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par un corps administratif, municipal, électoral ou judiciaire. Puisque nous nous occupons de la constitution de la nouvelle Commune, nous dirons de suite que Lhuillier fut élu, le 5, procureur-syndic du département de Paris. Le 12, Chaumette fut nommé à une majorité de 5,089 voix sur 7,485 votans, procureur de la Commune, et les citoyens Réal et Hébert ses substituts.

Chaumette, lors de son installation, adressa une assez singulière allocution à l'assemblée; elle mérite d'être recueillie. ‹ Je m'appelais autrefois, dit-il, Pierre-Gaspard Chaumette, parce que mon parain croyait aux saints. Depuis la révolution, j'ai pris le nom d'un saint qui a été pendu pour ses principes républicains. C'est pourquoi je m'appelle aujourd'hui Anaxogoras Chaumette (Moniteur.)

Le 5, le conseil-général rendit l'arrêté suivant : « Le conseil, considérant qu'il est de son devoir d'arrêter toute espèce d'actes arbitraires, qu'il importe à la tranquillité publique, au maintien de la liberté individuelle, de donner la plus grande publicité aux arrestations et détentions, le substitut du procureur de la Commune entendu (c'était Chaumette), arrête : 1° Que dorénavant les geôliers et concierges des prisons, maisons d'arrêt et de justice, seront tenus d'envoyer, tous les jours, sous leur responsabilité, les noms, âge, demeure et qualité des prisonniers confiés à leur garde, ensemble la date du jour et les motifs de leur arrestation, les noms des fonctionnaires publics qui auront donné l'ordre d'arrestation; 2° que ce détail sera rendu public tous les jours, et affiché dans le lieu ordinaire des séances du conseil-général; 3o qu'il sera de même fait mention de la sortie desdits détenus; 4° qu'il sera tenu un registre exact des entrées et des sorties des prisons. ›

Cet arrêté fut exécuté. Nous choisissons au hasard un de ces tableaux et nous en citons les totaux. Le 13 décembre il y avait à Sainte-Pélagie vingt-un hommes et huit femmes; à la Conciergerie, deux cents quatre hommes et soixante-une femmes; à l'Hôtel de la Force, soixante-quinze prisonniers; à la Petite

Force, trente-sept femmes; à l'Abbaye, vingt-quatre prisonniers. Ce fut là que furent détenus les sieurs d'Espagnac, Malus, Delaunay, Vincent, commissaires ordonnateurs des guerres, dont nous dirons bientôt quelques mots; ils venaient, d'être mis en liberté par ordre de la Convention, après avoir été arrêtés sur son commandement. Leur sortie est constatée sur l'état que nous citons; mais revenons aux travaux de la Commune.

Le même jour 5, il y eut une longue discussion sur les subsistances, dont le résultat fut de nommer une commission chargée de rechercher les causes de la disette prétendue. En effet, la Commune était mise en demeure de s'occuper de cette question. Le jour même il y avait eu à cette occasion du mouvement dans Paris. La section de Bon-Conseil effrayée d'un rapport qui lui disait qu'il n'y avait que trois mille sacs d'approvisionnement, avait fait battre le rappel pour rassembler ses membres. Elle avait rédigé une adresse aux quarante-sept sections, et le mouvement étant donné, le pain fut rapidement enlevé chez les boulargers dans le quartier Saint-Denis, des rassemblemens se formèrent. Bientôt les députations des divers quartiers de la ville se succédèrent chez Roland; celui-ci trouva cependant le moyen de les rassurer, et envoya à la Convention un état des approvisionnemens, dont la publication ramena le calme. La Commune ellemême fit afficher un état de situation d'où il résultait que trentecinq mille sept cents cinquante sacs, suffisant à la consommation de près d'un mois, étaient à sa disposition.

Le 7, Chambon fut accusé dans le conseil-général d'avoir porté le drapeau rouge au Champ-de-Mars. Chambon prouva que le fait était faux; telle est la simple énonciation contenue dans le procès-verbal. Le 10 décembre, le conseil invita tous les citoyens à illuminer pendant tout le temps que durerait le procès de Louis XVI. Le 11, il décréta d'arrestation le citoyen Higonnet, accusé d'avoir insulté Santerre, le jour où le roi fut conduit à la Convention.

Le 14 décembre, la Convention occupa sa séance, presque entière, à résoudre des questions que l'inexpérience ou la hardiesse

de la nouvelle Commune avait soulevées. Nous inscrivons ici cette

séance, parce qu'elle contient en cutre des propositions relatives à la police des tribunes de l'assemblée, propositions dont nous n'aurions point ailleurs occasion de parler.

CONVENTION NATIONALE. SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE.

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Manuel. Je demande à faire une motion d'ordre. La Convention désirerait sans doute que le lieu de ses séances fût assez vaste pour contenir tous les citoyens de la République ; sans doute tous les membres de cette assemblée voudraient se voir environnés de tous leurs commettans; ils voudraient travailler avec eux. Plusieurs citoyens de Paris et des départemens se plaignent de ne pouvoir entrer dans le temple de la liberté. Un grand nombre de citoyens n'ont pas le temps de venir attendre long-temps d'avance l'ouverture des portes de la salle, et ne peuvent par conséquent jamais assister à vos séances, parce que les tribunes sont toujours remplies par des citoyens qui ont du temps à perdre. Il me semble de toute justice que la porte des tribunes soit ouverte à tous les citoyens des départemens comme à ceux de Paris. Voici en conséquence le projet de décret que je propose.

1o Les commissaires inspecteurs de la salle feront passer tous les jours, dans six sections de Paris successivement, un nombre égal de billets, pour être distribués aux citoyens de ces sections, inscrits sur une liste affichée dans l'assemblée générale de la section.

2o Le même nombre de billets sera donné à six députations des départemens, par ordre alphabétique.

Certes, ce projet ne peut être justement combattu. Je demande s'il est un citoyen dans cette assemblée et dans les tribunes qui puisse prétendre que le droit d'occuper les tribunes doive être attribué à un certain nombre de citoyens exclusivement; s'il en est un qui puisse s'opposer à ce que tous les citoyens aient la faculté d'assister successivement à ses travaux. Plus on nous verra, plus on nous respectera; car je sais que la Convention obtjendra toujours du peuple le respect que réclame la majesté na

tionale; et si ce respect ne peut être obtenu, je déclare que je ne resterai pas au poste que j'occupe. Je vais relire mon projet de décret.

Manuel relit le premier article. Il est interrompu par quelques murmures.

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Thuriol, avec vivacité. Je demande à relever les erreurs de Manuel. (Les tribunes applaudissent.) Si le projet de Manuel avait pour base la justice et l'égalité, je serais loin de vouloir l'attaquer; mais c'est parce qu'il blesse tous les principes, que je vais le combattre. Manuel dit qu'il est juste que tous les citoyens aient le droit d'assister à nos séances; mais je soutiens que son projet anéantit ce droit. D'abord, Manuel, dans son projet, semble accorder un privilége à la Commune de Paris. Il propose de donner un certain nombre de billets aux sections de Paris pour les distribuer aux citoyens. Je dis qu'alors il s'élèverà dans les comités de sections une aristocratie particulière. (Nouveaux applaudissemens). En effet, quels sont les citoyens qui obtiendront des billets? ce seront les amis, les parens des membres des comités. D'ailleurs, le même inconvénient que Manuel veut éviter, se reproduira dans les sections. I arrivera que les citoyens qui voudront avoir des billets, seront obligés d'attendre à la porte de leur comité, comme ils attendent à la porte de la Convention pour avoir une place dans les tribunes. Peut-être lorsque la Convention se transportera dans un autre local, trouverons-nous le moyen d'admettre à nos séances les citoyens des départemens. Mais qu'arrivera-t-il si vous donnez des cartes à chaque député, comme le propose Manuel? il arrivera que les amis seulement des députés auront des billets. Si les représentans du peuple n'ont pas été respectés, c'est dans le temps où les riches seuls étaient protégés, et où le pouvoir exécutif remplissait les tribunes d'hommes corrompus. Que résultera-t-il de la mesure proposée? qu'on ne verra dans les tribunes que les lâches apôtres du modérantisme, dans un moment où nous avons besoin d'être appuyés par des hommes du patriotisme le plus énergique.

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Les observations de Thuriot obtiennent des applaudissemens.

On demande que la discussion soit fermée.

Plusieurs membres se lèvent pour faire des amendemens. D'autres demandent un il n'y a lieu à délibérer sur le projet Ce dernier avis est appuyé par Bazire, Duhem, Legendre, et autres membres de l'extrémité de gauche. Ceux de la partie opposée réclament en faveur des citoyens des départemens, l'adoption de la proposition de Manuel, et veulent qu'elle soit mise aux voix par appel nominal.

Legendre. Cette proposition donnerait à un parti dominant la faculté de remplir les tribunes de ses créatures. Je demande qu'on décrète que Manuel a perdu l'esprit.

Quelques applaudissemens s'élèvent dans une extrémité de la salle. Ils sont couverts par les murmures tumultueux de la grande majorité. -Le bruit se prolonge pendant plusieurs

instans.

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Quelques membres demandent le renvoi au comité de législation.

Bourdon-la-Grosnière. On demande le renvoi au comité, pour faire passer le décret dans une matinée où il n'y aura pas de pa

triotes.

Mêmes applaudissemens, mêmes rumeurs. - On entend quelques éclats de rire.

On insiste pour que l'on procède à l'appel nominal.

Un grand nombre de membres du côté droit se précipitent au bureau pour en signer la demande.

Le président se couvre,l e silence se rétablit. - Les membres attroupés au milieu de la salle s'inscrivent pour l'appel nominal. -Le calme règne dans l'assemblée.

Un membre observe que tous veulent l'appel nominal, ce qu'il n'est pas besoin de signer.

Le président. Votre président n'a de force que par la volonté des membres de la Convention; il ne peut prononcer que d'après le vœu de la majorité; c'est avec douleur que je viens de voir un si grand tumulte, lorsque la presque unanimité s'accordait à demander l'appel nominal.

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