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carpées; le lit est rempli d'eau et d'une fange profonde qui le rendent très-difficile à passer pour l'infanterie, et impraticable à la cavalerie et aux chariots.

C'était entre ces deux ponts que l'ennemi avait coupé la route et établi les deux pièces qui, la veille au soir, avaient fait feu sur nos éclaireurs. A très-peu de distance de ce dernier pont, la chaussée se bifurque, et l'on a devant soi deux routes à peu près également bonnes qui conduisent à Ancône.

La première, celle que suit la poste, dite d'Osimo, remonte la vallée du Musone, laisse à droite Castelfidardo et s'élève en pente douce sur les collines. La seconde, dite de Camerano, monte les premières pentes du mamelon, au sommet duquel est Castelfidardo, laisse ce village à 2,000 mètres sur la gauche, traverse le hameau des Crocette, descend dans la vallée de l'Aspio qu'elle passe sur un pont en pierres, gravit la haute colline de Camerano qu'elle traverse, et continue directement sur Ancône.

Le petit affluent du Musone, sur lequel l'ennemi avait placé les grandes gardes avec deux pièces de canon, était fortement occupé par ses tirailleurs. En arrière, à un kilomètre, 8 pièces de canon appuyées de deux régiments de cavalerie soutenaient cette avant-garde. Les pentes de la colline de Castelfidardo étaient occupées par de l'infanterie masquée par les arbres et les chemins creux; le village même était garni de troupes, dont on ne pouvait bien juger le nombre; mais l'armée piémontaise ayant jusque-là manœuvré par divisions réunies, je jugeais qu'il devait y avoir là une division. Les rapports des habitants étaient aussi conformes à cette opinion.

Dans l'après-midi, une colonne d'infanterie de 3 bataillons descendit de Castelfidardo. Il y eut une sorte d'alerte sur toute la ligne, qui nous fit croire à une attaque, et les gens du pays vinrent nous dire qu'une division ennemie, signalée la veille à Osimo, descendait dans la plaine du Musone et marchait sur Recanati pour nous attaquer par la route qui de cette ville se dirige sur Lorète. La cavalerie avait quitté sa position du matin et marché de ce côté.

J'aperçus bientôt en effet dans la vallée, environ à une lieue et demie au-dessus de nous, une très-forte ligne de bataille en arrière du pont de la route d'Osimo à Recanati, et presque en

même temps je découvris la tête de colonne du général Pimodan, à 3 lieues en arrière de nous, sur la route que nous avions suivie la veille. Le mouvement que j'avais remarqué dans l'ennemi ne continuait pas.

D'après les renseignements, une force considérable d'artillerie et d'infanterie occupait Camerano; comme presque tous les villages entre Castelfidardo, Osimo et Camerano avaient reçu des troupes, je jugeai que je devais avoir devant moi 3 divisions d'infanterie.

Le général de Pimodan arriva peu avant la nuit; je profitai du reste du jour pour lui indiquer les positions de l'ennemi, lui donner les ordres pour les distributions dont nous étions obligés de nous occuper nous-mêmes, faute d'une organisation suffisante du service de l'intendance, et je lui fis part des dispositions que j'avais arrêtées pour le lendemain; car il fallait attaquer sans compter ce que nous avions devant nous.

Une lettre du colonel de Gaddy, commandant supérieur d'Ancône, apportée par un habitant du pays, m'annonçait qu'une flotte composée de onze bâtiments de guerre était passée dans la matinée devant Ancône pour aller mouiller en face de Senigaglia; il ajoutait que les partisans des Piémontais, dont toutes les nouvelles s'étaient vérifiées jusque-là, annonçaient que le bombardement d'Ancône commencerait le lendemain. Ce bruit n'était que trop fondé.

Pour aller à Ancône, essayer de passer par la route d'Osimo, ou par celle de Camerano, était également impossible; car il fallait avant tout franchir les deux ponts du Musone et du Vallato, opération qui m'aurait coûté beaucoup de monde; si je choisissais celle d'Osimo, je me rapprochais du centre de l'ennemi qui enveloppait Ancône depuis l'embouchure de l'Esino jusqu'au près de celle du Musone; et si j'eusse battu l'ennemi en rase campagne, ce qui était peu probable, la ville d'Osimo, entourée de murs et située sur un mamelon fort élevé, aurait opposé à ma petite troupe une résistance qu'elle n'aurait pas pu vaincre.

Si je prenais celle de Camerano, je devais, comme pour arriver à Osimo, enlever les deux ponts dont on vient de parler, chasser l'ennemi de Castelfidardo pour gagner les Crocette, opération

fort difficile, traverser deux fois l'Aspio dont les ponts pouvaient être coupés et seraient sûrement défendus, enfin m'emparer de Camerano, ville entourée de murs et situé sur un mamelon escarpé.

Dans un cas comme dans l'autre, pendant que j'attaquerais des positions fortifiées par la nature et défendues par des troupes de toutes armes, d'un effectif très-supérieur à celui dont je dispo sais, j'avais à craindre d'être tourné par une grosse troupe que l'ennemi pouvait aisément détacher, et me trouver réduit à capituler en rase campagne.

Il me parut donc que la seule chance qui me restait pour rejoindre Ancône était de me diriger sur cette ville par la route dite du mont d'Ancône.

Cette route s'embranche sur celle de Lorète à Porto di Recanati, se dirige sur un gué du Musone, situé un peu au-dessous du confluent de l'Aspio, va gagner Umana, passe à Sirolo, Massignano, Poggio, laisse Camerano à 3,000 mètres environ sur la gauche, et de là conduit à Ancône par le littoral.

De Lorète jusqu'auprès du gué du Musone, la route est bonne et empierrée. A partir du gué jusqu'à Umana, il existe une lacune d'environ 3,000 mètres, et l'on est obligé de suivre des chemins ruraux qui ne sont pas praticables en toute saison; puis on retombe sur une voie qui des Crocette mène à Umana, point à partir duquel la route est empierrée jusqu'à Ancône sur une longueur de quatre lieues et demic.

L'ennemi n'occupait point cette route. Quelques éclaireurs seulement avaient été vus dans la journée vers Umana par les habitants du pays et par des officiers placés en observation avec des longues vues; mais ces faibles détachements s'étaient retirés à la nuit tombante.

En suivant cette direction, j'attaquais l'extrémité de l'aile gauche ennemie ; je m'appuyais ou à la mer ou aux terrains impraticables de la montagne ; et si quelques difficultés de la route m'obligeaient à abandonner une partie de mes bagages, c'était pour moi un minime inconvénient dans la situation où je me trouvais. Je résolus donc de m'y engager, et j'arrêtai mon plan pour le combat et pour la marche.

Ainsi qu'on l'a vu plus haut, l'ennemi occupait fortement dès

le 17 les collines qui descendent du mamelon de Castelfidardo

TIMBRE

vers la plaine et s'étendent jusqu'à 4 ou 500 mètres du Musone. Le 18 au matin, ces forces me parurent encore renforcées sur ce point. Un fort détachement était placé dans une ferme située à mi-côte, et une force que j'estimais à deux bataillons au moins, tenait une deuxième ferme située à 5 ou 600 mètres en arrière, sur le haut d'un mamelon qui forme le couronnement de cette première position; un bois situé près de cette ferme était aussi occupé, et une nombreuse artillerie battait les pentes de tous côtés. Vis-à-vis de la première ferme, se trouve un gué du Musone, praticable pour l'artillerie, auquel conduisait une route en bon état d'entretien et de l'autre côté duquel est un bon chemin rural qui va rejoindre la route des Crocette à Umana.

Les berges de la rivière, quoiqu'élevées, ont des rampes assez faciles; le fond du gué est de gravier et la hauteur de l'eau ne dépassait pas 3 ou 4 pouces. L'ennemi étant muni d'artillerie rayée dont nous manquions, et cette position avancée qu'il occupait n'étant qu'à 2,200 mètres environ du gué placé au confluent de l'Aspio et du Musone par lequel devait passer mon convoi, je devais nécessairement enlever les deux fermes dont il s'agit et m'y maintenir le plus longtemps que je pourrais.

Le général de Pimodan reçut donc l'ordre de se diriger sur ces positions, de franchir la rivière, d'enlever la première ferme, d'y faire monter de l'artillerie pour battre la deuxième et le bois qui l'avoisine, après quoi il les ferait attaquer.

Il disposait pour cette opération des 4 bataillons et demi de sa brigade, de 8 pièces de 6 et de 4 obusiers aux ordres du colonel Blumensthil; les 100 Irlandais amenés de Spolète, avaient été mis à la disposition de l'artillerie pour l'aider à franchir le gué, gravir les pentes des collines et lui servir au besoin de protection. Enfin cette colonne était renforcée de 250 chevaux formés des chevau-légers, de 2 escadrons de dragons et des volontaires à cheval, le tout aux ordres du major Odes. calchi. Cette cavalerie qui en partant marchait derrière la colonne, devait se porter sur son flanc droit, où le terrain était plus découvert. Je gardais en réserve les 4 bataillons formant le reste de nos forces et une partie de l'escadron de gendarmes à cheval, dont l'autre partie marchait avec nos réserves d'artillerie et les bagages.

Cette colonne sortait de Lorète par une route débouchant dans celle qu'avait suivie le général de Pimodan; elle devait ensuite prendre plus à droite vers le gué du confluent de l'Aspio pour servir à la fois de seconde ligne et d'escorte au convoi qui, conduit par M. de Térouane, volontaire à cheval, devait être dirigé directement sur le gué dont je viens de parler, en prenant un chemin rural plus éloigné de l'ennemi.

La première colonne se mit en marche à huit heures et demie, et la seconde à neuf heures. L'ennemi n'occupait point la rive droite du Musone; quelques bersaglieri embusqués dans un petit bois et dans un champ de roseaux près du gué firent feu sur les tirailleurs des carabiniers suisses qui formaient la tête de colonne; ceux-ci passèrent rapidement la rivière et se reformèrent derrière une digue qui borde la rive gauche.

Pendant que nos premières pièces d'artillerie traversaient la rivière, le 1 bataillon de chasseurs et les tirailleurs francobelges suivirent les carabiniers; ces trois bataillons se formèrent en trois petites colonnes derrière la digue, sous les ordres du brave colonel Corbucci.

Dès que les premières pièces eurent franchi le gué, le général de Pimodan donna ordre aux carabiniers de s'emparer de la première ferme, et au 1 chasseurs ainsi qu'aux tirailleurs, de les appuyer.

Dans cette attaque, le commandant du 1er chasseurs ayant montré la plus déplorable faiblesse, le général de Pimodan fut obligé de donner le commandement de ce bataillon à l'adjudantmajor Azzanesi, qui déploya pendant toute l'affaire autant d'intelligence que de bravoure.

Pendant que les voitures d'artillerie s'engageaient dans le gué, les deux derniers bataillons de la colonne du 2° chasseurs et du 2 bersaglieri s'étaient massés dans les jardins derrière un champ de roseaux. Quelques balles de l'ennemi arrivèrent sur le 2o chasseurs, et le major eut la malheureuse idée de déployer une compagnie en tirailleurs dans les roseaux ; cette compagnie se mit à tirer devant elle dans la direction d'où venaient les balles, et les siennes allèrent tomber naturellement dans nos bataillons d'attaque. Le général de Pimodan fut obligé d'envoyer ses officiers pour faire cesser ce feu, qui nous avait blessé un homme.

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