop forte sont dissociés plus ou moins complètement dans leurs solutions. Cette dissociation a naturellement pour effet d'augmenter le nombre des molécules, augmentation qui a pour conséquence nécessaire à son tour l'augmentation de la pression. En effet, les molécules seraient, dans les solutions, dissociées en ions. C'est l'eau qui dissocie les

1. Van't Hoff a déduit cette loi du principe général posé par le célèbre chimiste italien Avogadro, à savoir que des volumes égaux de gaz à la même température et à la même pression contiennent un nombre égal de molécules ou, ce qui revient au même, que des volumes égaux de gaz dans les mêmes conditions de température exercent la même pression.

2. Rappelons ici la loi de Mariotte-Boyle: A température constante, le volume d'une masse gazeuse est inversement proportionnel à la pression que le gaz supporte; et celle de Gay-Lussac : A pression constante, une même élévation de température produit la même augmentation de volume. Quand le volume reste constant, l'augmentation de température amène une augmentation de la pression du gaz.

3. De là la formule de Van't Hoff qui résume cette assimilation des solutions aux corps gazeux: La pression osmotique d'une solution a la même valeur que la pression qu'exercerait la substance dissoute, si, à la température de l'expérience, elle était à l'état gazeux et occupait un volume égal à celui de la solution.

électrolytes en leurs ions. Le nombre des ions augmente avec la dilution.

Telle est essentiellement l'hypothèse d'Arrhenius que justifient d'assez nombreux faits.

P

-CL

On admet que, lorsqu'un courant électrique passe à travers une solution aqueuse saline, les atomes composant le sel transportent eux-mêmes l'électricité. Soit une auge à électrolyse (fig. 4) contenant une solution de chlorure de potassium; le courant de la pile P entre par l'anode A et sort par la cathode C. Les molécules KCl ne restent intactes, en leur état de combinaison, qu'en petit nombre, la plupart sont tirées de leur état et dissociées en leurs ions, un ion K, chargé d'électricité positive et par conséquent attiré par la cathode, électrode négative, où il se décharge, et un ion Cl négatif, qui se rend à l'anode ou électrode positive. Le métal ou l'hydrogène va toujours dans le sens du courant, c'est-à-dire à l'électrode négative, et le corps ou les corps qui étaient combinés avec le métal ou avec l'hydrogène vont dans le sens opposé. Ainsi l'électrolyse consiste en la séparation des ions, dans les solutions d'acides, de bases ou de sels métalliques, et leur transport vers les électrodes, comme le représentent les flèches de la figure 4.

Fig. 4. Électrolyse.

Or, dans l'hypothèse d'Arrhenius ou de la dissociation électrolytique, on admet que, dans les solutions, les molécules sont naturellement dissociées en ions; plus la solution est étendue, plus la dissociation est complète. Comme chaque molécule fournit un nombre d'ions déterminé, le nombre des ions est dans un rapport simple avec celui des molécules primitives du corps en dissolution. Exemple: soit une solution de NaCl contenant le poids moléculaire de 588,35 dans 1000 litres d'eau; dans une telle solution les molécules sont considérées comme étant toutes dissociées; chaque molécule a donc donné deux ions. Si l'hypothèse d'Arrhenius est exacte, la pression osmotique de cette solution est double de ce qu'elle devrait être. C'est bien ce qu'Arrhenius a constaté.

Cette théorie a donc permis l'application des lois osmotiques aux solutions des substances électrolytes.

APPLICATIONS PHYSIOLOGIQUES DE LA THÉORIE DES IONS.

Ces applica

tions ont été tout de suite fort importantes, comme on peut en juger par quelques exemples.

Il en est une qui concerne la nutrition générale des cellules et dont l'importance par conséquent est très grande. On peut dire en effet que les substances qui subissent la décomposition électrolytique pénètrent par diosmose dans les cellules, tant que la paroi de celles-ci est intacte. La plupart des sels minéraux répondent à cette condition. Mais les substances qui ne subissent pas la dissociation électrolytique ou qui ne l'éprouvent que très faiblement, passent dans l'intérieur des cellules vivantes ou en sortent par un mécanisme que l'on ne connaît pas encore. Ainsi le rôle des sels en physiologie est fonction du degré de dissociation électrolytique ou d'ionisation de ces corps.

Cette absorption plus facile de certains ions explique vraisemblablement les actions toxiques de beaucoup de substances. En étudiant l'excitabilité du muscle par les courants induits, après un séjour déterminé dans diverses solutions de composés métalliques (métaux alcalins et métaux alcalino-terreux), on a obtenu une évaluation de la toxicité relative de ces métaux et l'on a vu que cette toxicité est en rapport avec la vitesse de migration des ions (conditions dont dépendent tant de propriétés des solutions, telles que leur conductibilité électrique et leur vitesse de diffusion). Il s'agit là d'ailleurs d'un fait très général. La toxicité du sulfate de cuivre pour une Mucédinée, comme le Penicillium glaucum, revient en grande partie aux ions Cu; elle est abaissée par l'anion SO des sels SO Na2, SO K2, SO+ (AzH)2, l'influence des cathions Na, K et AzH', étant nulle (L. Maillard, 1898-99). L'action toxique des sels de mercure parait dépendre du degré d'ionisation de ces sels; les composés qui ne renferment pas l'ion Hg ne sont pas toxiques (Dreser, 1893).

Ces exemples pourraient être multipliés. Il suffira sans doute d'en donner encore un ou deux.

Le rôle du calcium, comme agent de coagulation du sang, de la lymphe et du lait, a été rapporté à une action d'ion (recherches de L. Sabbatani, 1904-1905). En effet, tous les sels qui, sans précipiter le calcium, forment avec ce métal des molécules plus dissociables et par suite diminuent la concentration de l'ion calcique, amènent l'incoagulabilité du sang; le type de ces sels est le citrate trisodique.

Même influence des ions sur le fonctionnement des organes eux-mêmes. C'est ainsi que la grandeur de l'action toxique des divers sels de potassium sur le cœur varie suivant le coefficient de dissociation électrolytique de ces sels; c'est la teneur des solutions en potassium ionisé qui règle l'intensité de la réaction physiologique (expériences de H. Busquet et V. Pachon, 1907 et 1909).

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La mesure directe de la pression osmotiqne est pratiquement très difficile. Mais on peut déterminer la valeur de au moyen de la mesure de phénomènes qui en dépendent, comme l'abaissement de

la tension de vapeur ou du point de congélation ou l'augmentation de la conductibilité électrique des solutions.

Tous ces phénomènes relèvent, en effet, d'un commun principe; ils sont tous fonction du nombre de molécules. C'est ce que l'on a vu plus haut pour la pression osmotique. On a reconnu que, lorsqu'on dissout une matière fixe quelconque dans un liquide, on diminue la tension de vapeur de ce dernier, et, d'autre part, dans le cas où le dissolvant est susceptible de se congeler, on en abaisse le point de congélation. Et il a été établi que ce retard dans la vaporisation ou dans la solidification du dissolvant dépend du nombre des molécules existant en dissolution; il est proportionnel à ce nombre Ainsi ces différentes grandeurs sont en relation avec le nombre moléculaire; elles sont par cela mème en relation entre elles. Étant, les unes et les autres, fonction de ce nombre de molécules, elles deviennent fonction les unes des autres. Elles peuvent donc se déduire les unes des autres. C'est pour la même raison, parce qu'elles dépendent toutes de la concentration moléculaire 1, que la concentration moléculaire peut inversement se déduire de chacune d'elles.

A. Tonométrie. Si donc des dissolutions de corps différents, faites avec le même dissolvant, renferment le même nombre de molécules physiques, elles auront la même tension de vapeur et le même point de congélation, comme elles ont la même tension osmotique. Aussi l'étude des solutions fondée sur les tensions de vapeur (ou tonométrie) a-t-elle conduit aux mêmes résultats que l'étude des solutions fondée sur les variations du point de congélation (cryoscopie).

-

B. Conductibilité électrique. 11 en a été de mème de l'étude des conductibilités électriques. La conductibilité électrique d'une solution d'une substance électrolyte est aussi une propriété liée au nombre des molécules. Tous les autres facteurs restant constants (dilution, température, etc.), la conductibilité (c'est-àdire la quantité d'électricité transportée dans l'unité de temps par l'unité de force électromotrice) d'un liquide électrolyte est propor

1. De ce principe découle une conséquence générale relative à la nature de ces propriétés physiques principales des solutions, propriétés osmotique, tonométrique, cryoscopique, pouvoir de conduire l'électricité, etc., à savoir qu'elles ne tiennent nullement à la spécificité chimique des corps dissous, mais seulement au nombre des molécules. Les phénomènes qui en dépendent ne sont en aucune façon liés à l'espèce de matière où ils se passent; ils ne sont liés qu'au nombre des particules physiques de la matière dans un espace donné. Chacune de ces propriétés n'est donc qu'une somme d'effets, puisque chaque molécule, agissant en tant que particule physique, a la même part au phénomène, quelle que soit sa nature. Aussi ces propriétés sont-elles dites additives ou colligatives, comme celles des gaz suivant le principe d'Avogadro, qui ne dépendent que de la concentration moléculaire.

tionnelle au nombre des molécules conductrices, c'est-à-dire au nombre des molécules dissociées en leurs ions, c'est-à-dire au nombre des ions libres. Pratiquement, la conductibilité d'un conducteur est inversement proportionnelle à la résistance que ce conducteur oppose au courant électrique, de telle sorte que l'on détermine la conductibilité en mesurant la résistance (celle-ci se mesure en ohms-centimètres).

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C. Cryoscopie. De ces trois méthodes physiques, la plus employée est la cryoscopie (de vós, glace, σzoñé, j'examine; examen de la glace, au sens étymologique du mot) qui consiste en la détermination de la température de congélation d'un liquide 1.

Il est d'observation vulgaire que l'eau qui tient en dissolution des matières étrangères, des sels par exemple, se congèle plus difficilement que l'eau pure; il y a un retard dans la congélation. C'est le phénomène dont Blagden (médecin militaire anglais), en 1788, a posé le principe en ces termes : l'abaissement du point de congélation d'une solution est proportionnel à la concentration, c'est-à-dire à la quantité de substance dissoute dans un même poids d'eau. Ainsi une solution de chlorure de sodium à 1 p. 100 se congèle à 0°,585; la solution à 2 p. 100 se congèle à 1o,170; la solution à 3 p. 100 à 1o,755, etc.; l'abaissement est donc double ou triple de celui de la première solution, conformément à la loi de proportionnalité entre les concentrations et les abaissements du point de congélation, qui s'applique exactement dans cet exemple. Les études consécutives, celles surtout de Raoult 2, ont conduit à la loi suivante, très importante l'abaissement du point de congélation est indépendant de la nature du corps dissous et de celle du dissolvant, il dépend seulement du nombre de molécules de l'un et de l'autre. Cette loi s'applique aux solutions aqueuses des substances non électrolytes et aux solutions dans des solvants autres que l'eau. Par suite, chaque molécule d'un corps, quel qu'il soit, abaisse sem

1. La cryoscopie a été appliquée aussi aux tissus organiques, comme on le verra plus loin.

2. Physicien français (1830-1901), ancien professeur de physique à la Faculté des sciences de Grenoble.

3. De là une application très importante de la cryoscopie, la détermination des poids moléculaires des corps. Soit à l'abaissement du point de congélation; désignons par P le poids du corps contenu dans 100 d'eau et par M le poids moléculaire. On a : M=K, K étant une constante, établie pour chaque dissolvant;

K

=

A

18,5 pour l'eau. On en déduit : M= K. Les mesures tonométriques ou celles de conductibilité électrique permettent semblablement d'établir le poids moléculaire des corps.

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