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Enfin, disons dès maintenant que le principe que nous venons de développer ne s'applique qu'aux sociétés en commandite simple. Dans les sociétés par actions, le grand nombre des actionnaires rend tout contrôle impossible de leur part; ensuite, comment retrouver tous les détenteurs de titres au porteur, pour exercer contre eux la répétition ? La garantie, pour ces sociétés, existe dans l'organisation de l'administration et de la surveillance, et dans les peines qui atteignent les gérants ou les commissaires au cas de distribution de bénéfices fictifs.

350. DES CESSIONS DE PARTS SOCIALES. L'article 24 porte: « La cession des parts ou intérêts que le con«<trat autorise ne peut être faite que d'après les formes du « droit civil; elle ne peut avoir d'effet quant aux engage«ments de la société antérieurs à sa publication ».

Cette disposition exclut nettement les actions de la commandite simple; car le caractère des actions est précisément d'être transmissibles sans l'accomplissement des formes du droit civil.

Il semble certain que, pour que le cessionnaire soit saisi à l'égard de tous, il doit faire signifier la cession à la société, conformément à l'art. 1690 du Code civil, relatif aux cessions de créances.

La transmission d'une part dans une commandite simple ne peut avoir lieu, à l'égard des associés, sans leur consentement, donné soit dans le contrat, soit dans un acte postérieur; l'art. 24 parle de la cession que le contrat autorise, pour marquer qu'un commanditaire ne peut se substituer une autre personne que pour autant qu'il y soit autorisé par le contrat social. Cependant, il en sera de même si, à défaut d'une telle clause dans le contrat, tous les associés consentent à la cession.

A l'égard des tiers, cette cession ne peut avoir d'effet quant aux engagements de la société antérieurs à sa publication par la voie du Moniteur, et même au cinquième.

jour de cette publication; car elle doit être publiée, comme tout changement à l'acte de société, de la façon que nous avons indiquée (art. 12).

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défini la société anonyme (no 339).

«La société anonyme, dit l'art. 26, est celle dans laquelle <«<les associés n'engagent qu'une mise déterminée. » Ici, il n'existe plus de représentants indéfiniment responsables, mais des actionnaires, obligés seulement, au versement d'une mise déterminée, et des administrateurs dont la responsabilité est celle de simples mandataires.

Les principes de ces sociétés étaient déjà connus sous l'ancienne jurisprudence; seulement, on ne les appelait pas sociétés anonymes; ce nom désignait ce que nous nommons aujourd'hui associations momentanées. Mais nous ne trouvons, antérieurement au Code de 1808, aucune disposition législative générale, régissant les sociétés anonymes, ou même les sociétés par actions. La pratique seule avait introduit l'usage des actions pour les sociétés en commandite; quant à la forme de nos sociétés anonymes, on croyait qu'elle ne convenait guère qu'à des entreprises d'une très grande importance, et devant être considérées comme affaires gouvernementales. Des édits spéciaux fondaient ces associations et en traçaient les règles. Telles furent, en France, les compagnies des Indes orientales, des Indes occidentales, du Sénégal, etc.

Le Code de commerce de 1808 reconnut enfin d'une manière générale l'existence des sociétés anonymes et leur donna une forme déterminée.

La première condition d'existence de ces sociétés était l'autorisation du Gouvernement. On croyait que l'autorisation préalable et la surveillance gouvernementale présentaient seules, pour les actionnaires et les tiers, des garanties suffisantes. Mais cette condition fut supprimée chez nous par la loi de 1873.On a reconnu que le gouvernement n'était pas à même d'assumer la responsabilité de l'appréciation des entreprises financières ou industrielles, que son intervention était impuissante à empêcher

les abus, et qu'elle pouvait avoir pour résultat de trop assoupir la vigi lance individuelle des intéressés.

Les grandes nations voisines avaient déjà, avant nous, adopté cette réforme (1).

Nous verrons, dans les explications qui suivent, par quelles dispositions notre législateur a remplacé l'autorisation gouvernementale : ces mesures ont particulièrement pour but d'empêcher qu'on ne déguise la vérité dans les actes constitutifs de sociétés, dans les émissions de titres et dans les inventaires et bilans, et de fournir aux actionnaires les moyens de contrôler constamment les opérations sociales et de veiller à leurs propres intérêts. Enfin, tout récemment, la loi du 22 mai 1886 est venue apporter aux dispositions de la loi de 1873, certaines modifications dont le but est surtout d'assurer davantage l'existence de ces sociétés, en restreignant les cas de nullité, puis d'étendre et de mieux définir la responsabilité des fondateurs et des commissaires.

352. COMMENT LA SOCIÉTÉ ANONYME DOIT ÊTRE QUALIFIÉE. «< La société anonyme n'existe point sous <«< une raison sociale; elle n'est désignée par le nom d'au<«< cun des associés (art. 27). » Cette disposition résulte naturellement de ce que cette société ne forme qu'une réunion de capitaux indépendante de la personne des associés. Si une société qualifiée anonyme agissait sous une raison sociale ou sous un nom personnel, elle pourrait, selon les circonstances, être déclarée, soit société en nom collectif, soit société en commandite, et l'associé qui lui aurait donné son nom serait indéfiniment responsable de ses engage

ments.

Mais si la société anonyme n'a pas de raison sociale, manifestant la collectivité des associés agissant eux-mêmes par une signature commune, elle doit avoir un nom social :

« La société anonyme est qualifiée par une dénomina«tion particulière ou par la désignation de l'objet de son

(1) Loi anglaise de 1853 sur les sociétés à responsabilité limitée; lois françaises du 23 mai 1863 et du 24 juillet 1867; loi allemande du 11 juin 1870.

« entreprise (art. 28). » La seule désignation de l'entreprise peut être insuffisante, parce que plusieurs associations peuvent avoir le même objet.

La loi ajoute que « cette dénomination ou désignation «< doit être différente de celle de toute autre société » et que, « si elle est identique, ou si sa ressemblance peut induire « en erreur, tout intéressé peut la faire modifier et récla«mer des dommages-intérêts s'il y a lieu » (art. 28,§§ 2 et 3).

On a voulu surtout par là empêcher une société nouvelle d'usurper, par légèreté ou par fraude, la considération acquise à une institution déjà existante.

353.

§ 2. DE LA CONSTITUTION DES SOCIÉTÉS ANONYMES.

DES CONDITIONS FONDAMENTALES REQUISES POUR LA CONSTITUTION D'UNE SOCIÉTÉ ANONYME. L'art. 29, modifié par la loi du 22 mai 1886, est ainsi conçu :

Art. 29. La constitution d'une société anonyme << requiert :

«1° Qu'il y ait sept associés au moins ;

2o Que le capital soit intégralement souscrit ;

«3° Que chaque action soit libérée d'un dixième au « moins par un versement en numéraire ou un apport « effectif.

« L'accomplissement de ces conditions doit être constaté «dans un acte authentique. »>

Donc, trois conditions fondamentales sont nécessaires : 1o Sept personnes au moins. On a cru raisonnable d'exiger la présence d'un certain nombre d'associés pour créer un corps moral indépendant des personnes qui le constituent or, comme il faut, dans cette société, au moins trois administrateurs et un commissaire, on n'a rien vu d'exagéré à exiger que les autres associés soient au moins au nombre de trois.

Nous verrons plus loin que la dissolution doit être pro

noncée sur la demande de tout intéressé, lorsque six mois se sont écoulés depuis l'époque où le nombre des associés a été réduit à moins de sept (art. 73, no 380).

2o Le capital doit être intégralement souscrit. La société anonyme n'étant elle-même qu'un ensemble de capitaux, il est on ne peut plus naturel d'exiger que les capitaux qui doivent la constituer soient tout d'abord réunis.

30 Chaque action doit être libérée d'un dixième au moins. L'ancien article 29 exigeait que « le vingtième du capital promis en numéraire fût versé.» La nouvelle loi prescrit un versement d'un dixième, mais il ne s'agit plus d'une quotité du capital à verser en argent : la libération peut être faite en quelque valeur que ce soit.

Une autre question soulevée sous l'empire de la loi de 1873 était celle de savoir si le versement devait être fait sur chaque action ou s'il suffisait que la libération du vingtième portât simplement sur l'ensemble du capitalargent. Il nous paraît que l'esprit de la loi exigeait la première de ces interprétations: néanmoins, une autre opinion avait surgi en présence du texte de l'art. 29 (1). La nouvelle disposition, après avoir elle-même passé par diverses phases, a enfin été rédigée de manière à trancher nettement la controverse : c'est sur chaque action que le versement du dixième doit être opéré. Et l'on comprend que ce système seul prévient dans tous les cas les abus possibles : il ne peut suffire qu'un ou deux fondateurs, entourés d'hommes de paille, fassent à eux seuls un apport équivalent au dixième du capital.

A propos de ces trois conditions, la nouvelle loi a introduit une innovation plus importante:

Sous l'empire de la loi du 18 mai 1873, l'absence de l'une

(1) V. notamment dans le Traité des sociétés commerciales de M. GUILLERY, 2o édition, no 508, une consultation de M. PIRMEZ, qui, malgré la déclaration contraire faite par lui à la Chambre des représentants, le 12 févr. 1870, admettait qu'il suffisait du versement d'un vingtième sur le capital global.

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