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œuvre et permettra, à une époque que les circonstances pourront éloigner ou rapprocher, d'accomplir un progrès nouveau.

Les études préliminaires du projet que j'ai l'honneur de vous soumettre ont été longues. Un premier projet, préparé, en 1882, par M. le premier président de la cour d'Alger, fut soumis, on 1883, au conseil de gouvernement de l'Algérie, approuvé par cette assemblée, présenté au conseil d'Etat, le 29 janvier 1885. A raison des modifications que le projet avait subies de la part de cette haute assemblée, le Gouvernement a provoqué de nouveau les observations des chefs de la cour d'Alger et celles du gouverneur général; il a reçu aussi celles que voulurent bien présenter plusieurs des représentants de l'Algérie au Parlement. Deux points essentiels seront tout d'abord consacrés par le nouveau décret. Le législateur de 1866 avait posé en principe que la loi musulmane était applicable dans toutes les contestations entre musulmans, sauf convention contraire. Le décret déclare que, sauf pour les matières expressément réservées, les indigènes sont soumis à la loi française. Leurs droit et coutumes resteront encore applicabies, s'ils ne préfèrent y renoncer, en matière de statut personnel, de successions, de même qu'en matière immobilière, lorsque la propriété de l'immeuble n'a pas été établie conformément aux lois françaises.

De même encore, d'après le décret de 1866, la juridiction indigène restait compétente dans toutes les contestations entre indigènes; d'après le décret nouveau, le radi ne sera plus le juge de droit commun qu'en matière de statut personnel et de successions, et encore les parties auront-elles la faculté de se présenter d'accord devant le juge français.

Les dispositions primitivement admises sur ce dernier point différaient essentiellement de celles qui ont été définitivement adoptées.

On avait pensé qu'il serait possible de supprimer entièrement la juridiction des cadis dans certaines circonscriptions de justices de paix, et de laisser dans les autres subsister ces tribunaux avec une compétence analogue à celle que leur avait reconnue le décret de 1866. Un nouvel examen a permis de reconnaitre, sur les observations des autorités locales, que dans les matières qui touchent an statul personnel, c'est, en réalité, la loi religieuse qui est applicable. Il fallait éviter d'inquiéter les populations indigènes, même dans les localités où leur assimilation est plus complète. Il a donc paru préférable de conserver partout une juridiction indigène, sauf à restreindre la compétence qui lui serait attribuée aux points qui se rattachent à la religion.

Dans ce second système, comme dans le premier, le nombre des cadis pourra être diminué. Les mahakmas de cadis qui existent actuellement ne seront pas toutes conservées. Les attributions des magistrats se trouvent réduites singulièrement. En outre, les indigènes sauront prendre le chemin des tribunaux français, même dans les cas réservés en principe au juge musulman. A mesure que se réalisera cet espoir, la suppression de certaines mahakmas deviendra facile. En pareil cas, la circonscription sera réunie à une circonscription

voisine.

La juridiction des cadis conservés s'étendra ainsi sur plusieurs circonscriptions de justices de paix mais l'établissement de mahakmas annexes et d'audiences foraines permettra de remédier à leur petit nombre, de telle façon que leur éloignement ne porte pas préjudice aux justiciables. La compétence des juges de paix s'accroît de tout ce que le décret enlève à la connaissance des cadis.

En matière personnelle ou mobilière, ils n'auront qu'à appliquer les principes généraux du droit qui sont communs à toutes les législations et ont été formulés avec tant de précision dans le code civil. Ils tiendront compte cependant des coutumes et usages locaux.

En matière immobilière, la loi musulmane reste applicable, lorsque la propriété de l'immeuble n'est pas constituée par un titre français, mais la compétence attribuée au juge de paix hatera le moment où partout en Algérie la propriété reposera sur des titres sérieux et incontestables.

A côté de ces réformes fondamentales, des modifications sont introduites dans

le mode de recrutement des cadis, dans la composition des mabakmas; elles sont de moindre importance

La procédure ordinaire devant les justices de paix est simple et peu coûteuse. Elle comporte cependant quelques formalités qu'il a paru utile de simplifier encore pour que leur juridiction présentât moins de différence avec celle à laquelle l'Arabe est accoutumé; on n'a donc conservé que les éléments essensentiels d'une procédure.

En matière d'appel, des modifications sont apportées au régime actuel. Conformément au principe posé pour les juridictions francaises, l'appel des décisions rendues par le cadi ou par le juge de paix sera porté toujours devant le tribunal civil de l'arrondissement. Il est essentiel que le juge, même le juge d'appel, ne soit pas trop éloigné du justiciable, et cela est d'autant plus désirable qu'en matière musulmane les parties se présentent le plus souvent ellesmêmes à l'audience.

La distinction ancienne qui, suivant le taux du procès, faisait juger l'affaire par tel ou tel tribunal, est supprimée. On avait cru, par ce moyen, en établissant en Algérie, pour ainsi dire, trois cours supérieures en matière musulmane, arriver à constituer une jurisprudence plus uniforme. Il a été reconnu qu'il valait mieux en revenir au droit commun. Depuis longtemps, les principes essentiels, incontestables du droit indigène ont été dégagés par les tribunaux et sont appliqués d'une manière uniforme. Le reste du droit musulman est un ensemble de coutumes trop souvent vagues et indécises, qui ne peuvent donner lieu à la formation d'une jurisprudence. A vouloir d'ailleurs éviter toute divergence, on arriverait peut-être à fixer ces règles variables, à donner un corps à ces coutumes et à constituer en Algérie un code des lois musulmanes, au moment même où leur champ d'application se restreint.

Le principe que tout appel est porté devant le tribunal civil de l'arrondissement subit une exception. Dans l'arrondissement d'Alger, c'est la cour qui, au moins provisoirement, connaitra des appels. Le tribunal d'Alger ne pourrait, avec les trois chambres dont il se compose, suffire à l'expédition des affaires si les appels musulmans lui étaient dévolus.

D'autre part, des raisons budgétaires s'opposent actuellement à la création d'une nouvelle chambre. On a done conservé temporairement, sur ce point, l'organisation actuelle, et la cour continuera à connaitre des appels de l'arrondissement d'Alger.

Les assesseurs qui existent en ce moment dans chaque tribunal pour le jugement des affaires musulmanes resteront en fonctions, mais n'auront plus que voix consultative. Ils ne seront pas remplacés. L'expérience acquise permet de croire que cette institution n'est plus indispensable.

Il n'est point apporté d'innovations importantes en matière de procédure sur appel La tentative de conciliation prescrite devant le magistrat rapporteur est supprimée. Ce magistrat peut cependant appeler les parties pour leur demander des explications, et, quand il estimera avoir quelque chance de succès, il pourra tenter de les amener à un arrangement.

Si en première instance il n'a pas paru nécessaire de modifier la situation actuelle et d'organiser une procédure de jugements par défaut et d'opposition, en raison des avertissements successifs que reçoit le défendeur, en appel il était opportun d'introduire la faculté de former opposition à la décision rendue par défaut.

Ainsi qu'il a été dit, les cadis sont non seulement des juges, mais aussi des officiers publics indigènes. A ce titre, ils peuvent être chargés de liquider et partager les successions. Actuellement des immeubles soumis à la loi de 1873 se trouvent souvent compris dans les successions; le travail accompli en vertu de cette loi devient alors stérile.

Le décret remédie à cet état de choses. Désormais, toute succession comprenant des immeubles ne pourra être liquidée que par un notaire français. Les droits successoraux seront, en cas de contestation, fixés par le cadi, mais l'attribution des parts sera faite par le notaire. La disposition nouvelle sera, à cet

égard, un moyen puissant d'arriver à la constitution et à la consolidation de la propriété.

Afin de pourvoir à la réception des actes des musulmans au cas de suppression des mahakmas, on pourra choisir entre plusieurs solutions. Le cadi juge aura, cela n'est pas douteux, compétence pour faire fonction de notaire dans les circonscriptions réunies; mais, pour obvier aux inconvénients que son éloignement produirait, on pourra, dans le territoire de la mahakma supprimée, laisser un ancien cadi, à titre seulement de cadi notaire, ou bien créer une mahakma annexe. C'est-à-dire qu'on instituerait un bachadel, ou suppléant du cadi, non rétribué par un traitement fixe, qui aurait le droit, en cas d'empêchement du cadi, de rendre la justice en son nom, et, dans tous les cas, de recevoir les actes des indigènes et de leur donner l'authenticité. Suivant les circonstances, l'une ou l'autre de ces solutions será adoptée.

L'organisation des cadis notaires a été expérimentée; celle des mahakmas annexes également. L'administration possède donc déjà des indications suffisantes pour apprécier dans quels cas l'un ou l'autre système devra être préféré. Au décret est annexé un tarif des frais qui reproduit, sous le bénéfice des modifications, rendues nécessaires par la nouvelle organisation, la plupart des dispositions des tarifs en vigueur.

Le cadre restreint de ce rapport ne m'a permis, M. le Président, que d'appeler votre attention sur les points principaux de la nouvelle organisation judiciaire, sans examiner les modifications accessoires qu'elle consacre. Sur un très grand nombre de questions, d'ailleurs, on s'est borné à coordonner les dispositions des ordonnances et décrets précédents. J'ajoute que le décret s'applique uniquement à cette région longtemps appelée le Tell. La Kabylie, qui depuis douze ans a obtenu un régime particulier dont les avantages sont reconnus, et les contrées du Sahara, qui aujourd'hui encore en raison de l'époque récente de leur occupation, sont soumises au régime militaire, resteront régies par leurs règles propres. (Décrets des 29 août 1874 et 8 janvier 1870.)

J'ai eu l'honneur, M. le Président, de vous rappeler dans quelles conditions ce décret a été préparé. Après les études longues, multiples, consciencieuses, dont il a été l'objet, on peut penser que cette œuvre, qui n'est pas parfaite assurément, mais qui a reçu les suffrages d'hommes compétents, éclairés sur les besoins de notre grande colonie, réalisera un notable progrès Ce n'est pas une œuvre définitive: c'est un nouveau jalon posé dans la voie du progrès, et qui sera, nous l'espérons, un moyen efficace pour attirer à nous et nous assimiler les populations indigènes de l'Algérie.

Veuillez agréer, M. le Président, l'hommage de mon profond respect.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

DEMÔLE.

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Le Reichsanzeiger du 5 janvier publie la lettre suivante, que l'Empereur a adressée au Prince impérial pour le remercier des félicitations de l'armée à l'occasion de son jubilé militaire (1):

L'armée sait combien elle m'a toujours été chère, et elle comprendra les sentiments qui ont dû agiter mon esprit aujourd'hui que je lui appartiens depuis quatre-vingts ans et que je considère les nombreux changements qu'elle et moi nous avons vus pendant cette période.

A mon entrée dans les rangs, l'armée se trouvait acculée aux extrêmes limites de l'empire, après avoir subi la plus grande défaite qui ait jamais atteint la Prusse. Mais l'esprit militaire que mes ancêtres avaient semé dans l'armée n'eu souffrit pas, et bientôt cet esprit nous conduisit à la guerre de l'indépendauce, le plus beau souvenir que j'aie conservé de ma jeunesse.

Par son ardeur au travail pendant une longue période de paix et ensuite par ses exploits glorieux à une époque plus récente, l'armée a prouvé clairement que cet esprit militaire s'est maintenu dans toute sa force.

J'ai assisté avec l'armée à beaucoup de changements dans la forme extérieure et dans l'effectif des troupes. J'ai vu s'accomplir l'union avec les contingents allemands et la formation de la marine. Sous mes yeux des générations ont passé par l'armée; mais il n'y a jamais eu de changement dans les sentiments intimes de l'armée.

Conserver par-dessus tout le sentiment du devoir et de l'honneur, et être prêt en tout temps à donner sa vie pour cela, tel est le lien qui unit étroitement toutes les races allemandes, qui nous attache aux ancêtres et qui nous a conduits, sous mon règne, à des victoires que je considère comme les faits les plus brillants de ma carrière militaire.

C'est un vrai plaisir pour moi de pouvoir parler ainsi aujourd'hui à l'armée et de pouvoir dire que, pendant ces quatre-vingts ans, nous avons certainement appartenu l'un à l'autre d'une manière étroite et complète.

Je remercie de tout cœur l'armée pour sa grande fidélité et son attachement, et pour avoir accompli son devoir. Mon sentiment le plus vif jusqu'à mon dernier soupir sera ma reconnaissance envers elle.

Projet de loi militaire.

La discussion est venue le 11 janvier devant le Reichstag.

(1) Le 1er janvier, à l'occasion du jubilé de sa 80° année de service militaire, l'Empereur avait reçu tous les généraux commandant les corps de l'armée allemande, ayant à leur tête le Prince impérial.

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