Imágenes de páginas
PDF
EPUB

finesse du dessin est admirable. Les chasubles brodées des Rahans sont des merveilles de détails. Il y a surtout une de ces gravures, - je ne me souviens où ce dernier tient entre ses mains un panache

plus du nom du personnage,

de fumée doré qui s'en va former au-dessus de sa tête un petit dais qui soutient une pagode en miniature, haute à peine d'un centimètre, ce qui n'empêche qu'avec la loupe on peut y étudier ces mille détails qui font le charme de ces productions de l'art asiatique.

Que sont ces Rahans pour mériter les honneurs d'un album aussi finement dessiné? Les bonzes chinois ne sont guère d'accord sur ce point, ce qui n'a rien de bien extraordinaire, puisque ces saints hommes appartenaient au bouddhisme, la religion la plus vague qui soit au monde. Cependant les livres bouddhistes, lorsqu'ils parlent des Rahans, nous les dépeignent comme des apôtres des préceptes de Bouddha. Seulement il est un point que les bonzes ignorent et que la tradition écrite ne s'est point donné la peine d'étudier. C'est le nombre des Rahans auxquels les fidèles peuvent adresser leurs prières. D'abord, j'avais entendu parler de 18 Rahans; puis, un beau jour, il me tomba entre les mains un livre liturgique qui en énumérait 180. C'était bien là un véritable miracle de la multiplication des saints. Mais quelle ne fut point ma stupéfaction lorsque je visitai à Canton un temple qui en contenait 500 sous forme de petites statuettes en plâtre hautes de deux pieds. Alors eut lieu, entre moi et le bonze qui m'accompagnait, le dialogue suivant qui, loin de m'éclairer, ne fit qu'augmenter mon incertitude.

Moi. — Vous avez là les images de tous les Rahans?

Le bonze. Oh! non,

Moi. Et combien ?

[ocr errors]
[blocks in formation]

Le bonze. Pas peu. (Expression chinoise qui correspond à notre beaucoup.)

[blocks in formation]
[ocr errors]

Le bonze. Non. Il est inutile, ils ne rapportent rien parce qu'ils n'ont le pouvoir de guérir aucune maladie. Nous n'avons ici que les productifs.

En somme, les Rahans sont sans doute aussi nombreux que les saints dans notre calendrier, ce qui n'est point peu dire.

Voici maintenant un autre album dont le sujet est loin d'être religieux. C'est l'histoire, en peinture, des aventures d'un Mongol qui se laissa prendre aux séductions féminines de Pékin. La peinture est sur soie, le dessin en est soigné, et quoique les nuances employées soient très vives, l'ensemble est très harmonieux, grâce aux talents des Chinois à disposer côte à côte avec art les couleurs les plus disparates. La première planche représente notre Mongol vêtu d'une longue capote en fourrures; un bonnet de même matière sur la tête, et avec un grand sabre recourbé au côté. Ses yeux arrondis, ses deux mains tendues en avant pour saisir l'objet désiré, tout en lui forme une préface excellente à la suite de l'album qui représente des sujets si scabreux que je renonce à en parler, en dépit de leur jolie exécution. Devant le Mongol, une jeune femme, à la taille élancée, à la physionomie fine et craintive, se tient immobile, comme clouée sur place, par le voisinage d'un sauvage enfant des steppes de l'Asie centrale. Enfin, dans un coin du tableau, une jolie potiche, d'où sort

un magnifique bouquet de ces chrysantèmes monstres qu'on ne voit qu'à Pékin, a permis au peintre de donner la mesure de son talent, car les Chinois sont surtout habiles comme peintres de fleurs, genre où la perspective joue un rôle à peu près nul, et où, par contre, l'emploi et l'arrangement des teintes. vives occupent le premier rang.

Nonobstant le peu d'aptitudes des artistes chinois à représenter le corps humain qu'ils construisent sans s'inquiéter des principes de l'anatomie, l'album qui est devant moi se fait cependant remarquer par des personnages qui ne sont point trop désarticulés, et dont la physionomie exprime bien les sentiments. Ce dernier point surtout en fait une rareté, car les peintres chinois donnent toujours à leurs personnages, même aux portraits d'après nature, la même physionomie impassible qui fait que toutes les figures se ressemblent.

Après ce premier album, il en vient une foule d'autres beaucoup plus chinois, c'est-à-dire beaucoup moins bien faits, à notre point de vue. Les membres, bras et jambes, sont absolument désarticulés; les têtes tournent autour du cou comme une boule sur un pivot, les figures sont d'une monotonie fatigante. Parmi tous ces albums, un grand nombre représentent des sujets fort scabreux, et je dois avouer que ce sont en général les mieux faits. Il en est en Chine des œuvres artistiques morales comme des productions de notre littérature à l'usage des jeunes filles; les unes et les autres se font remarquer par une pau vreté incroyable d'exécution qui les rend déplaisantes à regarder ou assommantes à lire. D'où vient que le graveleux, sous forme de gravures en Chine, sous forme de romans en France, attire plus les talents que leurs opposés ? Sans doute de ce que la demande des premières est plus grande que celle des secondes, ce qui fait le métier d'auteur plus lucratif.

Quoi qu'il en soit, parmi les nombreux albums profanes que j'ai feuilletés dans les librairies de Pékin, je n'ai jamais pu en trouver un qui joignît à sa beauté d'exécution l'avantage de pouvoir figurer sur une table et d'être livré à la curiosité de tout le monde.

Après les albums viennent les tableaux, ou du moins ce qui en tient lieu en Chine. Ce sont des peintures plus ou moins grandes, sur papier ou sur soie, qui s'enroulent sur deux baguettes qui garnissent leurs extrémités. La peinture chinoise a eu, s'il faut en croire les historiens, son âge d'or, avec ses maîtres célèbres et ses grandes écoles; mais tout cela est si loin de nous qu'il ne nous reste plus aucun vestige qui nous permette de juger la valeur de cette grandeur déchue.

Au xvi et xvII siècles, sous les règnes de Kang-chi et de Kien-long, au milieu du mouvement de renaissance de tous les arts, la peinture seule ne put retrouver un peu de la vie que les ans lui avaient enlevé. Et cependant elle se trouvait alors dans des conditions bien propres à la faire renaître. Parmi les missionnaires catholiques que Kang-chi avait réunis autour de lui, il y avait des peintres, des dessinateurs et des graveurs qui eussent pu donner d'excellentes leçons à leurs collègues jaunes. Cependant il n'en fut point ainsi, et la peinture chinoise continua et a continué jusqu'à nos jours à suivre sa vieille routine qui a même perdu, avec les ans, l'éclat dont l'avaient parée ses créateurs à sa naissance.

Cependant l'œuvre de nos missionnaires artistes dans l'extrême Orient a

été assez importante pour permettre à des imitateurs de faire aussi bien qu'eux. Parmi les peintures que l'on déroule devant moi, voici une toile qui représente une Vierge à l'enfant, peinte dans la manière du Pérugin. L'enfant surtout est d'une exécution remarquable, en dépit des teintes toujours plates de l'aquarelle, car les Chinois ignorent complètement la peinture à l'huile. Après cette œuvre, exécutée à la chinoise, par une main européenne, on m'apporte un gros paquet rendu informe par les attaques du feu et de l'humidité. Ce pauvre débris fait aujourd'hui partie d'une petite collection dont il forme une des pièces les plus rares, ce qui fait que le lecteur me pardonnera de m'étendre un peu à son sujet. Franchement, amour-propre de collectionneur mis à part, la pièce que je vais leur présenter présente un double intérêt, d'abord à cause de sa rareté, puis parce qu'elle nous permet d'étudier une preuve, aujourd'hui détruite, de notre puissante influence en Chine au xvIIe siècle. Le paquet informe constitue, en effet, un album, ou plutôt les débris d'un album qui représente les principaux sites du Palais d'été, cette superbe résidence des Fils du Ciel que des missionnaires français avaient construite pour eux sur le modèle de Versailles, et que des soldats français ont transformée en un monceau de ruines. Aussi, dès que j'examine les planches qu'il renferme, je n'y vois que toits à l'italienne, labyrinthes, jets d'eau, cascades et vieux petits ifs en rang d'oignons. Toutes ces choses qu'un poète a dénigrées si fort dans ses Trois marches de marbre

rose.

Pendant que je regarde cet album, sans savoir ce qu'il représente, Yang se lève tout à coup et m'entraîne dehors. Il vient d'entendre le gong qui annonce la fermeture des portes de la ville impériale. Nous faisons diligence à travers la foule des retardataires qui s'empressent, les uns de sortir, les autres de rentrer dans la ville. Chemin faisant, Yang, pour me consoler d'avoir été ainsi interrompu, me dit : « Soyez sans crainte, vous retrouverez votre album à la même place demain et les jours suivants, ce sont des choses d'Occident, et nos bibliophiles n'y tiennent guère. >>

Je me sens un peu rassuré par ses paroles. Nous traversons les portes au milieu d'une agitation extraordinaire. Une fois dans l'intérieur, nous voyons de chaque côté de l'entrée une haie de badauds qui sont venus là pour voir le désappointement du pauvre paysan qui arrivera trop tard pour pouvoir sortir, ce qui lui vaudra force quolibets de ces curieux. Devant le corps de garde, un soldat frappe à coups de plus en plus lents sur un grand gong pour annoncer que l'heure psychologique approche.

MAURICE JAMETEL.

[graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]

note au crayon; puis au-dessous de l'épigramme, l'historique de la Guirlande de Julie, en quelques lignes que voici :

Monsieur le Marquis de Montauzier fit faire cette guirlande pour Mademoiselle de Rambouillet, qu'il espousa après treize ans d'amour. Plusieurs de ses amys et des amys de ses amys firent des madrigaux à son exemple; monsieur le Marquis de Rambouillet mesme en fit un par compagnie, voyant que tout le monde en faisoit. Monsieur de Montauzier fit peindre toutes les fleurs chacune au naturel sur du velin et, dans les pages suivantes, tous les madrigaux qui estoient sur la mesme fleur. Avant cela, il y avoit un Zéphire qui répandoit des fleurs, et la première feuille estoit une guirlande composée de toutes ces fleurs ensemble avec le tiltre précédent; les vers estoient escrits aussy sur du velin, d'un (sic) escriture qui imitoit ou pour mieux dire qui surpassoit de beaucoup l'impression. C'estoit un nommé Jarry qui les avoit escrits. Tout cela estoit relié et faisoit un petit in-folio. Ce présent fut fait deux ou trois ans avant qu'il l'espousast.

Au second feuillet commence le défilé de toutes les fleurs qui composent la Guirlande de Julie. Le copiste a conservé pour chacune d'elles la disposition adoptée par le manuscrit original; cependant les madrigaux groupés autour de la même fleur ne sont peut-être pas rangés dans l'ordre qu'avait déterminé Montausier.

Toutes les pièces de la Guirlande, sauf une, celle de la Flambe, signée du nom de Malleville, se retrouvent dans le manuscrit 19142. Une partie des madrigaux additionnels du recueil de Conrart est également insérée dans le même recueil. J'y relève, en outre, trois pièces inédites et diverses modifications qui n'ont pas été encore signalées, du moins que je sache.

Les désignations d'auteurs présentent des variations qu'il importe de noter. Ainsi le madrigal de l'Anémone, qui porte la signature de Montausier, est attribué par notre manuscrit à Conrart. Le second madrigal des Lys, composé par Martin et commençant ainsi : « Je puis mettre », etc., appartient à Malleville, d'après le manuscrit 19142. La Fleur de grenade, signée de Briotte dans l'original, est signée, dans cette copie, d'Andilly.

Les six madrigaux de la Guirlande, portant l'initiale C, sont tous attribués par notre manuscrit à Conrart. Enfin, le M. de R. devient dans ce même manuscrit le Marquis de Rambouillet, comme le dit très nettement d'ailleurs la note explicative qui figure à la première page de cette copie.

Pour ne pas lasser votre patience, monsieur, je passe sur des variantes sans importance reproduites en partie d'ailleurs par le manuscrit de Conrart et j'arrive immédiatement à celles qui demandent à être examinées de plus près. Notre copie classe parmi les fleurs de la Guirlande les pièces de Malleville, que Montausier crut devoir éliminer et qui furent conservées dans les œuvres du secrétaire intime de Bassompierre: c'étaient le Souci, la Fleur de grenade2 et la Fleur d'Adonis.

La variante du Narcisse de Montausier, signalée par le recueil de Conrart, se retrouve également dans le manuscrit 19142.

Une autre pièce sur le Narcisse, qui ne figure pas dans l'original, mais dans

1. Dans le manuscrit le mot services est barré et au-dessus on lit d'amour.

2. Mention au crayon dans le manuscrit 19142 (Hemerocalle, p. 23).

« AnteriorContinuar »