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2o Résultats des recherches calorimétriques.

Ces résultats sont très importants. Le premier de tous, c'est le fait de l'égalité entre la production et l'émission de chaleur (voy. cidessus).

On peut citer à ce sujet une des expériences de bilan calorique d'Atwater et Benedict (1904): sur un jeune homme au repos, de vingt-deux ans et du poids de 76 kilogrammes, la recette était de 2602 calories et la dépense s'élevait à 2642. La différence ne dépasse pas les causes d'erreur.

On a vu ailleurs (p. 154) le nombre de calories produites par l'homme au repos et par l'homme au travail; de 2 200-2400 calories ce chiffre s'élève, suivant l'intensité du travail, à 2600, 2800, 3 300, etc. Mais ce n'est pas seulement l'activité musculaire qui modifie la thermogenèse. Il nous faut indiquer les principales conditions qui la font varier. Nous distinguerons les conditions relatives à la production et celles relatives à la déperdition de la chaleur.

A. Influence du travail. — Parmi les premières, l'influence du travail est prépondérante. Sous cette influence, l'intensité de la thermogenèse augmente progressivement.

Les expériences à ce sujet sont très nombreuses. Les constatations thermométriques (élévation de la température axillaire ou rectale pendant l'exercice musculaire) nous renseignent déjà à cet égard; nous en avons cité quelques exemples p. 770. On pourrait multiplier ces exemples. On pourrait aussi ajouter à ces faits les observations de Becquerel et Breschet (1835) 1, de J. Béclard (1860), de Chauveau, sur l'échauffement du biceps de l'homme, dès que ce muscle se contracte, et celles de Cl. Bernard, si intéressantes, sur l'influence du travail spontané des muscles: un thermomètre étant introduit dans la veine faciale d'un cheval, on fait manger l'animal; la température du sang de la veine s'élève aussitôt.

Sans doute les indications du thermomètre n'apportent que des renseignements indirects sur les variations de la thermogenèse. Mais on va voir que ces indications concordent avec les données fournies par la calorimétrie.

Sous l'influence des contractions musculaires provoquées par des irritations électriques, on voit que les courbes de l'oxygène consommé et de 1 chaleur produite s'élèvent parallèlement (expériences de Laulanié sur le lapin, 1892). Sur l'homme il a été constaté, dans le grand calorimètre d'Atwater, qu'un exercice vélocipédique quotidien élève de 60 à 70 p. 100 la thermogenèse de l'état de repos; dans six expériences, d'une durée de

1 Antoine-César Becquerel (1788-1878), célèbre physicien français. Gilbert Breschet (1784-1845), anatomiste et médecin français.

vingt jours, la chaleur, calculée d'après les aliments consommés, atteignit 3669 calories les jours de travail, la chaleur réellement produite étant de 3656 calories; on voit combien l'écart entre ces deux chiffres, 13 calories, soit, 0,4 p. 100, est faible, ce qui justifie encore l'importante remarque précédemment faite (p. 148 et p. 775).

La production de chaleur dépendant de l'activité musculaire est si grande que, en déterminant la proportion des muscles dans l'organisme par rapport aux autres tissus et leur puissance respiratoire comparativement aussi à celle des autres tissus, on a calculé (Ch. Richet) que leur part dans la thermogenèse totale peut être évaluée à 75 p. 100 environ, à l'état de repos, et à 90 p. 100 pendant leur contraction.

Les autres tissus contribuent dans des proportions variées, non encore déterminées, sauf peut-être pour quelques glandes, à la production de chaleur. On peut juger de celle-ci par les faits que nous avons cités, à propos du fonctionnement des glandes digestives (voy. p. 168, 229, 577 et 592); de ces faits il résulte que le travail de ces organes s'accompagne d'une augmentation des combustions intra-glandulaires, donc d'une augmentation de la thermogenèse. Dans le foie, qui est le lieu de tant de réactions chimiques, la production de chaleur, que l'on n'a pu évaluer directement, doit être particulièrement importante, comme l'indique l'échauffement du sang qui traverse cette glande; cet échauffement est de 1o à 1o,5.

Les conditions relatives à la déperdition de la chaleur sont plus nombreuses.

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B. Influence de la température extérieure. Les expériences de calorimétrie directe ont donné sur ce point important des résultats contradictoires, pour des causes d'ordre technique, en raison des imperfections inhérentes encore aux appareils calorimétriques, et notamment parce qu'il est très difficile avec ces appareils que l'enceinte dans laquelle se trouve enfermé l'animal ne s'échauffe pas; de là résultent bien des erreurs possibles et en tout cas des incertitudes dans l'interprétation des expériences. La calorimétrie indirecte a fourni des résultats plus concordants sur cette question des rapports entre la température et le taux des dépenses calorifiques chez l'animal homéotherme.

Il y a deux cas à considérer:

1o L'animal se trouve dans un milieu dont la température est inférieure à la sienne. Il doit donc émettre constamment de la chaleur. Mais la quantité de chaleur rayonnée est-elle proportionnelle à la différence entre la température de l'animal et celle du milieu ? En d'autres termes, l'émission de chaleur suit-elle la loi de Newton? En fait les combustions sont d'autant plus intenses que la température extérieure est plus basse. Cette relation a été constatée sur différentes espèces de Mammifères, l'homme compris, et sur des Oiseaux. S'ensuit-il que la radiation calorique croisse régulièrement

avec l'abaissement de la température? I importe de remarquer que, quand il y a refroidissement du milieu, la surface cutanée se refroidit beaucoup par vaso-contriction; conséquemment, ce n'est plus un animal à 37°-38° qui rayonne, mais un animal à 30° ou à 25o. Ce n'est donc pas la température centrale, restée invariable, qui détermine l'intensité du rayonnement, c'est la température superficielle. 2o L'animal se trouve dans un milieu dont la température est égale ou supérieure à la sienne.

Les températures élevées ne font diminuer que dans une faible mesure les dépenses alimentaires et ne réduisent pas la thermogenèse. C'est la déperdition qui augmente pour compenser cette production de chaleur, devenue excessive en raison même de la température du milieu; de là l'importance de la sudation.

On retrouve

C. Influence de la taille et de la surface. ici une loi dont nous avons vu l'application aux échanges gazeux respiratoires (p. 546). La radiation calorique, pour des animaux de même espèce, est proportionnelle, non au volume, c'est-à-dire au poids du corps, mais à la surface cutanée (M. Rubner, 1883, Ch. Richet, 1884) 3. C'est pour cela que les petits animaux dégagent plus de chaleur que les gros, les volumes (c'est-à-dire approximativement les poids) croissant comme les cubes et les surfaces comme

1. Dans l'eau, l'Homme, les Mammifères et les Oiseaux se refroidissent conformément à la loi de Newton (expériences de J. Lefèvre, 1836-1901, d'après la méthode de Liebermeister* ou méthode du bain-calorimètre [détermination de la quantité de chaleur cédée par un animal à l'eau d'un bain dans lequel il est plongé]); la quantité de chaleur perdue est d'autant plus grande que la température du bain est plus basse. Voici des chiffres obtenus par Lefèvre sur lui-même : Température du bain.... 30° 26° 22° 17° 120 Calories par kilogr. et par heure... 1,1 3 Mais il est clair que, dans des expériences de ce genre, par suite de la con ductibilité du liquide, le réflexe vaso-constricteur cutané doit être inefficace pour atténuer le rayonnement calorifique. D'ailleurs, il n'est point du tout certain que la thermogenèse se modifie semblablement dans l'eau et dans l'air calme, sous l'influence des basses températures.

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2. Ainsi, quoiqu'ils n'aient plus, à vrai dire, de besoins thermiques, les animaux, dans cette condition, continuent à produire de la chaleur. Sans doute, ils en produisent parce qu'ils ont toujours les besoins énergétiques auxquels est liée l'activité de tous les tissus (travail physiologique de Chauveau) et que l'énergie chimique qu'ils consomment pour cela en engendre nécessairement. Mais nous savons que cette fraction de la dépense énergetique est relativement faible. Il se pourrait que cette constance de la thermogenèse manifestat seule ment un retard dans l'adaptation des homéothermes à une condition nouvelle. Il y a en effet plusieurs exemples d'adaptation lente de l'organisme au milieu thermique; l'organisme n'est pas capable de modifier instantanément sa production de chaleur.

3. Voy. p. 546 ce qui a été déjà dit de cette loi des surfaces.

K. von Liebermeister (1833-1901), médecin allemand, connu surtout par ses travaux sur la fièvre.

les carrés seulement un petit animal a donc une surface relativement plus grande qu'un gros animal.

Pour des lapins, Ch. Richet a trouvé les chiffres suivants :

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Constatations analogues par Rubner sur des chiens. La loi s'applique aussi à l'homme, comme le montre le tableau ci-dessous (Rubner) :

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En réunissant à quelques-unes de ces observations de Rubner d'autres observations prises par différents expérimentateurs, Armand Gautier a dressé le tableau suivant des dépenses moyennes de calories rapportées au kilogramme du poids des sujets et à leur surface:

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On voit que le besoin en calories varie chez l'homme du simple au double par kilogramme du poids corporel et que, rapporté à la surface, il est, au contraire, quasi constant. A noter que la plupart de ces nombres sont trop élevés, mais cette remarque ne change rien au sens de la loi.

Ainsi, pour une espèce donnée, l'unité de surface dégage toujours

1. Si la dépense par mètre carré paraît plus faible chez le petit enfant, c'est sans doute parce que chez lui le refroidissement périphérique est évité avec le plus grand soin (M. Rubner).

à peu près la même quantité de calories. C'est donc la surface qui détermine la quantité de chaleur rayonnée1.

D. Influence du tégument. - Toutes les modifications du pouvoir émissif de la peau agissent sur le rayonnement cutané et, par conséquent, sur la thermogenèse.

Les animaux pourvus d'une fourrure ou d'un plumage épais rayonnent moins que les animaux à poils ras. Expérimentalement on a montré que des lapins rasés dégagent près de moitié plus de chaleur que des lapins normaux. Sur l'homme voici quelques chiffres obtenus par A. d'Arsonval (1894) (sur lui-même) :

A jeun, debout et nu...

A jeun, debout et habillé..

Calories totales
en 1 heure.
124,4
79.2

D'autre part, les lapins blancs dégagent moins de chaleur que les lapins gris ou noirs (un quart en moins, d'après des expériences de Ch. Richet). On sait d'ailleurs que, dans les pays froids, le pelage des animaux est en général blanc ou tout au moins très clair et que, dans les pays chauds, il est coloré.

Ces faits suffisent sans doute pour montrer « que la production de chaleur n'est pas seulement fonction de la surface, mais encore de la nature de la surface..., et que, pour comparer la calorimétrie de l'homme à celle des animaux, il faut prendre l'homme avec ses vêtements qui remplacent la fourrure dont sont pourvus sans exception tous les animaux »2. Aussi a-t-on pu dire qu'un vêtement chaud, qui s'oppose à la déperdition calorifique, équivaut à une quantité donnée de nourriture.

Chez quelques animaux et surtout chez le lapin le vernissage de la peau (au moyen d'un vernis quelconque ou de collodion) amène un refroidissement excessif et entraîne rapidement la mort. Chez l'homme le vernissage ne paraît pas être mortel.

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E. Utilisation et signification de la chaleur produite. Nous connaissons les quantités de chaleur produites dans les principales conditions de la vie normale.

1. De là l'importance de la mesure de la surface du corps. On a proposé pour cela plusieurs méthodes dont les unes sont peu exactes et les autres trop laborieuses pour être d'un emploi pratique en médecine. Cependant les formules établies par Ch. Bouchard (C. R. de l'Acad. des sc., 1897, t. CXXIV, p. 844) permettent actuellement des évaluations précises. Connaissant la surface à peu près exacte d'un individu donné, on calcule aisément la quantité de calories dont il a besoin et, par suite, on peut déterminer avec sûreté sa ration alimentaire et d'abord savoir si sa ration spontanée n'excède pas, et de combien, ses besoins ou si elle ne reste pas en deçà.

2. Ch. Richet, art. Chaleur, in Dict. de physiol., t. III, p. 136.

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