Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tracée par la Constitution. Il avait, cela résultait des comptes rendus officiels, un excédant de recettes assez considérable qu'il essaya en effet d'appliquer à conjurer les périls partout imminents. Outre qu'il fit solder tout ce qu'il pouvait devoir pour travaux et fournitures, il annonça que, du 23 septembre au 1er décembre, il rachèterait les titres de plusieurs emprunts généraux (1842, 1847 et 1848) ainsi que de l'emprunt dit du Texas. Concours utile assurément, mais insuffisant. Et le commerce dut, pour le reste, s'aider lui-même. C'est ce qui arriva avec ce caractère d'énergie personnelle qui distingue le Nouveau-Monde. Ajoutez une récolte abondante de coton dans le Sud, des moissons favorables dans le Nord et l'Ouest, et la détresse devait bientôt faire place à la sécurité d'autrefois. Seulement la crise qu'on venait de traverser ne pouvait pas manquer d'être marquée par un fait connexe presque fatal, le chômage des ouvriers et les souffrances qu'il entraînerait. Les places qui avaient subi la crise financière, Boston, Philadelphie et New-York entre autres, souffrirent aussi du repos forcé des ouvriers; à New-York, par exemple, vingt-mille travailleurs avaient été renvoyés des ateliers, c'est-à-dire, si l'on comptait leurs familles, que plus de cinquante mille personnes se trouvaient sans ressources. On songea, un organe de la presse, le Morning Herald, mit ce moyen en avant, à ouvrir des travaux d'utilité publique. Heureusement que les affaires reprenant, le travail reprit aussi. Et les scènes de désordre, inévitable cortége de ces fâcheuses conjonctures, prirent également fin. A New-York un magistrat municipal, M. Fernando Wood, eut la fâcheuse pensée de se faire de cette détresse des hommes de labeur, un prétexte à réélection. Des troubles s'ensuivirent; on cria ici vive le maire, ailleurs à bas la police. Dans l'intérêt public, on fit appel à la milice qui fit tout rentrer dans l'ordre. M. Wood en fut pour sa candidature que tout le monde fit ensuite échouer, et les ouvriers ayant enfin retrouvé du travail à New-York ou dans l'Ouest, les affaires de l'Union reprirent leur allure habituelle. Il ne resta plus que le souvenir de cette crise orageuse, et l'exemple des calamités que pouvait entraîner ce qui en était la source première, une spéculation effrénée.

Le premier lundi de décembre, réunion accoutumée du Congrès, où le parti démocratique avait la majorité. Tout d'abord quelques-unes des questions brûlantes du moment, celle du Kansas en particulier, occupèrent les représentants du pays. Une convention, que devait protéger la présence des troupes fédérales, ayant été convoquée, le Gouverneur Walker engagea tous les citoyens à voter, en même temps qu'il promettait de maintenir la liberté des élections. Les piéges tendus ensuite par les partisans de l'esclavage n'empêchèrent pas les free-soilers, d'avoir la majorité, et leur candidat, M. Parrott, réunit pour son compte 8,000 voix. Ses adversaires produisirent alors les votes d'une section que l'on n'aurait pas comptée et qui auraient assuré la majorité à leur parti. Mais le président et le secrétaire ayant eux-mêmes vérifié les choses, il en résulta, à leurs yeux, la conviction que c'était bien là une fraude électorale. En conséquence (résultat d'autant plus remarquable qu'ils étaient eux-mêmes opposés aux free-soilers), ils proclamèrent cependant les candidats de ce parti. La manière dont ils qualifièrent cet étrange procédé électoral les honorait et mérite d'ètre rappelée, d'autant plus qu'ils travaillaient en quelque sorte contre eux-mêmes La franchise électorale, disaient-ils, serait désormais sans valeur... si une atteinte aussi énorme à la loi pouvait se mettre à l'abri derrière des questions de procédure. »

La conduite de M. Walker et de M. Stanton, son secrétaire, n'eut pourtant pas l'approbation du Gouvernement de Washington qui en avait assez de cette question du Kansas. Il n'en fut pas de même de certains législateurs, M. Douglas, entre autres, qui dès les premières séances au sein du Sénat déclara qu'il ferait une guerre sans merci à ce qu'il appelait un escamotage (a swindle). Il résulta aussitôt de cet incident parlementaire, que le Gouvernement présidentiel perdait avec lui l'appui de la plus grande partie des démocrates du Nord. Toutefois le président tint bon, dans son Message du 8 décembre il rappela toutes les phases parcourues par cette inextricable question : la démission du gouverneur Geary, la loi du 19 février déférant à des délégués l'examen d'une constitution tendant préliminairement à l'admission du Kansas dans les Etats-Unis, puis la

réunion de la convention constituante en septembre. Une grande partie des citoyens n'ayant pas jugé convenable d'inscrire leurs noms et de voter, lors de l'élection des délégués, le refus d'exercer leurs droits, ne pouvait affecter en rien la légalité de la Convention. » Cette Convention s'occupa ensuite de rédiger une constitution pour le Kansas et termina ses séances le 7 novembre. Peu de discussion au sein de cette assemblée, si ce n'est à l'occasion de l'esclavage. » Mais c'était tout, aurait-on pu répondre à M. Buchanan. La Convention, après une discussion très-animée, décida finalement, à la majorité de deux voix seulement, que la question de l'esclavage serait soumise au peuple, a bien que, vers la fin, 43 délégués sur 50 présents eussent signé la constitution. » Une grande majorité de la Convention était favorable à l'établissement de l'esclavage dans le Kansas. On introduisit donc dans la constitution un article ressemblant pour la forme à ceux qui avaient été adoptés par les Conventions d'autres territoires. « Et le Président ajoutait, que le Kansas avait beaucoup trop occupé l'attention publique depuis quelques années, et qu'il était grand temps de la diriger sur des objets plus importants. Ces paroles s'accordaient parfaitement avec la doctrine de M. Buchanan: faire de l'esclavage une question purement locale, ce qui pouvait se soutenir jusqu'à un certain point, au moins actuellement, mais à la condition de laisser à l'expression du suffrage sa sincérité; ce qui n'avait pas eu lieu dans l'espèce. En somme, le Message du Président était une avance aux hommes du Sud, plus prononcée encore qu'il ne l'avait fait jusqu'alors. La critique à laquelle M. Buchanan s'y livrait au sujet du traité (Dallas-Clarendon) ayant pour objet de régler les droits respectifs de l'Angleterre et du Honduras, témoignait de plus fort qu'il épousait les objections du Sud contre cette convention datée du 27 août 1856. Il résumait ainsi sa pensée à cet égard: « Si le Honduras avait ratifié cette convention, il aurait ratifié l'établissement d'un Etat indépendant dans ses propres limites, et soumis en tout temps à l'influence et au contrôle de la Grande-Bretagne. » Puis, après avoir narré les négociations ultérieures auxquelles ce traité diversement interprété avait encore donné lieu, le Président concluait que c'était peine

perdue que de revenir sans cesse sur une question diversement entendue par les deux parties, et que mieux valait en refaire un autre, les deux parties ne pouvant avoir qu'un but: assurer la sécurité du transit sur toutes les routes à travers l'isthme. Le Message (toujours sous l'influence de cet ordre d'idées) était quelque peu belliqueux vis-à-vis de l'Espagne, à l'occasion de Cuba: J'ai l'intention d'envoyer un nouveau ministre en Espagne avec des instructions spéciales sur toutes les questions pendantes entre les deux Gouvernements, et avec les résolutions de les avoir promptement et amicalement réglées, si cela est possible. Quant à la France, M. Buchanan regrettait que deux nations dont les produits étaient de nature à appeler l'échange le plus étendu et les relations commerciales les plus libres, continuassent à appliquer l'une contre l'autre des restrictions surannées. «Notre traité commercial avec la France est, sous ce rapport, portait le Message, une exception à nos traités avec toutes les autres nations commerçantes.

Le Président espérait qu'un autre traité conclu à Constantinople le 13 décembre 1856 avec la Perse, ratifié en juin 1857, puis proclamé le 18 août de cette année, aurait des résultats avantageux pour le commerce américain. Les derniers événements survenus en Chine n'avaient pas permis d'effectuer la révision convenue du traité du 3 juillet 1844, les hostilités actuelles ayant inévitablement interrompu le commerce des autres nations avec Canton, aujourd'hui bloqué. Puis l'insurrection contre la dynastie régnante continuait. Dans ces circonstances le Gouvernement présidentiel avait envoyé un ministre plénipotentiaire pour « profiter des circonstances qui pourraient se produire, afin d'effectuer des changements favorables au commerce américain dans le traité existant. » Quoique ce ministre (M. Reed) eût reçu pour instructions de rester neutre dans les hostilités existant à Canton, il coopérerait cordialement avec les ministres anglais et français dans toutes les mesures pacifiques, ayant pour objet d'obtenir ces justes concessions « auxquelles les nations du monde ont le droit de s'attendre, et que la Chine ne peut refuser plus longtemps. >>

La partie la plus considérable de ce compte rendu du premier

magistrat de l'Union, portait naturellement sur la crise commerciale et financière qui venait de couvrir le pays de plaies qui seraient longtemps à se cicatriser. Le Président accusait sans ménagement les banques, bien que l'on ait pu voir qu'elles avaient été entraînées dans une sorte d'orbite fatal où elles n'avaient plus guère leur libre arbitre. M. Buchanan estimait que la constitution ne permettait pas la création d'une banque fédérale; mais, à son sens, dût-elle exister, qu'elle ne fournirait pas une garantie suffisante. L'histoire de la dernière banque des Etats-Unis le prouvait surabondamment. Le Président tenait pour impossible qu'une telle banque, le voulût-elle, réglât l'émission de papier et les crédits de quatorze cents banques d'Etat, de façon à protéger le public contre le développement excessif d'une circulation extravagante; à son sens une banque des Etats-Unis ne restreindrait pas, quand elle le pourrait, les émissions et les prêts des banques d'Etat, parce que son devoir comme régulateur de la circulation serait souvent en conflit direct avec l'intérêt immédiat de ses actionnaires. Et tout en concluant négativement, quant à la fondation d'une institution régulatrice, M. Buchanan demandait, ce qui semblait contradictoire, une législation uniforme sur les banques, plus de sévérité et la liquidation immédiate, dès qu'il y aurait suspension de paiement: << toute suspension de ce genre entraînerait la mort civile de cette banque. » Le Président allait plus loin : s'il était impossible de tirer des banques bien réglées les avantages auxquels on avait droit de s'attendre, sans endurer en même temps les malheurs dont leurs excès avaient accablé le pays, il y aurait bien moins de danger à leur retirer à toutes le pouvoir d'émettre du papier de circulation, et à les réduire aux fonctions de banques de dépôts et d'escompte.

Quant aux finances, en général, il résultait du rapport du secrétaire de la Trésorerie, que le montant du revenu reçu de toutes les sources dans le Trésor pendant l'année financière, finissant au 30 juin, avait été de 68,631,513 dollars 67 c. Avec la balance de 19,901,325 dollars 45 c., restant au Trésor, au commencement de l'année, ce chiffre représentait pour l'exercice annuel entier un total de 88,532,839 dollars 12 c. Les dépenses 1857

38

« AnteriorContinuar »