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rayon visuel. L'image ainsi extériorisée se localise dans le point de l'espace déterminé par les lignes de direction des deux yeux.

Ce sentiment d'extériorité est acquis par l'exercice et par l'habitude. On en a une preuve dans les observations faites sur les enfants. Dans les premiers temps que ceux-ci commencent à regarder, ils croient que tous les objets qu'ils aperçoivent sont à leur portée et cherchent à les saisir avec la main. L'aveugle-né, opéré par Cheselden 1, s'imaginait de même, dans les premiers temps qui suivirent l'opération, que les objets qu'il voyait touchaient ses yeux. On a constaté d'ailleurs sur d'autres aveugles-nés que ce n'est qu'après avoir tâté à plusieurs reprises tel ou tel objet usuel, couteau, cuillère, dé à coudre, etc., qu'ils le reconnaissent à la vue; il leur faut pour cela une éducation de plusieurs jours. L'exercice apprend done peu à peu à extérioriser et à localiser les impressions rétiniennes.

Vision droite. Nous voyons les objets droits et dans leur position normale, quoique sur la rétine les images soient renversées. Nous voyons les objets droits et non renversés, parce que notre esprit transporte à l'extérieur toutes les impressions qui se font sur la rétine, et en transporte tous les points dans la direction que les rayons lumineux ont suivie, en venant agir sur telle ou telle partie de la membrane sensible; en d'autres termes, à chaque partie du champ rétinien correspond une partie du champ visuel extérieur, et ces deux champs sont liés si nécessairement l'un à l'autre que tout ce qui se passe dans le premier est reporté au second dans la place qu'il doit y occuper. Ainsi, quand nous regardons un objet au point de fatiguer la rétine et d'y faire persister l'image, alors même que nous fermons les yeux, cette image continue à être vue droite et non renversée. On ne saurait dire s'il y a là un effet de l'habitude et de l'éducation des sens, car on rapporte des cas d'aveugles de naissance qui, au moment où la vue leur fut rendue, virent aussitôt les objets droits et non renversés. Il importe d'ailleurs de remarquer que « nous ne connaissons pas plus l'image rétinienne que nous ne connaissons les muscles qui entrent dans un mouvement donné; nous connaissons uniquement des sensations qui sont en relation de coexistence et de succession avec d'autres sensations soit de même nature, soit de nature différente, et, à ce point de vue, on pourrait dire avec Helmholtz qu'il n'y a pas lieu de poser la question de la vue droite avec les images renversées. Nos perceptions en effet ne sont pas des images des objets, mais des actions des objets sur nos organes; elles ne sont pas objectives, mais subjectives ».

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1. L'histoire de l'aveugle de Cheselden a été très bien exposée par H. Taine, De l'Intelligence, t. II, ch. 1. — W. Cheselden (1688-1752), un des chirurgiens et anatomistes anglais les plus célèbres du xvII' siècle.

2. H. Beaunis, Nouveaux éléments de physiologie, t. II, p. 564, 3e édition, Paris, 1888.

Vision avec les deux yeux. Nous regardons non pas avec un seul œil, mais avec les deux yeux. Il faut donc se demander comment il se fait qu'un point qui, produisant son image dans les deux yeux, donne lieu à deux impressions rétiniennes, ne détermine qu'une seule impression dans les organes nerveux centraux, sur le cerveau. C'est qu'en réalité ce point vient se peindre sur deux points similaires des deux rétines. On appelle horoptre ou horoptère l'ensemble des points du champ visuel qui forment leur image sur des points correspondants de la rétine 1.

Chaque fois que les deux images se font en des points non identiques, qu'il y a défaut de symétrie entre les points ébranlés dans chaque rétine, on observe de la diplopie 2. Celle-ci est homonyme ou croisée, suivant que les deux images vues, à droite et à gauche, correspondent chacune à l'œil du même côté ou au contraire à l'œil du côté opposé. Les objets qui ne se trouvent pas dans l'horoptère sont vus doubles. La formation des images doubles doit donc être fréquente, car l'horoptère est limité; seulement nous ne remarquons pas cette diplopie, parce que nous avons acquis l'habitude de ne regarder attentivement que le point fixé et aussi en raison des mouvements continuels des yeux. On remarque la diplopie, quand l'image d'un objet se fait sur la tache jaune dans un œil et dans l'autre œil en dehors de la tache jaune; c'est ce qui arrive dans les cas de paralysie ou de contracture d'un muscle de l'œil (strabisme).

La perception du relief est due surtout à la vision binoculaire. C'est une question que nous allons retrouver tout à l'heure.

NOTIONS PRINCIPALES FOURNIES PAR LES SENSATIONS VISUELLES. Ces sensations constituent les éléments des jugements par lesquels nous apprécions la distance des objets que nous voyons, ainsi que leurs dimensions et leurs déplacements. Ce sont là les principales notions fournies par la vision.

On distingue la vision directe, qui se fait avec la fovea centralis, de la vision indirecte, qui se fait avec le reste de la rétine. Celle-ci est très défectueuse. Si on fixe une lettre d'imprimerie de grandeur moyenne, on distingue à peine cinq à six lettres dans les diverses directions. «< Cependant la vision indirecte est de la plus haute importance; elle sert à l'orientation, tandis que la vision directe sert à voir. A l'aide de la vision indirecte, nous remarquons la présence de quelque chose, surtout d'un mouvement insolite, et vite nous

1. On a justement remarqué que le fait que nous voyons simples les objets, bien que chaque point lumineux donne lieu à deux impressions (une sur chaque rétine), n'est pas plus extraordinaire que cet autre, à savoir que nous n'avons pas la sensation de deux objets similaires, quand nous en tâtons un des deux mains.

2. De Sinós, double, et , œil.

y dirigeons le regard pour voir. Sans la vision indirecte... on serait comme un individu qui voudrait se conduire dans la rue à travers un tube étroit. L'état inverse, c'est-à-dire l'absence de la vision directe, s'observe assez fréquemment; un tel individu s'oriente normalement dans la rue, mais ne distingue rien, pas même les traits de son interlocuteur 1. »

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a. APPRECIATION DE LA DISTANCE DES OBJETS. Nous jugeons la distance des objets à l'œil d'après la grandeur apparente de l'objet (voy. p. 865) et en établissant des comparaisons entre cette grandeur et celle d'objets voisins déjà connus; à cette appréciation servent aussi les caractères de l'image, c'est-à-dire sa netteté et la perception de détails plus ou moins nombreux. L'exercice et l'habitude développent beaucoup ce jugement.

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La vision monoculaire suffit à l'appréciation de la distance. b. APPRECIATION DE LA GRANDEUR DES OBJETS. Nous jugeons de la grandeur des objets (appréciation de la surface ou des deux dimensions, hauteur et largeur) d'après les dimensions de l'image rétinienne (voy. p. 865) et d'après l'estimation de la distance à laquelle ils se trouvent de notre œil.

L'appréciation ne serait pas exacte si on ne tenait compte que de la valeur de l'angle visuel (angle formé par les deux lignes visuelles qui passent par les deux extrémités de l'objet); en effet, des objets de grandeur différente peuvent donner des images rétiniennes égales (étant vus sous le même angle visuel), s'ils sont placés à des distances directement proportionnelles à leurs grandeurs. Il n'en va pas ainsi, et en réalité nous jugeons de leurs différences de taille, parce que nous apprécions leurs distances respectives. Nous pouvons alors conclure que, de deux objets placés à des distances différentes et qui paraissent de taille égale, le plus éloigné est le plus grand.

Et ceci montre bien que nous ne voyons pas les objets dans leur grandeur réelle, puisque nous ne les voyons pas linéairement, mais sous une grandeur angulaire; nous jugeons de leur grandeur réelle, d'après des indications qui ne sont nullement contenues dans l'image rétinienne.

L'exercice joue un grand rôle dans ce jugement.

C. APPRECIATION DU Relief des corps. — L'appréciation de la troisième dimension ou perception de la profondeur nous fournit la notion de la solidité des corps. Elle est due surtout à la vision binoculaire 2.

1. L. Fredericq et J.-P. Nuel, Éléments de physiol. humaine, 5o édit., Gand et Paris, 1904, p. 596.

2. C'est grâce à la convergence des axes oculaires (voy, plus loin, p. 918) que les deux yeux fonctionnent comme un seul œil, recevant l'image du même objet. Chez les Vertébrés inférieurs et même chez la plupart des Mammifères, chaque œil a un champ visuel distinct; aussi la perception de la troisième dimension du relief doit-elle manquer à peu près complètement chez ces animaux.

GLEY.

Physiologie.

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La vue des reliefs tient essentiellement en effet à ce que chacun des deux yeux voit le même objet sous un angle différent (fig. 217); les centres cérébraux fusionnent ces deux impressions a et b en une seule, laquelle donne la notion du relief. C'est ce que démontre l'emploi du stéréoscope, instrument dans lequel chaque œil regarde à travers un prisme l'image

Fig. 217.

a

Objets solides (relief) (à Mathias Duval).

d'un objet prise pour chacun des yeux à un point de vue différent; la fusion de ces deux images donne la sensation du relief de l'objet. En un mot (Helmholtz), dans la stéréoscopie, deux sensations, reconnaissables l'une de l'autre, arrivent simultanément à notre conscience; leur fusion en une notion

unique de l'objet extérieur ne se fait pas par un mécanisme préétabli de l'excitation de l'organe sensoriel, mais par un acte psychique.

Sur toutes les questions de ce genre, l'histoire des aveugles-nés qu'on vient d'opérer est décisive. Au moment où ils recouvrent la vue, ils éprouvent les mêmes impressions visuelles que nous; mais leurs centres des perceptions visuelles n'ont pas fait, dans leurs rapports avec les autres centres, la même éducation que les nôtres : ce qui leur manque, c'est ce que nous avons acquis. Le plus souvent, nous l'avons déjà dit (voy. p. 911), au moment où, pour la première fois, ils voient le monde extérieur, ils croient que tous les objets qu'ils aperçoivent touchent leurs yeux; ils ne savent ni situer, ni interpréter leurs impressions rétiniennes.

Dans la vision monoculaire, on peut avoir aussi, mais imparfaitement, la sensation du relief. Celle-ci est alors due à l'appréciation de la perspective, c'est-à-dire des différences d'éclairement des objets, et surtout aux mouvements de la tête [en raison des relations établies entre les impressions rétiniennes et les sensations musculaires ou articulaires produites par ces mouvements (modifications de l'image perçue, déplacements de l'image, quand nous inclinons diversement la tête)].

d. APPRECIATION DES DÉPLACEMENTS DES OBJETS. Nous jugeons du mouvement des corps par des moyens différents, suivant que l'œil est immobile ou qu'il se meut. Dans le premier cas, le jugement de mouvement résulte de ce que l'image du corps se produit successivement en des points différents de la rétine, sans que les muscles de l'oeil se soient contractés. Dans le second cas, ce jugement provient de la sensation des contractions musculaires effectuées pour déplacer l'œil, afin que le regard puisse suivre l'objet qui se déplace et dont l'image alors se fait sur le même point de la rétine 1.

1. H. Beaunis, loc. cit., p. 569.

5. Physiologie des organes annexes de l'œil.

Le plus important de ces appareils annexes est celui qui sert à mouvoir le globe oculaire. On étudiera ensuite les organes de protection de l'œil.

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1° Muscles du globe oculaire. Leur rôle.

Si l'on réfléchit à la minime étendue de la partie vraiment sensible de la rétine, on conçoit tout de suite de quelle utilité sont les mouvements du globe oculaire. L'œil peut en effet se tourner dans tous les sens, sans que la tête remue, et les deux yeux peuvent se

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Fig. 218. - Muscles de l'oeil et leurs axes de rotation.

AA, axe antero-postérieur du globe oculaire; - TT, axe transversal du globe oculaire; -DD, axe de rotation des muscles droits supérieur et inférieur; - 00, axe de rotation des muscles obliques.,

diriger à chaque instant sur un même point, puis sur un autre. Grâce à ces déplacements incessants du globe oculaire, le champ de la vision distincte, qui est si limité (on se rappelle que les images formées sur la tache jaune sont seules vues nettement), est en fait suffisamment étendu.

Ce sont les muscles du globe oculaire qui exécutent tous ces mouvements. Ceux-ci sont très aisés en raison de la mobilité très grande que sa forme sphérique permet au globe. Comme toutes

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