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8.

Fonctions des capsules surrénales.

Le médecin anglais Addison découvrit en 1855 qu'un syndrome morbide, auquel on donna son nom par la suite, caractérisé par une forte pigmentation de la peau et une grande faiblesse générale (asthénie), est lié à des lésions des capsules surrénales; les malades se cachectisent et meurent. Dès l'année suivante, les expériences méthodiques de Brown-Séquard sur les effets de l'extirpation totale de ces organes chez divers animaux auraient dû rendre incontestable cette relation. Celle-ci pourtant ne s'imposa qu'à partir des recherches de E. Abelous et J.-P. Langlois (1892-1893).

1° Effets de l'extirpation des capsules surrénales.

Ces effets sont des plus nets chez tous les animaux sur lesquels cette opération a été pratiquée.

Dès les premières heures qui suivent l'extirpation totale des deux capsules, les animaux présentent de l'apathie et de la faiblesse musculaire; ces phénomènes s'aggravent progressivement, la température s'abaisse (à cause sans doute de l'immobilité), la parésie devient de la paralysie, et celle-ci gagne les muscles de la respiration. La mort survient dans cet état, en une soixantaine d'heures chez le chat, en une trentaine d'heures chez le chien, en dix heures et quelquefois moins chez le cobaye, en cinq jours environ chez le lapin, etc. Pour les grenouilles, en été, la survie ne dépasse pas quarante-huit heures; en hiver, elle dure une douzaine de jours (d'après les expériences de Abelous et Langlois, 1892).

Ces accidents mortels sont dus uniquement à la suppression des surrénales.

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En effet, 1° pour qu'ils se produisent, il faut que l'extirpation soit totale. La conservation de 1/10 des glandes suffit pour assurer la survie chez le chien (d'après les observations de J.-P. Langlois); 20 le traumatisme ou les lésions nerveuses (plaies du péritoine, contusions des reins ou du foie, irritation ou déchirures des splanchniques ou du plexus solaire, etc.) qu'amène l'opération sont absolument inefficaces pour provoquer le syndrome décrit ci-dessus; 3o en insérant sous la peau de grenouilles opérées des fragments de surrénales pris à d'autres gre nouilles, on prolonge la survie des premières. Les essais de greffe sur les Mammifères ont toujours échoué, à cause de la nécrose rapide de la substance médullaire à laquelle seule paraît appartenir la fonction surrénale;

1. Il est nécessaire que dans la petite portion restante il se trouve quelque peu de la substance médullaire des capsules; s'il n'y a que de la substance corticale, la mort survient à coup sûr.

cependant deux expérimentateurs américains, B. Busch et Van Bergen (1906) ont réussi, une fois sur trente opérations, à transplanter une capsule dans le rein d'un lapin, préalablement privé de l'une de ses capsules; cent-deux jours après, l'extirpation de la seconde n'entraîna pas la mort; mais, soixante-deux jours plus tard l'extirpation du rein avec la surrénale greffée fut suivie, en trois jours, de la mort avec tous les symptômes que présentent les animaux acapsulés.

2o Mécanisme de la fonction surrénale.

Les animaux privés de leurs surrénales semblent intoxiqués.

En effet, 1° l'injection intraveineuse ou sous-cutanée du sang d'une grenouille mourante à une grenouille qui vient d'être opérée entraîne une paralysie rapide et la mort. Le sang de chien acapsulé est semblablement toxique pour le chien ; 2o le sang de grenouilles acapsu lées paraît contenir des poisons curarisants (expériences de Abelous et Langlois, 1892); l'excitation électrique du sciatique ne provoque aucune réaction musculaire sur ces animaux, tandis que le muscle a conservé son excitabilité; il en est de même chez le cobaye; — 3o la courbe de la fatigue (produite par des excitations régulières du sciatique) n'est pas la même chez les grenouilles acapsulées et chez les normales, la fatigue survient chez les premières plus rapidement et ne disparaît pas par le repos même prolongé (expériences de Abelous, 1893); 4° la mort survient plus rapidement chez les animaux acapsulés si on tétanise les muscles (expériences de Albanese 1, 1892).

De là la théorie émise par Abelous et Langlois et que beaucoup de physiologistes ont acceptée, à savoir que les surrénales détruisent normalement ou neutralisent des substances toxiques résultant de la contraction musculaire.

Où s'exerce cette fonction surrénale? Dans la glande elle-même ou dans le sang? Cette question n'est point tranchée, car les injections d'extrait surrénal aux animaux acapsulés n'ont donné que des résultats peu précis et d'ailleurs inconstants. Et comment s'exerce cette fonction? On ne le sait pas davantage.

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Propriétés physiologiques de l'adrénaline. — On a extrait des capsules surrénales une matière azotée, cristallisable, assez soluble dans l'eau chaude, qui se combine avec les acides pour former des sels, l'adrenaline de Takamine 2 et d'Aldrich3 qui l'ont isolée à peu près en même temps (1901) et dont la formule serait : CH13AZO3. Les glandes en contiennent 0,1 à 0,17 p. 100, surtout dans la partie médullaire.

1. Physiologiste italien contemporain. 2. Jokichi Takamine, chimiste japonais. 3. Th. B. Aldrich, chimiste américain.

Cette substance, injectée dans les vaisseaux, manifeste des propriétés remarquables sur le cœur et sur les vaisseaux1; le cœur se ralentit et ses contractions deviennent plus amples; la pression artérielle s'élève énormément; il suffit de 0,0000013 de chlorhydrate d'adrénaline pour produire cet effet chez le chien (Takamine). Tous les muscles innervés par le système sympathique éprouvent l'action de l'adrénaline: la pupille se dilate, les muscles des poils se contractent, les mouvements péristaltiques de l'intestin sont inhibés, etc. En instillation ou en badigeonnage à la surface des muqueuses, elle provoque une anémie locale et une hémostase qui sont utilisées en ophtalmologie et en rhinologie. Il a été déjà parlé (voy. p. 611) de la glycosurie à laquelle donne lieu l'injection de cette substance. Comme action sur le métabolisme, signalons encore l'infiltration calcaire de la tunique moyenne des artères (artériosclérose expérimentale), consécutive aux injections répétées d'adrénaline. La toxicité générale

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de l'adrénaline est grande; une dose de 0,01 à 08г,02 en injection souscutanée tue le lapin en une heure environ; une dose de 0gr,001 à 0gr,002 par kilogramme en injection intraveineuse suffit pour tuer le chien. Après une période d'agitation, de dyspnée et de convulsions, les animaux meu. rent d'œdème pulmonaire et quelquefois de trémulations ventriculaires (F. Battelli).

Existe-t-il quelque relation entre le fonctionnement des surrénales et l'adrénaline? Il parait établi que les veines capsulaires déversent dans le sang de petites quantités, d'ailleurs variables, de cette substance. Le sang de ces veines possède une action vaso-constrictive analogue à celle de l'extrait surrénal (N. Cybulski 2, 1899, L. Camus et J.-P. Langlois, 1899); il en est de même du plasma de ce sang. Et n'est-il pas très intéressant de rapprocher ce fait de cette constatation, que la pression artérielle des animaux acapsulés est très basse? Faut-il en conclure que l'adrénaline formée dans les capsules et normalement versée dans le sang contribue à la régulation de la pression du sang 3? Il est vrai que l'adrénaline injectée dans les vaisseaux disparait très rapidement du sang; elle s'oxyde dans les tissus; mais cela ne prouve pas qu'il ne s'en déverse point normalement, suivant les besoins de la circulation, de petites quantités par les veines capsulaires. Remarquons à ce

1. On savait par les expériences d'Oliver et Schäfer (1894) que l'injection d'extrait aqueux de surrénale détermine une élévation considérable de la pression artérielle. Les mêmes auteurs avaient montré que ce phénomène dépend d'une vaso-constriction produite par une action directe de l'extrait sur les fibres lisses des vaisseaux.

2. Physiologiste autrichien contemporain, professeur de physiologie à l'Université de Cracovie.

3. L'excitation du splanchnique au-dessous du diaphragme provoquerait, indépendamment de toute modification circulatoire, une excrétion plus abondante de la substance active des surrénales dans le sang veineux (expériences de A. Biedl [de Vienne], 1898).

propos l'antagonisme qui existe entre le principe actif des surrénales, vaso-constricteur, et celui de la thyroïde, vaso-dilatateur.

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Nos connaissances sur le rôle de la glande pituitaire ou hypophyse sont très bornées.

Les expériences d'extirpation ou de destruction complète, en raison même de la difficulté d'atteindre cet organe et des traumatismes nerveux et des hémorragies presque inévitables au cours de l'opération, n'ont pas encore donné des résultats assez sûrs pour que l'on soit en droit d'affirmer que l'hypophyse est indispensable ou non à la vie.

Les excitations électriques portées sur l'hypophyse ou la compression de cet organe déterminent un ralentissement et un renforcement des contractions du cœur (expériences de E. de Cyon sur le chien et sur le lapin, 1900). De là l'idée que les changements de pression intracranienne reten. tissent sur l'hypophyse qui agit alors sur le bulbe et met en jeu l'appareil modérateur cardiaque. L'hypophyse serait par suite un organe régulateur de la circulation cérébrale (E. de Cyon).

Chez l'homme, on a trouvé dans un certain nombre de cas d'acromégalie (de äxpov, extrémité, et péyaç, grand) des lésions ou une tumeur de l'hypophyse (P. Marie 1). On admet en général que les principaux troubles de l'acromégalie, le développement exagéré des os des extrémités et de la face 2, l'état de fatigue et de faiblesse, tiendraient à la suppression d'une fonction, d'ordre nutritif, de l'hypophyse. Cependant les observations d'ablation de tumeur épiphysaire chez des acromegaliques, que plusieurs chirurgiens ont pu réussir et à la suite de laquelle ils ont vu régresser les altérations osseuses, ne sont guère en faveur de l'hypothèse de l'insuffisance fonctionnelle de la glande comme cause de la maladie.

Chez quelques animaux ayant résisté à la thyroïdectomie et, chez l'homme, dans quelques cas de myxœdème, on a constaté une hypertrophie très nette de l'hypophyse. On ignore complètement quelle sorte de relation pourrait exister entre ces deux organes.

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Propriétés physiologiques des extraits d'hypophyse. L'extrait aqueux d'hypophyse, en injection intraveineuse, détermine une élévation marquée de la pression artérielle; l'extrait alcoolique une baisse de cette pression, comme l'iodothyrine (Schäfer et Sw. Vincent), ce qui a conduit E. de Cyon à penser que l'hypophysine peut suppléer en partie l'iodothyrine dans son action sur la circulation. Seuls, les extraits du lobe postérieur de l'hypophyse auraient la propriété d'augmenter la pression artérielle (W. H. Howell, 1898).

1. Médecin français contemporain, professeur à la Faculté de Médecine de Paris.

2. Les caractères essentiels de l'acromégalie peuvent être indiqués en ces quelques mots : grosse face, grosses mains, gros pieds et souvent taille élevée.

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On voit que thyroïde, capsules surrénales et hypophyse produisent des substances qui exercent des actions importantes et antagonistes sur la pression artérielle. La dénomination que E. de Cyon a proposé de leur appliquer, glandes régulatrices de la circulation (et de la nutrition), paraît donc tout à fait justifiée.

10. - Fonctions du thymus.

Le thymus est un organe glandulaire, très développé pendant la vie fœtale et qui s'atrophie après la naissance, sauf chez les Batraciens et les Reptiles et chez quelques Rongeurs; cette atrophie, chez les autres Mammifères, ne survient pas d'ailleurs tout de suite après la naissance et n'est que graduelle.

Les extirpations complètes du thymus n'ont point donné de résultats concordants, à part plusieurs séries d'expériences (sur de petits chats et chiens et sur de jeunes cobayes et lapins) qui montrent qu'après cette opération les os se développent mal et incomplètement. - D'autre part, on a constaté une relation entre cet organe et les glandes génitales, en ce sens que, chez les animaux châtrés (mâles et femelles), le thymus est de beaucoup plus volumineux1. Cette relation est-elle réciproque et, chez les animaux déthymés, les glandes génitales sont-elles plus développées ? Sur cette partie de la question les résultats obtenus sont encore contradictoires.

D'après ces faits, le thymus doit donc être considéré, avec la thyroïde (voy. p. 640) et avec le testicule (voy. p. 719), comme fournissant une sécrétion à action morphogène (voy. p. 1170).

On a attribué au thymus une autre fonction, une fonction leucocytopoiétique.

Propriétés physiologiques des extraits de thymus. L'injection d'extrait aqueux de thymus détermine une accélération des battements du cœur et un abaissement de la pression artérielle (K. Švehla2, 1896), abaissement dû à une paralysie des nerfs vasoLes doses fortes produisent de l'agitation, de la dyspnée et la mort, probablement par œdème pulmonaire.

constricteurs.

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On ne connaît pas la substance active de ces extraits ni son mode de formation et on ne sait nullement si normalement le thymus en déverse dans le sang.

1. La question paraît avoir été posée pour la première fois par les recherches d'un élève d'Albertoni, A. Calzolari (1898).

2. Médecin tchèque contemporain.

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