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paragraphe et détruiraient un des points les plus importants de la Convention. Il faut se rappeler que, par l'article 14 de la Convention, la Conférence doit améliorer le système de l'Union; l'on n'atteindra certainement pas ce but en approuvant la proposition dont il est question,

D'ailleurs, si tous les brevetés étaient obligés de fabriquer en France, il en résulterait une concurrence sérieuse à l'industrie de ce pays; ce qui prouve que le but poursuivi par la proposition française est essentiellement celui d'empêcher l'importation des produits étrangers.

M. Nicolas (France) soutient qu'on ne peut, sous le titre d'une convention pour la protection de la propriété industrielle, faire un traité de commerce, et changer la situation économique que les différents pays tiennent de leurs lois.

M. le comte de Rascon (Espagne) ne peut s'empêcher de remarquer que la Délégation française parait s'appliquer moins à défendre la propriété industrielle, qu'à la limiter jusqu'au point où elle ne nuira pas au travail national. Il voudrait voir la discussion ramenée sur son véritable terrain. La séance est suspendue pendant dix minutes.

La séance est reprise à 5 h. 10.

Après un échange d'explications entre MM. Nicolas (France) et le comte de Rascon (Espagne) pour un fait personnel, M. le Président prie M. Pelletier de bien vouloir préciser à la Conférence la portée de sa proposition, qui a donné lieu, dans le cours de la discussion, à des interprétations diffé

rentes.

M. Pelletier (Tunisie), déférant au désir de M. le Président, déclare que la portée de sa proposition, qui se rallic à celle de la Suisse et que la Commission a adoptée, est la suivante: permettre à chacun des pays de l'Union de définir le sens des mots exploiter un brevet. Il croit que cela est indispensable, car le mot exploiler se trouve dans toutes les législations et plusieurs lois l'ont déjà défini selon le sens que la législation et la jurisprudence françaises lui ont donné.

M. Pelletier explique ensuite comment la délivrance d'un brevet est le résultat du contrat intervenu entre l'inventeur et son pays, contrat par lequel l'inventeur reçoit des garanties de protection sous certaines conditions, parmi lesquelles figure la condition d'exploiter : il démontre l'impossibilité de modifier les termes de ce contrat. Il engage donc la Conférence à approuver sa proposition, qui ne constitue pas une modification de l'article 5 de la Convention, mais qui permettra seulement aux administrations et aux tribunaux des différents Etats de fixer la signification des mots exploiter un brevet.

M. Willi (Suisse) croit que la Conférence est désormais parfaitement éclairée sur la question et demande la clôture.

M. le Président met aux voix la proposition de M. Willi, qui est approuvée à l'unanimité.

M. le Président. Avant de passer à la votation, il doit faire remarquer que, dans le cours de la longue discussion qui vient d'avoir lieu, quelques orateurs ont attribué une portée plus étendue, que celle que le proposant lui-même vient de lui donner, à la proposition adoptée par la Commission. Afin d'éviter toute équivoque, il va expliquer la signification claire et précise du vote qu'on doit donner, et il prie MM. les délégués qui ne seraient

pas entièrement d'accord avec lui de vouloir bien faire, sans aucun égard pour lui, leurs objections.

Il est bon de commencer par donner lecture des deux paragraphes de l'article 5:

« L'introduction par le breveté dans le pays, où le brevet a été délivré, d'objets fabriqués dans l'un ou l'autre des Etats de l'Union, n'entrai«nera pas la déch ́ance. »

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Voilà la liberté entière. Suit le § 2:

Toutefois », est-il dit dans ce paragraphe, « le breveté restera soumis à l'obligation d'exploiter son brevet conformément aux lois du pays où il introduit les objets brevetés. »

Quelques orateurs ont exprimé la crainte que, si la proposition de M. le délégué de la Tunisie était adoptée, les législateurs et les magistrats de chaque pays pourraient avoir une liberté trop absolue d'interpréter le terme exploiter. Le proposant lui-même vient d'expliquer que cette liberté n'est pas sans limites, et ces limites sont clairement définies par le § Ier de l'article 5; car il est évident que, si les iois et la jurisprudence d'un pays imposaient l'obligation de fabriquer dans le pays tout ce qui peut y être consommé, elles détruiraient par là le § fer de l'article 5 que tout le monde est d'accord de maintenir.

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M. le Président ayant renouvelé la demande s'il a nettement précisé la signification que la Conférence donne à la proposition qu'on va voter, personne n'a pris la parole, et on passe à la votation.

La proposition de M. le délégué de la Tunisie est adoptée par 6 voix contre 3 et 3 abstentions.

Ont répondu oui la Belgique, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, la Suisse et la Tunisie;

Ont répondu non : l'Italie, la Norvège et la Suède ;

Se sont abstenus : le Brésil, les Pays-Bas et la Serbie.

M. Snyder (Pays-Bas) motive son abstention en déclarant que les délégués du Gouvernement des Pays-Bas s'abstiendront de voler sur toutes les propositions concernant les brevets d'invention, parce que, la Hollande n'ayant pas de loi sur cette matière, ledit Gouvernement ne veut pas exercer d'influence sur les décisions de la Conférence à ce sujet.

M. Monzilli (Italie) propose l'amendement suivant à l'article additionnel approuvé, savoir :

Ajouter les mots « pourvu que cette interprétation n'entraîne pas des conséquences contraires au but de la Convention. »

M. Pelletier (Tunisie) fait remarquer qu'on ne peut pas faire des adjoactions aux propositions déjà votées, sinon sous la forme d'articles addition

nels.

M. le comte de Rascon (Espagne) propose de substituer l'amendement de M. Monzilli par un second article ainsi conçu :

Il est entendu que cette interprétation n'entrainera pas des conséquences contraires au but de la Convention. >>

M. Monzilli (Italie) adhère à la proposition de M. le comte de Rascon. M. le comte du Tour (France) ne pourrait pas consentir à la proposition de M. Monzilli, car elle constitue l'interprétation d'une interprétation.

M. Nicolas (France) pense que le résumé de M. le Président, qui a précédé la votation, est si clair et si impartial, qu'il n'y a qu'à s'y référer pour

éviter toute interprétation douteuse de l'article additionnel qui vient d'ètre. approuvé. Il ajoute encore que l'adoption de l'amendement de M. Monzilli pourrait entrainer l'addition d'un article semblable à chaque article additionnel voté par la Conférence.

M. le comte de Rascon (Espagne) trouve que M. Pelletier devrait être le premier à accepter l'amendement de M. Monzilli, qui est une garantie pour les interprétations des tribunaux. Répondant à M. Nicolas, il est d'avis aussi qu'on ne pourrait pas ajouter des interprétations à tous les articles; mais pour celui en question, qui est d'une importance réelle, il ne peut qu'approuver une phrase tendant à fixer le but de l'interprétation du mot exploiter. Par conséquent il votera l amendement de M. Monzilli.

M. le comte du Tour (France) s'associe entièrement aux déclarations de M. Nicolas; les paroles de M. le Président sont le meilleur commentaire de l'article additionnel voté. Il ajoute que la boune foi des Hautes-Parties contractantes ne peut être mise en question. Si l'amendement de M. le délégué d'Italie ne vise que ce point, c'est une chose inutile à inscrire. S'il a, au contraire, une autre signification, il faudrait le renvoyer à une Commission, renvoi sur lequel, d'ailleurs, il n'insiste pas.

M. Monzilli (Italie) ne comprend pas l'opposition faite à son amendement. La Conférence n'a pas déterminé le sens du mot exploiter, mais elle en a laissé l'interprétation aux tribunaux de chaque Etat. Il pense donc qu'il est nécessaire de limiter le pouvoir donné aux tribunaux des différents pays de l'Union, de sorte que leurs décisions ne puissent pas être contraires au but de la Convention.

M. le Président pense que la Conférence est suffisamment éclairée sur cette question, et il met aux voix l'amendement de M. Monzilli.

L'amendement est repoussé par 7 voix contre 2 et 3 abstentions.

Ont répondu oui: l'Espagne et l'Italie;

Out répondu non: la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, la Norvège, la Suède, la Suisse et la Tunisie;

Se sont abstenus le Brésil, les Pays-Bas et la Serbie.

M. Monzilli (Italie) demande si, après le vole de la Conférence, n'importe quel pays pourra interpréter les mots exploiter un brevet même dans un sens contraire au but de la convention.

M. le Président s'empresse de répondre que la discussion, qui a précédé le vote par lequel la proposition de M. Monzilli n'a pas été approuvée, exclut évidemment la crainte que le proposant vient d'exprimer. En effet, les seules objections soulevées contre la proposition de M. Monzilli sont : 10 la crainte d'établir un précédent qui amenât à répéter pareille déclaration à la suite de chaque article additionnel qui serait adopté ; 2o la répugnance manifestée par quelques orateurs à exprimer un doute sur la bonne foi des Hautes Parties contractantes; 3° enfin, la certitude que les déclarations non contredites du Président, sur la portée, excluent tort danger d'abus de la part des législateurs et des magistrats des différents pays.

Comme l'addition proposée par M. Monzilli n'a pas été combattue par d'autres arguments, M. le Président exprime la conviction que le vote de la Conférence ne justifie pas les craintes exprimées par M. Mcnzilli, et que tout le monde est d'accord qu'il ne peut autoriser la législation et la jurisprudence des divers pays à donner à l'interprétation du terme exploiter une

portée plus étendue que celle indiquée dans les précédentes déclarations du Président.

M. le Président ayant demandé si quelqu'un avait des observations à faire sur l'interprétation qu'il vient de donner, personne n'a pris la parole. Par conséquent il déclare qu'on prendra acte au procès-verbal que la Conférence adhère à cette explication.

La séance est levée à six heures et demie.

Le Président,
PERUZZI.

Le Premier Secrétaire,
O. LATTES.

ANNEXE A LA TROISIÈME SÉANCE.

Rapport de la Commission sur les propositions d'articles additionnels à la Convention présentées par les Délégations de la France, de la Tunisie, de la Suisse, de la Belgique et de la Grande-Bretagne.

A l'ART. 2.

Proposition de la Délégation française. Les Etats faisant partie de l'Union, qui ne possèdent pas de lois sur toutes les branches de la propriété industrielle, devront compléter dans le plus court délai possible leur législation sur ce point.

Il en sera de même pour les États qui entreraient ultérieurement dans l'Union.

La Commission est d'avis que la Conférence ne peut pas imposer aux États l'obligation de compléter leur législation dans le sens indiqué.

Etant toutefois d'accord avec l'idée qui a inspiré la proposition, elle croit qu'il y a lieu de la transformer en un vœu qui sera soumis au vote de la Confé

rence.

A l'ART. 3. Proposition de la Délégation tunisienne. Il est entendu que les établissements mentionnés ci-dessus doivent avoir le caractère de véritables exploitations industrielles, s'il s'agit de brevets d'invention ou de marques de fabrique ainsi que de modèles ou de dessins, et qu'ils doivent avoir le caractère de principaux établissements de vente, s'il s'agit de marques de commerce.

La Commission trouve cette proposition trop restrictive, et préfère s'en tenir au texte de l'article 3 de la Convention, expliqué par l'article fer, § 1, du projet de Règlement élaboré par l'Administration italienne et le Bureau international.

A l'ART. 5.

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Proposition éventuelle de la Délégation suisse. Le terme « exploiter son brevet », contenu dans le second paragraphe de l'article 5 de la Convention, s'applique non seulement à la vente, mais aussi à la fabrication de l'objet breveté.

Proposition de la Délégation tunisienne. Chaque pays aura à déterminer le sens dans lequel il y a lieu d'interpréter chez lui le terme « exploiter ». Préférant ne pas donner d'interprétation officielle du terme « exploiter », la Commission adopte la seconde de ces propositions.

Proposition de la Délégation italienne. - Il est entendu que le second paragraphe de l'article 5 de la Convention n'entraine pas la déchéance des droits du titulaire d'un brevet dans les autres États de l'Union, lorsqu'il a exploité son invention dans le pays d'origine.

ARCH, DIPL. 1887.

2e SÉRIE, T. XXII (84)

3

Pour des considérations économiques, la Commission regrette de ne pas pouvoir appuyer cette proposition.

-

Proposition de la Délégation française. Dans les États où la législation exige du breveté l'exploitation de son invention par la fabrication dans le pays même, l'introduction pourra être limitée à un nombre de modèles, qui sera déterminé par le ministre compétent.

Cette proposition a été, dans la suite, modifiée comme suit, à partir des mots : « dans le pays même » :

l'importation sera permise pendant six mois après la délivrance du brevet.

La Commission regrette vivement de ne pouvoir recommander l'adoption d'aucune de ces deux propositions. La première lui paraît contraire au texte de la Convention, que la Conférence a déclaré vouloir maintenir par son vote du 1er mai. Le délai indiqué dans la seconde lui paraît beaucoup trop court pour être d'une utilité quelconque en ce qui concerne les grandes inventions.

A l'ART. 10.

Proposition de la Délégation belge. Il n'y a pas intention frauduleuse dans le cas prévu par le paragraphe 1er de l'article 10 de la Convention, lors que c'est du consentement de l'intéressé qu'il est fait usage du nom figurant sur les produits importés.

La Commission adopte la proposition en la modifiant comme suit, à partir des mots : « de la Convention :

Lorsqu'il sera prouvé que c'est du consentement du fabricant, dont le nom se trouve apposé sur les produits importés, que cette apposition a été faite.

Proposition de la Délégation britannique. Tout produit portant illicitement une indication mensongère de provenance pourra être saisi à l'importation dans tous les Etats contractants.

La saisie pourra également être effectuée dans le pays où l'indication mensongère aura été apposée, ainsi que dans le pays où le produit aura été introduit. La saisie aura lieu à la requête soit du Ministère public, soit d'une partie intéressée, individu ou Société, conformément à la législation intérieure de chaque État.

Est réputé partie intéressée, tout fabricant ou commerçant engagé dans la fabrication ou le commerce de ce produit, et établi dans la localité faussement indiquée comme provenance.

Les tribunaux de chaque pays auront à décider quelles sont les appellations qui, à raison de leur caractère générique, échappent aux présentes dispositions.

Les autorités ne sont pas tenues d'effectuer la saisie en cas de transit. Après avoir constaté que l'avant-dernier alinéa de cet article dissipe les objections que pourrait susciter le caractère impératif du premier, la Commission adopte l'article ci-dessus. Elle a, toutefois, retranché le quatrième alinéa, qu'elle considère comme superflu.

Rome, le 4 mai 1886.

H. READER LACK; DUJEUX; Dr WILLI.

Propositions de la Commission

Formuler sous forme de vœu la disposition suivante, se rapportant à l'article 2 de la Convention :

Les Etats faisant partie de l'Union, qui ne possèdent pas de lois sur toutes les branches de la propriété industrielle, devront compléter dans le plus court délai possible leur législation sur ce point.

Il en sera de même pour les Etats qui entreraient ultérieurement dans l'Union.

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