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tition? Quoi! neuf membres seulement pour les deux tiers de la population, et vingt-un membres pour les Planteurs ! N'est-ce pas immoler les intérêts des villes aux intérêts de l'aristocratic, et le plus grand nombre au plus petit?

Ce qui regarde les circonscriptions électorales et toutes les principales questions relatives aux hommes de couleur, a été traité avec une grande supériorité de vues et une rare impartialité dans une brochure mûrement élaborée par M. le comte de Santo-Domingo, qui, ayant habité long-temps la Martinique, et s'étant éclairé de tous les documens sur la matière, en parle en toute connaissance de cause. Cette brochure a le mérite d'être bien écrite et très-concise; MM. les Députés pourront la consulter avec intérêt et avec fruit; je ne puis donc trop insister sur la prière que je leur fais de lire M. de Santo avant le vote de la loi.

Les délégués des blancs ne manqueront pas d'élever de hautes clameurs contre le Projet de Loi que les mandataires des hommes de couleur combattent de leur côté, et M. le Ministre nous le fait pressentir dans l'exposé des motifs, lorsqu'il parle du cens. Les délégués espèrent, par ce moyen, décider la Chambre à

adopter la loi comme un mezzo termine entre leurs réclamations et les nôtres; les hommes de couleur espèrent, eux, que la Chambre ne se laissera pas prendre à ce piége grossier.

DU PROJET DE LOI SUR LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES DES HOMMES DE COULEUR.

Dans son exposé des motifs, M. le Ministre s'exprime ainsi :

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<< La Charte veut que tous les Français » soient égaux devant la loi, et soient tous également admissibles aux emplois publics. » La loi proposée n'est donc que LA RECON» NAISSANCE D'UN DROIT en ce qui concerne >> les hommes de couleur nés en état de liberté » sur un sol français. >>

Je prie MM. les Députés d'accueillir favorablement la réclamation que j'ai eu l'honneur de leur présenter en septembre dernier, et que j'ai appuyée d'une consultation signée par l'un de nos plus célèbres légistes, M. Crémieux, pour qu'elle introduise dans cette loi, par forme d'amendement, que c'est en vertu de l'art. 1. de la Charte de 1830, que toute personne née libre aux Colonies jouit des droits civils et politiques. La reconnaissance de ce droit dérivant de la Charte, se trouve

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rait ainsi consacrée dans la loi elle-même, comme elle l'est dans l'exposé des motifs. MM. les Députés sentiront qu'ils ne sauracint donner aux hommes de couleur

trop de ranties pour la conservation de ces droits qui leur ont été reconnus et retirés tour à tour, mais qui ne pourraient plus leur être légalement contestés, alors qu'ils découleraient de l'art. 1. de la Charte.

Les patronnés ou libres de Savane ont aussi des droits réels à la bienveillance du Gouvernement et de la Chambre, et ce serait mal comprendre les intérêts généraux des Colonies, que de les laisser en dehors des améliorations actuelles. La première Commission de législation coloniale les avait assimilés aux libres de naissance pour les droits civils et politiques dans la loi sur l'état des personnes (voir la proposition de l'honorable M. de Tracy); mais la nouvelle Commission les a déshérités du bénéfice de cette loi, et a renvoyé à statuer plus tard sur leur sort. Rien de plus impolitique. Les patronnés sont libres de fait, et ne peuvent plus être remis en esclavage; inutile, dès-lors, de les retenir dans cet état intermédiaire, sans profit pour la Colonie, et si essentiellement contraire à sa tranquillité. Les patronnés sont, a dit M. le Mi

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nistre, au nombre de plusieurs mille eh bien! je tire de leur nombre même une raison péremptoire pour qu'on s'en fasse des auxiliaires, et non des ennemis,

Je crois en avoir dit assez pour que la Chambre se pénètre bien de la nécessité d'un amendement en faveur des patronnés, qui les placerait dans la catégorie des affranchis.

CONSIDERATIONS SUR L'ÉTAT ACTUEL
DES COLONIES.

Les Colonies sont aujourd'hui, ainsi que le reconnaissent tous les observateurs impartiaux, dans une situation qui offre beaucoup d'analogie avec celle où se trouvait la France en 89.

Ici la noblesse, le clergé et le tiers-état formaient trois classes distinctes avec des inté rêts différens.

Aux colonies, les blancs, les hommes de couleur et les esclaves forment également trois classes avec des intérêts divers.

En laissant de côté les esclaves, dont le Gouvernement promet de s'occuper bientôt, il n'est personne qui ne convienne, et telle est ma conviction profonde, qu'il est ur

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gent de réunir ces deux classes libres dans un même esprit, dans un même intérêt. Or, que faut-il faire? La réponse est facile : Faisons pour les Colonies ce qu'on fit pour la France en 89.

Qui composa les états-généraux et l'assemblée constituante? La noblesse, le clergé et le tiers-état. Pourquoi? Pour réunir ces divers intérêts dans un intérêt commun. Eh bien! suivons la même marche pour les Colonies, mais profitons du moins des leçons de l'expérience; atteignons le but, en évitant les écueils; ces écueils, ce sont LES LUTTES DE CASTES; elles ont ensanglanté la France et causé la ruine de Saint-Domingue!

Le cens électoral et celui d'éligibilité portés au chiffre exorbitant de 400 et de 800 fr. ont été adoptés sur les pressantes réclamations des délégués des blancs, qui ont feint de craindre qu'avec un cens moins élevé, les colléges électoraux ne fussent envahis par les hommes de couleur, et que le pouvoir ne · passât en leurs mains. Cette crainte, d'ailleurs, ne serait nullement fondée, si, comme l'assurent les délégués eux-mêmes, les deux classes se balancent. Dans tous les cas, on pourrait, par un moyen bien simple, faire cesser toute inquiétude. Que la Chambre fixe

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