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rable, alors le foie ne peut plus arrêter et transformer tout ce sucre; il y aura glycosurie.

C'est un phénomène que l'on peut observer aussi chez l'homme, à la suite de l'ingestion de grandes quantités de glycose (300 à 400 gr.) ; il y a dans ces cas glycosurie dite alimentaire. La glycosurie alimentaire se produit plus facilement chez les malades atteints de cirrhose du foie, de pyléphlébite ou de toute autre affection dans laquelle la veine porte est plus ou moins oblitérée; pour E. Colrat, médecin lyonnais qui décrivit ce fait en 1875, elle aurait même la valeur d'un « signe d'obliteration totale ou partielle de la veine porte ». On étendit cette conception et on fit de la glycosurie alimentaire un symptôme d'insuffisance hépatique. Ce qui était très exagéré, car, d'une part, ce symptôme ne se présente pas dans tous les cas d'altération, même profonde, du foie et, d'autre part, on le trouve dans nombre d'affections où le foie ne paraît pas altéré, comme les affections médullaires, les névroses, etc. C'est que l'utilisation du sucre par l'organisme est un phénomène complexe, ne dépendant pas seulement de l'intégrité de la fonction glycogénique, mais aussi de l'absorption gastro-intestinale, de la fixation et de l'utilisation du sucre par les tissus (glycolyse extra-hépatique) et de la perméabilité rénale; l'absorption étant ralentie, par exemple, le sucre peut être détruit en assez grande quantité par les microbes du tube intestinal; la perméabilité rénale étant défectueuse, le passage du sucre ingéré dans les urines sera ralenti et l'organisme aura plus de temps pour en détruire l'excès; voilà donc deux conditions qui peuvent empêcher la glycosurie alimentaire; il en est évidemment de même en cas d'augmentation du pouvoir glycolytique des tissus. Ce symptôme n'en conserve pas moins une valeur clinique, si on le constate, non pas accidentellement, mais d'une façon régulière, chez un sujet donné 2.

Voilà donc un ensemble de faits bien liés : la glycose formée dans la digestion des féculents et de divers sucres est absorbée et, arrivant au foie, est en partie3 arrêtée par la cellule hépatique et, transformée en glycogène, qui s'y dépose, y reste emmagasiné; pour être utilisé ensuite dans l'organisme, le glycogène, sous l'influence d'une amylase hépatique, repasse à l'état de glycose, qui sort du foie par les veines sus-hépatiques; c'est une sécrétion interne, c'est même le premier type de sécrétion interne qui fut découvert (Cl. Bernard). Mais le sang artériel contient toujours à peu près la même quantité de glycose, 1.gramme à 1 gr. 5 par litre. Comme le foie déverse

1. Ce qui s'explique aisément, si l'on réfléchit que le foie n'est jamais détruit complètement dans les processus pathologiques observés et que les cellules restées intacles suffisent à la fonction, leur activité étant augmentée.

2. Voy. G. Linossier, Valeur clinique de l'épreuve de la glycosurie alimentaire (Arch. gen. de méd., mai 1899).

3. Une partie est immédiatement brûlée, comme le prouve l'augmentation du quotient respiratoire, à la suite d'un repas riche en féculents; une autre partie peut se transformer en graisse.

constamment du sucre dans le sang, puisque la proportion de ce sucre n'augmente pas1, il est de toute nécessité que la consommation compense la production.

En effet, la glycose du sang disparaît dans les organes périphériques. Le sang qui revient des organes, à l'exception du foie, bien entendu, est toujours plus pauvre en sucre que le sang artériel (A. Chauveau, 1856); le sang veineux des muscles, par exemple, contient en moyenne 1 gr. 20 par litre, au lieu de 1 gr. 30 à 1 gr. 40, chiffre trouvé d'habitude dans le sang artériel 3. On verra plus tard ce que devient le sucre qui disparaît ainsi.

De tous ces faits on peut conclure que le foie, parce qu'il est en même temps organe producteur de glycogène et de glycose, règle Ja distribution, dans le sang, du sucre absorbé dans l'intestin; il en emmagasine plus ou moins sous la forme stable de glycogène; ce dépôt est plus abondant quand, après un repas fortement amylacé, le sucre passe en excès dans le sang intestinal; et il en livre plus ou moins au sang sous la forme labile de glycose.

Remarquons cependant que cette régulation n'est pas l'œuvre exclusive du foie, Quand le foie, à la suite d'un long jeune, a été dépouillé de tout le glycogène qu'il contenait, le sang n'en conserve pas moins sa teneur normale en sucre; il continue à en recevoir des quantités équivalentes à celles qui se détruisent dans les muscles. Est-ce le foie qui en fait aux dépens des matières albuminoïdes (voy. ci-dessus, p. 603)? En tout cas, on sait que d'autres tissus (les muscles) peuvent faire de la glycose aux dépens du glycogène qu'ils contiennent. Ainsi dans cette production et cette consommation du sucre le foie et les muscles sont fonctionnellement associés.

Le maintien des proportions convenables entre le glycogène du foie et des muscles et la glycose du sang constitue un mécanisme régulateur; par le fonctionnement de ce mécanisme se règle la teneur du sang en sucre, ce que l'on a appelé la glycémie normale. Il y a hyper ou hypoglycémie, suivant qu'augmente ou diminue cette teneur normale, quand l'équilibre est rompu entre la production et la consommation du sucre, soit que celui-ci soit produit en excès, soit que les tissus deviennent inaptes à le détruire en quantité suffisante.

E. Influence du système nerveux sur la fonction glycogénique et sur la glycémie. Ces fonctions sont sous la dépen

1. Il est plus exact de dire que la teneur du sang artériel en sucre ne varie pas, puisqu'elle ne diminue pas plus pendant le jeûne ou durant le travail musculaire qu'elle n'augmente pendant la digestion des hydrocarbonės.

2. Le sang artériel perd en moyenne par kilogramme, en traversant les muscles, 0,12 de sucre. Il en perd seulement 08,02 en traversant les glandes.

dance du système nerveux, qui peut: 1. en accroître, 2. en réduire l'activité.

1. Cette importante notion découle d'une expérience fondamentale de Claude Bernard (1855), celle de la piqûre du quatrième ventricule, dite aussi piqûre diabétique 1.

Si l'on pratique sur un animal (chien ou lapin [voy. fig. 155]), une piqûre sur le plancher du quatrième ventricule, entre les racines des nerfs

P

Fig. 155. Piqûres expérimentales du quatrième ventricule, sur le lapin (Claude Bernard).

Les lobes du cervelet sont écartés. On voit, en bas, les corps restiformes dont l'écartement circonscrit le bec du calamus scriptorius et le quatrième ventricule. - La piqûre P', qui produit de la glycosurie, est située un peu audessus du calamus. La piqûre P est située au niveau de l'origine des nerfs acoustiques.

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acoustiques et celles des nerfs pneumogastriques, on trouve au bout de peu de temps (une heure et quelquefois moins) du sucre dans les urines de l'animal"; la quantité atteint en général 2 à 3 grammes p. 100 centimètres cubes d'urine. Le phénomène ne dure que trois à quatre heures. Ce qui paraît bien prouver, d'ailleurs, qu'il est le résultat d'une excitation.

Cette glycosurie est due à un travail hépatique. En effet, elle ne se produit pas chez les grenouilles sur lesquelles on a lié les vaisseaux du foie ou dont on a enlevé le foie, pas plus que chez les oiseaux sur lesquels on a pratiqué l'extirpation de cet organe; une fois produite, elle cesse, si l'on enlève le foie (expériences faites sur des grenouilles). D'autre part, elle ne se produit pas davantage chez les grenouilles d'hiver, dont le foie est dépourvu de glycogène, ni chez les animaux inanitiés, pour la même raison. Enfin, l'altération des cellules hépatiques dans l'empoisonnement par l'arsenic ou par le phosphore empêche également son apparition; dans l'empoisonnement lent par l'acide arsénieux, par exemple, le foie est privé de glycogène et ne peut plus produire de sucre. Bref, l'intégrité du foie paraît nécessaire à la production de cette glycosurie.

Quel est le mécanisme par lequel la piqûre du quatrième ventricule agit sur le foie ?

1. Expression impropre d'ailleurs, car ce traumatisme ne détermine qu'une glycosurie passagère, et non un véritable diabète.

2. Une piqûre pratiquée un peu plus haut, en P, produit de la glycosurie accompagnée de polyurie; un peu plus haut encore, elle produit une albumi

nurie.

Ses premières recherches lui ayant montré que la section des pneumogastriques fait disparaître le sucre du foie, Cl. Bernard avait pensé d'abord que le pneumogastrique serait, à cet égard, un nerf centrifuge, excitosécrétoire, qui porterait vers le foie l'excitation ayant son centre dans le bulbe; mais il constata bientôt que la glycosurie se produit encore après la piqûre bulbaire, alors même que les pneumogastriques ont été coupés; ce ne sont donc pas ces nerfs qui transmettent l'excitation vers le foie; il fut démontré par la suite que le pneumogastrique agit sur la glycogénie hépatique en tant que nerf centripète, conduisant au bulbe des impressions périphériques venant du poumon, impressions qui sont alors réfléchies vers le foie par des des voies centrifuges sympathiques.

Au contraire, après la section de la moelle cervicale, au-dessous de l'origine des nerfs phréniques (de façon à ne pas troubler la respiration), entre la septième vertèbre cervicale et la première dorsale, la piqûre diabétique reste sans effet; même résultat si l'on pratique, au lieu de la section de la moelle, la section des racines rachidiennes à ce niveau (M. Laffont1). L'excitation déterminée par la piqûre se transmet donc au foie par la moelle, puis par les nerfs du système sympathique.

De fait, 1o si on lie sur la grenouille tous les filets sympathiques qui vont au foie, on ne peut plus, par la piqûre du quatrième ventricule, provoquer de glycosurie (expériences de Schiff et Moos); 2o la section préalable des splanchiques empêche l'effet de la piqûre (Cyon et Aladoff, Eckhard); 3° l'excitation des mêmes nerfs donne lieu à de l'hyperglycémie.

Cette dernière expérience a été considérée comme une preuve de l'existence de filets glyco-sécréteurs qui traverseraient le plexus solaire et passeraient dans le tronc des splanchniques (A. et E. Cavazzani 2, 1892, Morat et Dufourt, 1894).

Comme la piqûre diabétique s'accompagne d'une vaso-dilatation abdominale très marquée, on s'était demandé si, sous l'influence de cette augmentation de la circulation, le foie, fonctionnant plus activement, ne produirait pas par cela seul plus de sucre. Mais on sait (voy. p. 467 et 470) que l'excitation du bout périphérique des splanchniques, encore que ces nerfs contiennent très vraisemblablement des fibres vaso-dilatatrices, ne provoque que de la vaso-constriction.

On a donc été conduit à admettre l'existence de nerfs glyco-sécréteurs. Ces nerfs agiraient bien en accroissant la transformation du glycogène en glycose (expériences de Morat). Mais cette interprétation a été remise en question.

D'après des expériences de E. Wertheimer et G. Battez (1909), en effet, l'atropine, cet agent paralysant des nerfs sécréteurs, n'empêche ni la 1. Marc Laffont, physiologiste français contemporain.

2. E. Cavazzani, physiologiste italien contemporain, professeur de physiologie à l'Université de Ferrare. A. Cavazzani, frère du précédent, médecin con

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temporain.

GLEY.

Physiologie.

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glycosurie par piqûre du bulbe ni la glycosurie asphyxique 1. Si donc ce phénomène ne se produisait que par l'intermédiaire de nerfs proprement sécréteurs, ne serait-il pas supprimé par l'atropine à haute dose?

D'autres excitations que l'excitation asphyxique mettent en activité le centre bulbaire. On a déjà vu tout à l'heure que l'excitation du bout central du pneumogastrique amène la glycosurie. Tel est aussi l'effet de l'excitation des nerfs dépresseurs, du bout central du sciatique. Il peut donc y avoir, sous l'influence d'excitations réflexes, mise en activité du centre bulbaire, mais on ignore dans quelle mesure de telles excitations interviennent pour la régulation de la glycémie normale.

Quel que soit en définitive le mécanisme de la piqûre diabétique, cette excitation fait entrer en jeu des centres qui sont en communication avec le foie par des fibres descendant dans la moelle cervicodorsale et s'engageant dans les splanchniques; par l'excitation de ces nerfs est augmentée la transformation du glycogène en glycose. Il y a donc, aussi bien par la piqûre du quatrième ventricule que par l'excitation des splanchniques, hyperglycémie et glycosurie par l'exagération de la production sucrée du foie. Et ainsi se trouvent encore corroborées les étroites relations entre le glycogène hépatique et la glycose du sang dont la réalité est par ailleurs démontrée. 2. Des influences nerveuses s'exercent aussi pour diminuer la production hépatique du sucre. Ici encore se trouve une expérience de Claude Bernard.

A la suite de la section de la moelle entre la quatrième cervicale et la cinquième dorsale, le sang et le foie ne contiennent plus de sucre, mais il s'accumule une grande quantité de glycogène dans le foie. Ainsi, après cette opération, les cellules hépatiques ont gardé leur propriété de former du glycogène, mais elles ont perdu celle de le transformer en glycose. Cette suppression de la glycogenèse hépatique entraîne un abaissement de température considérable, le foie ne fournissant plus aux muscles la glycose qui en est le combustible.

La section des splanchniques est suivie aussi d'hypoglycémie.

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F. Troubles de la fonction glycogénique et de la glycémie. Glycosuries et diabètes. L'augmentation du sucre dans le sang ou hyperglycémie par action du foie donne lieu à la glycosurie. Claude Bernard estimait que le sucre ne passe dans l'urine que lorsque le sang en contient plus de 2 grammes pour 1000 (de

1. L'asphyxie par simple oblitération de la trachée provoque en effet le passage du sucre dans les urines en excitant l'appareil nerveux du foie. Les propriétés excitantes du sang chargé d'acide carbonique ont été déjà signalées précédemment (voy. p. 478 et 582).

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