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religieux sera désormais et inévitablement en butte. Au point de vue religieux, Votre Majesté est bien pénétrée de la haute importance qui s'attache à la stabilité du culte catholique, notre religion du plus grand nombre, et je suis persuadé qu'en insistant près d'Elle sur la nécessité absolue de conserver intacte et respectée l'autorité temporelle du Saint-Père, je prêche un converti.

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Au sens moral, inutile de s'arrêter sur les opérations matérielles dont la parfaite convenance, au point de vue, de l'utilité pratique, hygiénique, même de la morale populaire, saute aux yeux de tous, pourvu que ces yeux ne soient pas fascinés de prévention; - au sens moral, Votre Majesté poursuit, avec une rare persévérance, le développement des idées saines appelées à régénérer, autant que le permettent les temps et les circonstances, autant que le comportent ses mœurs, un peuple si avancé dans la civilisation qu'il atteint la ligne imperceptible, séparant d'une couleur indécise la civilisation de la corruption.

A cet effet, Votre Majesté ne refuse à aucun des membres du clergé, de l'instruction publique, de tous les dispensateurs de la morale religieuse et civile, l'appui de son autorité, le secours de sa protection.

Ce n'est pas la faute de Votre Majesté, si le malheur attaché à cette époque ne Lui permet pas de faire plus et mieux.

Cependant Votre Majesté jette en terrain bien préparé et amendé, de précieuses semences qui, un jour ou l'autre, il n'en faut pas désespérer, vont engendrer leurs plantes et porter leurs fruits.

Adaptées à la politique, ces causes fécondes que soutient la main ferme et bienveillante de Votre Majesté, produiront à la longue les effets qu'elle a voulus.

A ce propos, je réclame encore une fois, de Votre Majesté, la licence de lui exposer certains aperçus qui,

pour suivre mon thême, garderont peut-être quelque senteur de nouveauté.

Du jour où Votre Majesté comprit la nécessité de faire du nouveau et du bien fait, Elle se résigna sans plus d'hésitation, à sortir des sentiers battus.

Votre Majesté a répudié, de son plein gré et sans nul effort, les rigueurs, les colères, les vengeances qui caractérisaient les âges de barbarie dont nous sommes heureusement sortis. Notre âge a cela de bon, du moins, qu'il adoucit les mœurs sans amollir les courages; les triomphes récents de l'armée française en font foi.

Mais une loi fatale de cette perfectibilité que la philosophie des nations poursuit, ainsi qu'une chimère, sans l'atteindre jamais; cette loi semble vouloir, qu'au mal déraciné succèdent d'autres maux non moins pernicieux. De telle sorte que la compensation soit à grand' peine obtenue. Nous en signalerons un exemple, entre mille, dans les rapports des peuples avec leurs souverains.

Votre Majesté a, contre sa politique, un très-grand nombre d'adversaires, je ne veux pas dire d'ennemis. C'est un fait incontestable.

Un autre fait qui ne l'est pas moins, c'est que, parmi ces adversaires, figurent, à côté des méchants incorrigibles, une foule d'honnêtes gens, de gens de bien.

Voilà une situation à laquelle il est urgent d'appliquer les meilleurs topiques, afin de la modifier profondément. Comment procéder à cette cure difficile, mais non pas impossible, j'en ai l'intime conviction?

Sera-ce en provoquant les délations, en prêtant l'oreille aux accusations, souvent empreintes de calomnie, en ouvrant, comme à Venise, cette bouche avide de rapports haineux, perfides, vindicatifs surtout?

Autres temps, autres soins. Cette façon d'agir, qui a pu réussir à la fameuse république, laquelle n'était, après

tout, qu'une orgueilleuse oligarchie, ne serait plus accepje parle des personnes

tée aujourd'hui de personne,

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Sans doute, il importe d'étudier soigneusement, sans passion, sans détermination préconçue, le terrain miné par le feu des volcans révolutionnaires sur lequel nous marchons. L'action de la police, d'une police avisée, prudente, impartiale, se fait à peine sentir, bien qu'elle s'applique, avec un zèle infatigable, à sonder les plaies béantes et celles qui demeurent cachées. La perspicacité des officiers dont se compose actuellement la police supérieure de Votre Majesté sait résoudre ce problème compliqué et d'une nature fort délicate; elle reçoit de Votre Majesté l'injonction formelle de lui présenter la vérité toute nue, sans parure ni ornements toujours menteurs; telle enfin qu'on la dit habiter au fond de son puits.

Le diagnostic est et sera éternellement le premier, à peu près le seul flambeau, qui éclaire et guide, dans sa marche incertaine, le médecin praticien.

Afin d'appliquer plus sûrement le remède, je propose les moyens doux, parfaitement compatibles, selon moi, avec la fermeté quelquefois rigoureuse que commandent aux gouvernants, comme aux gouvernés, la soumission à la règle, l'accomplissement du devoir, l'exécution de la loi.

On aurait tort de penser que l'obligation, l'habitude d'employer les moyens énergiques, héroïques si l'on veut, implique toujours chez ceux qui en sont chargés une sorte de dureté de cœur, d'insensibilité froide, ordinairement reprochées aux princes de la politique comme aux princes de la science et de l'art.

Je connais un chirurgien célèbre, merveilleusement doué des qualités de la main, de l'esprit, du jugement, le tout chauffé au foyer d'une âme aimante qui sait compatir

aux maux qu'il veut soulager, charitable en un mot, — arrivons au mot propre; - cette nature privilégiée garde la faculté tout à fait exceptionnelle de conduire à bonnes fins, sans dévier d'une ligne, l'opération la plus difficile, la plus douloureuse, tout en souffrant du mal qu'il fait, profondément ému des angoisses qu'il cause.

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Cet homme de bien au premier chef, aussi modeste qu'habile, savant et bon, encore le mot propre, sait rien emprunter au charlatanisme et n'a jamais fait un pas, que je sache, en dehors de son mérite intrinsèque pour gagner le premier plan.

S'il était ignoré, oublié de Votre Majesté, je le lui dénoncerais volontiers.

Car Votre Majesté procède, sur une bien plus vaste échelle, exactement de la même façon.

Ainsi, au lieu de sévir par une action plus ou moins acerbe, le gouvernement de Votre Majesté doit s'étudier à une seule chose, à lui gagner l'estime, l'affection, et bientôt le dévouement, la fidélité de ceux qui lui furent opposés.

Les honnêtes gens, les gens de bien, peuvent être, à très-peu d'exceptions près, ramenés par de bons procédés à la sympathie des actes et de la personne de Votre Majesté. Il faut leur témoigner une certaine confiance dont ils n'abuseront pas, ayant généralement le cœur noble et haut placé. Traités avec un mélange de bonté et de justice assaisonné de quelques faveurs méritées, ils subiront peu peu, et quelquefois malgré eux, l'espèce de charme attrayant que Votre Majesté sait exercer sur tous ceux qui l'approchent. Plusieurs de ces hommes sont susceptibles de reconnaissance, cette vertu pourtant si rare, dont le bienfaiteur ne cueille guère, que par exception, le fruit

à

savoureux.

Pour Votre Majesté, l'exception deviendra la règle.

Oh! alors, Elle se trouve largement payée de ses soins et de sa peine; un tel résultat, comme par une heureuse transfusion, lui rajeunit le sang.

S'il est indispensable à Votre Majesté de conquérir des partisans dévoués, il ne l'est pas moins de garder, comme fait l'avare son trésor, ceux qui se sont ralliés pour un motif honorable en vue du bien général, ou, du moins, ne se montrent hostiles en aucune façon. Ceux-là n'ont point de parti pris contre le gouvernement de Votre Majesté; ils inclinent même, en plus d'une occasion, vers le pouvoir, et sont disposés à l'appuyer,

Ces hommes dont l'honneur, la loyauté, l'amour du bien public sont les seuls mobiles, qui ne se laissent détourner de leur but toujours louable par aucune considération d'intérêt privé, de cupidité égoïste; ces hommes de bien par excellence, sont très-précieux à conserver. Il est prudent autant que juste de les corroborer dans leur foi politique et religieuse, en les attirant doucement, par un peu de coquetterie avouable, vers les eaux de Votre Majesté, où ils devront définitivement clouer leur pavillon.

A ce propos, je demande humblement à Votre Majesté, la permission de lui citer un fait opposé, dans son esprit et dans son issue, à la thèse que je soutiens; un seul fait que je trouve très-regrettable:

Assistant l'automne dernier, à une réunion d'enfants et de tout jeunes gens, présidée par M. Cochin, je fus émerveillé et profondément touché de l'allocution simple, autant qu'incisive, que leur adressa le digne président, avec un naturel et une cordialité parfaitement à la portée de son auditoire; mais aussi à l'adresse des intelligences plus cultivées.

Il fit l'éloge de la bonté.

Jamais, que je sache, aucun orateur ancien ou moderne,

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