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son action régulatrice sur cette fonction, en raison de l'extensibilité et de l'élasticité de son tissu. Celles-ci sont telles que le foie peut être considéré comme un réservoir veineux dans lequel, à l'occasion, se loge un excès de liquide. Cette action régulatrice s'exerce, par exemple, dans les cas d'absorption de grandes quantités de liquide par le tube digestif. Par suite, le cœur droit peut être protégé contre des afflux exagérés. « La valvule tricuspide constitue, pour ainsi dire, la valvule du foie... ; pour les cœurs forcés, l'ensemble des veines hépatiques devient une annexe de l'oreillette droite 1».

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B. Indépendance de la circulation dans les deux lobes du foie. Conséquences fonctionnelles. — Les origines de la veine porte sont formées par deux branches : une droite, volumineuse, la grande mésaraïque, et une gauche, plus petite, la splénique, grossie des veines gastriques et de la petite mésaraïque. La branche gauche amène donc au foie le sang veineux de la rate, de l'estomac et de la plus grande partie du gros intestin; par la branche droite arrive le sang du pancréas, de l'intestin grêle et de la première partie du gros intestin. Or, ces deux courants sanguins resteraient indépendants jusque dans le parenchyme hépatique et ainsi le foie gauche serait spécialement en rapport avec l'estomac et avec la rate (accouplement gastro-spléno-hépatique) et le foie droit avec l'intestin grêle et avec le pancréas (accouplement entéro-pancréatico-hépatique). Cette théorie est très contestée.

La suppression

C. Effets de la ligature de la veine porte. de l'arrivée du sang porte au foie, chez les Mammifères, amène la mort en quelques heures (en une ou deux heures chez le chien, en moins d'une heure chez le chat et le lapin).

La cause de la mort est surtout d'ordre mécanique (voy. p. 246). Le sang, chassé par le cœur, s'accumule en arrière de la ligature, dans tout le système d'origine de la veine porte; les intestins et le péritoine sont gorgés de sang. Il s'ensuit une anémie de toute la partie antérieure de l'animal. Les animaux tombent dans une extrême dépression, comme lors d'une grande hémorragie.

De cet arrêt de la circulation porte résulte aussi la suppression des fonctions hépatiques; par suite il se produit dans le sang une accumulation de substances toxiques. Mais celle-ci, comme on le voit par les effets de la fistule d'Eck, opération qui équivaut à l'arrêt de la circulation hépatique, sans que soit entravée la circulation intestinale, ne peut entraîner une mort aussi rapide que la ligature de la veine porte. La mort par intoxication, par les poisons de l'organisme, n'est jamais immédiate.

1. A. Gilbert et P. Carnot, Les fonctions hépatiques, Paris, 1902, p. 74.

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D. Effets de la ligature de l'artère hépatique. La ligature de l'artère hépatique n'amène pas la suppression de la sécrétion biliaire (voy. p. 246). Mais elle diminue rapidement le glycogène du foie; il semble que les cellules hépatiques privées de sang artériel, c'est-à-dire exposées à l'asphyxie, ne puissent reconstituer leur réserve de glycogène. Quand on lie non seulement le tronc de l'artère, mais aussi toutes ses collatérales, il survient une nécrose partielle du foie (en moins de vingt-quatre heures chez le chien) et le rapport de l'urée à l'azote total de l'urine diminue beaucoup.

6. Le pancréas, glande nutritive.

Le pancréas, outre son rôle de glande digestive, c'est-à-dire de glande produisant un suc digestif qui s'écoule dans l'intestin, a encore pour fonction de verser dans le sang quelque produit sans lequel l'organisme ne peut plus utiliser la glycose.

Cette fonction avait été soupçonnée par les médecins. Dès 1877, un médecin français bien connu, Lancereaux, avait recueilli plusieurs observations de malades atteints d'un syndrome consistant en un amaigrissement rapide, une faim et une soif extrêmes et une élimination considérable de sucre; la mort survenait en quelques mois ou en un ou deux ans au plus ; à l'autopsie, il avait trouvé le pancréas plus ou moins complètement détruit. Aussi avait-il distingué une nouvelle forme de diabète qu'il avait appelée diabète pancréatique ou maigre, à cause de la rapidité effrayante de l'amaigrissement chez les malades, et qu'il avait opposée aux deux autres formes de diabète qu'il reconnaissait, le diabète gras et le diabète nerveux. Mais, comme d'autres cliniciens avaient observé des altérations graves du pancréas sans diabète, cette conception restait contestée.

Les mémorables expériences de J. von Mering et Minkowski (1889) sur les effets de l'extirpation du pancréas, en même temps qu'elles révélèrent le rôle important de cet organe dans l'utilisation du sucre, donnèrent l'explication des contradictions apparentes de la clinique au sujet du diabète pancréatique.

1° Effets de l'extirpation du pancréas. Le diabète
pancréatique.

Ces expériences prouvent que le diabète est immédiatement consécutif à cette opération, mais à condition que l'extirpation soit totale. Quand l'extirpation n'est que partielle, la maladie ne sur vient pas, même si on n'a laissé dans l'abdomen que 1/5, 1/6 et même 1/10 de la glande. Rien donc d'étonnant à ce que l'on trouve,

chez l'homme, des lésions du pancréas sans que pendant la vie le diabète ait été constaté; il suffit d'une petite portion de glande saine pour que la maladie ne se déclare pas.

La glycosurie apparaît quelques heures après l'extirpation du pancréas et devient maxima en moins de deux jours. La quantité de sucre éliminé varie de 5 à 11 gr. pour 100 c. c. d'urine. Il en est ainsi même chez les animaux à jeun ; il ne s'agit donc pas d'une glycosurie alimentaire. Cette glycosurie s'accompagne d'azoturie; l'élimination d'azote est telle (le rapport du sucre à l'azote de l'urine est en moyenne de 28.8 p. 1) que l'on peut penser que le sucre perdu provient d'une destruction exagérée des matières albuminoïdes. Très vite après l'opération, les animaux (chiens, chats, porcs 1) deviennent très voraces et présentent de la polydypsie; en même temps ils sont polyuriques : un chien de 7 kilogrammes excrète 1000 à 1200 c. c. d'urine, au lieu de 200 à 400 c. c., chiffre normal. A côté de la glycose, on peut trouver dans les urines de l'acide acétylacétique, de l'acide oxybutyrique, de l'acétone. Presque tout le glycogène du foie et des muscles disparaît. Malgré la suralimentation (des chiens de 10 à 12 kilogrammes mangent plus d'un kilogramme de viande maigre par jour), ils perdent en un ou deux mois le tiers de leur poids ; ils sont réduits à l'état de squelette, ne peuvent plus se traîner, leurs poils tombent et la mort survient en général au bout de un ou deux mois, dans le marasme.

Tout cet ensemble de phénomènes dépend exclusivement de la suppression du pancréas.

En effet, il est certain d'abord que le diabète ainsi produit est indépendant de la sécrétion du suc pancréatique. Jamais la ligature des conduits excréteurs du pancréas ne détermine de glycosurie.

D'autre part, ce diabète ne tient pas au traumatisme et aux lésions nerveuses concomitantes, déchirures, ligatures et sections de filets sympathiques et lésions consécutives du plexus solaire. On peut détacher tout le pancréas du duodénum, en respectant seulement une petite portion au voisinage de la rate, opération qui entraîne le même traumatisme nerveux que l'ablation complète, sans que se produise le diabète 2. Si, ensuite, au bout d'un temps plus ou moins long, on enlève cette portion restante de l'organe, la maladie éclate.

1. On a provoqué aussi ce diabète chez le lapin, la grenouille, la tortue.

2. Cependant, chez la grenouille,'Pflüger a trouvé (1907-1908) que l'extirpation du duodénum ou même seulement la section du mésentère entre le duodénum et le pancréas, entraînant la séparation des nerfs qui unissent ces deux organes, amène le diabète. Il en conclut que l'extirpation du pancréas ne provoque le diabète que d'une façon indirecte, par la suppression des plexus ganglionnaires situés dans les parois duodénales; ces plexus représenteraient des organes nerveux inhibiteurs de la production du sucre, antagonistes des nerfs qui accroissent cette production.

Des opérations analogues, faites sur le chien par divers expérimentateurs (en particulier Minkowski, 1908 et N. Tiberti ', 1908), n'ont pas confirmé les résultats obtenus par Pflüger.

Professeur à l'Université de Ferrare.

L'expérience suivante est encore plus démonstrative, si possible. C'est l'expérience de la greffe sous-cutanée du pancréas, réalisée d'abord par Minkowski (1892) et, la même année, par Hédon. On peut, chez le chien, amener la portion dite verticale du pancréas vers la peau, dans le tissu cellulaire sous-cutané de la paroi abdominale en respectant ses vaisseaux, puis la séparer du reste de l'organe que l'on extirpe alors. L'animal se rétablit vite et ne devient pas diabétique. Mais, si l'on enlève la greffe, quelques heures après, la glycosurie et tous les troubles décrits plus haut s'installent.

2o Mécanisme du diabète pancréatique.

Quelle explication donner de ces faits?

Il apparaît bien d'abord que le pancréas cède normalement au sang quelque principe qui intervient dans la régulation de la production ou de la consommation de la glycose. L'expérience de la greffe sous-cutanée de l'organe suffit à le montrer. C'est donc comme glande à sécrétion interne que le pancréas exerce cette action métabolique.

En deuxième lieu, c'est bien sur la glycose qu'il agit.

Qu'à un animal rendu diabétique par l'extirpation du pancréas on fasse ingérer du sucre, l'organisme ne doit plus pouvoir utiliser ce sucre, si l'action du pancréas sur les mutations de cette substance est bien spécifique. Or, supposons un chien de 7 à 8 kilogrammes auquel on a enlevé le pancréas; ses urines contiennent 30 grammes de glycose; administronslui 10 grammes de glycose; ses urines en contiennent 39 grammes; tout le sucre ingéré a passé par les reins.

Ainsi l'organisme des animaux privés de pancréas devient incapable de retenir la glycose; comme on a dit, il a perdu son « pouvoir glycoso-régulateur ». De fait, le foie de ces animaux ne contient plus de glycogène.

En troisième lieu, dans l'exercice de cette action sur les sucres le pancréas, comme déjà le montre la constatation précédente sur la totale ou quasi totale disparition du glycogène hépatique, paraît associé au foie.

La glycosurie qui suit l'extirpation du pancréas ne se produit pas, en effet, si l'on enlève en même temps le foie (sur la grenouille) ou si on lie les vaisseaux de cet organe.

Peut-on de ces données tirer une conclusion ferme sur le mécanisme du diabète pancréatique? Le pancréas verse-t-il dans le sang

1. Ce qu'il y a de très remarquable, c'est que la lévulose est encore utilisée par le foie de ces animaux et transformée en glycogène, du moins en grande partie (voy, ce qui a déjà été dit à ce sujet, p. 612).

une substance nécessaire à la formation du glycogène dans le foie (Gley, 1906, G. Lafon', 1906) ou bien une substance qui diminue normalement la production de la glycose par le foie? Aucune de ces hypothèses n'est actuellement prouvée, encore que la première soit plus plausible.

Autre explication : le pancréas verserait dans le sang une substance grâce à laquelle se ferait la consommation du sucre, ferment glycolytique (voy. p. 87). Ici se placent d'autres faits.

On sait depuis longtemps que le sang sorti des vaisseaux perd du sucre (voy. p. 329 ct 342). Cette destruction tient à l'action d'un ferment glycolytique dont les propriétés ont été bien étudiées par R. Lépine. Or, le pouvoir glycolytique du sang serait très diminué après l'extirpation du pancréas (d'après les expériences de R. Lépine).

Que l'on rapproche de ces faits celui qui a été découvert par O. Cohnheim (1903) et qui a été mentionné p. 94: la destruction du sucre dans les muscles ne se ferait que grâce à l'action d'une substance fournie par le pancréas. En l'absence de cet organe, par conséquent, le sucre ne serait plus utilisé par les muscles et s'accumulerait dans le sang.

On a également trouvé (J. de Meyer 2, 1904, O. Cohnheim, 1904) que du sang, additionné d'un peu d'extrait aqueux de pancréas, détruit deux fois plus de sucre que le sang normal et qu'il conserve cette action même quand l'extrait pancréatique a été stérilisé à 115° (J. de Meyer); d'où l'on a conclu que la sécrétion interne du pancréas fournirait seulement une kinase qui agirait sur le ferment glycolytique du sang. D'autre part,

J. de Meyer (1908) a obtenu un sérum antiglycolytique dont l'injection amènerait, chez le chien, l'hyperglycémie et la glycosurie, par diminution du pouvoir glycolytique.

Le diabète pancréatique aurait donc pour cause une diminution dans la consommation de la glycose. Faisons remarquer cependant que, chez les chiens privés de pancréas, la combustion du sucre au niveau des capillaires se fait comme chez les chiens normaux, puisqu'on trouve chez les uns et les autres la même différence dans la teneur en sucre du sang artériel et du sang veineux (expériences de Chauveau et Kaufmann, 1894). Quel que soit l'intérêt des faits relatifs au mécanisme de la glycolyse, on voit que l'explication du diabète pancréatique, fondée sur la diminution de ce processus, ne peut guère actuellement être acceptée plutôt que les précédentes. La question se compliquerait encore si l'on considérait les faits d'après lesquels il y aurait un rapport étroit entre le pancréas et les glandes surrénales, au point de vue de leur action sur la production du sucre (voy. ce qui a été dit à ce sujet p. 611).

1. Physiologiste français contemporain, professeur à l'École vétérinaire de

Toulouse.

2. Physiologiste belge contemporain.

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