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Avant d'étudier les sensations gustatives en elles-mêmes, il convient de déterminer exactement les régions de la bouche où se produisent les impressions sapides.

1° Siège du goût.

et à la

Il n'est pas facile de localiser exactement le sens du goût, en raison des diverses causes d'erreur, tenant surtout et à l'extrême mobilité de la langue, qui fait qu'une substance appliquée en un point peut aisément être transportée sur un autre point, rapide diffusion de la substance sapide par la salive, qui fait que le corps appliqué en un point se répand rapidement sur les points voisins. Grâce à l'application de procédés ingénieux (emploi de pinceaux très fins, de tubes de verre capillaires, de petits roseaux, portant le corps sapide uniquement sur l'endroit à explorer), on est parvenu à déterminer ce que l'on appelle le siège du goût.

La langue est l'organe essentiel de la gustation. Mais il y a des parties de la langue où les corps sapides ne sont pas sentis, comme la face inférieure et le tiers antérieur au moins de la face supérieure (la pointe étant exceptée qui est très sensible).

Amer.....

Sucré

Salé----- Acide oooo

Fig. 191. Territoires de la

langue insensibles aux diverses saveurs (d'après Schreiber [de Moscou], 1893).

On voit que la zone insensible à l'amer est la plus étendue. La zone insensible au salé est à peu près superposable à la zone insensible au sucré, à cela près qu'elle la dépasse en avant et arrive jusqu'à la pointe de la langue.

La zone insensible à toutes les saveurs et représentée par un pointillé sur cette figure doit être considérée comme trop étroite; elle s'étend en réalité, d'après les recherches d'autres physiologistes, plus loin en arrière.

La face supérieure de la pointe sent très bien l'acide, moins bien le doux et le salé, pas du tout l'amer; les bords sentent l'acide, le doux et le salé; et la base l'amer. Dans des expériences faites sur les papilles isolées, Fr. Kiesow a reconnu que les papilles caliciformes ne sont sensibles qu'à l'amer; sur les bords et la pointe les trois autres saveurs sont senties. Pour donner une idée de cette délimitation de diverses parties de la langue, on a reproduit ici une figure (fig. 191) due à l'un des expérimentateurs qui se sont occupés de cette question, mais il n'est pas inutile d'avertir le lecteur que les résultats exprimés par ce schéma ne sont pas admis par tous les chercheurs compétents; les 1. Psycho-physiologiste allemand contemporain, très connu par de nombreuses recherches sur les sensations.

différences cependant entre ces recherches et celles de plusieurs autres physiologistes ne sont pas importantes; de sorte que cette figure ne laisse pas d'être significative.

A côté de l'organe essentiel du goût, il y a des organes qui peuvent être dits accessoires.

Les lèvres, les gencives sentiraient l'acide. La face inférieure du voile du palais serait insensible à toutes les saveurs, y compris l'amer. Il en est de même de la face postérieure de l'épiglotte. Il y a donc des bourgeons gustatifs en ces régions, disséminés d'ailleurs, beaucoup moins nombreux que sur la langue. Aussi la sensibilité y est-elle beaucoup moins vive. Un seul exemple le voile du palais est excité par une solution de dibromhydrate de quinine à 1 p. 10 000, tandis que les papilles caliciformes le sont par une solution à 1 p. 100 000 (expériences de Toulouse 1 et Vaschide 2, 1901).

2o Spécificité des sensations.

On a déjà distingué (voy. p. 839) les sensations gustatives des sensations tactiles qui se produisent aussi sur la langue. Elles se séparent de même des sensations olfactives. La confusion peut d'ailleurs être fréquente entre les unes et les autres.

Pour les différencier, il suffit de fermer les narines pendant l'acte de goûter. On s'aperçoit alors qu'on ne reconnaît plus le thé, le café, le chocolat, les diverses sortes d'huile, de beurre ; on ne sait si l'on boit du bon ou du mauvais vin. D'ailleurs l'influence du coryza est bien connue à cet égard presque toutes les saveurs de nos aliments disparaissent alors. Les seules saveurs subsistantes sont l'amer, le doux, l'acide et le salě.

Reste à savoir si les sensations produites par les quatre saveurs représentent quatre modalités d'un même sens, s'il y a là, en d'autres termes, quatre énergies spécifiques. Voici les arguments qui paraissent en faveur de cette thèse.

1. Nous avons vu, en déterminant le siège du goût, que toutes les papilles ne reçoivent pas indistinctement toutes les excitations sapides, puisqu'il y a des régions insensibles à telle ou telle saveur.

Parmi les expériences très précises qui ont été faites à ce sujet, les plus instructives sont celles qui ont été réalisées avec la méthode de l'excitation punctiforme (méthode de Magnus Blix pour l'étude des sensations de pression et des sensations thermiques de la peau): la papille est mise en contact avec l'extrémité d'un tube capillaire rempli de la solution sapide. Voici, par exemple, les résultats de l'examen pratiqué sur 125 papilles fongiformes; 27 ne fournissent que des sensations tactiles ou thermiques au contact de solutions d'acide tartrique, de sucre ou de quinine; sur les 98 restantes, il y en a qui sont sensibles à l'acide, non au sucré ou à l'amer;

1. Psychiâtre français contemporain.

2. N. Vaschide (1874-1907), psychologue roumain.

d'autres au sucré, non à l'acide ou à l'amer; d'autres enfin à l'amer, non à l'acide ou au sucré; et il y en a qui contiennent deux sortes de bourgeons gustatifs, puisqu'elles répondent à deux excitants et enfin il en est, et c'est le plus grand nombre (60 sur 98), qui répondent aux trois excitations mises en jeu.

2. De cette spécificité on a une autre preuve dans les effets des excitations électriques localisées sur les différentes papilles.

L'excitation électrique isolée, par exemple, des mêmes papilles que dans l'expérience rapportée plus haut, fournit des résultats analogues sur la détermination de la fonction spécifique de telle ou telle papille. Mais il peut arriver que les résultats soient moins nets, car les expériences sont plus difficiles à interpréter, les sensations tactiles et thermiques concomitante masquant plus ou moins les sensations gustatives.

1

3. On peut enfin abolir expérimentalement la sensibilité à l'amer et au sucré, les deux autres formes de la sensibilité gustative persistant. Cet effet est obtenu en machant des feuilles de Gymnema sylvestre (plante des Indes, de la famille des Asclepiadées) ou en appliquant sur la langue une solution du principe actif contenu dans ces feuilles, l'acide gymnémique dont la formule brute est C32H50)12. L'appréciation de la saveur sucrée est perdue pour plusieurs heures (la durée du phénomène varie suivant les individus); il en est de même pour l'amer; ainsi le sulfate de quinine, goûté après mastication de feuilles de Gymnema, n'est plus senti que comme du sable ou de la craie, comme un corps non sapide.

Un extrait, préparé avec des feuilles d'une autre plante, l'Eriodictyon glutinosum du Mexique (de la famille des Hydroléacées), ne supprime pas, mais réduit considérablement la sensibilité à l'amer, et à l'amer seulement.

Enfin la cocaïne diminue toutes les sensations sapides, mais non simultanément; c'est d'abord la sensibilité à l'amer qui est réduite, puis au sucré, à l'acide et en dernier lieu et très peu au salé (d'après des expériences de Fr. Kiesow, 1893).

3o Spécificité des conducteurs des impressions gustatives. Les nerfs du goût.

Les impressions spéciales que nous connaissons maintenant sontelles conduites jusqu'aux centres nerveux par des conducteurs spéciaux? Ici se pose l'importante question des nerfs du goût.

1. On le livre présentement sous la forme d'une poudre vert blanchâtre, de saveur acide, acre, très peu soluble dans l'eau, soluble dans l'alcool dilué. Il suffit de se rincer la bouche avec une solution à 12 p. 100 dans l'eau alcoolisée pour ne pas sentir le goût de la quinine.

La transmission gustative se fait par deux voies, celle du glossopharyngien et celle du lingual-corde du tympan ou lingual mixte.

A. Glosso-pharyngien. Les expériences qui établissent le rôle des glosso-pharyngiens sont très simples et très démonstratives.

La section des deux hypoglosses paralyse la langue; la section des deux linguaux amène l'anesthésie tactile, tandis que le mouvement et la sensibilité gustative sont conservés; la section des deux glosso-pharyngiens fait disparaitre la sensibilité gustative à la base de la langue. Enfin ce fait a déjà été cité (voy. p. 839), que les bourgeons gustatifs des papilles caliciformes dégénèrent et disparaissent après la section de ce nerf (expériences sur le lapin).

C'est surtout la sensibilité pour l'amer qui est abolie à la suite de la section des glosso-pharyngiens.

B. Lingual.

L'expérience essentielle qui prouve le rôle gus

tatif de ce nerf est la suivante :

On sectionne sur des chiens les deux glosso-pharyngiens et les deux cordes du tympan; la sensibilité gustative est affaiblie, mais non abolie; si l'on sectionne alors les deux linguaux, elle est complètement supprimée.

C. Corde du tympan. Le lingual contient des filets qui lui viennent de la corde du tympan. Il a d'ailleurs été reconnu que ce dernier nerf envoie des rameaux jusqu'à la langue. Or, la corde du tympan est une branche du facial, qui naît du ganglion géniculé et qui paraît provenir du nerf de Wrisberg, que beaucoup d'anatomistes considèrent comme la portion sensitive du facial, mais que d'autres, Mathias Duval en particulier, rattachent aux origines bulbaires du glosso-pharyngien. Quoi qu'il en soit, on doit rechercher : 1° si la corde du tympan contient bien des fibres gustatives, et 2o quelle est la provenance réelle de ces fibres, si elles existent.

1. Expériences qui démontrent la présence de fibres gustatives dans la corde du tympan :

La section de la corde dans la caisse du tympan, sur des chiens, entraîne une diminution du goût du côté correspondant de la langue, en même temps qu'elle supprime la sécrétion de la glande sous-maxillaire.

La section des deux cordes, les deux nerfs linguaux étant respectés, diminue la sensibilité dans la partie antérieure de la langue. Même résultat, si l'on a préalablement sectionné les deux glosso-pharyngiens. Nous avons cité déjà cette expérience à propos du rôle du lingual.

2. D'où viennent ces filets sensoriels qui passent par la corde du tympan? La question a été très discutée.

On a remarqué que dans les paralysies du facial il n'y a altération du goût que quand la paralysie atteint le facial, après que le nerf de Wrisberg s'y est joint et avant que la corde du tympan s'en détache. C'est même sur ce fait que repose la distinction établie par Claude Bernard entre les paralysies dites externes ou extérieures du facial, c'est-à-dire dépendant d'une altération du facial proprement dit et ne s'accompagnant pas de troubles gustatif, et les paralysies qu'il qualifia d'intérieures et qui s'accompagnent d'une diminution considérable de la sensibilité gustative. Plus tard, le médecin allemand Erb devait indiquer l'altération du goût comme un signe à peu près infaillible de la localisation intra-petreuse de la paralysie

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Divers schéma du trajet des fibres gustatives de la corde du

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tympan.

M, ganglion de Meckel ou sphéno2, maxillaire supérieur ; — 3, maxillaire inférieur ; ·

III, nerf de la 3o paire ; — G, ganglion de Gasser ; palatin;

L, lingual;

4, nerf ophtalmique;

- VII, nerf facial;

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--

i, intermédiaire de Wrisberg; - CT, corde du tympan; Go (dans la figure 194), ganglion otique.

Gg, ganglion géniculé ;

faciale. D'autre part, la section du nerf de Wrisberg derrière le ganglion géniculé amènerait la perte du goût dans les deux tiers antérieurs de la langue (d'après des expériences de l'américain H. Bigelow [1880] sur le chien). D'après ces faits, le trajet suivi par les filets gustatifs de la corde serait le suivant: ils remontent par la corde jusqu'au tronc du facial, traversent le ganglion géniculé et se rendent au bulbe par le nerf de Wrisberg (voy. fig. 192).

Rien de plus simple. La difficulté est que l'on a observé des lésions du trijumeau avec abolition de la sensibilité gustative dans les deux tiers antérieurs de la langue, et que, d'autre part, la section intra-cranienne du trijumeau d'un côté causerait la perte des sensations gustatives dans cette même région, du même côté (anciennes expériences de Schiff sur le chien, expériences de Sherrington 2 sur le singe, 1898). On se fonde sur ces données pour attribuer aux fibres gustatives et de la corde un trajet compliqué, par le facial et le ganglion géniculé et de là, soit par le grand nerf

1. Cas de paralysie parfaitement limitée du trijumeau chez l'homme avec anesthésie gustative du même côté.

2. Physiologiste anglais contemporain, très connu par ses nombreux travau sur les fonctions du système nerveux. professeur à l'Université de Liverpool.

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