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tiques par l'application directe à leur surface d'un cristal de chlorure de sodium; si alors on excite la peau, les mouvements, d'origine médullaire, consécutifs à cette excitation, sont retardés ou même supprimés. Ce n'est donc pas seulement le cerveau qui exerce sur les réflexes une influence modératrice. Néanmoins son rôle, comme centre d'arrêt, surtout chez les animaux supérieurs, est prépondérant, ainsi que l'établissent des expé riences de G. Fano (1896) fondées sur uneingénieuse méthode : étant donné que l'action du cerveau doit augmenter le temps de réflexion dans la moelle, si on enlève le cerveau, on observera un raccourcissement de ce temps; c'est ce que l'on constate, et principalement quand on enlève le lobe frontal; l'effet est moindre après l'extirpation du lobe occipital et presque nul après celle du lobe temporo-pariétal. Chez l'homme, la volonté peut réprimer des réflexes liés aux émotions, tels que les cris et les larmes; il est toute une série d'expressions du visage et de gestes plus ou moins conscients que par l'éducation de la volonté on arrive à maîtriser, j'entends que l'on empêche de se produire; de même on peut volontairement, du moins pendant une ou deux minutes, arrêter les mouvements de la respiration. Ce sont là des exemples remarquables d'arrêt des réflexes.

Le troisième type d'action d'arrêt est le suivant : l'excitation d'un nerf sensible inhibe l'activité d'un centre nerveux antérieurement mise en jeu par un autre excitant (inhibition réflexe).

Ainsi l'injection d'une solution concentrée de chlorure de sodium sous la peau du dos d'une grenouille empêche les mouvements réflexes des membres, même ceux que produit un fort pincement. On sait (voy. p. 461) que l'excitation mécanique des intestins amène l'arrêt du cœur; or, ce réflexe est supprimé par l'excitation forte simultanée d'un nerf sensible des membres. Faits analogues chez l'homme : l'éternuement peut être empêché par le frottement du nez, et les mouvements et le rire consécutifs au chatouillement le sont par la morsure de la langue.

Qu'y a-t-il de commun entre tous ces phénomènes au point de vue de leurs mécanismes? Existe-t-il des centres et des nerfs inhibiteurs spéciaux? L'existence de nerfs d'arrèt, si elle est évidente dans quelques cas (pneumogastrique, splanchnique), n'est pas un fait général. Et cette remarque est encore plus juste en ce qui concerne les centres d'arrêt; s'il fallait expliquer par là tous les phénomènes d'arrêt des réflexes, on serait amené à multiplier ces centres jusqu'à l'absurde. Pour qu'il y ait inhibition, deux conditions paraissent nécessaires l'activité d'un groupe de cellules nerveuses, que ce centre fasse partie du système nerveux central ou soit situé à la périphérie (ganglions sympathiques, tels que les ganglions cardiaques ou les plexus ganglionnaires des parois vasculaires), et une excitation arrivant à ces centres et en suspendant l'activité. Dans les deux derniers types d'actions d'arrêt que nous avons distingués, cette excitation est centripète. Dans les cas (correspondant à notre

premier type d'actes inhibitoires) où elle se transmet par des conducteurs spéciaux (nerfs inhibiteurs proprement dits), cette excitation paraît être de sens centrifuge (voy. p. 457 et 473 l'explication donnée du mode d'action du nerf pneumogastrique sur le cœur et du mécanisme de la vaso-dilatation); toujours est-il cependant qu'elle agit, non pas sur l'organe périphérique, mais sur des cellules nerveuses interposées entre cet organe et les nerfs qu'il reçoit. Cet entre-croisement de deux excitations paraît être une condition essentielle de toute action d'arrêt '.

Ainsi, dans certaines conditions, une excitation nerveuse peut amener l'arrêt d'une fonction. Mais cette donnée générale rentre sans doute dans une loi plus large. De nombreux faits tendent à montrer que la loi même, énoncée d'abord par E. de Cyon (1870), puis par Bubnoff et Heidenhain (1881), et d'après laquelle toute excitation d'un centre nerveux donne lieu à un processus de sens contraire à celui du processus en acte, au moment précis de l'excitation, n'est qu'un cas particulier. La loi plus générale serait qu'une excitation peut donner lieu à un phénomène d'arrêt ou à une réaction positive, suivant l'état dans lequel se trouve le tissu ou l'organe excité, état d'activité ou état de repos. On ne peut citer ici que quelques-uns des faits qui paraissent établir cette loi.

La plupart concernent des nerfs 1° une patte galvanoscopique étant préparée, on en fait plonger le nerf dans une capsule pleine d'une dissolution concentrée de chlorure de sodium; sous l'influence de cette excitation chimique, le nerf entre en activité et provoque dans les muscles une série continue de petites convulsions; si alors on excite électriquement le nerf, les convulsions cessent chaque fois que le courant est ouvert ou fermé; en d'autres termes, chaque excitation électrique, au moment où elle se produit, remet le nerf en repos; 2o l'excitation du vague et celle du splanchnique produiraient des effets inverses suivant l'état de repos ou d'activité de l'estomac; 3° l'excitation du sciatique détermine la dilatation des vaisseaux de la patte, si ceux-ci étaient préalablement resserrés; 4o l'excitation des nerfs sécréteurs de la glande sous-maxillaire reste inefficace si la glande a été préalablement mise en activité (voy. p. 594); 5o une excita1. Il y a lieu peut-être de rappeler ici la théorie de l'interférence nerveuse par laquelle Claude Bernard avait tenté d'expliquer l'action des nerfs vaso-dilatateurs l'influence des nerfs vaso-constricteurs maintient en état de tonus les parois des artérioles; lorsque, par l'excitation des vaso-dilatateurs, l'artère est paralysée et se laisse dilater par l'afflux sanguin, c'est que l'action de ces nerfs a supprimé l'activité des antagonistes, les vaso-constricteurs. Ainsi, dans les phénomènes d'optique désignés sous le nom d'interférence, des vibrations lumineuses annulent d'autres vibrations lumineuses auxquelles elles viennent s'ajouter. De la même manière s'expliquerait l'action du nerf pneumogastrique sur le cœur; l'excitation de ce nerf, interrompant l'action tonique des ganglions nerveux contenus dans le myocarde, amènerait celui-ci à l'état de repos. La théorie de l'interférence est moins une explication qu'une interprétation et le mot mème d'interférence ne saurait être qu'une comparaison.

GLEY.

Physiologie.

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tion peut provoquer le relâchement d'un muscle contracté et la contraction d'un muscle relâché; etc.

Quelques faits concernent des muscles : 1o le froid et le chaud produisent soit la contraction, soit le relâchement des muscles lisses, suivant que ceux-ci sont en état de relâchement ou déjà contractés; 2o mêmes effets de la galvanisation sur le muscle rétracteur du pénis (sur le chien), selon l'état de relâchement ou de contraction tonique de ce muscle; 3° l'excitation d'une préparation d'œsophage embryonnaire, en état de tonicité, en amène le relâchement.

Laissant de côté ces derniers faits, nous dirons en résumé que l'activité des cellules nerveuses peut être employée non pas à la mise en action des organes avec lesquels elles sont en rapport, mais au contraire à la suspension du jeu de ces organes.

Maintenant savons-nous quelque chose de la nature de ce phénomène? En quoi consiste cette suspension de l'activité nerveuse? Nous l'ignorons, mais nous ne connaissons pas davantage la nature de l'action nerveuse excito-motrice ou excito-sécrétoire.

C. PHÉNOMÈNES DE DYNAMOGÉNIE. L'entre-croisement de deux excitations dans un groupe de cellules nerveuses, à l'intersection de deux neurones, ne détermine pas à coup sûr des actions d'arrêt, mais peut donner lieu au contraire à un renforcement de l'excitation. C'est ce que Brown-Séquard avait appelé la dynamogénie, et c'est à des phénomènes du même genre que S. Exner a aopliqué le nom de Bahnung, aujourd'hui employé en Allemagne, et qui désigne l'opération par laquelle les réactions nerveuses sont à la fois facilitées et renforcées 2. Par cette opération il semble que les voies nerveuses s'ouvrent plus largement, s'aplanissent devant l'excitation, deviennent plus faciles à suivre

Le type de ces actions de renforcement est le suivant (expériences de Exner sur le lapin): une excitation cutanée, trop faible pour provoquer des contractions réflexes dans un groupe donné de muscles, devient efficace si, quelques instants avant, on porte une légère excitation sur l'écorce cérébrale, dans la zone correspondant à ces muscles.

Ce ne sont pas seulement, comme on le voit dans l'expérience précédente, des excitations provenant des centres supérieurs qui peuvent exercer cette influence dynamogène, ce sont aussi les excitations des appareils sensoriels périphériques.

1. Leur importance théorique est grande cependant, car, joints à d'autres faits, ils donnent à penser que l'inhibition n'est pas une fonction propre au tissu nerveux, mais commune peut-être à divers tissus, et qui s'exerce conjointement avec la fonction motrice. Telle est la doctrine du physiologiste russe Wedensky (1901).

2. Les Italiens ont traduit le mot Bahnung par avviamento ou agevolazione (Luciani). Ce serait, dit Morat, si l'on pouvait créer le mot, la viatilité, c'est-àdire la facilitation de la transmission D (Traité de physiol., Fonctions d'inner

vation, p. 244).

En voici deux exemples 1o le réflexe provoqué par l'excitation d'une racine postérieure dorsale est plus facile à obtenir si on excite en même temps quelque racine voisine; 20 le mouvement réflexe consécutif à une excitation cutanée est plus énergique si celle-ci est immédiatement suivie d'une excitation lumineuse.

Beaucoup d'autres expériences du même genre ont été faites.

Mais la dynamogénie est bien près, pour ainsi dire, de l'inhibition.

On le voit par des expériences grâce auxquelles on a étudié l'action réciproque des excitations externes et des excitations internes (impulsions volontaires) la même excitation auditive, par exemple, qui renforce le mouvement, si elle précède de 1 ou 2 dixièmes de seconde l'impulsion volontaire, l'inhibe si elle suit cette impulsion. On peut rapprocher ce fait et d'autres analogues de ceux qui ont été classés à la page 977.

Les résultats des expériences faites jusqu'à présent révèlent deux des conditions qui paraissent déterminer le phénomène de dynamogénie (V. Aducco1): l'une consiste en le rapport de temps qu'il y a entre les deux excitations qui s'entre-croisent; ainsi l'action dynamogène réciproque de deux excitants cesse pour se transformer en une action inhibitoire quand l'intervalle de temps qui les sépare s'accroît. L'autre condition est relative au lieu des excitations; si celles-ci atteignent le même groupe de cellules motrices, elles se renforcent mutuellement, tandis qu'elles s'inhibent si elles atteignent des centres différents (théorie de Sherrington, 1903).

Que savons-nous de plus sur les causes et sur la nature du processus de dynamogénie? En somme, les conditons sont complexes suivant lesquelles cheminent les excitations dans les centres nerveux, les excitants sont multiples, les voies dans lesquelles ils s'engagent sont diverses, l'excitabilité des centres est variable. On conçoit que le sens des réactions puisse être différent. Nous commençons seulement à ranger les phénomènes dans des catégories déterminées. Les explications viendront plus tard, si possible.

d. CARACTERES GÉNÉRAUX DE L'ACTIVITÉ NERVEUSE, LOIS PRINCIPALES QUI LA RÉGISSENT. Les lois des réflexes dont il a été parlé (voy. p. 972) pourraient prendre place ici; on n'y reviendra pas. Les réactions nerveuses paraissent en outre soumises à quelques autres lois.

1° La plupart des influences qui mettent en jeu l'activité des cellules nerveuses suivent la loi de la sommation ou de l'addition. On entend par là qu'une excitation faible, mais répétée, agit plus efficacement qu'une seule excitation forte; il semble que les excitations

1. Elementi di fisiologia umana, Torino, 1905, p. 545.

faibles s'additionnent dans la substance nerveuse. Le fait a été démontré avec les excitants thermiques, électriques et chimiques. La figure 228 en donne un exemple.

2o Les excitations épuisent rapidement la cellule. Nous avons vu de ce fait divers exemples en étudiant les fonctions sensorielles. L'expérience représentée sur la figure 228 en présente un cas facile à constater. Le prolongement cylindre-axile de la cellule, au

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On voit que, après le début de l'excitation, il se produit quelques petites secousses, puis, après un temps perdu de plusieurs secondes, une forte contraction. -- Si on continue les excitations, la préparation reste néanmoins au repos durant quelques secondes; c'est que le mécanisme réflexe se trouve momentanément épuisé; puis de nouveau survient une forte contraction.

contraire, est extrêmement résistant; et, à ce sujet, nous aurons à examiner plus loin la question de l'infatigabilité des nerfs.

30 L'activité des cellules nerveuses présente une phase réfractaire. Il s'agit ici d'un phénomène tout à fait analogue à celui que nous connaissons pour le cœur (voy. p. 394).

Une excitation électrique de la zone dite motrice de l'écorce cérébrale reste inefficace si elle n'est séparée de la précédente par un temps de un dixième de seconde. Telle est donc la durée de la période réfractaire cérébrale (d'après les expériences d'André Broca et Ch. Richet sur le chien, 1897). Il est d'un haut intérêt de rapprocher de ce fait ce que nous connaissons sur la vitesse des mouvements volontaires et sur la fusion de certaines excitations sensorielles; ainsi on sait qu'on ne peut guère répondre à plus de 9, 10, 11, ou peut-être 12 excitations motrices par seconde (les muscles pourtant peuvent donner 30 ou 40 secousses dissociées par seconde); et on sait aussi que la fusion des impressions rétiniennes

1. Physiologiste anglais contemporain, professeur à l'Université de Manchester.

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