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à travers le rein diminue, la sécrétion se ralentit; si la vitesse et par conséquent le débit augmentent, la sécrétion devient plus abondante. Bien des expériences le prouvent.

Il en a été déjà cité p. 734. Rappelons, en particulier, l'action diurétique de l'urée, si remarquable. De même l'excitation électrique de la moelle cervicale, jointe à la section d'un nerf splanchnique ou à celle des nerfs d'un rein, provoque une augmentation de la sécrétion de ce rein; la sécrétion de l'autre, dont les nerfs sont intacts, est au contraire diminuée à la suite de la même excitation. Le mécanisme de ces actions est le même que celui de l'action de l'urée : la section des nerfs du rein ou du splanchnique (nerfs vaso-constricteurs) amène la vaso-dilatation paralytique de T'organe, et l'excitation de la moelle élève la pression générale ; l'organe est mis ainsi dans les meilleures conditions circulatoires de son fonctionnement; sous une pression sanguine forte, il reçoit, par suite de la dilatation préalable de son réseau artériel, une plus grande quantité de sang. A cet égard, le rein ne diffère pas des autres glandes qui fonctionnent d'autant mieux qu'elles reçoivent plus de sang (voy, p. 593 [vaso-dilatation liée à la sécrétion]); mais encore faut-il que ce sang leur arrive sous une pression suffisante; avec une pression aortique basse, toute sécrétion se ralentit et même se suspend, malgré la vaso-dilatation locale. Quant à l'excitation seule de la moelle dorsale, on sait (voy. la page précédente) qu'elle ralentit ou supprime la sécrétion urinaire, parce qu'elle amène le resserrement des vaisseaux du rein et par conséquent diminue la vitesse du sang dans les capillaires de l'organe (voy. p. 416).

Quand on considère les relations entre la circulation du sang et la sécrétion urinaire, il importe donc de tenir compte également et de la pression artérielle et du débit sanguin à travers le rein.

Un tableau très simple de A. Waller1 montre bien l'effet de toutes ces actions.

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Augmentée Diminué

Diminuée Augmenté

Compression de la veine
rénale..
Affaiblissement du cœur.... Diminuée Diminué Diminuée

1. A. Waller, Éléments de physiologie humaine, trad. de l'anglais par A. Herzen, Paris, 1898, p. 269.

2. On sait que les changements de volume s'inscrivent au moyen d'oncographes (voy. p. 429).

Normalement, d'ailleurs, la quantité de sang qui passe par le rein en état de sécrétion active (dans une phase de diurèse) est considérable; dans cet état, le rein reçoit par minute environ son poids de sang (expériences de R. Tigerstedt sur le chien, 1892). D'après cette donnée, on peut calculer que, chez l'homme, il passe en vingt-quatre heures près de 500 litres de sang par les deux reins. Audi b. INFLUENCE DE LA PERMÉABILITÉ DES Divers ELÉMENTS RÉNAUX. Les échanges qui s'effectuent à travers les épithéliums rénaux dépendent des propriétés de ces parois, évidemment perméables, et électivement ou, si l'on veut, activement perméables, puisqu'elles extraient du sang diverses substances dissoutes et non point toutes les substances dissoutes.

En premier lieu, on le sait déjà (voy. p. 729), elles extraient les sels du sang avec une telle activité que le sang et l'urine sont deux solutions de concentration très inégale, puisque le point cryoscopique de l'une est de 0,56 et celui de l'autre souvent de 2o. La perméabilité des cellules rénales aux différents sels du plasma et particulièrement au chlorure de sodium est donc très grande1.

D'autre part, le sang contient très peu d'urée (environ 08г,5 p. 1000), et l'urine en contient beaucoup (environ 20 grammes p. 1000) 2. Au contraire, la teneur du sang en sucre est au moins double de celle en urée, et le sucre n'est pas une substance moins diffusible que celle-ci ; le rein normal cependant n'en laisse pour ainsi dire pas passer. Cette différence de perméabilité pour l'urée et pour la glycose est saisissante. C'est seulement quand la teneur du sang en sucre s'élève ou quand les parois cellulaires rénales ont subi quelque action modificatrice qu'il y a glycosurie.

A ce dernier point de vue, il convient de rappeler ici ce qui a été dit page 613 de l'action de la phloridzine, de ce glycoside qui paraît rendre le parenchyme rénal plus perméable au sucre du sang. Il est possible d'ailleurs que l'élévation de la proportion de la glycose dans le sang ait une action du même genre.

Quant aux matières albuminoïdes du plasma, elles ne traversent les éléments du rein que quand ceux-ci sont altérés.

La perméabilité des cellules rénales n'est pas dans le même temps la même pour toutes les substances dissoutes.

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1. Dans quelques cas seulement, l'urine est moins concentrée que le sérum sanguin. Dans un cas de néphrite grave, J. Winter* (1896) a trouvé un point de congélation 0°,45, supérieur à celui du sérum sanguin. Après des libations copieuses (1 à 2 litres de bière), H. Dreser** (1892) a trouvé de même des points de congélation de l'urine supérieurs à celui du sérum, 0°,32, 0.2 et même — 0o,18; l'élimination de l'excès d'eau ingérée est alors si rapide que l'urine se dilue extrêmement. Dans le cas de Winter, au contraire, et dans les observations analogues, le rein est devenu presque imperméable aux substances dissoutes du plasma.

2. Gréhant a proposé de mesurer l'action physiologique des reins par le dosage simultané et comparatif de l'urée dans des volumes égaux de sang.

* Chimiste français contemporain.

** Médecin allemand contemporain.

GLEY. Physiologie.

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On a montré que, sous diverses influences, la concentration d'un corps peut augmenter dans l'urine, sans qu'elle varie dans le sang et sans que celle des autres substances dissoutes change. Ainsi la caféine fait augmenter la quantité de chlorure de sodium de l'urine, tandis que la teneur du sang en ce sel n'éprouve aucun changement (expériences sur le chien). Inversement, l'élimination d'un ou plusieurs des composants de l'urine peut être arrêtée, celle des autres corps restant à peu près la même; c'est ce qui arrive à la suite des injections intraveineuses massives de sucre; on trouve alors dans les urines beaucoup d'eau et de sucre, mais on n'y trouve presque plus de sels et d'urée.

Un des faits qui mettent le mieux et le plus simplement en évidence ces différences de perméabilité, c'est la différence de composition de l'urine des deux reins.

Aux deux reins le même sang est offert; il est très rare que la quantité 1 et la composition des urines qui proviennent de l'un ou de l'autre, quand on les recueille séparément, soient identiques dans le même laps de temps (expériences de Hermann sur des chiens en parfaite santé). Sans doute on a objecté à ces expériences que l'opération nécessaire pour isoler les deux uretères pouvait amener un trouble dans la sécrétion et que ce trouble peut être d'inégale gravité dans l'un et l'autre rein. Mais des observations semblables ont été faites sur l'homme, dans un cas d'exstrophie de la vessie, par le médecin berlinois Zülzer (1887). Dans ce cas, l'urine de chaque uretère put être recueillie; presque jamais la quantité fournie par les deux reins ne fut la même; la quantité d'acide sulfurique, d'acide phosphorique et d'azote se montra différente 31 fois et la même seulement 28 fois; après ingestion d'iodure de potassium ou d'acide salicylique par le sujet, jamais la réaction de l'iode ou celle de l'acide salicylique n'apparut en même temps dans l'urine des deux côtés.

Il est clair que, si l'on connaissait les causes qui règlent cette perméabilité du parenchyme rénal, dont on vient de voir l'importance, le problème de la sécrétion urinaire serait à peu près résolu.

C. INFLUENCE DE L'ACTIVITÉ ÉPITHELIALE. A cette connaissance des conditions physiques du fonctionnement du rein, il faudrait aussi cependant ajouter la connaissance des réactions chimiques intracellulaires.

Le rein manifeste, en effet, à certains égards, l'activité chimique d'une glande, mais on ne possède guère de documents sur ce point. La manifestation la mieux connue de cette énergie chimique est la formation synthétique de l'acide hippurique aux dépens du glycocolle et de l'acide benzoïque (voy. p. 91 et 680). On a vu d'autre part (p. 679) que, parmi les organes où se produit et où se détruit l'acide urique, il faut compter les reins.

1. Dans des expériences méthodiques sur un grand nombre de chiens, E. Bardier et H. Frenkel (de Toulouse) (1900), cependant, ont presque toujours vu que le débit des deux reins est uniforme.

Voici deux autres faits du même ordre, mais qui ne sont pas encore aussi solidement établis que les précédents :

1° La formation de la créatinine, que l'on trouve dans les urines (voy. p. 751) et qui est l'anhydride de la créatinc, aurait lieu dans les reins, sous l'influence d'une diastase spéciale (E. Gérard 1, 1902);

2o L'urobiline, qui se trouve en petite quantité dans les urines normales (voy. p. 752) et qui augmente beaucoup dans les cas dits d'urobilinurie, aurait aussi une origine rénale (A. Gilbert et M. Herscher, 1902); en ajoutant à une solution de bilirubine de la pulpe de rein, on obtient, en effet, de l'urobiline; ainsi la bilirubine, sous une action à la fois hydratante et réductrice du tissu rénal, action de nature probablement diastasique, donnerait de l'urobiline: C32H36Az1O¤ + H2O+ H2 =C32H40Az107.

Travail du rein. Pour faire sortir du sang un liquide ayant une concentration moléculaire aussi élevée que celle de l'urine, les cellules rénales ont un travail à effectuer (voy. p. 592).

La quantité d'énergie dépensée ainsi par le rein a été calculée. On a trouvé, par exemple, que, pour sécréter en douze heures 200 centimètres cubes d'une urine dont le point de congélation était - 2o,3, celui du sang étant — 0o,56, le rein avait effectué un travail égal à 37 kilogrammètres (H. Dreser, 1892). — Ce chiffre d'ailleurs serait trop faible.

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Ce travail s'accompagne d'une grande consommation d'oxygène par le rein. C'est donc un travail d'ordre chimique.

On a pu, en effet, déterminer simultanément la proportion d'oxygène et d'acide carbonique dans le sang de l'artère et de la veine rénales (expériences de J. Barcroft et T.-G. Brodie sur des chiens, 1904). Quand, sous l'influence d'un diurétique, à la suite, par exemple, d'une injection intraveineuse d'urée, la sécrétion et par conséquent le travail du rein augmente, la consommation d'oxygène s'accroît; elle passe de 0cc,5-1 centimètre cube par minute à 3 centimètres cubes 2. Quant à l'élimination de l'acide carbonique, elle n'est pas en rapport avec l'absorption d'oyxgène.

d. INNERVATION DES REINS. On ne connait pas d de nerfs sécréteurs du rein. La sécrétion urinaire n'en est pas moins influencée par le système nerveux, par l'intermédiaire des vaso-moteurs rénaux.

La section du plexus rénal ou celle d'un splanchnique amène de la polyurie, en même temps qu'elle détermine le gonflement congestif de l'organe. Au contraire, l'excitation du bout périphérique du splanchnique arrête la sécrétion, en même temps qu'elle fait pâlir l'organe et en diminue le volume. Dans ce cas, le débit du sang à travers le rein est réduit, ce qui suffit, on le sait (voy. p. 735), pour diminuer la sécrétion. Dans le

1. Professeur de pharmacologie à la Faculté de médecine et de pharmacie de Lille.

2. On n'a d'ailleurs pas constaté de proportionnalité directe entre l'augmentation de la sécrétion et la consommation d'oxygène.

premier cas (section du splanchnique), le débit du sang est augmenté, ce qui accroît la sécrétion.

Les pneumogastriques contiendraient aussi des filets vaso-constricteurs pour le rein.

D'autres expériences ont été citées (p. 736), qui montrent l'influence des centres vaso-moteurs médullaires sur la sécrétion rénale. Le bulbe exerce la même influence, plus marquée encore.

La piqûre du quatrième ventricule (voy. p. 608) produit de la polyurie (expérience de Claude Bernard); il est probable que l'on excite ainsi les filets vaso-dilatateurs du rein à leur origine ou que l'on paralyse ses vaso

constricteurs.

2o Causes de la sécrétion urinaire.

La sécrétion urinaire étant continue, la cause n'en peut être que permanente.

On a vu cette cause dans la composition du sang. Aussitôt que l'eau ou l'un des éléments normaux de l'urine se trouve en léger exces dans le sang, et de telles variations de la composition de ce dernier sont incessantes, suivant l'activité des échanges, suivant les phases de la digestion, suivant l'intensité de l'assimilation et de la désassimilation, etc., l'élimination par le rein augmente plus ou moins. C'est ce qui se passe, par exemple, pour le chlorure de sodium, pour l'urée et aussi pour le sucre, substances dont on a le mieux étudié à ce point de vue l'élimination rénale. De telle sorte que les meilleurs diurétiques sont des composés normaux de l'urine contenus dans le ns le sang. Cette cause agit d'une façon directe non moins que constante; on ne connaît pas en effet de nerfs excitosécréteurs rénaux.

Jointe aux variations, qui sont également fréquentes, du débit du sang à travers le rein dont nous avons vu le rôle dans le mécanisme de la sécrétion, elle constitue l'excitant normal de l'activité des cellules rénales. Remarquons du reste qu'il y a parfois corrélation entre la teneur du sang en substances à éliminer et une action de ces substances sur la circulation rénale, en ce sens que tel de ces corps, comme l'urée, manifeste une influence vaso-motrice qui en favorise la sécrétion (voy. p. 735).

Ce n'est pas à dire pour cela que le rôle respectif des facteurs de la sécrétion urinaire soit sûrement établi. Nous avons vu, en étudiant le mécanisme de la sécrétion, combien ces facteurs sont complexes; nous ne savons pas comment agissent les variations de la composition du sang pour modifier la perméabilité des épithéliums rénaux, ni quelle est exactement la part de cette perméabilité et de l'activité chimique des cellules des tubes contournés ou celle de la

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