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CHAPITRE XI.

RÉSUMÉ ET CONCLUSION.

Cette discussion, malgré son étendue, n'aura pas été trop longue si elle peut mettre fin à une polémique qui, entre autres inconvéniens, tient depuis un temps infini dans l'anxiété les populations du littoral. On doit, ce semble, l'espérer, parce qu'elle a mis de plus en plus en lumière des faits, des principes qui n'étaient peut-être pas assez nettement connus hors des localités maritimes, pour avoir été tout d'abord bien appréciés.

Désormais le doute ne sera plus possible sur ces points essentiels : Aucun service, régi par le système général de comptabilité, n'offre à un plus haut degré que l'Établissement des Invalides les garanties de la publicité.

Au lieu d'éluder aucuns contrôles, l'Établissement des Invalides les a spontanément multipliés. Il facilite à tous les contrôles, sans exception, les moyens de s'exercer respectivement dans leur sphère légale.

Ses caisses sont restées passibles des vérifications par les inspecteurs des finances; elles sont assujéties en outre aux vérifications mensuelles et aux vérifications inopinées, faites tant par les commissaires des classes que par les agens de l'inspection de la Marine.

D'un côté, le mode d'écritures contradictoirement tenues par les

Administrateurs et par les Comptables; de l'autre, la centralisation de la comptabilité et la rédaction d'un compte général embrassant l'ensemble du service, assurent à la Caisse les plus fortes garanties qu'il semble possible d'obtenir en matière de comptabilité publique.

Dans tous les temps les frais de trésorerie ont été moindres avec le régime spécial, et l'augmentation des frais de cette nature serait la conséquence inévitable de tout système qui tendrait à modifier l'Établissement.

Impossible de reprocher à la Caisse des Invalides aucune stagnation de capitaux ;

Ni le danger imaginaire d'une faculté de subite réalisation, puisque toutes ses rentes sont immobilisées.

Les spécialités se concilient avec les formes constitutionnelles ; les faits, quant à l'Établissement des Invalides, viennent au soutien de cette opinion, tant en Angleterre qu'en France.

Au fond, si l'on met à part un subside indirect (3 pour cent sur le matériel), dont le produit a toujours été de beaucoup inférieur à la masse des pensions payées à la décharge du Trésor, aucune des ressources de la Caisse des Invalides ne peut être considérée comme un sacrifice du Trésor et ne porte le caractère de revenu public; c'est une pure Caisse de retenues et de tontine. Elleest à ce titre, dans toutes ses parties, la propriété des hommes de mer.

Commune à tous, cette propriété a une affectation spéciale qui est de servir les pensions et de distribuer les secours aux deux Marines, celle de l'État, celle du commerce. C'est un lien entre deux élémens qui doivent demeurer inséparables; c'en est un pour attacher au sol une classe d'hommes qui trouveraient à l'étranger des salaires plus élevés; hommes laborieux, intrépides, qui concourent alternativement à la défense comme à la gloire du pays, et au développement de la richesse nationale.

Sous le point de vue moral et administratif, l'institution des Invalides présente le tableau d'une association dans laquelle tous les hommes de mer versent sur le prix du travail et du dévouement, pendant l'âge de l'activité, la mise qui permet de leur assurer au

temps de leur vieillesse des pensions et des secours, sans aucune charge pour le pays.

Individuellenient, cette mise est loin de représenter la dépense occasionée pour chacun de ceux qui parviennent à obtenir la pension. Mais elle se bonifie de tous les résultats de la tontine. Elle s'accroît surtout par les soins constans, par les communs efforts qui font fructifier certaines éventualités accidentellement trèsproductives. Dans ce système où l'intérêt de chacun est l'intérêt de tous, où le présent soutient le passé et garantit l'avenir, il y a un véhicule, il y a des principes de fécondité et de moralité que vainement on chercherait dans toute autre combinaison.

Les résultats en déposent, puisqu'après un siècle et demi d'existence, et malgré toutes les vicissitudes, les désastres qui ont marqué cette longue période, l'Établissement des Invalides acquitte aujourd'hui pour sept millions environ de pensions et de secours dont la majeure partie ne pourrait sans cela que retomber à la charge de l'État : car la plupart de ces pensions ont été accordées. pour blessures ou pour services sur les bâtimens de la flotte.

Loin donc de combattre la spécialité des Invalides, peut-être serait-il à propos dans un temps où le fardeau des pensions est présenté comme si pesant pour les contribuables, d'examiner jusqu'à quel point on pourrait créer, dans les différens services publics, des moyens appropriés à chacun d'eux et qui leur permettraient d'assurer eux-mêmes la rémunération du passé. Par là, au lieu de se trouver comme désintéressé dans cette partie de la dépense qui envahit le Trésor sans que le Trésor ait aucun moyen de se défendre, chaque service s'en occuperait avec sollicitude. D'une part, il saurait féconder telles ressources qui sont stériles pour le Trésor; et de l'autre, il s'efforcerait de limiter les concessions. de pensions nouvelles, de manière à tout pondérer.

Les contribuables ne pourraient, ce semble, qu'y gagner, lors même que, dans des circonstances extraordinaires et rares, les chambres sous les yeux desquelles cette partie du service serait mise tous les ans, reconnaîtraient la justice et la nécessité d'accorder quelques subsides temporaires.

La commission supérieure des Invalides terminera par un mot sur l'article 26 de la loi du 18 avril 1831, qui est cité au cabier comme ayant pour ainsi dire imposé le devoir derevenir sur la spécialité des Invalides. Au moment où cet article* a été voté, l'Établissement faisait l'objet d'une enquête parlementaire et administrative qui a été terminée en 1832; la commission d'enquête ** s'est prononcée pour le maintien intégral de la spécialité des Invalides. Il en a été de même de la commission de finances de la Chambre des Députés. Enfin, cette Chambre a sanctionné le double avis de ces commissions dans la séance du 28 mars 1832. La réserve éventuelle consignée dans la loi intervenue l'année d'auparavant, par là, se trouve avoir été complétement épuisée. Cette explication, en éclairant les faits, suffira pour prévenir le retour d'aucune erreur à ce sujet.

Paris, le 25 février 1833.

Baron PORTAL, vice-président, comte JACOB, GAUTIER (de la Gironde), comte Alexandre DE LA BORDE, BESLAY père, Henri BARBET, LACOUDRA1s, secrétaire.

* En voici le texte : Les pensions de l'armée de mer sont personnelles et viagères; elles sont payables sur la Caisse des Invalides sans rien préjuger sur ce qui pourra étre ultérieurement déterminé relativement à l'administration de cette Caisse.

** Cette commission était composée de MM. l'amiral de Rigny, président : le vicomte Lainé, le baron Portal, pairs de France; Dupin aîné, Beslay père, Viennet, Humann, Odier, Estancelin, députés; Jacob, vice-amiral, membre du Conseil d'amirauté; Boursaint, conseiller d'État, membre du Conseil d'amirauté ; de Gascq, président à la Cour des Comptes; Lacoudrais, commissaire principal de la Marine, rapporteur.

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Entre la surveillance qui est exercée sur les agens de la Caisse des Invalides, et celle qui peut l'étre sur les agens du Trésor.

On a souvent, dans la défense de la Caisse des Invalides de la Marine, fait ressortir la supériorité du système de vérification pár écritures contradictoires sur le système ordinaire, dont la base est la vérification de la caisse du comptable par ses seules écritures. Quelque claire que soit cette distinction, il est quelques esprits pour lesquels les faits suivans peuvent la rendre plus évidente.

M. J..... remplissait à la fois, dans la ville de Redon, les fonctions de percepteur et celles de préposé du trésorier des Invalides de la Marine à Nantes; le 8 juillet 1832 des bruits défavorables se répandirent, et donnèrent lieu à une double vérification de la caisse.

La caisse de percepteur fut vérifiée par le receveur particulier;

La caisse de préposé fut vérifiée par le commissaire des classes du quartier.

Un double déficit fut constaté, et la justice criminelle fut saisie. Les investigations durent naturellement se porter sur l'origine du déficit, et sur sa quotité.

En ce qui touche l'origine, le commissaire des classes, et le trésorier des Invalides à Nantes accouru sur les lieux, purent répondre à l'instant même que le déficit existant dans la Caisse des Invalides ne pouvait remonter à une date antérieure au 30 juin, époque de la dernière

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