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directes et croisées de la sensibilité fussent d'importance variable suivant les espèces animales? S'il en était ainsi, on aurait à déterminer, dans les différentes espèces, l'une et l'autre voie et leur prédominance respective. Or, il y a trop d'observations qui prouvent que, chez l'homme, l'hémisection de la moelle a pour conséquence la paralysie du même côté et l'anesthésie du côté opposé pour qu'on les puisse récuser. Il faut donc admettre l'entre-croisement médullaire des voies conductrices de la sensibilité chez l'homme 1. Cet entre-croisement serait presque total, tandis que chez les animaux il n'est que partiel; et, nous le savons, c'est, suivant les espèces animales, tantôt la voie directe, tantôt la voie croisée qui est la plus importante.

Quant à l'hyperesthésie observée du même côté que la lésion, dans le syndrome de Brown-Séquard, elle est due à des phénomènes d'irritation développés dans les points des voies sensibles situés au voisinage de la lésion.

2o Les voies sensibles bulbaires et mésocéphaliques.

Comme font beaucoup de physiologistes, nous entendrons par mésocéphale la protubérance, les pédoncules cérébraux, les tubercules quadrijumeaux, la capsule interne, la couche optique. Le cervelet, qui y est compris aussi, et les voies cérébelleuses feront l'objet d'un chapitre spécial.

Les voies qui conduisent les impressions sensibles à travers le bulbe et le mésocéphale sont représentées par les fibres nerveuses venues de la moelle, auxquelles s'ajoutent celles des nerfs craniens de sensibilité cutanée et profonde, pneumogastrique, glosso-pharyngien et trijumeau (voy. fig. 231). Les fibres médullaires que nous savons nées des ganglions spinaux (neurone sensitif périphérique) subissent une interruption dans les noyaux des cordons grêles et restiforme ou noyaux de Goll et de Burdach (prolongements bulbaires de la base de la corne postérieure). Les fibres sensitives contenues dans le tronc du pneumogastrique se terminent dans une masse

1. Cependant on a rapporté des cas de syringomyélie avec analgésie et thermoanesthésie du même côté que la lésion. Dans ces cas, les voies conductrices des impressions thermiques et douloureuses sont interrompues dès leur entrée dans la moelle, en un point limité, où les fibres radiculaires d'un côté entrent en rapport avec les cellules des cornes postérieures du même côté. Ce qui tend à le prouver d'ailleurs, c'est que la thermo-anesthésie et l'analgésie, dans ces cas, sont segmentaires, chaque segment de membre ayant dans la moelle son centre sensitif spécial, constitué par le groupe cellulaire où aboutissent les fibres de sensibilité de ce segment. Lorsque l'analgésie est croisée (syndrome de Brown-Séquard), la lésion de la moelle est située plus haut, au-dessus du neurone de relais, et alors que les prolongements issus du neurone se sont entrecroisés.

grise bulbaire connue sous le nom de noyau du fuisceau solitaire. Il en est de même pour les fibres sensibles du glosso-pharyngien 1. Enfin les fibres de la racine sensitive du trijumeau se mettent en rapport avec un noyau bulbo-protubérantiel très étendu en hauteur, puisqu'il descend jusqu'à la moelle au niveau du premier nerf cervical.

N.glos.ph

N vague

Ruban

Toutes ces fibres sensitives s'entrecroisent dans le bulbe. Les prolongements des noyaux de Goll et de Burdach s'entre-croisent dans la partie supérieure du bulbe et se trouvent alors situés en arrière de la portion motrice des pyra mides bulbaires (S, fig. 232, en B) (ils en forment la portion sensitive). Ainsi se constitue d'abord la grande voie mésocéphalique des impressions sensibles vers le cerveau, le ruban de Reil. Celui-ci s'engage dans la protubérance (fig. 232, C) en s'augmentant des fibres croisées venues des nerfs craniens de sensibilité, glosso-pharyngien, trijumeau, pneumogastrique, y compris aussi celles de l'acoustique, dont nous parlerons bientôt. On voit donc que, au-dessus du bulbe, tous les conducteurs sensitifs se sont entre-croisés; et c'est pour cela, nous l'avons déjà dit (p. 990), que toutes les lésions encéphaFig. 231. Schéma des voies sensitives médullo-bulbaires (d'après liques unilatérales abolissent la sensiEdinger) 2. bilité dans le côté opposé du corps. La figure 232 donne un schéma, par une série de coupes, de la situation occupée par les conducteurs sensibles dans la moelle, le bulbe, la protubérance et les pédoncules cérébraux. Au delà de la protubérance, le ruban de Reil forme la calotte du pédoncule cérébral (S, fig. 232, en D), qui prend part à la constitution du segment le plus postérieur de la capsule interne et pénètre dans la couche optique, où une très grande partie au moins, sinon la totalité, des conducteurs sensitifs se termine. De la couche optique part un nouveau neurone, thalamo-cortical, par lequel aboutissent enfin à l'écorce cérébrale les impressions cutanées.

Gang spinal

1. Il en est de même encore pour les fibres du nerf de Wrisberg, racine sensitive du nerf facial (Van Gehuchten, 1900).

2. L. Edinger, célèbre anatomiste et médecin allemand contemporain.

En résumé, les voies sensibles se font par étapes: l'une de la périphérie à un ganglion spinal ou cranien; la deuxième de ce ganglion à la substance grise médullo-bulbaire; la troisième de celle-ci à la couche optique, et la dernière de la couche optique à l'écorce. Dans cette conduction, quatre corps de neurones sont donc intéressés : les cellules des ganglions, celles de la substance grise médullo-bulbaire, celle du thalamus et enfin celles de l'écorce.

Il importe de remarquer avec Van Gehuchten que dans ce long trajet la voie de transmission de la sensibilité cutanée subit une forte réduction. «< Formée de plus de 500 000 fibres nerveuses dans la partie périphérique, elle aboutit à la couche optique, réduite à un nombre excessivement minime de fibres constituantes >> (Van Gehuchten, loc. cit., p. 848). Cette réduction s'opère dans les masses grises que traversent les fibres sensitives avant d'arriver à l'écorce. Et ceci prouve que les excitations sensitives peuvent s'arrêter dans ces masses grises médullaires ou mésocéphaliques et ainsi provoquer des mouvements réflexes (mouvements variés de défense) avant toute intervention de l'écorce cérébrale, avant toute action volontaire.

Quelles sont les preuves connues de cette conduction sensitive ?

CR

PF

PF PF

PF

PF

PF

P

D

C

CR

B

A

Fig. 232.Schéma du trajet des fibres sensibles et des fibres pyramidales (motrices volontaires) dans la moelle A, le bulbe B, la protubérance C et les pédoncules cérébraux D (Mathias Duval).

Les faisceaux pyramidaux sont en noir et les faisceaux sensitifs ombrés de traits horizontaux; de l'autre côté, le champ de ces faisceaux porte les lettres indicatrices PD, faisceau pyramidal direct; PC, faisceau pyramidal croisé; P, ensemble des faisceaux pyramidaux; S, conducteurs sensibles; - PF, partie fondamentale des cordons antérieurs ; CR, corps restiforme. la face du même côté.

-

1. La section transversale d'une moitié du bulbe rachidien (expériences sur le cobaye, le lapin, le chien) amène une grande diminution de la sensibilité dans les membres et le tronc du côté opposé. Cependant l'anesthésie n'est pas totale. C'est donc qu'il y a dans la moelle allongée des conducteurs sensitifs non entre-croisés. De plus, on constate une semblable diminution de la sensibilité dans Chez l'homme la destruction ou l'interruption dans le bulbe du ruban de Reil amène une hémianesthésie du côté opposé (en raison de l'entre-croisement sensitif). De plus, dans des cas d'altération des noyaux de Goll et 63

GLEY. Physiologie.

de Burdach, on a trouvé le ruban de Reil dégénéré; la dégénération est ascendante et a pu être suivie jusqu'à la partie inférieure de la couche optique.

genou

noyau caude

Gras antérieur

позаи lenticulaire

couche optique

poste

gras post

2o La destruction du ruban de Reil dans la protubérance a les mêmes conséquences que celles décrites ci-dessus.

3o Les lésions de la partie externe de la calotte du pédoncule cérébral déterminent de même une hémianesthésie du côté opposé. C'est en effet toujours le ruban de Reil qui se retrouve là.

4° Les faits cliniques avec autopsie démontrent que des lésions diverses du faisceau sensitif de la capsule interne [tiers postérieur de la capsule ou région lenticulo-optique ou post-lenticulaire (voy. fig. 233)] 1, entraînent la perte de la sensibilité dans toute une moitié du corps, la moitié opposée à la lésion. Chez les animaux, on a réussi à sectionner (expériences du médecin français Veyssière) les fibres

cap

Fig. 233. Schéma de la
sule interne (d'après Van
Gehuchten).

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Fig. 234.Schéma de la lésion thalamique provoquant l'hémianesthésie (imité de Roussy).

Les fibres sensitives sont représentées par des lignes interrompues; les fibres motrices par des lignes pleines. NC, noyau caudé ; NL, noyau lenticulaire;

TH, couche optique ou thalamus ; -Ci, capsule interne ; -Lth, lésion du thalamus donnant lieu au « syndrome thalamique » de Dejerine.

de la partie postérieure de la capsule; cette opération a été suivie d'une hémianesthésie croisée.

50 Le ruban de Rei se termine dans la couche optique; il n'y a pas de ruban de Reil cortical. On observe l'hémianesthésie toutes les fois qu'une lésion thalamique a détruit les fibres terminales des conducteurs sensitifs du pédoncule ou les fibres d'origine des neurones thalamo-corticaux. Il faut que cette lésion, d'après Dejerine et ses élèves, G. Roussy 2 en

1. En décrivant ultérieurement le trajet des autres impressions sensorielles, nous verrons que toutes, à l'exception des olfactives, suivent ce segment de la capsule interne. De là le nom de carrefour sensitif que lui avait donné Charcot. Aussi sa destruction chez l'homme, à la suite d'une hémorragie, par exemple, amène-t-elle, outre l'anesthésie de la moitié opposée du corps, la perte de l'audition et du goût et une hémianopsie du côté opposé (par anesthésie de la moitié homonyme des deux rétines).

2. G. Roussy. La couche optique (étude anatomique, physiologique et clinique). Le syndrome thalamique. Thèse pour le doctorat en médecine, Paris, 1907.

particulier, porte sur le tiers postérieur du noyau interne et du pulvinar, sur une plus ou moins grande hauteur (voy. fig. 234). Dans ces cas, la sensibilité cutanée n'est que diminuée, mais la sensibilité profonde (tendineuse, articulaire, musculaire) est abolie; on ignore d'ailleurs encore pourquoi l'hémianesthésie cutanée n'est pas aussi complète que cette dernière; il y a en même temps hémiataxie, ce qui s'explique par la perte de la sensibilité musculaire, dont le rôle dans le fonctionnement régulier des muscles est de la plus grande importance. La couche optique peut donc bien être considérée comme relais des voies qui conduisent les impressions sensibles de la périphérie aux centres corticaux d'élaboration. Le rôle sensitif de cet organe, exception faite pour le pulvinar, dont le rôle de centre ganglionnaire de la vision est indiscutable, paraît donc bien établi.

Resterait la question de savoir s'il existe, soit dans le bulbe, soit dans les parties sus-jacentes de la voie sensible, des conducteurs distincts pour les différentes sortes d'impressions cutanées; faute de documents sûrs, cette question doit être laissée de côté,

3o La terminaison dans l'écorce cérébrale des voies
de la sensibilité cutanée.

La couche optique est reliée à l'écorce cérébrale par des fibres centripètes qui font partie de la couronne rayonnante. Les lésions destructives de cette dernière amènent l'hémianesthésie croisée. Dans quels territoires de l'écorce aboutissent ces fibres, terminaisons des voies sensitives?

Elles se terminent au contact des cellules de l'écorce de la région périrolandique, c'est-à-dire, dans les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes qui bordent en avant et en arrière le sillon de Rolando et dans le prolongement de ces circonvolutions à la face interne de l'hémisphère, le lobule paracentral (voy. fig. 235 et 236), de telle sorte que l'on peut considérer le quart supérieur de la zone rolandique comme recevant les impressions sensibles du membre supérieur du côté opposé, les deux quarts moyens celles du membre inférieur du côté opposé et le quart inférieur celles de la tête et de la langue (voy. fig. 237).

Les lésions de ces parties de l'écorce ont pour conséquence des paralysies localisées. Chez les animaux, l'excitation des circonvolutions homologues de celles que nous venons de délimiter chez l'homme déterminent des mouvements localisés dans les muscles des membres ou de la tête ou du cou, et la destruction de telle ou telle de ces régions amène une paralysie limitée à un groupe de muscles particuliers. Ces expériences sont surtout démonstratives chez les Mammifères supérieurs, tels que le Singe et le Chien (voy. fig. 238).

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