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Étant donnés ces faits, il est difficile de penser que l'excitation olfactive soit analogue à celle que le son produit sur l'oreille et due à l'action sur les nerfs olfactifs de vibrations émanant des corps odorants. Il est beaucoup plus probable que les particules dégagées par ces corps, comme nous venons de le voir, se dissolvant dans le mucus qui recouvre la région olfactive de la pituitaire, agissent chimiquement sur les cellules olfactives.

2. Les sensations olfactives.

Avant d'étudier les conditions dans lesquelles se produisent ces sensations et de déterminer leurs caractères, nous avons à fixer le siège de l'odorat.

1° Siège de l'odorat.

Il ne se trouve que dans la partie supérieure des fosses nasales, dans les zones où se distribue le nerf olfactif, nerf de la sensibilité spéciale, tandis que les parties inférieures ne reçoivent que des rameaux du nerf trijumeau, c'est-à-dire des nerfs de sensibilité générale. Au niveau de cette région (voy. fig. 195), dite région olfactive ou région jaune (locus luteus) (elle présente cette couleur chez les animaux), et qui offre à peu près la grandeur d'une pièce de cinquante centimes, la muqueuse change de nature; en ces points (partie supérieure de la cloison en dedans, le cornet supérieur en dehors), cette membrane est beaucoup moins vasculaire, moins riche en glandes, et enfin elle ne possède plus de cils vibratiles, mais un simple épithélium cylindrique; son élément caractéristique est représenté par les rameaux terminaux des nerfs olfactifs, rameaux si fins et si nombreux, que leur présence suffirait pour faire reconnaître à un histologiste exercé un lambeau isolé de cette muqueuse olfactive. Ces rameaux nerveux viennent se terminer vers la surface en se mettant en connexion avec l'extrémité profonde, effilée, de certaines cellules cylindriques épithéliales; c'est-à-dire qu'entre les cellules épithéliales de cette région se trouvent des cellules spéciales (cellules olfactives) qui se prolongent en fibrille à chacune de leurs extrémités. Le prolongement externe, plus épais, passe entre les cellules épithéliales, jusqu'à la surface libre; le prolongement interne paraît se continuer avec les fibres du nerf olfactif. Ce sont donc ici des dispositions bien différentes de celles décrites précédemment pour les cellules gustatives. En effet, les cellules olfactives représentent de véritables cellules nerveuses placées dans un épithélium, cellules nerveuses bipolaires, c'est-à-dire ayant un prolongement interne (voy.

fig. 196). Les études d'embryologie (histogenèse) et d'histologie comparée montrent même que ces cellules olfactives sont des éléments

Fig. 195.

Région olfactive de la muqueuse nasale (d'après A. von Brunn 1). Elle est située sur le cornet supérieur et en face de ce cornet et représentée plus teintée que le reste de la muqueuse.

1, cornet inférieur; 2, cornet moyen; 3, cornet supérieur; 4, muqueuse de la cloison nasale relevée; 5, sphénoïde.

homologues des cellules nerveuses des ganglions rachidiens. Nous renvoyons aux traités d'histologie pour ce qui regarde cette intéressante question.

2o Spécificité des sensations. Nerfs olfactifs.

Les nerfs qui innervent la région supérieure des fosses nasales, ou nerfs olfactifs, ne servent qu'à l'olfaction.

1. Histologiste allemand (1849-1895).

Après la section de ces nerfs, les chiens ne perçoivent plus l'odeur d'un morceau de viande placé à côté d'eux à leur insu, ni aucune autre odeur. Chez l'homme, l'absence congénitale des nerfs olfactifs, dont on a constaté d'assez nombreux cas, ou leur destruction détermine l'anosmie totale.

Comme nous ne savons point distinguer les odeurs d'après des caractères objectifs tenant à la nature des corps odorants, il est difficile de déterminer expérimentalement s'il y a des récepteurs ou

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Fig. 196. - Schéma des neurones olfactifs central et périphérique (d'après Ramon y Cajal). E, épithélium olfactif; entre les cellules épithéliales de soutien, sont les cellules olfactives bipolaires (neurones olfactifs périphériques); — LE, lame criblée de l'ethmoïde qui livre passage aux prolongements cylindre-axes des neurones olfactifs périphériques; BO, bulbe olfactif renfermant le corps cellulaire des neurones olfactifs centraux (cellules mitrales M) ; - AR, articulations des prolongements cylindre-axes des neurones olfactifs périphériques avec les prolongements protoplasmiques des neurones olfactifs centraux (glomérules olfactifs); - C, prolongements cylindre-axes des cellules mitrales.

des conducteurs spéciaux pour les différentes et principales classes d'impressions olfactives. Quelques faits cependant paraissent bien indiquer la spécificité de ces sensations, tout comme celle des sensations gustatives.

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Ce sont d'abord ceux qui montrent qu'il peut y avoir abolition d'une sensation olfactive avec persistance de toutes les autres (anosmie partielle); ainsi on rencontre quelques individus qui, percevant toutes les autres odeurs, ne sentent pas l'odeur de violette ou de vanille. C'est là quelque chose de tout à fait analogue à la cécité partielle pour les couleurs. Les observations faites sur la fatigue partielle de l'odorat sont également conformes à cette thèse; l'odorat, fatigué par une odeur déterminée, reste sensible aux autres excitants (expériences de E. Aronsohn 1); fatigué par 1. Médecin et physiologiste allemand contemporain.

exemple pour la teinture d'iode, il reste absolument intact pour quelques huiles éthérées, tandis qu'il diminue pour d'autres et qu'il est supprimé pour l'alcool. Cette anosmie partielle dure un nombre variable de minutes suivant les substances. Des expériences analogues de Zwaardemaker 1 et de W. Nagel 2 ont fourni des résultats semblables. Enfin après cocaïnisation incomplète de la muqueuse olfactive, l'insensibilité pour les diverses odeurs est très inégale.

On peut donc penser qu'il y a différentes sortes de récepteurs ou de conducteurs olfactifs, ainsi qu'il en est pour les impressions gustatives. Mais nous ne savons actuellement rien de plus à ce sujet.

30 Conditions des sensations.

1. La première de toutes, c'est le mouvement de l'air chargé de particules odorantes.

Il faut pour cela que le courant d'air qui doit passer par les fosses nasales, le courant d'air inspiré, soit assez fort. De là le rôle de l'appareil respiratoire moteur dans l'olfaction. La bouche est fermée pour que tout l'air inspiré passe par les fosses nasales. Et, quand il s'agit seulement de flairer, on exécute une série de petites inspirations plus ou moins rapides ou bien, au contraire, une inspiration lente et profonde. Si la respiration est très superficielle ou quand on cesse de respirer, la sensation olfactive s'atténue ou disparaît.

Le courant d'air et sa direction ne sont pas tout dans l'acte de flairer. Le rôle des muscles du nez n'est nullement négligeable: l'orifice inférieur des narines se dilate par l'action des deux élévateurs, commun et superficiel, de l'aile du nez et de la lèvre supérieure et par celle du muscle propre du nez; en même temps l'orifice supérieur se rétrécit, par la contraction du transverse et du myrtiforme; ce rétrécissement a pour résultat un renforcement de la vitesse du courant d'air. D'ailleurs, quand on empêche ce resserrement de l'orifice supérieur, par l'introduction par exemple d'un tube de verre assez long pour l'obstruer, l'impression olfactive devient presque nulle.

Puisque la condition première de l'olfaction consiste dans le passage sur la muqueuse pituitaire d'un courant d'air chargé de particules odorantes, les impressions olfactives doivent se produire aussi quand le passage de l'air se fait d'arrière en avant, par l'orifice postérieur des fosses nasales, c'est-à-dire pendant l'expiration. Il en va bien ainsi; seulement, comme le courant d'air qui arrive à la muqueuse olfactive, dans ce cas, est beaucoup moins intense, les impressions sont alors en général moins nettes.

La transmission des particules odorantes ne se fait pas seulement par l'air. Elle peut se faire par l'eau, à condition que celle-ci soit

1. Physiologiste hollandais contemporain, professeur à l'Université d'Utrecht. Il a publié en 1895 une étude sur l'olfaction extrêmement complète.

2. Physiologiste allemand contemporain, professeur à l'Université de Rostock.

indifférente pour la muqueuse nasale, que l'on verse par exemple la substance odorante à essayer dans de l'eau salée isotonique à 40° environ. Il est utile de remarquer ici que les Poissons ont une sensibilité olfactive développée.

2. Une deuxième condition, c'est que l'air soit suffisamment chargé de particules odorantes. Il suffit d'ailleurs, pour qu'il y ait sensation, du moins pour un très grand nombre de corps, d'une quantité extrêmement faible de molécules odorantes. En d'autres termes, le minimum perceptible, c'est-à-dire la plus petite quantité nécessaire pour provoquer la sensation d'odeur est très bas. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point.

3. Il faut aussi que la substance odorante agisse pendant un certain temps, d'ailleurs très variable suivant les odeurs. Mais ce temps est toujours court. Par l'action un peu prolongée d'une odeur, l'appareil olfactif en effet se fatigue. C'est pour des impressions brèves et répétées (acte de flairer) que la sensation se produit le plus nettement. Du reste, si l'appareil olfactif se fatigue vite, il se répare vite également, dès que l'odeur qui s'est imposée a cessé d'agir.

4. Pour que l'olfaction s'exerce normalement, la muqueuse nasale doit être en un état d'humidité modéré. Sur cette surface humide les particules odorantes sont fixées et sans doute dissoutes et arrivent aisément aux cellules olfactives. Au début du coryza, quand il n'y a plus de sécrétion nasale, l'olfaction est troublée; il en est de même pendant la période d'état du mal, alors que les sécrétions sont très abondantes et d'ailleurs altérées. La circulation et la sécrétion de la muqueuse olfactive sont sous la dépendance du trijumeau (filet du nerf nasal interne ou ethmoïdal [rameau de la branche ophtalmique de Willis] et filet du naso-palatin et sphéno-palatin [branches venues du maxillaire supérieur par le ganglion de Meckel). Pour cette raison, et puisque l'intégrité de la muqueuse et sa sécrétion normale sont nécessaires à l'olfaction, le trijumeau peut être considéré comme un nerf servant accessoirement à cette fonction '.

5. L'exercice accroit beaucoup la finesse de l'odorat. On a cité des individus qui peuvent reconnaître l'acide cyanhydrique en dilution dans deux millions de fois son poids d'eau. La finesse de l'odorat dépasse donc encore celle du goût. Il y a lieu de remarquer de nouveau ici (voy. p. 847) que l'habitude ne développe pas toujours

1. Magendie avait fait du trijumeau le nerf de l'olfaction, parce qu'ayant coupé à un chien les nerfs olfactifs, puis ayant approché du nez de l'animal de l'ammoniaque, il le vit reculer en secouant la tête. Mais c'était prendre un phénomène de sensibilité générale pour une manifestation de sensibilité spéciale; l'ammoniaque, par ses vapeurs caustiques, agit non sur l'odorat, mais sur la sensibilité de la muqueuse nasale en général, qui est innervée par le trijumeau.

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