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commence à se faire quand les excitations discontinues se succèdent à des intervalles de moins de un dixième de seconde.

On est alors amené à penser avec A. Broca et Ch. Richet que la période de vibration des cellules cérébrales est d'environ un dixième de seconde, puisque ces cellules ne peuvent recevoir plus de dix impressions ou donner plus de dix excitations motrices par seconde ; c'est donc qu'après chaque excitation il y a une période d'inertie durant laquelle elles sont inexcitables.

Dans les éléments sensibles de la moelle épinière, la période réfractaire (expériences sur la grenouille) varie de 0,25 à 0a,5.

4o Les cellules nerveuses ont la propriété de modifier le rythme des excitations qu'elles reçoivent, de telle sorte que les excitations qu'elles envoient aux organes périphériques se produisent suivant un rythme qui leur est propre. Ceci se déduirait déjà de l'existence de la période réfractaire que nous venons de démontrer. Mais on en a des preuves directes; en voici une :

Des excitations de la moelle (expériences sur le lapin) d'une fréquence de 43 par seconde déterminent des réactions motrices d'une fréquence de 20 par seconde seulement. Au contraire, si ce sont les nerfs périphériques que l'on excite, au nombre de ces excitations (43 par seconde) correspond exactement le nombre des contractions musculaires.

Tous ces faits montrent que les cellules nerveuses ont des propriétés communes et des modes communs de réagir. Mais il existe aussi entre elles et entre leurs fonctionnements des différences.

Une donnée fondamentale et qui domine la physiologie du système nerveux suffit à dévoiler toute l'étendue de ces différences, c'est l'hétérogénéité des fonctions des divers groupes de cellules nerveuses. Par cela même qu'il s'est établi dans ces groupes des spécificités fonctionnelles, c'est que les conditions de leur fonctionnement, processus physiques et phénomènes chimiques, sont dissemblables; il est même possible qu'il se soit produit des différences plus ou moins importantes dans la constitution chimique des cellules appartenant à des groupes divers. En dehors de cette donnée générale et première, on peut citer quelques faits qui contribuent à mettre en lumière les dissemblances entre neurones.

Ce sont d'abord des différences d'excitabilité.

L'excitation d'une racine postérieure médullaire détermine dans la moelle elle-même un courant d'action; l'excitation d'une racine antérieure n'a point cet effet, elle ne se propage donc pas au delà des cellules motrices.

Ce sont aussi des différences dans la sensibilité à un même excitant.

On a déjà cité (p. 955 et 956) des expériences desquelles ressort cette donnée. Rappelons de nouveau que, sous l'influence de l'asphyxie, le centre vaso-constricteur bulbaire est d'abord excité et le plus fortement, puis le centre inhibiteur cardiaque et que les centres vaso-constricteurs spinaux le sont en dernier lieu et restent encore actifs, alors que les autres centres ont cessé de l'être.

Dans le même ordre d'idées, on pourrait citer de nombreux faits relatifs à la spécificité d'action de substances toxiques agissant sur le système nerveux.

La strychnine augmente l'excitabilité des cornes postérieures de la moelle et n'agit pas sur les cellules des cornes antérieures. Les solutions faibles d'acide phénique ont une action exactement inverse de celle de la strychnine. La nicotine, au début de son application, excite les cellules motrices du bulbe et de la moelle et les cellules des ganglions sympathiques; elle est sans effet sur les cellules des ganglions spinaux.

II. LA TRANSMISSION DES IMPRESSIONS SENSIBLES DANS LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL.

On sait que toutes les impressions reçues par les appareils sensoriels aboutissent au cerveau (voy. p. 795), où elles se transforment en sensations. Là seulement, en effet, c'est-à-dire dans les cellules de l'écorce, elles sont senties. Il n'y a pas sensibilité consciente en dehors de l'écorce grise des hémisphères cérébraux. Mais, pour arriver à l'écorce cérébrale, quel chemin suivent les impressions sensibles à travers le système nerveux central? C'est la question que nous devons nous poser pour compléter l'étude que nous avons faite de la physiologie des organes des sens (voy. p. 818).

Les voies de la sensibilité à travers le système nerveux sont constituées par l'ensemble des fibres nerveuses qui relient les diverses surfaces sensibles du corps aux centres nerveux. Elles se divisent en deux grands groupes, les voies nerveuses périphériques qui relient les surfaces sensibles aux centres nerveux inférieurs, moelle, moelle allongée et mésocéphale, et les voies nerveuses centrales, qui relient les noyaux de terminaison de tous les nerfs sensibles périphériques, situés dans les centres nerveux primaires et secondaires, à des groupes de cellules nerveuses situés dans l'écorce cérébrale.

Il est important de remarquer tout de suite que le nombre des voies centripètes est bien supérieur à celui des voies centrifuges. On a calculé que, pour la moelle épinière seulement, le nombre des fibres sensitives est trois fois plus considérable que celui des fibres motrices. «Si l'on ajoute à cela les fibres centripètes... des nerfs craniens les fibres olfactives, les fibres optiques, les fibres acous

tiques, les fibres vestibulaires, les fibres du trijumeau, du facial, du glosso-pharyngien et du pneumogastrique, on arrive à admettre, avec Sherrington, que les voies centripètes périphériques sont, pour le moins, cinq fois aussi nombreuses que les voies centrifuges, preuve indubitable que notre système nerveux central est essentiellement et avant tout un organe de réception, un organe créé et admirablement organisé pour la défense de notre organisme tout entier qu'il renseigne, à chaque moment de la vie, sur tout ce qui se passe soit en dedans, soit en dehors de lui, en même temps qu'il tient à sa disposition, prêts pour la défense, les organes contractiles capables de mettre en mouvement les différentes parties de son appareil de locomotion 1. »

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La transmission des impressions cutanées
(tactiles, thermiques et douloureuses).

Les nerfs centripètes arrivent, les uns, nerfs rachidiens, à la moelle par les racines rachidiennes postérieures, après avoir traversé les ganglions spinaux ou intervertébraux, les autres, nerfs craniens, au bulbe, après avoir traversé des ganglions analogues aux précédents, ganglions des nerfs craniens.

Ces nerfs ont leurs cellules d'origine situées en dehors de l'axe cérébro-spinal, dans ces ganglions placés sur leur trajet; ils en forment donc les prolongements cellulipètes. Quant aux prolongements cellulifuges de ces cellules ganglionnaires, ils se mettent en rapport avec les cellules des cornes postérieures de la moelle ou avec celles de divers amas gris du bulbe ou de la protubérance. La substance grise de la moelle, contenue dans les deux cornes, antérieure et postérieure, et dans la commissure qui relie ces deux cornes, se prolonge en avant dans le bulbe, appelé avec raison bulbe rachidien, puisqu'il n'est que le prolongement de la moelle; ces prolongements se ramifient jusque dans la protubérance et les parties postérieures des pédoncules cérébraux. C'est à diverses parties de cette substance grise bulbo-protubérantielle qu'aboutissent ceux des nerfs sensibles craniens, glosso-pharyngien 2, trijumeau et pneumogastrique, que l'on n'a pas à séparer des nerfs rachidiens, puisqu'ils transmettent aux centres nerveux les mêmes impressions que ceux-ci.

1. A. Van Gehuchten, Anatomie du syst. nerveux de l'homme, 4 édit., Louvain, 1906, p. 957.

2. Nous aurons à reparler du glosso pharyngien comme impressions gustatives.

conducteur des

1o Les voies sensibles médullaires.

Pour établir les voies centripètes aussi bien que centrifuges de la moelle, on expérimente successivement sur les divers faisceaux qui la composent en les excitant ou en les sectionnant, en observant les troubles produits par les diverses lésions expérimentales ou morbides. Mais ces expériences et ces observations ne résolvent pas toujours le problème des voies de conduction.

On peut alors recourir à une autre méthode, la méthode anatomo-patholo

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gique, qui consiste en l'examen des dégénérescences consécutives à la section d'un cordon séparé ainsi de ses cellules d'origine, c'est-à-dire de son centre trophique.

Cette étude des dégénérescences ascendantes ou descendantes qui succèdent à la section de divers cordons de la moelle, et aussi l'étude de leur développement [époques de l'apparition de la myéline autour de leurs fibres (méthode embryologique de Flechsig 2, 1876); ces époques ne sont pas les mêmes pour les différents faisceaux suivant l'âge de l'embryon] et celle de leurs maladies systématiques ont permis d'y distinguer divers faisceaux, dont la figure 229 donne une représentation schématique, représentation qui nous servira tant pour la description des voies centripetes médullaires que, plus tard, pour celle des voies centrifuges.

En réunissant et coordonnant les résultats obtenus par l'emploi de ces diverses méthodes, on peut présenter une systématisation des voies de la sensibilité qui parait adéquate aux principaux faits actuellement connus les cordons postérieurs et une partie des cordons latéraux constituent la voie de la sensibilité tactile 3; quant aux impressions douloureuses et thermiques, elles passent par la substance grise. Les fibres des cordons postérieurs sont pour une

1. Il faut avoir soin de garder les animaux longtemps en vie pour observer le véritable déficit fonctionnel, le déficit persistant.

2. P. E. Flechsig, professeur de psychiatrie à l'Université de Leipzig.

3. On verra plus loin que les conducteurs de la sensibilité musculaire se trouvent aussi dans les cordons postérieurs (faisceau de Goll et en partie aussi faisceau de Burdach).

grande partie les fibres radiculaires des racines postérieures, fibres longues, ascendantes, qui remontent par les faisceaux de Goll et de Burdach (fig. 229, B et G) jusque dans le bulbe. Le reste du cordon postérieur (partie du faisceau de Burdach) est constitué par des fibres radiculaires courtes qui se jettent à diverses hauteurs dans les cornes postérieures et par des prolongements, également plus ou moins courts, de neurones centraux, prolongements anastomotiques qui unissent entre elles des régions voisines. C'est surtout par ce faisceau que passeraient les impressions tactiles. Quant aux deux faisceaux de fibres longues, ascendantes, contenues dans le cordon latéral [faisceau cérébelleux direct ou médullo-cérébelleux dorsal et faisceau de Gowers (fig. 229, FC et FG)] et qui tous deux relient les cellules de la moelle à celles du cervelet, on verra plus loin leur trajet, à propos de la transmission des impressions kinésiques (p. 1013). Peut-être cependant les impressions thermiques et douloureuses ressortent-elles de la substance grise postérieure pour partie par le faisceau de Gowers dont un segment, après relais bulbaire dans le noyau du cordon latéral (ou noyau latéral), s'engagerait dans le ruban de Reil et, par la couche optique, aboutirait à l'écorce cérébrale 1.

Toutes ces fibres représentent donc deux grandes voies de transmission. La première va de la moelle au cerveau, soit par des fibres directes (fibres homolatérales) servant à la conduction des impressions tactiles et dont le trajet, on le verra, est encore mal connu, soit par des fibres croisées dans la moelle partie du faisceau de Burdach, servant à la transmission des impressions tactiles, et partie du faisceau de Gowers servant à la conduction des impressions thermiques et douloureuses, ou croisées dans le bulbe

(faisceaux de Goll et de Burdach), servant à la conduction des impressions kinésiques. La seconde voie de transmission va de la moelle au cervelet par le faisceau cérébelleux et par la plus grande partie du faisceau de Gowers et y conduit les impressions kinésiques, et est en partie directe et en partie croisée, soit dans la moelle (faisceau de Gowers), soit dans le bulbe.

On peut avoir une idée de l'importance respective de la voie sensible médullo-cérébrale et de la voie médullo-cérébelleuse en évaluant le nombre des fibres passant par l'une et par l'autre, c'est-àdire conduisant les impressions cutanées ou les impressions kinésiques. On a calculé que le nombre de fibres contenues dans

1. On verra un peu plus loin (p. 988) un fait physiologique, contraire à cette manière de voir. De plus, des recherches anatomiques et anatomo-pathologiques récentes ont permis de soutenir que le faisceau de Gowers reste indépendant du ruban de Reil et aboutit tout entier au cervelet.

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