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ce prince avoit effectivement, dit-on, fait un lieu de détention; que cette caverne renferme de grands trésors qui y ont été déposés et mis sous la garde d'un talisman, et que jusqu'ici personne n'a pu fes découvrir. « Les discours de Khodadad, ajoute M. Ouseley, me confir» mèrent dans l'opinion, fondée sur des conversations que j'avois eues » précédemment à Schiraz avec Djuwan-mard et avec d'autres, adora>>teurs du feu, que, quelles que soient les cérémonies superstitieuses » et en apparence absurdes que les Guèbres pratiquent dans l'exercice » de leur culte extérieur, les hommes les mieux instruits parmi eux » sont, dans la réalité, de simples déistes, et que les Guèbres du Kirman » et de Yezd possèdent encore des livres d'une haute antiquité. » Ceci conduit notre auteur à émettre quelques conjectures sur l'existence du langage pehlvi et de livres écrits en cette langue, jusqu'à une époque assez rapprochée de notre temps. Il se propose de faire de cette question le sujet d'un ouvrage particulier, ce qui nous dispense. d'entrer ici dans l'examen du petit nombre de faits sur lesquels il fonde cette conjecture. Au reste, nous pensons comme lui que, si des recherches ultérieures faites par d'autres voyageurs dans l'intention de découvrir des antiquités de ce genre, peuvent avoir quelque succès, c'est vers le Kiriman et vers la ville de Yezd qu'il convient de diriger

son attention.

La seconde circonstance dont je veux faire mention, est relative à une tribu de Djinganis, ou, comme nous les appelons en français, de Bohémiens, dont M. Ouseley eut connoissance à Tébriz. Voici ce qu'il en dit :

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« Un matin, comme j'étois chez M. Campbell, i'y trouvai un homme » de la tribu qu'on nomme Karatchi,, et qui me semble avoir, » à bien des égards, beaucoup de rapports avec nos Bohémiens (en » anglais Gypsies); outre qu'ils font usage entre eux d'un dialecte ou jargon particulier. On dit en effet qu'ils aiment à mener une vie » errante et oisive, qu'ils préfèrent l'habitation des tentes à celle des » maisons; qu'ils escamotent avec une grande dextérité des œufs, des » volailles, du linge et d'autres effets; qu'ils disent la bonne aventure par l'inspection des mains, et qu'ils sont à-peu-près, et peut-être » tout-à-fait, sans aucune religion. Celui avec lequel j'eus une conver» sation, avouoit franchement que ceux de sa tribu ou bande, ib, » n'avoient aucune forme de culte ni aucun système de croyance. Ce» pendant, comme il y avoit là quelques mahométans, il affectoit de » rendre grâces à Dieu, à haute voix, de ce que, pour lui, il étoit » un vrai croyant, un disciple très-orthodoxe du prophète. Les Tartares

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» (c'est ainsi qu'on nomme les courriers turcs expédiés de Constantinople) étant entrés par hasard en ce moment dans l'appartement, >> reconnurent de suite cet homme et ses compagnons pour des Djinganis ou Tchinganis, race chez laquelle, disoient-ils, tous les hommes » sont des fripons, et toutes les femmes des femmes de mauvaise vie. » Nos gens convinrent que ces tartares avoient raison à l'égard du nom » qu'ils leur donnoient, parce qu'en effet les gens de leur tribu sont » appelés Djingunis par les Turcs. Comme je desirois recueillir quelques » mots de leur idiome, j'écrivis le petit vocabulaire que je joins ici en » note, sous la dictée d'un de ces Karatchis, qui paroissoit avoir plus d'intelligence que les autres, et qui, quoique totalement illettré,

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» sembloit un drôle assez malin. »

M. Ouseley donne une liste de soixante-douze mots; et parmi ces mots, il y en a beaucoup qui se rapprochent sensiblement de ceux qu'a recueillis M. Grellmann, dans son Mémoire historique sur les Bohémiens ou Zigeuner, traduit en français par le baron de Bock, et publié à Metz en 1788. M. Ouseley n'a point fait cette comparaison, ce qui ajoute encore à l'importance des résultats qu'on peut tirer de ce rapprochement.

J'aurois pu donner facilement beaucoup plus d'étendue à cet article ; car l'ouvrage de M. Ouseley, composé sur un plan fort différent de toutes les autres relations de voyages faits en Perse depuis trente ans, renferme une multitude d'observations de détail très-précieuses pour les amateurs des langues et de la littérature de l'Orient. C'est à eux qu'il est destiné, et non pas à cette classe nombreuse de lecteurs qui ne cherchent dans les relations de voyages qu'un amusement frivole, ou un délassement d'études plus sérieuses. On pourroit dire que c'est ici un voyage classique, ou, si l'on veut, des études sur la Perse ancienne et moderne, études dont le voyage de l'auteur a été l'occasion et auxquelles if a servi de cadre.

SILVESTRE DE SACY.

TRAITÉ DE L'ACUPUNCTURE ou Zin-king des Chinois et des Japonais; ouvrage destiné à faire connoître la valeur médicale de cette opération, et à donner les documens nécessaires pour la pratiquer; par J. Morss Churchill, membre du Collége royal des chirurgiens de Londres; traduit de l'anglais par M. R. Charbonnier. Paris, Crevot, 1825, in-8.°

Mémoire sur l'Électropuncture, considérée comme moyen nouveau de traiter efficacement la goutte, les rhumatismes et les affections nerveuses, et sur l'emploi du moxa japonais en France; suivi d'un traité de l'acupuncture et du moxa, principaux moyens curatifs chez les peuples de la Chine, de la Corée et du Japon; orné de figures japonaises; par M. Sarlandière. Paris, chez l'auteur, 1825, in-8.°

Mémoire sur l'Acupuncture, suivi d'une série d'observations recueillies sous les yeux de M. J. Cloquet; par M. Morand, 1825, in-4.°

UN procédé qui, depuis la plus haute antiquité, forme l'un des principaux moyens de la médecine curative des Chinois et des Japonais, a été remis en usage en Europe depuis plusieurs années, et particulièrement préconisé en France depuis quelques mois. Ainsi qu'il arrive pour tout ce qui semble nouveau et singulier, ce procédé a trouvé des enthousiastes et des détracteurs: les uns y ont vu une sorte de panacée d'un effet merveilleux; les autres, une opération qui pouvoit entraîner les suites les plus graves. De part et d'autre on a cité des faits; et les observations ne se présentant pas assez vite ni en nombre suffisant, on a invoqué l'expérience des Asiatiques, habituellement si dédaignée dans les matières de science. Indépendamment des mémoires académiques et des articles de journaux, on a fait imprinter quelques opuscules propres à jeter du jour sur ce point intéressant de thérapeutique et de physiologie. Ceux dont nous avons transcrit les titres au commencement de cet article, vont être l'objet d'une courte analyse et de quelques réflexions. Ils ont été publiés dans un moment où l'acupuncture étoit devenue le sujet de l'attention générale; mais l'enthousiasme est déjà calmé, et peut-être dans quelques mois sera-t-il remplacé par l'indifférence. Les travaux dont nous allons rendre compte resteront du moins, parce qu'ils contiennent ou des vues ingénieuses ou des expériences bien faites, et que les unes et les autres peuvent devenir de quelque utilité pour les praticiens.

La première idée de l'acupuncture, telle qu'elle est pratiquée par les Chinois, paroît avoir été apportée en Europe par Ten-Rhyne, chirurgien hollandais de la fin du XVII. siècle. Il inséra un mémoire relatif à l'acupuncture à la suite d'une dissertation sur la goutte, laquelle parut à Londres en 1693. Kæmpfer, en 1712, donna dans le

troisième fascicule de ses Amanitat.s academica, une autre notice sur le même sujet (1). C'est à cette double source qu'ont été puisés les renseignemens relatifs à l'acupuncture des Japonais, qu'on trouve dans 'Histoire de la chirurgie, le Dictionnaire des sciences medicales, &c. Quoique incomplets et, à certains égards, peu exacts, ces renseignemens avoient de temps en temps éveillé l'attention des praticiens, et provoqué des essais qui n'avoient pas encore été suivis avec la persévérance convenable.

Plus récemment, des médecins français, parmi lesquels il faut nommer MM. Bretonneau, Haime, Berlioz et Sarlandière, ont repris, avec un nouveau zèle, l'examen des phénomènes qui suivent l'introduction des aiguilles dans les corps vivans. Le résultat du travail du dernier est exposé dans l'opuscule qu'il vient de publier. Ceux qu'ont obtenus les deux premiers avoient été consignés dans des mémoires qui ont paru il y a quelques années (2), et l'on peut croire qu'ils ont provoqué les tentatives de plusieurs médecins étrangers, et notamment celles de M. Churchill, membre du college royal des chirurgiens de Londres. Cet auteur ne s'est pas étendu en recherches sur l'origine du procédé, ni en conjectures sur sa manière d'agir; il s'est borné à rapporter cinq observations qui semblent concluantes en faveur de l'efficacité de l'acupuncture : toutes cinq, à la vérité, se rapportent à différentes variétés de rhumathalgie et de pleurodynie, sans mouvement fébrile; et c'est dans le cas de ces affections qu'on a généralement éprouvé les meilleurs effets de ce moyen curatif. Ainsi, dans les deux premières observations, deux hommes attaqués de lumbago ont été soulagés comme par enchantement, au moment même de l'introduction des aiguilles. La cinquième, tout-à-fait analogue aux deux précédentes, a cela de particulier qu'elle a eu lieu sur un médecin, M. Scott, le premier qui ait fait connoître l'acupuncture en Angleterre, et qui, par conséquent, pouvoit et devoit mieux qu'un autre en suivre les effets et

en constater l'utilité.

L'ouvrage de M. Morand est une dissertation inaugurale, composée sous les yeux de M. J. Cloquet, l'un des chirurgiens de Paris qui ont obtenu les meilleurs effets de l'acupuncture; elle est formée de trois

(1) Curatio colica per acupuncturam, Japonibus usitata, Am. ex. p. 582.(2) Notice sur l'acupuncture, et observations médicales sur ses effets thérapeutiques, par M. Haime, dans le treizième volume du Journal général des sciences médicales. Mémoires sur les maladies chroniques, les évacutions sanguines et l'acupuncture, par M. Berlioz. Paris, 1816.

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parties. Dans la première, consacrée à l'histoire du procédé, l'auteur commence par exposer tout ce qu'on en savoit avant les travaux de son maître. Son premier guide dans cette occasion a été Vicq d'Azyr, dans un mémoire sur ce sujet dont il a emprunté les matériaux à Ten-. Rhyne; il analyse pareillement le beau travail de M. Berlioz, qui nonseulement avoit, dès 1816, mis en usage l'acupuncture, mais qui, en supposant que ce remède agit en stimulant les nerfs ou en leur restituant un principe dont ils étoient privés par l'effet de la douleur, avoit proposé d'introduire deux aiguilles de métaux différens et de les mettre en contact, ou même de leur communiquer un choc galvanique produit par un appareil de Volta (1).

Dans la seconde partie, M. Morand cherche à déterminer les effets physiologiques et le mode d'action de l'acupuncture. Il donne le précis d'un mémoire que M. Cloquet a présenté à l'académie royale de médecine et à l'académie des sciences. Il en résulte que l'acupuncture agit essentiellement sur les douleurs, quels que soient leur siége et leur cause; qu'elle les déplace, les calme, en diminue l'intensité ou les fait disparoître sans retour; que si ces douleurs renaissent après un temps plus ou moins long, elles sont presque toujours plus foibles qu'avant l'opération, et peuvent être enlevées derechef par une ou plusieurs acupunctures.

M. Cloquet, en terminant son mémoire, demandoit si, après avoir reconnu que les aiguilles introduites dans les chairs se chargent d'électricité, on ne seroit pas porté à penser que la douleur avoit pour cause l'accumulation du fluide électrique dans la partie qui en est le siége. C'est là une des hypothèses par lesquelles on a cherché à rendre compte de la manière dont les aiguilles agissent sur les corps vivans. On avoit remarqué que celles qui étoient faites d'acier s'oxidoient; et en voyant que l'introduction d'une aiguille semblable dans l'épaisseur d'un muscle rhumatisé, ou d'une partie qui étoit le siége d'une douleur nerveuse, produisoit un soulagement immédiat et, pour ainsi dire, instantané, on étoit conduit naturellement à comparer cette action physiologique au phénomène qui se passe lorsqu'une surface chargée d'électricité est mise en rapport avec d'autres corps, au moyen d'un conducteur métallique. On expliqueroit ainsi tout-à-la-fois les causes de l'affection, qui consisteroient dans une accumulation morbide du fluide électrique sur une branche nerveuse, et l'effet curatif, qui s'opéreroit par la simple soustraction du fluide. L'aiguille seroit, comme on l'a dit, un véritable

(1) Ouvrage cité, p. 311.

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