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Les mouvements des gaz déterminent aussi des sensations tactiles. L'effet d'un coup de vent, par exemple, est bien différent de la légère impression ressentie quand on marche dans l'obscurité et qui est due à la réflexion de l'air contre les objets fixes, tels que la paroi d'un mur, dont on s'approche. On sait que ce sont des impressions de ce genre qui révèlent aux aveugles les obstacles qu'ils trouvent sur leur chemin.

Nature de l'impression produite par les excitants.- C'est une impression mécanique qui donne lieu à la sensation. L'excitation des points dits de pression (voy. ci-dessous) paraît en effet résulter de la déformation de la peau produite par la charge qui pèse sur ces points. Quand une même pression s'exerce sur toute une surface cutanée, il ne naît aucune sensation; c'est ce qui arrive pour la main plongée dans l'eau ou dans le mercure à la température de la peau, comme nous l'avons déjà fait remarquer ci-dessus.

2o Analyse de la sensation tactile.

La sensation ne se produit pas indifféremment sur toute la surface cutanée, mais elle nait en des points spéciaux, dits points de pression. Par l'excitation de ces points aucune autre sensation n'est provoquée. D'autre part, appliqué ailleurs, l'excitant spécifique ne détermine plus la sensation; appliqué par exemple à un filet nerveux, il ne donne lieu qu'à une sensation de fourmillement ou de douleur. C'est donc que dans les points susdits seulement se trouvent des cellules sensorielles adaptées aux excitants.

Fig. 178.

Répartition des

points de pression, de chaud et de froid dans une petite portion de la région dorsale de la main (d'après Blix 1).

On a déterminé ces points, soit au moyen de très légères excitations mécaniques (produites par une pointe fine ou par un cheveu ajusté à un petit bâton perpendiculairement à ce bâton méthode de Max von Frey, 1895], soit au moyen d'excitations électriques par la méthode unipolaire. On remarque alors que, suivant les points excités, il y a sensation de contact, de froid ou de chaud; il y a aussi des points qui ne sentent rien, et d'autres qui sentent, non plus une pression, mais une douleur; et l'on peut déterminer la position exacte de tous ces points. Voici par exemple (fig. 178) la topographie des points de pression et comparativement celle des points de chaud et de froid sur un fragment de la

Les points de pression sont figurés en noir, les points de froid en blanc et les points de chaud sont représentés par les petits espaces rayés.

1. Magnus Blix (1849-1904), physiologiste suédois, très connu par ses travaux sur le muscle, en particulier sur l'électricité musculaire, et plus encore par ses recherches si précises sur les différentes formes de la sensibilité cutanée. C'est à lui que l'on doit la découverte de la distinction des points thermiques et des points de pression (1882-1883). Le médecin allemand Goldscheider fit indépendamment, mais plus tard (1884), la même découverte.

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partie dorsale de la main gauche. Ces points sont en général placés auprès des poils, sans cependant que leur nombre coïncide exactement avec celui des poils. Leur nombre varie suivant les régions de la peau; on en trouve, par exemple, 28 par centimètre carré sur le poignet, et 5 seulement sur la partie antérieure de la jambe. D'après M. von Frey, il y aurait pour toute la surface du corps humain, la tête exceptée, environ 500 000 points de pression.

Ces conditions sont relatives

A. Conditions de la sensation. et aux excitants et aux organes sur lesquels ceux-ci agissent. Examinons d'abord les premières.

On voit tout de suite qu'il y a entre les sensations des différences d'intensité, dépendant de l'intensité de l'excitation. Une pointe simplement

Fig. 179;

Aiguille esthésiométrique de Beaunis,

L'aiguille et son plateau peuvent être construïts en bois, en liège en métalie

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posée sur l'épiderme donne lieu à une sensation de contact léger; en appuyant un peu plus fortement la pointe, on transforme la sensation de

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simple contact en sensation de pression, et celle-ci est plus ou moins forte suivant le poids dont on charge la pointe1. Ainsi, la sensation, quoique restant qualitativement idéntique, varie d'intensité. La recherche fondamentale ici est celle de la plus faible intensité sentic; on verra dans un instant que cette sensibilité discriminative à la pression est très variable suivant les régions de la peau. Le degré au-dessous duquel il n'y a plus de sensation s'appelle le seuil de la sensation. La question se pose alors de savoir quel est le rapport entre l'intensité de l'excitation et l'intensité de la sensation. Ce rapport est réglé par une loi, dite de WeberFechner. Mais l'étude en sera plus instructive quand elle pourra être générale; aussi sera-t-elle reportée à la fin de ce chapitre des fonctions sensorielles.

En second lieu, la sensation de contact est différente suivant la nature des corps; si, au lieu d'une pointe, on applique sur la peau, avec la même pression, des objets durs ou mous, lisses ou rugueux, ou de bois ou de métal, ou des corps gras ou des liquides, on distingue toutes ces diffé rences. Sont-ce là des excitations qualitativement différentes, comme le sont les diverses saveurs? la chose n'est pas vraisemblable, mais il est sûr que les sensations produites paraissent spécifiquement distinctes, « d'une manière analogue, dit Wundt, à deux sensations diverses de ton ou de

saveur ».

Voyons maintenant les conditions relatives aux organes.

Le fait le plus important est la variation de la sensibilité suivant les régions. On le démontre en fixant la pression minima qui provoque une sensation de contact. Voici quelques chiffres dus à Aubert 3 (dans tous les cas les poids agissent sur 9 millimètres carrés de surface) :

Front, tempes, nez, joues..........
Paume de la main.........
Paupières, lèvres, ventre..
Face palmaire de l'index.

R

2 milligrammes.

3

5 15

Par une méthode analogue à celle de M. von Frey, mentionnée plus haut, A.-M. Bloch (1891) a trouvé des chiffres beaucoup plus faibles, c'est-à-dire que la sensibilité à la pression est beaucoup plus grande qu'on ne l'admettait généralement. Pratiquement, tout le monde sait que le toucher est particulièrement exquis à la pointe de la langue et au bout des doigts.

La présence des poils augmente la sensibilité. Pour déterminer la même sensation, il faut exercer une pression plus forte sur tel endroit de la peau rasée que sur la même partie non rasée.

1. On peut se servir pour ces expériences d'une aiguille esthésiométrique telle que celle qu'a fait construire Beaunis (voy. fig. 179).

2. G.-Th. Fechner (1801-1887), célèbre philosophe allemand, créateur de la psycho-physique.

3. Hermann Aubert (1826-1892), physiologiste allemand, a laissé d'excellents travaux sur les organes des sens, en particulier sur le fonctionnement de la rétine, sur Taccommodation, etc.

4. Médecin et physiologiste français contemporain.

L'état de la circulation peut modifier la sensibilité; ainsi l'hyperémie et l'anémie la diminuent.

L'exercice l'augmente. L'exemple le plus frappant de la perfection que peut atteindre le sens du tact est celui des aveugles.

B. Caractères de la sensation. La sensation de pression présente divers caractères, dans la détermination desquels le système nerveux central joue un rôle manifeste.

1o Les sensations ont plus ou moins d'intensité. Nous avons déjà indiqué ce point et dit que l'examen en serait fait ultérieurement.

2o Aucune impression n'est sentie aussitôt qu'elle se produit; il y a un intervalle de temps qui sépare le moment de l'excitation du moment de la sensation. Ce temps peut se mesurer, on l'appelle le temps de réaction. Cette durée varie suivant les sensations. Mais, comme les méthodes pour la déterminer s'appliquent à toutes les sensations et comme les résultats de ces expériences, si on les réunit, gagnent en intérêt, on remettra l'exposé de cette question à la fin de l'étude des fonctions sensorielles.

3o La durée de la sensation dépasse celle de l'application de l'excitant. C'est pour cela que e des contacts se succédant trop rapidement

cessent d'être sentis isolément et déterminent une sensation continue (voy. plus loin, p. 807). Tout le monde sait que les personnes qui portent des lunettes les sentent encore sur leur nez pendant quelques instants, après qu'elles les ont enlevées. Il y a donc une persistance des impressions tactiles analogue à la persistance des impressions rétiniennes qui produit les images consécutives.

4° Quand on touche la peau d'un sujet, non seulement celui-ci distingue la nature du contact, fort ou faible, dur ou mou, etc., mais encore il peut désigner, même les yeux fermés, le point de la peau touché.

Ces expériences de localisation de la sensation peuvent se faire suivant plusieurs méthodes.

Une méthode assez usitée consiste à toucher la peau d'un sujet, dont les yeux sont fermés, avec une pointe noircie; le sujet doit ensuite indiquer avec une autre pointe l'endroit touché. La distance entre les deux points mesure la sensibilité.

Suivant les endroits de la peau, le point du corps auquel le contact est rapporté correspond plus ou moins exactement au point touché. La finesse de localisation des sensations tactiles est donc plus ou moins grande. Et le pouvoir ou faculté de localisation (Ortsinn des Allemands) varie donc avec les différentes parties de la peau.

C'est cette habitude de localisation qui rend compte de certaines illusions tactiles, telles celle que l'on observe dans l'expérience bien connue d'Aristote (fig. 180). Si on croise l'index et le médius et qu'on roule entre ces deux doigts ainsi placés

une petite boule, un pois par exemple, on éprouve la sensation de deux boules, l'une en dehors de l'index, l'autre en dedans du médius. C'est que l'expérience nous a appris à sentir deux corps différents, dans la position normale des doigts, lorsque l'impression se fait sur les bords radial de l'index et cubital du médius.

A la faculté de localisation se rattache l'ancienne expérience de E.

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H. Weber (1834) sur la perception de deux excitations tactiles simultanées. Elle consiste en la détermination de la distance minima au-dessous de laquelle les deux contacts simultanés ne sont plus sentis comme tels; c'est donc aussi un seuil de sensation (voy. plus haut, p. 803) et, comme cette faculté de discernement s'exerce sur une étendue de peau, c'est un seuil que l'on dit extensif, par opposition au seuil de la sensation de pression, dit intensif. Comment se fait l'expérience?

On recherche si, en appliquant simultanément deux pointes sur la peau, on sent également ces deux pointes comme distinctes. Pour cela on se sert d'un compas (compas de Weber) 1 et on recherche quel écartement il faut donner aux deux pointes du compas pour que, appliquées en même temps sur la peau, elles soient senties séparément; plus cet écartement est petit, plus la sensibilité est grande. Ainsi, à la pointe de la langue, il suffit de 1 millimètre d'écartement, de 2 millimètres sur la paume et de 15 millimètres sur le dos de la main; sur la peau du tronc, particulièrement vers la partie dorsale, on ne sent les deux pointes que quand elles sont écartées de 5 ou 6 centimètres et de 7 centimètres sur la cuisse 2.

E. H. Weber a appelé cercle de sensation l'étendue de la surface de la peau où l'impression des deux pointes du compas se confond en une seule. Il est facile de constater que l'étendue de ces cercles est très variable selon les parties du corps considérées : très petite à la pointe de la langue, elle devient très considérable vers les parties dorsales du tronc; il est facile

1. C'est un compas ordinaire, à pointes émoussées ou sèches. 2. Tous ces chiffres ne sont, bien entendu, que des moyennes.

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