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Mes regards las, sans voir l'or en fleur des jasmins,
Rêvent de cheveux d'or dont la tendresse étonne,
Et, dédaignant des lys la blancheur monotone,
Pleurent la liliale ardeur des jeunes mains.

O toi qui dois venir, viens! mon cœur te réclame,
Mes yeux, tristes d'amour, attendent tes chers yeux.
Car la terre est si vide, et si vides les cieux!
Et rien n'offre un baiser aux lèvres de mon âme.

Toi que j'aimerai, toi qui me tortureras
Sans assouvir jamais tes douloureux caprices,
Viens! je t'offre à genoux les mortels sacrifices
Où mon sang résigné coulera dans tes bras.

II

LITANIES

Surnaturelle, calme et puissante Beauté,
Fontaine de santé, Miroir d'étrangeté,
Écoutez-moi!

Phare spirituel allumé sur les roches,

Beffroi des jours défunts, où sanglotent les cloches,
Appelez-moi.

Havre où les blancs voiliers et les fumeux steamers Chargés de cœurs vaillants, viennent du bout des mers, Accueillez-moi.

Soleil vertigineux, vous qui dans les yeux faites
Fleurir des visions de splendeurs et de fêtes,
Aveuglez-moi!

Jardinier qui semez dans la nuit des cerveaux
Les songes imprévus et les verbes nouveaux,
Fécondez-moi.

Fleuve majestueux, où sur l'eau lente éclate
La gloire des lotus d'azur et d'écarlate,
Submergez-moi.

Tour d'ivoire, château que les tentations
Entourent vainement de leurs obsessions,

Abritez-moi.

Forêt crépusculaire, où les oiseaux nocturnes
Ouvrent leurs clairs yeux d'or et leurs vols taciturnes,
Apaisez-moi.

Porte du Paradis, par l'absurde habité,
Hatschisch libérateur de la réalité,

Délivrez-moi.

Tapis de velours blanc, où marchent cadencées
D'amples processions d'orgueilleuses pensées,
Exaltez-moi.

Flacon, où tournent dans un cerveau de cristal
Les vertiges du musc, de l'ambre et du santal,
Parfumez-moi.

Orgue religieux dont les vastes musiques
Bâtissent dans les cœurs des églises mystiques,
Élevez-moi.

Maison d'or et d'albâtre, où les vins généreux
Versent aux vagabonds les espoirs vigoureux,
Hébergez-moi.

Liqueur soyeuse, crême où les fruits et les baumes Fondent leur bienfaisance et leurs subtils arômes, Enivrez-moi.

Manne d'amour, agneau pascal, pain sans levain, Festin miraculeux où l'eau se change en vin, Nourrissez-moi.

Hamac, qu'une exotique et moelleuse indolence
A l'ombre des palmiers rafraîchissants balance,
Endormez-moi.

Jardin officinal aux douces floraisons,
Où croît parmi les lys l'herbe des guérisons,
Guérissez-moi.

Aérostat vainqueur des sublimes nuages,
Nostalgique wagon, berceur des longs voyages,
Emportez-moi.

Livre mystérieux des Sibylles, coffret

Où dort, loin des savants, maint austère secret,
Instruisez-moi.

Lourde mante opulente où les fauves soieries
Étoilent leurs prés d'or de fleurs de pierreries,
Revêtez-moi.

Turquoise de douceur, Rubis de cruauté,
Topaze où la lumière endort la volupté,
Adornez-moi.

Lupanar éhonté, plein d'immondes ivresses,
Mêlant tous les baisers et toutes les tristesses,

Epuisez-moi!

Hypocrite vivier, où des poulpes gluants

Traînent leurs suçoirs mous sur les cailloux puants, Dévorez-moi!

Lazaret des lépreux, hôpital des poètes,
Ténébreux cabanon, pourrissoir des prophètes,
Etouffez-moi!

Torche Néronienne, ô monstrueuse croix,

Où flambent des martyrs oints de graisse et de poix,

Consumez-moi!

PRIÈRE

O Vous, femme adorable entre toutes les femmes,
Épouse des cœurs morts et sœur des jeunes âmes,
Reine des jours anciens, Reine des jours nouveaux,
Vous qui penchez un front empourpré de pavots,
Maîtresse du sommeil, Souveraine des veilles,
O Vous qui dans Saba régniez sur les merveilles,
Vous qui fûtes au temps d'Assuérus Esther,
Baignant votre enfantine et précieuse chair

Six mois d'huile de myrrhe et six mois d'aromates;
Vous qui domptiez le Nil sous vos galères plates,
Mangeuse de héros, buveuse de bijoux,

Cléopâtre! ô princesse aux puissants cheveux roux,
Qui traîniez vos amants tout meurtris de luxure
Des carrefours de Rome aux jardins de Suburre,
Farouche Messaline, ô large et sombre cœur,
Qui des taureaux crétois eut lassé la vigueur ;
Vous, l'éternel amour, Vous, la femme éternelle,
Dévoratrice absurde, ignoble et solennelle,
Qui sucez notre vie et videz nos cerveaux,
Rallumez, rallumez, sous vos longs cils dévots,
Dans leur cristallin blanc comme un fluide ivoire,
Vos yeux de cendre où couve une âpre flamme noire;

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