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Sur la prière de Marat, le président demanda si cette proposition était appuyée. Personne ne se leva en sa faveur ; aussi futelle délaissée sans même avoir été mise aux voix. Cependant elle méritait quelque attention; les bataillons de volontaires partis uniquement pour repousser l'ennemi, renfermaient plus d'un soldat dont le retour était nécessaire; et ils avaient au moins droit à quelques ménagemens : il y avait, si nous en croyons l'Ami du Peuple, des bataillons de Paris qui étaient réduits à trente-cinq hommes. La guerre et la maladie avaient moissonné le reste. Mais c'est assez sur ce projet. Venons maintenant à l'examen de la situation des armées.

ARMÉE DU RHIN.

Nous avons vu dans quelle position étaient les Français qui, au nombre de trois bataillons, avec deux canóns et vingt coups à tirer par homme, avaient été laissés à Francfort par Custine sous les ordres du général Van-Helden. Ils étaient menacés par l'armée prussienne tout entière.

Le 1er décembre, le général Kalckreuth, après avoir fait une nouvelle sommation, fit avancer ses troupes sur Francfort. Les Français et le peuple de Francfort lui-même sentaient que la défense était impossible. Aussi un bataillon qui était posté à l'entrée du faubourg de Saxenhausen se dispersa aussitôt qu'il vit les Prussiens, chacun cherchant individuellement à atteindre le camp Français. Six cent cinquante-huit hommes réussirent de cette manière à s'échapper et à rejoindre l'armée. Mais la garnison se trouva réduite à environ treize cents hommes.

Vers neuf heures, les Allemands s'approchèrent et le feu commença à la Porte-Neuve. Ils ne pensaient pas qu'ils pussent éprouver la moindre résistance. Cette opinion leur fut funeste. Ils se présentèrent à découvert, et quelque peu élevés que fussent les remparts, ils l'étaient assez pour empêcher une attaque directe et de vive force. L'ennemi fut, du haut des murs, tiré comme à la cible, et il éprouva d'abord une grande perte. Mais dès l'in

stant où les portes eurent été forcées et ouvertes, les chances tournèrent contre la garnison. Déjà les boulets et les obus qui tombaient dans les rues effrayaient les habitans. Un incendie était chose redoutable dans cette ville où toutes les richesses consistent en maisons et en marchandises. Aussi, les juifs et les ouvriers s'étaient attroupés. Bientôt cette multitude se soulève; elle trouble la garnison dans ses arrangemens de défense. On arrête les Français dans les rues; on brise les affûts de leurs canons; on s'oppose à la marche de la réserve. On ouvre les portes aux ennemis, qui entrent furieux d'une perte de plus de trois cents hommes devant de misérables remparts; ils se joignent à la multitude et se mettent à poursuivre dans les rues les soldats français qui sont réduits à se défendre avec leurs baïonnettes, faute de cartouches. Le général Van-Helden songe alors à envoyer un trompette aux ennemis pour demander à capituler; mais il n'était plus temps, ils étaient maîtres de la ville; heureusement les magistrats s'occupent de ramener l'ordre et le calme. Ils font parcourir les différens quartiers par des commissaires, qui, au risque de leur vie, apaisent la fureur des soldats allemands, contiennent les citoyens, donnent refuge aux Français, et s'adressent au roi de Prusse qui venait d'entrer dans la ville. Sur leur demande, ce prince fit cesser la poursuite, la garnison eut quarante-un hommes tués, cent trente-neuf blessés, et onze cent cinquante prisonniers. Cependant, au bruit de l'artillerie, le général Neuwinger avec une avant-garde de sept à huit mille hommes, s'avançait vers Francfort; mais, ayant appris sa reddition, en route, il rétrograda. Les Allemands le suivirent, et une canonnade assez vive s'engagea à Rodelheim. L'avant-garde française profita de la nuit pour passer la Nida et rompre les ponts; elle vint rejoindre le gros de l'armée réunie à Hochst sous les ordres de Custine qui se disait résolu à y attendre l'ennemi. La position en effet était avantageuse; mais dans la nuit du 2 au 3 décembre elle fut évacuée, et les Français se retirèrent sous les murs de Mayence. Le mouvement de Custine fut imité par tous les corps détachés, et entre autres par le colonel Houchard. Cette

opération eut lieu si rapidement que l'ennemi n'atteignit nos colonnes nulle part."

Cependant Custine écrivait au ministre de la guerre et à la • Convention. Ses lettres, rendues publiques, disaient que la défense de Francfort avait été magnifique; elle eût réussi si le général Van-Helden eût eu plus de ténacité, et si le peuple de Francfort ne se fût révolté et ne nous eût indignement trahis. Trois cents Français, ajoutait-il, avaient été massacrés dans les rues, à coups de couteau. Il exagérait les forces ennemies, en disant que les Autrichiens s'étaient réunis à l'armée prussienne, ce qui n'était pas; il exagérait également l'engagement, ou plutôt la canonnade de Rodelheim, disant y avoir pris part, décrivant des manœuvres qui n'avaient pas eu lieu; enfin il assurait que les Prussiens avaient perdu quatre mille deux cents hommes.

Ce dégoûtant tissu de calomnies et de mensonges, selon l'expression de Servan, en imposa à l'opinion publique; les Francforiens furent flétris par les journaux du nom de traîtres; on déclama contre eux à la tribune des Jacobins; on les menaça de la vengeance de la république française. On arrêta, par ordre de la Convention, les députés de Francfort qui étaient à Paris; mais le mensonge était trop grand pour pouvoir en imposer longtemps; on sut combien avait été noble la conduite des magistrats de cette ville; ils adressèrent à Paris les dépositions des blessés et des prisonniers qui avaient été recueillis dans les maisons; ils promirent mille louis à qui administrerait la preuve d'un assassinat. Leurs députés à Paris furent, en conséquence, remis en liberté, mais le préjugé resta dans le public.

Custine, retiré à Mayence, fit renforcer tous les postes de la rive gauche du Rhin, de Bingen à Frenkenthal, et laissa une avant-garde sur la rive droite; ensuite il chercha à se créer des ressources d'argent : il ordonna, sous peine d'une amende de cinq cents florins, qu'on lui remît les effets laissés par les émigrés lors de leur fuite, et fit vendre le mobilier des palais de l'électeur. A cette époque on reçut le décret de la Convention qui autorisait la réunion des pays conquis au corps de la Répu

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blique. Les membres du club se mirent en mouvement pour trouver des signatures en faveur de la réunion; mais ils recueillirent seulement la preuve que l'opinion de la ville et des campagnes était dans un sens tout opposé.

Pendant toutes ces démarches, l'armée ennemie avançait; elle attaqua, le 8, sans succès, le fort de Koenigtein; le 14, elle enleva le poste de Hochstein, et par-là la position des Français se trouvait très-resserrée sur la rive droite. En conséquence Mayence fut déclarée en état de siége, et l'on commença les travaux qui devaient la couvrir. L'ennemi n'y apporta aucune opposition: il prit ses quartiers d'hiver.

ARMÉE DU NORD.

Au point où nous avons laissé notre narration, la campagne était à peu près terminée; nous l'avons laissée au moment où les Autrichiens, sous les ordres de Clairfait, passaient la Meuse et se retiraient sur Aix-la-Chapelle. Le 2 décembre, les Autrichiens étaient échelonnés depuis Herve, sur la rive droite de cette rivière, jusqu'à Aix. Quant au général Beaulieu, il s'était retiré dans le Luxembourg.

La dernière opération de l'armée du Nord fut celle par laquelle Clairfait fut obligé d'évacuer Aix-la-Chapelle. Dumourier donna ordre aux colonels Francheville et de Heuk de tourner l'ennemi par la gauche, en attaquant Teux, Verviers, le grand et le petit Rechain, tandis que le général Stengel attaquerait de front. Les Autrichiens, voyant leur flanc gauche forcé et leur front menacé, abandonnèrent pendant la nuit Aix-la-Chapelle, et se retirèrent derrière l'Ersst, entre cette rivière, le Rhin et Cologne. Les Français prirent possession d'Aix-la-Chapelle le 8 décembre.

Les armées de la République entrèrent alors en quartier d'hiver, le 12, dans la Belgique, et occupèrent tout le pays entre la Meuse et la Roër, depuis Ruremond jusqu'à Hui sur la Meuse, et jusqu'aux sources de la Roër. Le général Dampierre occupa Aix-la-Chapelle avec douze bataillons; le général

Stengel, les bords de la Roër jusqu'à Alden-Hoven; le général Miazinski, avec les flanqueurs de gauche, s'étendait jusqu'à la rivière de Forou, à la vue de Maëstricht; le colonel Frécheville, avec ceux de droite, occupait Eupen et Cornelis-Munster; l'avantgarde du général Valence était placée à Verviers, Limbourg, Stavelo, Spa et Malmédi; son armée formait deux lignes, depuis Hui jusqu'à Liège et Saint-Tron. L'armée de Belgique occupait Liége, Robermont, Herve et les villages intermédiaires. L'armée du Nord s'étendait de Tongres à Ruremonde. Les cantonnemens ainsi établis, Dumourier revint à Paris vers le 22, laissant le commandement en chef au général Miranda.

ARMÉE DE LA MOSELLE.

La courte campagne de cette armée entre la Saare et la Moselle, dont nous avons fait connaître le début dans le mois précédent, fut plus chaude qu'efficace. C'était là que commandaient Kellermann et Beurnonville.

Le but de la campagne était de s'emparer de Trèves. Le 1er décembre, l'armée française campait sur les hauteurs d'Hermeskeil, occupant Kellen, Schondorf, Holtzberg et Louwald, et faisant ainsi face à la ville de Trèves; mais pour arriver sous ses murs il fallait enlever les hauteurs retranchées de Pellingen, qui étaient occupées par quatorze mille Autrichiens sous les ordres du général Hohenlohe-Kirchberg.

Après quelques attaques sur les flancs avancés de ce camp, du côté de Saarbourg et de la forêt de Louwald, qui avaient pour but de rejeter les Autrichiens et de les masser sur la même ligne, de découvrir davantage leurs flancs et les positions prises, les Français se mirent en mouvement pour enlever les hauteurs de Pellingen; dans la nuit du 4 au 5, les généraux Lagrange et Destournelles, à la tête de leur brigade, et le général Laudremont, avec cinq cents tirailleurs et douze cents chevaux, menacèrent ces hauteurs ; le général Beurnonville s'était chargé de l'attaque de la Montagne-Verte, qui couvrait la gauche de l'ennemi,

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