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CHAPITRE VIII

CHALEUR ANIMALE

Ce chapitre forme en quelque sorte la transition entre les deux grandes divisions de la physiologie que nous avons adoptées (voy. p. 127). Nous avons en effet réparti (voy. p. 105) les phénomènes qui se passent dans les êtres vivants en deux classes, les échanges ou transformations de matières et les transformations d'énergie. La production de chaleur est une de ces dernières (voy. p. 117 et 125). Mais cette production de chaleur est due à des réactions chimiques exothermiques, à l'ensemble des processus chimiques et particulièrement aux oxydations qui se développent dans tous les organes, et surtout dans les glandes et dans les muscles; elle est donc liée de la façon la plus étroite aux échanges de matières. Et c'est pour cela que son étude vient naturellement à la suite de celle qui a été faite de ces échanges.

Tous les êtres vivants possèdent une chaleur propre, c'est-à-dire plus ou moins indépendante de la température du milieu extérieur. Ceci constaté au moyen du thermomètre, on est amené à essayer de mesurer la quantité de chaleur produite; on a vu, par exemple, qu'un animal, dans un milieu dont la température est plus basse que la sienne propre, ne se refroidit pourtant pas; sa température reste à peu près invariable; c'est donc qu'il produit de la chaleur. On mesure celle-ci au moyen de calorimètres. Mais cette production de chaleur est soumise à un mécanisme régulateur, puisque beaucoup d'animaux, vivant dans un milieu à température incessamment variable, gardent une température à peu près constante. Nous aurons conséquemment à étudier, après la production de la chaleur, la régulation de la chaleur.

I. PRODUCTION DE CHALEUR.

Au point de vue thermogénétique, les animaux se divisent naturellement en deux grandes classes, celle des animaux à température constante ou homéothermes et celle des animaux à température variable ou poikilothermes'. Ceux-ci (Vertébrés inférieurs, Poissons,

1. Les expressions souvent usitées d'animaux à sang chaud et animaux à sang froid sont défectueuses, puisqu'il n'y a pas d'animaux privés de chaleur.

Batraciens, Reptiles et tous les Invertébrés), chez lesquels les réactions chimiques sont peu intenses, sont à peu près obligés de subir la température du milieu extérieur; aussi leur température varie-t-elle sans cesse. Les autres (Mammifères et Oiseaux) sont à même de maintenir leur température indépendante de celle du milieu; dans un milieu froid ils peuvent diminuer la déperdition de leur chaleur et en augmenter la production, dans un milieu chaud ils peuvent en augmenter la déperdition, et ainsi leur température reste constamment à peu près la même.

Cette faculté de résistance au chaud ou au froid a toutefois des limites qui seront déterminées plus tard (voy. pp. 787 et 790).

1.

-

La température des animaux et de l'homme.

La température se mesure au moyen de thermomètres, divisés d'ordinaire en dixièmes de degré; les plus précis sont divisés en vingtièmes et même en cinquantièmes de degré.

L'instrument doit être enfoncé dans une cavité naturelle, bouche 1, rectum et vagin. Chez l'homme on prend communément la température rectale, que l'on appelle quelquefois à tort température centrale. La température sous l'aisselle, qui est loin de former une cavité close, est moins exacte. On peut aussi prendre la température de l'urine, qui sort de la vessie à la température même du corps. La température réellement interne ou centrale est celle du sang du cœur ou celle des viscères abdominaux, protégés contre toute déperdition de chaleur. Ainsi la température dans le duodénum a été trouvée (chez le lapin) supérieure de 0o,7 à celle du rectum, et la température au voisinage du foie (chez le chien) plus élevée que celle du rectum de plus de 1o.

Chez l'homme, la température rectale est supérieure à la température buccale, suivant les moments de la journée, de 0°, 4 à 0°,7 et à la tempé rature axillaire de 0o,5 à 0°,9; et la température buccale est supérieure à l'axillaire de 0°,3 en moyenne. C'est donc cette dernière qui est la moins centrale de toutes les températures que l'on prend sur l'homme.

10 Topographie thermique.

Comme on le voit déjà par ce qui précède, la température diffère suivant le point de l'organisme où est appliqué le thermomètre. Il faut distinguer les températures superficielles, les températures dans les orifices naturels, les températures profondes et enfin celles du sang.

La température périphérique se prend en général dans la paume de la main; elle est de 32o à 34°. A 30° on a une sensation de froid.

1. La température buccale est moins sûre que celle du rectum; la rapidité du courant d'air inspiré, l'abondance de la salivation peuvent refroidir plus ou moins le thermomètre.

Les températures superficielles varient beaucoup avec la température extérieure. La température axillaire participe à la fois des températures périphériques et des températures des orifices naturels, se rapprochant plutôt de ces dernières.

De celles-ci nous avons parlé tout à l'heure et nous allons reparler, puisque presque toutes les données thermométriques, utilisées dans les pages suivantes, sont relatives à des températures rectales.

Les températures profondes ont été, en général, prises sur des animaux, immédiatement après la mort, les thermomètres étant enfoncés dans divers organes. On a indiqué plus haut quelques chiffres intéressants recueillis sur des animaux vivants. - Chez l'homme, dans plusieurs cas de perte de substance osseuse cranienne, on a pu enfoncer dans le cerveau des thermomètres très sensibles, gradués en cinquantièmes de degré (observations de A. Mosso, 1894); la température du cerveau au repos est, en général, inférieure à celle du rectum de quelques dixièmes. Le cerveau n'est donc pas, à proprement parler, un organe profond.

La température du sang a été explorée dans tout l'arbre artérioveineux (Claude Bernard).

Pour cette recherche on emploie des aiguilles thermo-électriques placées dans une bougie de gomme élastique. L'artère et la veine crurales étant découvertes sur un chien, dans la région inguinale, on introduit dans chaque vaisseau une bougie munie de l'aiguille thermo-électrique. A quelque profondeur que l'on pousse la sonde artérielle, on trouve que la température est constante dans ce vaisseau, aussi bien que dans l'iliaque, dans l'aorte abdominale, dans la thoracique, jusqu'au ventricule gauche. Au contraire, quand on enfonce la sonde veineuse, on voit la température s'élever peu à peu, à mesure que l'extrémité de la sonde arrive dans les parties de la veine cave les plus rapprochées du diaphragme, et c'est au niveau du diaphragme que l'on constate la température la plus élevée. Or, en ce point, les veines sus-hépatiques viennent se jeter dans la veine cave inférieure. La température du sang du foie surpasse de 1o,5 celle du sang aortique, au même niveau. C'est là le point le plus chaud du corps. Ce sang plus chaud arrive tout de suite au cœur droit et pour cette raison e sang du cœur droit a été toujours trouvé plus chaud (de 0°,2 environ) que celui du cœur gauche.

2° Température des animaux homéothermes.

La température de ces animaux oscille entre 35°,6 et 43o. On peut dire, d'après d'innombrables mesures, que la température moyennes de l'homme est de 37°,5, celle des autres Mammifères de 39o et 1. Si on prend ce chiffre comme moyenne de la température rectale, on peut admettre pour l'axillaire le chiffre de 37°.

celle des Oiseaux de 42°. Mais ces moyennes ne donnent pas la connaissance exacte de la température normale, car cette température subit, au cours de la journée, des oscillations assez amples. C'est chez l'homme que ces variations physiologiques ont été le mieux étudiées. La connaissance en est très importante pour le médecin.

En premier lieu la température présente un maximum vers cinq heures du soir et un minimum vers quatre ou cinq heures du matin (voy. fig. 173).

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Fig. 173. Courbe quotidienne de la température rectale chez l'homme

(d'après Th. Jürgensen 1).

Sur la ligne des abscisses sont indiquées les heures à partir de 1 heure du matin, sur les ordonnées les températures. Les points indiquent les températures prises.

Maximum: 37°,5 à 5, 6 et 7 heures du soir.

Minimum: 36°,7 à 4, 5 et 6 heures du matin.

Écart maximum entre les deux températures: 0°,8.

Cet écart est environ de 1°. On l'a trouvé plus grand encore en ayant soin de prendre la température à la fin de la nuit, vers trois heures du matin; c'est, par exemple, ce qu'a constaté Gley sur lui-même (1884) (avec un thermomètre gradué en vingt-cinquièmes de degré), relevant des minima de 36°, 35°,8, et même 35°,65, tandis que dans l'après-midi les maxima étaient 37°,2, 37°,3, 37°,4. Si donc on tient le compte qu'il faut des températures nocturnes, on voit que les variations quotidiennes de la température sont plus importantes qu'on ne le dit d'habitude.

Le rythme de cette oscillation quotidienne est très constant, quelles que soient les températures extérieures, les latitudes, l'alimentation, etc. Il dépend de l'activité musculaire et nerveuse. Dans le milieu de la journée toutes les activités sont portées à leur maximum, et c'est alors que la production de chaleur atteint aussi son maximum. Aussi a-t-on constaté une remarquable concordance entre les oscillations thermiques 1. Médecin allemand contemporain, professeur à l'Université de Tübingen. 49

GLEY.

Physiologie.

et celles de l'élimination de l'acide carbonique, cette élimination étant considérée comme l'expression au moins approximative de la grandeur des échanges de matières.

Ce qui le prouve encore, c'est l'inversion que l'on remarque souvent dans cette courbe nycthémérale chez les ouvriers qui travaillent régulièrement la nuit, boulangers, mineurs, veilleuses d'hôpital, etc. Chez ces ouvriers, les maxima et les minima de la température sont intervertis, comme sont interverties les périodes d'activité et de repos des vingtquatre heures. Il est curieux de noter que la même inversion de la courbe thermique a été relevée chez les Oiseaux nocturnes (observations faites sur des hiboux, chez lesquels le maximum se produisait vers minuit et le minimum vers midi ou un peu plus tard). La périodicité de cette courbe est donc bien déterminée par la périodicité de l'activité.

Indépendamment des variations de la courbe thermique des vingt-quatre heures, il y a des variations de la température causées par diverses influences.

La chaleur exterieure augmente légèrement la température. Ainsi dans les pays chauds elle serait supérieure de 6 à 8 dixièmes de degré à celle que l'on constate dans les pays tempérés.

Avec l'âge varie la température. Les nouveau-nés ont une température qui dépasse de 3 dixièmes environ celle de l'utérus; c'est que le fœtus n'est exposé à aucune cause de refroidissement; mais, immédiatement après la naissance, la température s'abaisse très vite; en quelques minutes, elle descend à 36°-35°, ce qui tient non seulement au refroidissement périphérique, mais aussi à ce que le système nerveux n'a pas encore acquis tout son pouvoir de commander aux échanges chimiques (Ch. Richet). Dès le lendemain de la naissance ou même, d'après d'autres recherches, au bout de quelques heures, la température remonte à 37°. — La température des enfants est à peu près la même que celle des adultes. Celle des vieillards serait un peu plus élevée, en raison d'une moindre déperdition de la chaleur par la peau où la circulation est très ralentie. L'exercice musculaire est la cause la plus importante de l'augmentation de température. En moins d'une heure, sous l'influence d'une marche rapide, la température axillaire peut s'élever de 1°. Quand on provoque la contraction du système musculaire général par un courant électrique traversant tout le corps (tétanos électrique [Ch. Richet]), chez un chien, très rapidement la température s'élève de plusieurs degrés, jusqu'à 44 et 45°, température mortelle. L'immobilité, au contraire, fait baisser la température; c'est ce qu'il est facile de constater sur les animaux attachés; sur un lapin immobilisé la température rectale s'abaisse aisément de 1o en une dizaine de minutes.

Le travail intellectuel augmente légèrement la température, de 0o,1 environ en une heure.

La température des Mammifères autres que l'homme est supérieure à celle de ce dernier. On le verra sur le tableau suivant (Ch. Richet):

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