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Un homme adulte au repos produit environ 2 300-2400 calories en vingt-quatre heures (voy. p. 154). Comme sa température, malgré cette production constante de chaleur, n'augmente pas, il s'ensuit qu'il perd une quantité de chaleur égale à celle qu'il produit. Quelle est la nature de ces pertes ou, en d'autres termes, à quoi est employée toute cette chaleur? La plus grande partie (soit environ 1 700 calories) est perdue par la peau, par rayonnement et par conductibilité; une partie (un peu moins de 100 calories) sert à l'échauffement des aliments et des boissons ingérés et de l'air inspiré; une autre partic (500 calories environ) est absorbée par l'évaporation de l'eau à la surface des poumons; le reste sert à l'accomplissement des travaux intérieurs (travail du cœur et des muscles respiratoires [voy. p. 148], travail du tonus des muscles et en particulier des sphincters, travail des glandes, travail nerveux).

Par ces chiffres on voit que c'est la grandeur de la surface de refroidissement qui commande presque tout le besoin de calories. On sait d'autre part (voy. p. 148 et 775), que la grandeur de la ration alimentaire est commandée par les besoins de la calorification générale, puisque la chaleur calculée d'après les dépenses de l'organisme a été trouvée égale à la chaleur recueillie par le calorimètre pendant des journées entières (M. Rubner, 1893, Atwater, 1903). Presque toute l'énergie chimique des aliments est donc employée à la thermogenèse, dans l'état de repos.

Nous disons que presque toute, mais non pas que toute l'énergie chimique des aliments est destinée à la production de chaleur. Quand l'organisme est mis au repos absolu, on constate que les combustions respiratoires tombent à un minimum, qui d'ailleurs s'abaisse encore, si le sujet en expérience est placé dans un milieu à temperature moyenne1. Les décompositions chimiques ne peuvent pas descendre au-dessous de ce minimum. La dépense énergétique, correspondant à ces échanges nutritifs, représente donc la dépense indispensable au maintien de la vie, à cette activité de tous les tissus qui est la vie même (travail physiologique de Chauveau). La vie de chaque cellule a ainsi pour nécessaire condition des actions chimiques. Or, celles-ci produisent une quantité déterminée de chaleur. Mais l'émission de chaleur, due à ces décompositions chimiques, n'est qu'un phénomène secondaire, et non plus primaire, comme dans le cas où elle dépend de la déperdition par la périphérie. Car les phénomènes chimiques qui ont engendré cette quantité de chaleur ne se sont pas développés pour la produire, ils résultent de la vie même de chaque cellule, ils sont liés à cette vie, ils la cons

1. Au-dessus et au-dessous de cette température, les combustions sont augmentées.

tituent et la maintiennent. Aussi la chaleur qui en dépend peut-elle être considérée avec raison comme un résidu. D'autant que la quantité produite par un groupe de cellules ne peut être utilisée par un autre groupe qui ferait ainsi l'économie d'une fraction de ses décompositions chimiques; mais toutes les parties de l'organisme, de par l'entretien de leur vie, produisent un minimum de chaleur. Cette portion de la chaleur animale apparaît donc bien comme un résidu dont l'organisme n'a qu'à se débarrasser. En ce sens, elle est un excretum (Chauveau). - Mais il semble bien que ce soit seulement cette portion de la chaleur qui prenne ces caractères. Que l'on place en effet l'organisme de tout à l'heure dans une enceinte froide, la déperdition calorifique cutanée augmente; le refroidissement, par l'intermédiaire du système nerveux, a amené des contractions musculaires volontaires ou involontaires, d'où augmentation des décompositions chimiques, d'où augmentation de la thermogenèse. Dans ce cas, c'est la perte de chaleur qui est le phénomène primaire, ayant pour conséquence l'accroissement des décompositions chimiques dans le muscle. Sans doute, une partie de l'énergie chimique ainsi mise en œuvre est employée au travail de la contraction, mais les 75 et 80 centièmes sont éliminés sous la forme chaleur. Dira-t-on avec Chauveau que cette chaleur est aussi un résidu des opérations accomplies dans le muscle? Toujours est-il que ces opérations ont été provoquées par la perte de chaleur subie à la périphérie. Comme nous l'avons déjà fait remarquer avec C. von Noorden (voy. p. 775), ce n'est pas parce que l'organisme, dans ces conditions, a un excès de chaleur à excréter qu'il l'émet à sa surface, c'est au contraire parce qu'il a perdu de la chaleur que ses cellules sont excitées à en produire davantage en accroissant leurs décompositions chimiques.

3o Sources de la chaleur animale.

La source de chaleur qui maintient constante la température des animaux à sang chaud n'est autre chose que l'ensemble des réactions chimiques exothermiques qui se passent dans les tissus.

Le problème n'a été posé dans ses termes exacts que depuis et par Berthelot (1864). Lavoisier et ses successeurs immédiats avaient assimilé la production de la chaleur animale à celle qui résulte de la combustion directe du carbone et de l'hydrogène. En réalité, les animaux ne brûlent pas du carbone et de l'hydrogène libres, mais des principes organiques complexes, dont la destruction fournit d'ailleurs, outre l'acide carbonique et l'eau, de l'urée et divers autres produits plus ou moins complexes. Il est donc nécessaire de tenir

compte de l'état réel des corps introduits dans l'organisme et des corps rejetés par celui-ci, car la quantité de chaleur produite est. déterminée par la relation chimique qui existe entre ces deux ordres de principes (en supposant d'ailleurs identiques l'état, initial et l'état final de l'ètre vivant). De là le théorème suivant, énoncé par Berthelot, et qui est à la base de la thermochimie animale: La chaleur développée par un étre vivant pendant une période de son existence, sans le secours d'aucune énergie étrangère à celle de ses aliments, est égale à la chaleur produite par les métamorphoses chimiques des principes immédiats de ses tissus et de ses aliments, diminuée de la chaleur absorbée par les travaux extérieurs effectués par l'étre vivant.

Ces métamorphoses chimiques comprennent, outre les oxydations, des hydratations, des dédoublements, etc., qui sont des sources de chaleur, comme Berthelot l'a montré, et qui, d'après lui, fourniraient la huitième partie environ1 de la chaleur des animaux.

Les oxydations cependant n'en restent pas moins la source la plus importante de chaleur.

D'abord l'expérience du lilan nutritif faite sur lui-même par Vierordt établit que le volume d'oxygène (532 litres, 644), théoriquement nécessaire à la combustion des principes immédiats désassimilés par l'expérimentateur en vingt-quatre heures, est à peu près égal à celui qui a été réellement consommé (520 litres, 556). Dans des recherches analogues, Laulanié s'est attaché à montrer que la chaleur produite par un animal soumis à un régime alimentaire déterminé serait égale à la chaleur calculée à partir de l'oxygène consommé par cet animal pendant le même temps; d'où la conception soutenue par ce physiologiste, à savoir qu'il existe un rapport invariable entre la chaleur produ̟ite par la combustion des différents principes immédiats et l'oxygène employé dans cette combustion. En second lieu, on sait que la glycose alimentaire est presque tout entière brûlée (voy. p. 544 et 659) d'après l'équation C6H12O6+6 02 6 CO2+6 H2O; or, d'une part, les expériences de Chauveau ont montré que le combustible des muscles est la glycose et, d'autre part, il est établi (voy. pp. 770 et 786) 'que la plus grande partie de la chaleur est produite dans le système musculaire 2. De même, la graisse est brûlée (voy. p. 664) d'après l'équation : C55H104 (6+156 O = 55 CO2 +52 H2O. Quant à la destruction de l'albumine, on sait (voy. p. 675) qu'elle se fait par divers processus, parmi lesquels il y a aussi des oxydations.

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1. Ce chiffre est d'ailleurs trop élevé. C'est tout au plus la neuvième partie de a chaleur produite qui aurait sa source dans les phénomènes chimiques autres que les oxydations.

2. ll importe d'ajouter ici ces deux autres constatations, dues aussi à Chauveau: 1° les variations de la thermogenèse, dans chaque organe, suivent celles de la consommation de la glycose; - 2o chez un animal soumis au jeune, la tempé rature ne baisse pas, malgré la privation d'aliments, sauf vers sa fin; elle subit alors une chute brusque qui coïncide avec le moment où la glycose disparaît du sang.

On a estimé que les phénomènes d'oxydation produisent 85 à 86 p. 100 de l'énergie totale disponible (A. Gautier).

4o Influence du système nerveux sur la production
de chaleur.

Le rôle du système nerveux dans la thermogenèse est indirect; il n'en est pas pour cela moins important. Il ressort de deux grands ordres de faits.

1. Nous avons vu que la plus grande partie de la chaleur est produite dans le tissu musculaire. Or, l'activité des muscles dépend directement du système nerveux. En commandant à la tonicité et à la contraction des muscles, le système nerveux commande indirectement la thermogenèse. Aussi après section de la moelle (d'où diminution de la tonicité musculaire) la production de chaleur est-elle diminuée. Même observation sur l'activité des glandes, productrices de chaleur, et que les nerfs sécréteurs déterminent. En ce sens, nerfs moteurs et nerfs glandulaires sont des nerfs calorifiques.

2. Nous avons vu que la radiation calorique est proportionnelle à la surface. Ce phénomène est sous la dépendance du système nerveux central.

En effet, si on abolit l'activité du système nerveux par le chloral, les chiens, gros et petits, produisent sensiblement par kilogramme la même quantité d'acide carbonique. Il s'ensuit qu'un petit chien chloralisé diminue sa combustion chimique de 70 p. 100, tandis que cette diminution n'est que de 30 p. 100 chez un gros chien. En chloralisant par la même dose de chloral (relativement au poids) un gros et un petit chien, on voit que le gros chien se refroidit à peine, tandis que le petit perd 5 ou 6° en une heure. On va voir que le rôle du système nerveux est plus important encore dans la régulation thermique.

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La température des animaux homéothermes reste constante, quelle que soit la température extérieure, quelle que soit aussi la production de chaleur. Il faut donc qu'il existe un mécanisme régulateur de la chaleur. Ce mécanisme doit entrer en jeu de façons différentes, suivant que l'organisme lutte contre le froid ou contre le chaud.

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Quand la température du milieu s'abaisse, en vertu de la loi de Newton la radiation calorique augmente; cependant l'animal ne se

refroidit pas. C'est que l'organisme a deux grands moyens de lutter contre le froid. La déperdition de chaleur devient moindre et, d'autre part, les phénomènes de combustion s'exagèrent, d'où. augmentation dans la thermogenèse.

L'expérience

A. Diminution de la déperdition de chaleur. montre que, lorsque la température extérieure s'abaisse, la peau pâlit, ses vaisseaux se resserrent. Les veines ne ramènent donc alors de la surface cutanée qu'une faible proportion de sang refroidi, et ainsi la contraction vasculaire a pour conséquence un moindre refroidissement de la masse du sang. Du même coup, la peau recevant moins de sang, la quantité de chaleur que lui cède le sang diminue et la radiation calorique qui se fait par la surface diminue aussi.

C'est par action réflexe que ce phénomène se produit. Les nerfs sensibles de la peau sont excités par le froid; l'excitation est transmise aux centres vaso-constricteurs dont la réaction provoque le resserrement des vaisseaux des régions exposées au froid.

En plongeant une main dans l'eau glacée, non seulement cette main s'anémie, mais l'autre main s'anémie aussi et se refroidit, comme on peut le constater en y plaçant un thermomètre (réflexe vaso-constricteur observé par Brown-Séquard et Tholozan, 1851). On a démontré directe

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Fig. 174.

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Resserrement réflexe des vaisseaux de l'avant-bras et de la main sous
l'influence du froid (François-Franck).

Une main est placée dans un appareil tel que celui représenté p. 431, fig. 96. L'autre main, à l'instant FF', saisit un morceau de glace.

ment le resserrement réflexe des vaisseaux qui se produit dans ce cas, en disposant la main non exposée au froid dans un appareil inscripteur des changements de volume (voy. p. 429); cette main subit une diminution de volume notable, comme on le voit sur la figure 174.

Ce mécanisme est assez important pour que les combustions respiratoires ne se modifient nullement sous l'influence de refroidissements modérés, même prolongés pendant plusieurs heures (expériences de Lovy, 1889 et de Rubner, 1891, sur l'homme).

Quand le refroidissement augmente, un autre mécanisme compensateur intervient, que nous allons examiner.

GLEY.

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