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» lune qui n'a point commencé par être, dans les premiers jours du » mois, un foible croissant. »

C'est un jeu de mots sur le nom du prince Bedr, fils d'Ammar; car bedr, en arabe, veut dire pleine lune.

Dans le second poëme, Moténabbi dit:

ما لمن ينصب الحبائل فى الارض ومرجاه أن يصيـد الهــلالا

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« De quels succès peut se flatter celui qui tend ses filets sur la terre, >> et qui prétend faire sa proie du croissant! >>

La dissertation de M. de Bohlen est terminée par trois poëmes de Moténabbi, avec une traduction latine et quelques notes. De ces trois poëmes, le premier est fait en l'honneur d'un prince arabe, nommé Abou'lhasan Moghith, fils d'Ali, fils de Bischr, de la tribu d'Idjl

et contient en même temps une أبو الحسن المغيث بن على بن بشر العجلى

satire des habitans d'une ville ou d'un district de la Syrie, peut-être d'Antioche. Ce poëme doit être de la jeunesse de Moténabbi, et est antérieur à son séjour à la cour de Seïf-eddaula. Le second poëme fait partie de ceux qu'il a composés en l'honneur de ce prince, et est remarquable par la hardiesse avec laquelle le poëte se plaint de ne pas être traité de lui comme il le mérite, et de se voir préférer des rivaux sans talens: il n'épargne pas ceux-ci, dont le principal et le plus dangereux étoit un poëte nommé Abou-Féras. Moténabbi, en mêlant adroitement les éloges les plus flatteurs aux reproches et aux plaintes, regagna complètement la faveur de Seïf-eddaula. Le troisième est une satire amère contre l'eunuque Cafour, dans laquelle ce poëte raconte sa fuite de l'Égypte.

Déjà, dans la seconde partie de sa dissertation, M. de Bohlen avoit donné en entier un poëme de la jeunesse de Moténabbi, composé en l'honneur d'un descendant d'Ali, Mohammed, fils d'Obeïd-allah, et qui se rapproche plus que les trois autres de l'ancienne forme des kasidas ou élégies des Arabes. Cette élégie est accompagnée, comme les autres, d'une version latine et de notes. Ces divers morceaux sont choisis de manière à donner une idée assez juste du talent de Moténabbi, et sont même plus propres à mettre en évidence ses beautés réelles que ses défauts.

Dans toutes ces traductions, on reconnoît que M. de Bohlen, à l'aide du commentaire de Wahidi, a en général très-bien saisi le sens de l'original, et elles ne m'ont paru susceptibles que d'un petit nombre d'observations critiques. Peut-être paroîtront-elles souvent obscures aux personnes qui ne pourront pas les rapprocher du texte, ce qui est

presque inévitable, quand on ne veut pas tomber dans la paraphrase. Je ne saurois au surplus entrer ici dans l'examen critique de ces traductions, et je me bornerai à proposer mes doutes sur un vers où le sens du poëte me paroît avoir également échappé à MM. de Hammer et de Bohlen, et au commentateur arabe Wahidi. Ce vers se trouve dans l'élégie où Moténabbi se plaint de la froideur de Seïf-eddaula, et lui reproche de combler de faveurs ses rivaux.

Moténabbi venoit d'exalter la puissance de ses vers et les effets merveilleux de son talent, qui n'échappoient pas même, dit-il, aux yeux des aveugles et aux oreilles des sourds, comme s'ils eussent recouvré par enchantement l'usage de leurs organes; puis il ajoute :

انام مالاً جفوني عن شواردها ويسهر الخلق جراها ويخت

ce que M. de Bohlen traduit ainsi : Dormio dum oculi mei impleti sunt carminibus, eaque emittunt; illi vero vigilant, eaque magno opere ad se attrahunt, Suivant M. de Hammer, le poëte a voulu dire que, même en dormant, il lui échappe des vers, tandis que les autres en font à peine à force de veilles et de fatigues. Mais comment imaginer que Moténabbi ait dit que ses yeux sont pleins de vers qui lui échappent durant son sommeil! Les choliaste Wahidi favorise un peu cette singulière interprétation; toutefois il a bien vu que los dépend de pl, et non de. Dormir de la plénitude des paupières, c'est, en arabe, dormir d'un profond sommeil. (Voyez mon édition de Hariri, séance XXVII, p. 283.) Quant au verbe avec la préposition, il signifie ne pas s'apercevoir d'une chose, parce qu'on dort: le verbe renferme alors, pour m'exprimer à la manière des grammairiens arabes, le sens du verbe J. Le poëte veut donc dire, « Je dors d'un profond som» meil, ne songeant plus aux vers qui ont coulé de ma plume, tandis » que les autres hommes veillent et se donnent bien du tourment, »> soit pour en saisir le sens, soit pour les imiter.

Le sens que je donne ici au verbe suivi de, est suffisamment justifié par un vers de la pièce suivante (p. 120), où le poëte, voulant dire qu'il a trompé la vigilance de Cafour, et s'est enfui de l'Égypte durant la nuit, sans que cet eunuque s'en aperçût, s'exprime en ces

. ونام الخويدم عن ليلنا : temes

Le mot signifie proprement des animaux fugitifs. Les poëtes appellent ainsi leurs vers, parce qu'une fois échappés de leur plume, ils parcourent le monde: cette idée est familière à Moténabbi, et l'on en trouvera des exemples dans la dissertation de M. de Bohlen, p. 26 et 27.

E

J'abandonne maintenant M. de Bohlen et Moténabbi, pour dire quelque chose de la traduction de M. de Hammer.

Persuadé que la poésie ne peut être traduite qu'en vers, M. de Hammer a voulu faire pour Moténabbi ce qu'il avoit fait précédemment pour le poëte persan Hafiz. Il a donc traduit en vers toutes les pièces dont se compose le recueil de Moténabbi. Tantôt il s'est assujetti au joug de la rime, tantôt il s'en est affranchi. Comme si une pareille entreprise n'offroit pas déjà assez de difficultés, il s'est encore imposé la loi que, dans sa traduction, chaque distique répondit exactement à un distique de l'original ; et ce n'est que rarement qu'il s'est permis d'intervertir l'ordre des idées, et de placer dans le premier vers d'un distique ce qui, dans le texte, est rejeté au second vers. Dans le choix des mètres, il a eu égard à la nature du sujet. Son premier soin, assuret-il, a été de bien rendre le sens, en adoptant pour guide à cet égard le commentateur Wahidi, qui écrivoit cent ans après la mort de Moténabbi, et qui, dans son commentaire, cite souvent plusieurs des scholiastes qui l'avoient précédé, et souvent aussi leur reproche de n'avoir pas bien compris les pensées du poëte. M. de Hammer observe avec raison qu'il y auroit de la témérité à un étranger de penser qu'il puisse bien comprendre Moténabbi sans l'aide d'un commentaire, puisque les savans mêmes d'entre les Arabes ne sauroient se passer de ce secours. Nous adoptons volontiers cette observation; mais nous ne pensons pas tout-à-fait, avec M. de Hammer, qu'à force de se familiariser avec les idées favorites et le style de Moténabbi, on ne puisse pas acquérir plus de facilité pour percer l'obscurité dont il s'enveloppe trop souvent. Notre propre expérience nous a convaincus que, comme il se répète fréquemment, il peut, en bien des occasions, se servir à lui-même de commentaire, et que, lorsqu'on a saisi le sens de plusieurs de ses hyperboles, on parvient assez aisément à en deviner d'autres qui plutôt auroient paru inintelligibles. Mais pour cela il faut en quelque sorte s'identifier avec le poëte, et savoir franchir toutes les bornes du bon goût, et souvent même celles du bon sens.

Je n'entreprendrai point de juger la traduction de M. de Hammer sous le point de vue du mérite de ses vers allemands; j'avoue que je n'ai point assez le sentiment de la poésie allemande, pour hasarder aucun jugement à cet égard: mais je ne crains point d'affirmer que le traducteur a souvent méconnu le sens de l'original, et que, s'il n'assuroit pas positivement avoir pris pour guide le commentaire de Wahidi, qui est précisément le même que j'ai habituellement sous les yeux, j'aurois cru qu'il avoit fait usage d'un texte fort différent de

celui de mes manuscrits, ou qu'il avoit été induit en erreur par un scholiaste à moi inconnu. Je ne veux pas parler des libertés que le traducteur a dû prendre nécessairement, par suite de la loi qu'il s'étoit imposée de rendre distique pour distique. On sent bien qu'il s'est vu obligé souvent à sacrifier une partie des idées du poëte, et à tronquer ses images pour éviter la paraphrase, et pourtant rester intelligible à ses lecteurs. J'entends qu'il est tombé parfois dans des contresens formels, que le texte n'admet point et dont le commentaire de Wahidi auroit dû le préservér.

Il étoit naturel que je prisse d'abord, pour m'assurer de la fidélité de la traduction de M. de Hammer, les pièces que j'avois traduites moimême dans ma Chrestomathie arabe. Je n'ai pas été très-surpris que M. de Hammer critiquât plusieurs endroits de ma traduction; d'abord, parce que je n'avois, lorsque je fis ces traductions, que des scholies assez incomplètes et fort inférieures au commentaire de Wahidi; et en second lieu, parce que je n'étois pas alors familiarisé avec le style de Moténabbi. J'ai donc eu recours aux notes et aux scholies de Wahidi, et je m'attendois à trouver la critique de M. de Hammer bien fondée : mais, à mon grand étonnement, j'ai reconnu que ma traduction, quelquefois un peu paraphrastique, rendoit exactement le sens de l'original et étoit conforme au commentaire, et qu'il m'étoit impossible d'adopter aucune des observations de M. de Hammer. J'en donnerai la preuve dans la seconde édition de ma Chrestomathie arabe, dont le premier volume ne tardera pas à paroître. J'ai examiné ensuite la traduction de plusieurs autres poëmes, et notamment de ceux que M. de Bohlen a publiés et traduits en latin dans sa dissertation sur Moténabbi, et il n'en est aucun où je n'aie trouvé de semblables erreurs. Je ne puis me dispenser de prouver ce que j'avance, par un petit nombre d'exemples.

Je citerai d'abord un poëme composé en l'honneur de Seïf-eddaula, qui étoit entré, en 339 de l'hégire, sur le territoire des Grecs, et s'étoit avancé jusqu'à un lieu nommé Samandou, et en grec Thaμardos, sans avoir rencontré les Grecs que commandoit le Domestique, Nicéphore, fils de Bardas Phocas. Moténabbi, qui accompagnoit le prince dans cette expédition, l'ayant vu à la tête de ses troupes, improvisa le poëme qui se termine par ces deux vers:

رضينا والدمستق غير راض بما حكم القواضب والوس الخليج فان يقدم وقد زرنا سندو وان يجم فموعدنـا الجـ

cc

« Nous sommes contens du jugement qu'ont rendu les sabres et les » lances; mais le Domestique n'en est pas satisfait. S'il s'avance à notre

» rencontre, déjà nous sommes venus jusqu'à Samandou; s'il recule, >> notre rendez-vous est au canal (de Constantinople). >>

M. de Hammer traduit ainsi :

« Le Domestique est-il satisfait de la décision de nos épées et de nos >> lances! Si Samandou vient, nous irons au-devant de lui, quand même >> il faudroit pénétrer jusqu'au Bosphore.

Il observe en note qu'il est incertain si Samandou est le Domestique lui-même, nommé par Elmacin Léon, fils de Bardas, ou un autre personnage. On ne conçoit pas comment le traducteur a pu tomber dans une pareille méprise, le texte n'offrant ici aucune difficulté.

Dans un poëme de la jeunesse de Moténabbi, ce poëte fait une censure sévère des hommes au milieu desquels il vit, et dont les vices contrastent avec l'excellence de la contrée qu'ils habitent; il voudroit que cette terre eût les défauts de ses habitans, et que ceux-ci eussent les qualités de la contrée où ils font leur demeure; et cette idée lui sert de transition pour passer à l'éloge du prince arabe auquel ce poëme est adressé, Abou'lhasan Moghith Idjlill call, et de sa générosité. Il dit donc, avec son style hyperbolique :

بها الجبلان من فخر ومخر انافا ذا المغيث وذا اللـكـام

وليست من مواطنه ولكن يمر بها كما مر الغمام

ce qui signifie à la lettre :

«Dans cette contrée s'élèvent deux montagnes, l'une de gloire, » l'autre de roche; (le prince) Moghith, et (le mont) Locam: mais >> aussi cette contrée n'est point le lieu de sa résidence ordinaire ; il ne » fait qu'y passer comme un nuage. »

Le poëte fait cette dernière remarque, pour qu'on n'oublie pas que la censure qu'il a faite des habitans de ce pays, ne tombe point sur Moghith. M. de Hammer traduit ainsi :

« Plût à Dieu que les habitans fussent bons, et que les défauts ne » tombassent que sur la contrée, cette contrée où nous reposons, le Locam » comme une double montagne, et moi comme un nuage; car, lorsque »j'habite cette contrée, c'est comme des nuages qui passent.

Et cependant le texte n'offre point d'obscurité, et le commentaire développe bien la pensée du poëte.

Dans le poëme dont j'ai déjà parlé, où Moténabbi reproche à Seïfeddaula qu'il ne rend pas justice à son mérite, il veut lui faire entendre qu'il ne met aucun prix à des bienfaits qui tombent également sur lui et sur ses rivaux, poëtes sans talens et indignes d'entrer en comparaison avec lui, et il s'exprime ainsi avec une grande hardiesse:

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