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Critique littéraire du mois.

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SOMMAIRE GÉNÉRAL

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Romans.

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Mélanges littéraires. - Poésies. Histoire. BeauxGazette bibliographique. Documents bibliographiques, etc.

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Chimère, par EUGÈNE MOUTON. Paris, Librairie moderne, Maison Quantin, 1887. Un vol. in-18 jésus. - Prix: 3 fr. 50.

Sous une forme essentiellement amusante, qui va parfois jusqu'au plus haut comique, Eugène Mouton traite les questions les plus ardues de l'économie politique et sociale; pour être présentée par le côté gai et humoristique, sa philosophie n'en est pas moins absolument élevée, d'une rigoureuse logique et fort convaincante.

On connaît de longue date l'inimitable conteur des Aventures du capitaine Cougourdan, de l'Invalide à la téte de bois et de tant d'autres œuvres marquées au sceau d'une incontestable originalité; mais il nous semble avoir donné, dans Chimère, une note tout à fait nouvelle de son talent, en même temps que la preuve d'une rare souplesse d'analyse philosophique et morale. L'œuvre à plus d'un point de contact avec l'immortel Jérôme Paturot.

Par un ingénieux et pittoresque dédoublement de lui-même, son héros, un blasé, un souillé de la vie, un dégoûté de l'existence, ayant usé et abusé de tout, se trouve transformé en un être naïf et neuf, prêt à tout goûter avec son entière fraîcheur d'illusions, à

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tout étudier avec des yeux non prévenus, à tout éprouver. C'est ainsi qu'il pénètre peu à peu dans les dessous de la société, et qu'il se met au courant de ses problèmes sociaux les plus ardus, voyant tour à tour la face et l'envers des choses, s'initiant aux curieux mystères des œuvres philanthropiques que l'amour du bien paraît seul créer, guider, et qui ne sont souvent que les leviers d'une ambition, le marchepied dont se servent certains hommes pour arriver aux honneurs, à la fortune. Il faut voir de quelle plume acérée l'auteur décrit ces plaies secrètes, comme il les sonde habilement; le tout, sous le couvert d'une ironie toujours souriante et d'une inaltérable bonne humeur. A tous ces points de vue son livre aura le succès qu'il mérite; Chimère restera parmi les œuvres de philosophie amusante, mises à la portée de tous par un maître écrivain humoristique, et le lecteur y trouvera l'attrait du plus ingénieux roman. G. T.

Le Thé chez Miranda, par JEAN MORÉAS et PAUL ADAM. Un vol. in-18. Paris, 1886. Tress et Stock, éditeurs.

Le Thé chez Miranda est, paraît-il, l'œuvre d'une esthétique nouvelle, personnelle à MM. Jean Moréas et

I

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Paul Adam. Ni déliquescents, ni pessimistes, ni modernistes, impressionnistes non plus, non plus que décadents, quoique en réalité tous parents très proches, bien qu'ils s'en défendent, ils seraient, me dit-on, symbolistes. Symbolistes: soit! Mais qu'est-ce alors que le symbolisme? Ces messieurs devraient nous l'avoir dit. D'aussi grands qu'eux, je suppose, n'ont point reculé devant la nécessité d'exposer leur propre esthétique Théophile Gautier a écrit la préface de Mademoiselle de Maupin et Victor Hugo la préface de Cromwell. En nous privant d'explication préalable, les auteurs nous réduisent à juger l'arbre d'après ses fruits, sans autres lumières que celles de notre goût. Ils jouent gros jeu, car, n'étant par rien préparés à comprendre les intentions peu communes des deux écrivains, nous courons grand risque de ne pouvoir nous élever jusqu'à l'intelligence des sublimités du symbolisme. A vrai dire, nous n'avons même pas tenté de le faire. Nous avons lâchement reculé devant la partie de nouveau casse-tête chinois qui nous était proposée, estimant que le jeu ne vaudrait pas les chandelles sans nombre qu'il nous faudrait y consumer, aussi longtemps tout au moins que les règles du jeu ne nous auraient pas été expliquées.

Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas lu le livre. Nous l'avons lu intrépidement depuis la première jusqu'à la dernière ligne. Nous avons assisté aux six soirées de thé chez Miranda, heureux qu'à l'imitation du Créateur, MM. Adam et Meréas se soient reposés le septième jour. Chaque soirée est remplie par deux récits d'aventures galantes visant ouvertement à la sensualité, accusant chez les « héros» des perversités variées et des perversions de sens moral parfaitement ignobles (une mère violant son fils, jeune officier qui ne se dégage des obsessions de l'incestueuse qu'en la poignardant). Tout cela est écrit en un style musqué, précieux, prétentieux, où la langue est soumise aux plus cruelles tortures.

Chaque récit est précédé d'une sorte de logogriphe en prose poétique plus tourmentée s'il est possible et plus obscure encore - où nous est décrit le décor de la soirée, chaque soirée se passant dans un décor nouveau.

Le livre est profondément ridicule et choquant, et l'est d'autant plus que, parmi toute cette folie, il y a une dépense, un gaspillage énorme de talent.

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d'écurie, l'histoire de sa vie, ses premières espérances, ses déboires et ses souffrances, et où l'on assiste à la fin lamentable du pauvre animal; malgré l'émouvante peinture de meurs russes, qui s'appelle Un pauvre diable, c'est surtout à la nouvelle par laquelle débute le volume, à la Mort d'Ivan Iliitch, que nous nous attacherons, comme à l'une des choses les plus extraordinaires produites dans la littérature moderne.

Rarement on a décrit avec plus d'exactitude navrante, avec plus de persuasion, avec un plus poignant cri d'humanité torturée les sensations d'un homme atteint d'une maladie mortelle et suivant, jour par jour, heure par heure, toutes les phases de son mal, jusqu'au moment où l'infortuné exhale, en pleine connaissance, son dernier soupir. On croirait lire un journal de la souffrance humaine, souffrance physique abominable, unie à la plus horrible souffrance morale que l'on puisse imaginer.

Autour d'Ivan Ilitch tout continue de vivre, de marcher, d'aller et de venir comme d'habitude, tandis que dejà il sent au fond de son être le mystérieux grouillement de la grande décomposition finale qui commence. Il souffre autant de cette idée que les autres vont continuer à vivre, à manger, à rire, à aimer, que de savoir que lui-même bientôt n'existera plus et retournera à l'inconnu, au néant peut-être ! Sa femme, sa fille, son futur gendre, tout lui pèse, tout lui devient odieux, insupportable, et il n'a encore de tendresse réelle, d'indulgence que pour son fils, le petit collégien, parce qu'il sent que celui-là l'aime vraiment pour lui-même, et que les autres sont las de la longueur de sa maladie, ne cachant même pas trop leur désir de voir finir une pareille existence. Toutes les transitions de cette maladie mortelle, tout ce qui bouillonne, s'agite inutilement, vainement, dans la tête et le cœur de l'infortuné malade, du désespére moribond, sont l'objet d'une étude fouillée avec un talent extraordinaire.

On sort de cette lecture saisissante avec l'impression d'un épouvantable cauchemar de la vie réelle, le cauchemar éternellement vrai de la souffrance et de la mort.

Une Faute de jeunesse, par ALEXANDRE BOUTIQUE. Paris, L. Frinzine et Cie, 1887. Un vol. in-18 jésus. Prix: 3 fr. 50.

C'est avec un vif et croissant intérêt que, depuis ses heureux débuts dans les lettres, nous suivons l'auteur de Xavier Testelin, des Amants adultères, de Mal mariée, et c'est avec un sensible plaisir que nous constatons la rapidité et la continuité de ses progrès; chacun de ses livres, avec une note nouvelle, une observation plus étendue, apporte la preuve de ses incessants efforts, de sa marche vers le succès littéraire, le seul que l'on doive ambitionner.

Certainement, son dernier volume, Une Faute de jeunesse, est le mieux charpenté, le plus solidement construit de ses romans; on sent que l'auteur est de plus en plus maître de son sujet et de sa plume; il

trace d'une main assurée ses personnages, les campe bien dans leur atmosphère propre, les lance ou les retient dans le cours de l'action avec un art véritable, comme quelqu'un qui sait où il va et ce qu'il veut. Les situations de son œuvre nouvelle sont bien équilibrées, les événements se suivent sans se heurter, decoulant les uns des autres, ainsi que dans la vie; pas de complications voulues, romanesques, ni de tricheries; il y a là un grand labeur, un sincère travail d'observateur, et le résultat est de ceux dont peut se feliciter à bon droit un écrivain.

un

Nous n'entreprendrons pas de raconter ce roman, d'une trame simple et vraie, qui conduit le lecteur par des situations réellement émouvantes jusqu'à u denouement tragique. Mais nous pouvons dire que les caractères du grand commerçant-mécanicien Laguillermie, de son gendre, l'inventeur Fernand Duvernel, ainsi que la délicate figure d'Henriette Laguillermie et la silhouette tourmentée de Jeanne Dorius, la courtisane, sont dessinés avec un rare bonheur et une grande solidité. Du reste, les personnages accessoires, tels que le contremaître Toussaint, le gommeux Stephen Beauval, la tante Lise, sont étudiés avec le même soin, la même préoccupation de la vérité.

Le seul reproche que nous croyons devoir faire à l'écrivain, c'est de se montrer parfois un peu trop déclamatoire; il s'est de temps en temps laissé séduire par l'attrait de longues tirades, tantôt sur un sujet, tantôt sur un autre, qui enlèvent à l'action un peu de sa force, en la délayant, en distrayant l'attention. Mais ce n'est là qu'une faute de détail qui n'enlève rien à la valeur intrinsèque d'Une Faute de jeunesse, et que nous ne relevons que pour mieux faire valoir les qualités d'une œuvre de réel mérite.

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Doit-on se préoccuper sérieusement du mystère dont on enveloppe ce livre, comme tous les précédents livres d'Ary Ecilaw; doit-on simplement l'étudier au point de vue de sa valeur littéraire? C'est ce que se demande avec une certaine méfiance tout critique désintéressé, placé en face d'Une Altesse impériale. Ce n'est plus, en effet, si l'on en croit la chronique scandaleuse, d'un simple roman qu'il s'agit, d'une œuvre, soit de pure imagination, soit d'observation littéraire et humaine; c'est un livre de combat, de vengeance, de justice, une protestation, un pamphlet, une arme de guerre. Qu'y a-t-il de vrai dans cette fantastique aventure de la princesse Aline des Balkans, de l'outrage dont elle a été victime, de son mariage avec le grand-duc, fils du czar des Tartares, puis de cet enfant enlevé et de ce conspirateur pendu? On sent sous ces noms transparents un drame passé à la cour de Russie. Nous laissons les amateurs de scandales, les fureteurs de sous-entendus, les gourmands de romans à clef, chercher le secret de ce livre, s'il y en a vraiment un, et nous nous bornerons à

dire qu'au point de vue littéraire, le livre d'Ary Ecilaw n'est ni meilleur ni plus mauvais que quantité d'œuvres similaires, dont personne ne parlerait, dont nul ne s'occuperait, si l'on ne flairait entre ses pages un gros scandale. Qui nous dit, par ces temps de mystification à outrance, que nous ne nous trouvons pas tout bonnement en présence d'une adroite réclame, destinée à aguicher la curiosité des blasés? C'est peutêtre l'unique clef du mystérieux volume.

Les Adorées, par JOSEPH MONTET. Paris, A. Lemerre, 1886. Un volume in-18 jésus. - Prix : 3 fr. 50.

Parmi les conteurs goûtés du moment, car on ne saurait nier la faveur dont jouit cette forme littéraire, M. Joseph Montet est classé comme un des plus habiles; le livre qu'il vient de publier justifie ce succès. Sous ce titre, les Adorées, il fait paraître une série de nouvelles vivantes, mouvementées, d'une forme très soignée et qui révèlent un écrivain véritable. Le lecteur n'aura que l'embarras du choix entre les vingt études qui composent le volume, car l'auteur semble avoir voulu y mettre un échantillon complet de la souplesse de son talent et de la réelle habileté de son savoir-faire. On lira avec plaisir cette réunion de contes pris sur le vif, et au milieu desquels perce la note saisissante de l'observation sous une forme attrayante et intéressante. Nul doute que le public ne fasse un excellent accueil au livre que M. Joseph Montet a intitulé les Adorées.

G. T.

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L'auteur, que son pseudonyme, je le confesse, déguise complètement à mes yeux mal expérimentés, s'est souvent « demandé pourquoi les romanciers n'ont point cherché encore à tirer parti de ce que la FrancheComté offre de neuf et de pittoresque ». C'est une lacune qui existe apparemment, puisqu'il le dit, et qu'en tout cas il prétend combler. Pour cela, il nous introduit dans le village de Mirange, sur les bords de l'Oignon, et il y fait dérouler tout un mélodrame à trahisons, à crimes, à surprises, et, finalement, à vertu récompensée, dont les principaux personnages sont un capitaine au long cours venu on ne sait d'où planter ses choux à Mirange, l'instituteur Alexandre-PompéeCésar Grappinus de Gigondas, né dans le département de Vaucluse; Mme la comtesse de Castel-Néva, Espagnole transplantée en France; sa nièce, Mlle Martial, fille de sa sœur et d'un colonel de l'Empire; Mme de Linsac, charmante Parisienne; le marquis LudovicHonoré de Kervec, faux marquis et faux Breton, né sur une grande route, de quelque gitane; M. Marville, ancien préfet de l'Empire, retiré en Franche-Comté depuis la chute du régime impérial; son fils Gustave, et enfin un horrible brigand cosmopolite, Tristan le Noir, alias James Dundeley. Avec des éléments semblables, il est clair que les mœurs franc-comtoises ne peuvent manquer d'être étudiées sur le vif. Ce n'est

pas qu'on ne rencontre aussi quelques indigènes : il y a M. Grosbois, le maire, que personne n'a jamais vaincu le verre à la main et auquel l'instituteur Grappinus de Gigondas seul peut être égalé pour le fleuri du langage; il y en a plusieurs autres encore, hommes et femmes, mais ce ne sont que des comparses plus ou moins grotesques.

Il paraît que ce long récit divaguant est destiné, non seulement à ouvrir aux romanciers contemporains la mine de la Franche-Comté, mais encore à faire rire les lecteurs. Il est fait pour atteindre son second but aussi merveilleusement que le premier.

B.-H. G.

Les Possédés (Bési), par TH. DOSTOÏEVSKY. Roman traduit du russe par Victor Derély. 2 vol. in-18. Paris, sans date. Librairie Plon.

Les liseurs de romans non prévenus, qui ouvri ront le premier de ces deux volumes de quatre cents pages en petit texte et s'engageront dans cette lecture de longue haleine, iront-ils tous jusqu'au bas de la huit centième page? Assurément non. Le plus grand nombre lâchera pied avant la trentième, peu franchiront la centième.

D'admirateurs zélés, à peine un petit nombre verra le mot « fin». C'est que l'étape n'est pas seulement d'une longueur inusitée, c'est aussi que la route est terriblement rocailleuse, coupée de fondrières, défoncée dans toute sa désespérante étendue, sans un repos. Nous connaissions déjà par Krotkaia le procédé de l'écrivain russe, sa méthode d'analyse psychologique incessante, torturante, partout substituée à l'action qui est rarement décrite, si ce n'est par les mouvements qu'elle produit dans la conscience des personnages en scène, scrutée, fouillée sans relâche, avec de perpétuels recommencements qui ne vont point sans de décourageantes lassitudes, même pour le lecteur le plus résolu à acheter la sensation litté raire à tout prix.

Ces possédés (en russe : « les diables » Bési) ne sont autres que les nihilistes. Le roman cependant ne nous donne aucune information sur le but politique ni sur les réformes sociales que la secte se propose d'atteindre et de réaliser, non plus que sur sa mystérieuse orga. nisation. Dostoievsky s'est attaché à faire connaître exclusivement le personnel révolutionnaire, la valeur intellectuelle et morale, l'état d'âme des conspirateurs. Si les résultats de cette enquête sont exacts autant qu'elle est elle-même sincère, le nihilisme en reste à jamais avili, et le caractère du peuple russe, en général, singulièrement diminué. Les sept ou huit affiliés qui poursuivent l'exécution d'un complot par le scandale, le meurtre et l'incendie, dans une petite ville de province éloignée du centre (tel est le thème du roman), tous sont, à divers degrés, fous à lier plus ou moins à l'étroit; et non seulement eux, mais aussi, et sans une exception, tous les personnages du roman, tous les habitants de la ville, véritable métropole de la démence. Par quelque trait de caractère la sympathie du lecteur commence-t-elle à s'attacher à l'un d'eux, qu'elle s'en écarte presque aussitôt, détournée par

quelque nouveau trait témoignant du désordre de l'esprit ou d'une incurable bêtise. Quant aux motifs qui poussent les possédés à s'affilier à la secte nihiliste, Dostoievsky a trouvé le mot juste, — on n'en découvre pas d'autre chez la plupart qu'une très exacte « possession du diable ». Monomanes et imbéciles commettent les crimes les plus abominables avec une inconscience absolue, sans savoir pourquoi, par niai. serie, pour rien, obéissant aveuglément à un chef plus scélérat, qui n'a même pas la foi révolutionnaire. Monomanes aussi et non moins imbéciles, les fonctionnaires du gouvernement, du plus grand au plus petit, et, à leur suite, tous les bourgeois de ce Charenton russe, qui se font les complices des conspirateurs, jusqu'à ce que l'accomplissement des pires forfaits leur ouvre les yeux et jette l'épouvante en leurs moelles. Les Possédés laissent déconcerté, trouble, en rien charmée, le lecteur qui a le courage d'aller jusqu'au bout, et pourtant ce roman bizarre, fatigant, irritant, énigmatique, est, en depit de frappantes inégalités, l'œuvre d'un cerveau puissant et d'un grand artiste.

E. C.

Céleste Prudhomat, par GUSTAVE GUICHES. Mœurs de province. Paris, Librairie moderne (maison Quantin), 1887. Un vol. in-18. Prix: 3 fr. 50.

M. Prudhomat, épicier-limonadier-barbier d'un village du haut Quercy, met sa fille en pension à la ville et se gonfle d'orgueil et de joie quand AngéliqueCéleste passe avec succès son examen d'institutrice. Nommée, non sans peine, institutrice à Marnières, Céleste est d'autant plus ravie de sa nouvelle situation que le château de sa meilleure amie de pension, Germaine Mazurier, se trouve tout près du village. Céleste et Germaine ont été l'une et l'autre élevées au couvent. Germaine en est sortie bonne, aimante, pleine d'abnégation et de charité, le cœur pur et l'àme haute; Céleste y a laissé tout scrupule, toute pudeur, et n'en a rapporté qu'une duplicité ambitieuse et un tempérament sans frein. Ces deux jeunes filles, si dissemblables, sont pourtant d'inséparables amies, et la famille Mazurier n'est pas plus tôt revenue de la ville que Germaine vient chercher Céleste pour lui faire passer les fêtes de Pâques au château. Non-point assez tôt cependant pour que l'institutrice n'ait eu le temps de faire la connaissance d'un peintre d'enseignes dont la robuste bonne humeur l'a vivement impressionnée. A Maisonvieille, la résidence des Mazurier, elle rencontre un cousin de Germaine, Jacques Mauvalon, bellâtre de campagne, habitué à mettre les filles à mal et à s'en tirer les braies nettes. Au bout de quelques jours, Germaine surprend Céleste et son cousin, qu'elle regardait un peu comme son prétendu, dans les bras l'un de l'autre. Elle ne dit rien; mais les deux amants partent, et Mauvalon, qui, en sa qualité de riche propriétaire, a de l'influence à la préfecture, fait nommer l'institutrice à Mazolles, tout près de chez lui. Alors commence une période d'amour passionné. Le soir, Céleste attend sur la route la voiture de Jacques qui l'emporte chez lui, à Grange-Neuve,

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