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velles.

G. T.

long poème de passion qui ne fatigue pas un instant bon accueil à ce nouveau recueil de joyeuses nouet dont on gardera longtemps le rythme mélodieux dans l'oreille, dont on conservera sur les lèvres l'embaumante saveur, comme de ces fruits parfumés, dont l'arome ne doit plus vous quitter et dont le souvenir vous poursuit. C'est au cœur que l'ouvrage de Félicien Champsaur s'adresse, c'est au cœur qu'il arrive, avec l'instantanéité des choses vues, la force des choses vécues.

G. T.

La Bonne en or, par HENRI PAGAT. Faris, Paul Ollendorff, 1885. Un vol. in-18. — Prix : 3 fr. 50.

Bien que fourmillant trop de mots, d'expressions, empruntés à Huysmans, à Lemonnier et à Cladel, le roman de M. Henri Pagat est une œuvre véritablement intéressante et méritant d'arrêter l'attention des lecteurs. Malgré son titre à effet, un mauvais titre, melodramatique et cherché, qui met en défiance, c'est une étude très consciencieuse et très fouillée de la vie de campagne. Les types de Théogène Grondoulot, d'Euloge Hazar et de Ludivine Hazar sont peints avec une extraordinaire science du paysan. Le bel Hector de Sargette, les Beaupicoche et Gustave Grondoulot forment un amusant contraste avec les autres personnages et servent à accentuer leur relief; au milieu de ces brutes, de ces avides, de ces grotesques, se détache, gracieuse, attirante, la figure de Rose Beaupicoche. Le style de ce roman est d'un écrivain préoccupé de littérature, et on le trouve mis au service d'un réel talent d'observation. Nous citerons la maladie de Mme Beaupicoche, la mort et l'enterrement de Theogene Grondoulot, la course affolée à travers champs de la malheureuse Rose, comme des morceaux tout à fait remarquables. M. Henri Pagat compte de ce jour parmi les bons écrivains. G.T.

Aventures de femmes, par ERNEST DAUDET. Paris,
Dentu, 1886. Un vol. in-18. — Prix : 3 francs.

Un recueil de sept nouvelles, nous montrant la femme sous ses aspects les plus divers, depuis l'espionne Minna Taniska, surprenant un secret d'État en séduisant un ministre, jusqu'à Retrouvée, la jeune fille de province, retrouvée à Mabille, parmi les filles, par son amoureux d'autrefois, et se tuant de honte. C'est une série d'études curieuses.

Les cas difficiles, par ARMAND SILVESTRE. Paris, Frinzine et Cie, 1886. Un vol. in-18. - Prix: 3 fr. 50.

C'est toujours la même bonne humeur intarissable, la même gaieté gauloise et la même saveur littéraire, qui ont fait d'Armand Silvestre le digne successeur, l'émule heureux des vieux conteurs d'antan. Son nouveau livre, les Cas difficiles, ne le cède en rien aux précédentes œuvres du poète délicat, du prosateur à la fois savant, subtil et gras, qui a trouvé le secret d'amuser ses contemporains d'une manière continue et toujours intéressante. On fera

Un sphinx du demi-monde, par VALERY Vernier. Paris, Dentu, 1886. Un vol. in-18 jésus. Prix : 3 francs.

Toutes les œuvres de M. Valery Vernier, un écrivain de talent, un poète connu, apprécié, revêtent une forme gaie et humoristique qui leur donne un cachet spécial. Il y a là comme une atmosphère poudrerizée fleurant bon le XVIIe siècle, fournissant à l'esprit un régal délicat et distingué, chatouillant le cœur avec légèreté. On lira avec plaisir ce nouveau volume, où l'auteur a donné l'essor aux plus séduisantes fantaisies de sa plume.

Discipline, par ALPHONSE DE LAUNAY. Paris, Paul
Ollendorff, 1886. Un vol. in-18. - Prix: 3 fr. 50.

Terrible et bien émouvant, ce drame intime et militaire, où l'on voit deux hommes, lies depuis l'enfance par le dévouement de l'un pour l'autre, l'un issu de paysans, l'autre de famille noble, et mis aux prises par les hasards de la vie. L'adultère a semé la haine et la fureur dans ces cœurs faits pour l'amitié éternelle, et l'on assiste à une cruelle lutte morale suscitée par l'antagonisme du devoir militaire et du devoir social et privé. Une belle thèse, noblement soutenue par M. Alphonse de Launay, qui a su en tirer un roman des plus intéressants.

Clairs de soleil, par NOEL BLACHE. Paris, Paul
Ollendorff, 1886. Un vol. in-18.- Prix: 3 fr. 50.

Si jamais livre a pleinement justifié son titre, c'est bien celui que M. Noël Blache a intitulé Clairs de soleil. Quelle chaude flambée de rayons! Quelles flammes d'amour! Quelle vibration musicale et charmeuse! Toutes les jolies nouvelles réunies sous ce titre ont une ardeur, une vie, un entrain chantant qui font songer à Alphonse Daudet et à Paul Arène. Certes, l'écrivain provençal procède bien directement d'eux; comme eux, il trempe sa plume dans le bain magique de pourpre et d'or que fournit là-bas le brûlant soleil du Midi. Aussi ses personnages ont-ils une couleur, un chatoiement qui sont la séduction des yeux et la caresse amie des oreilles. La jolie note passionnée et persuasive que celle-là!

G. T.

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l'histoire des Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas, accommodée à la sauce moderne; les quatre héros sont déguisés en artistes: un peintre, un sculpteur, un musicien et un littérateur; mais il est facile de reconnaître sous cette enveloppe, Athos Porthos, Aramis et d'Artagnan. Livre honnête, de lecture facile, une grisaille terne.

Contes bourgeois, par Tн. DE BANVILLE. Paris, Charpentier et Cie, 1885. Un vol. in-18. — Prix : 3 fr. 5o.

Un poète, toujours un poète, même quand il veut peindre des scènes de la vie. Cela remue et s'agite bien loin au-dessus de nous, dans les nuées, dans l'éther, dans une sphère si élevée, qu'on a quelque peine à y retrouver les héros de la vie ordinaire. Mais quelle jolie plume! Comme elle sait enguirlander le sujet, fleurir la phrase et donner du charme même à l'invraisemblable, surtout à l'invraisemblance! Il sera beaucoup pardonné au conteur, parce qu'il a beaucoup poétisé, maître poète avant tout, par-dessus

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On connaît beaucoup le polémiste ardent, violent, implacable, qui a déjà tant fait parler de lui dans les journaux, où sa fougue déborde à chaque instant, comme le métal en fusion que nul creuset ne saurait renfermer, que nul moule ne pourrait comprimer et qui toujours jaillit à droite, à gauche, éclaboussant de gouttes de feu tout ce qui l'entoure. La réputation d'Octave Mirbeau comme journaliste n'est plus à faire; le volume qu'il publie chez l'éditeur Laurent, sous ce titre modeste : Lettres de ma chaumière, nous le montre sous une face nouvelle, ignorée et qui tranche violemment sur la précédente. Conteur ingénieux, observateur minutieux, habile dans l'art délicat de faire dire aux êtres et aux choses le secret confus de leurs peines, de leurs misères, de leurs existences inconnues, il se révèle artiste et amoureux des lettres. Les Eaux muettes, la Mort du père Dugué, le Père Nicolas, la Bonne, la Mort du chien sont des pages d'une irrésistible émotion, d'un art simple, réel, d'autant plus dramatiques qu'elles sont l'expression même de la vérité.

On sent que l'écrivain, pour mieux arracher à la terre son secret, pour mieux pénétrer l'âme fermée du paysan, s'est rapproché du sol, s'est en quelque sorte fait paysan lui-même, vivant ainsi en communication plus étroite, plus directe, avec la nature, en s'isolant avec elle et les siens, en se mêlant à cette existence moins élevée, moins vivante, en se courbant au niveau de ses lèvres méfiantes, si dures à faire ouvrir. Aussi de son livre émane le parfum même de la terre, cette senteur rude, grossière, qui semble l'odeur spéciale au pauvre, au gueux, au paysan.

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Il y a une jolie note bien pimpante, bien sonnante, bien claire, dans l'écriture distinguée dont M. Tancrède Martel brode ses histoires. On a plaisir à écouter le narrateur, à le suivre partout où il veut bien conduire son lecteur séduit, charmé, entraîné. Le poète est là, derrière le prosateur, donnant un souffle plus léger aux phrases, les faisant miroiter et papilloter devant les yeux, comme de brillantes ailes de papillon. Avec cela beaucoup de gaieté dans ces contes et un esprit réellement français, souple et musical. Le Général des Batignolles est une trouvaille; Pour un Cheveu, le Psaltérion sont d'une humour charmante.

Nous avons gardé pour le couronnement la Vénus au sabre, une histoire hardie, haute en couleur, pleine de tempérament comme son héroïne. Dans Comment les Parisiennes vont au ciel, le poète perce à chaque moment sous le prosateur, et enfin l'Esglaria, la plus longue nouvelle du volume, est une exquise narration d'amour, toute baignée de grand soleil méditerranéen, qui à elle seule assurerait le succès du livre auprès des lettrés.

G. T.

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Deux volumes, tous deux remarqués, tous deux curieux à des titres différents, ont déjà fait connaître dans la littérature le nom de Paul Hervieu et lui ont donné une place méritée parmi les bons écrivains. Son nouveau livre confirmera hautement l'excellent accueil fait à ce brillant début. Le recueil de nouvelles sur la Suisse, la Savoie et les montagnes, intitulé par le jeune auteur l'Alpe homicide, du titre du premier récit, achève de le faire sortir du rang pour le mettre bien en vue et attirer sur lui tous les regards.

Dramatiques, écrits dans une langue sobre, nette et pourtant imagée, ces récits pénètrent dans l'esprit avec l'irrésistible force des choses vues et senties; il est impossible de se défendre de leur charme et de leur frisson, car elles unissent à un degré égal ces deux sensations si tranchées. Presque toutes ces nouvelles ont une tendance marquée à la douleur, à l'amertume, comme tout ce qui touche de près à la vie, comme tout ce qui émane de l'humanité, et sont par cela même plus saisissantes, plus vraiment em

preintes de réalité; mais l'écrivain a su joindre à cela une émotion pénétrante, communicative, qui double l'intérêt et donne du charme même aux choses les plus âpres.

Un grand souffle, puissant comme l'atmosphère même des panoramas grandioses qu'il dépeint, s'élève de ce livre qui raconte la montagne, avec ses gouffres, ses mystères, ses terreurs et ses ferocités. Il nous a rarement été donné de lire des récits plus impressionnants, de subir le charme d'un style plus délicat et plus soigné. M. Paul Hervieu a dessiné ces paysages avec une sûreté de plume, qu'on ne saurait trop louer et qui dévoile, pour ainsi dire, l'âme même de la montagne, cette âme tragique et cruelle, que les nuages, les brouillards, enveloppent presque constamment de leur rideau opaque, comme pour mieux en cacher les dangers.

G. T.

Les Récits de l'oncle Yarrick, par CHARLES FESSARD. Nouvelles bretonnes. Paris, E. Plon, Nourrit et C, 1885. Un vol. in-18.

Ce volume contient quatre nouvelles : les Amours d'Yvonne, l'Atelier de maitre Floch, le Secret de maitre Floch et Pauvre Jean. Elles sont bonnes à lire, intéressantes, dramatiques, écrites avec talent, dans un ton d'une émotion contenue et communicative qui fait contraste avec l'indifférence affectée ou les grands éclats prétentieux dont la fausseté choque également. Les mœurs y sont décrites par un homme qui doit être Breton, tant on sent qu'il les a dans les veines, en dépit du grand courant de civilisation générale qui emporte tout dans le même flot; les superstitions bretonnes y sont racontées par quelqu'un qui n'est pas bien sûr de ne pas y croire par l'instinct, sinon par la raison. J'espère en avoir dit assez pour faire comprendre l'attrait que présente ce volume avec sa forte et saine saveur de terroir.

B.-H. G.

Prix :

Le Roi de Thessalie, par ARY ECILAW. Paris, Alphonse Lemerre, 1886. Un vol. in-18. 3 fr. 5o.

Ce gros morceau est l'histoire d'une femme de diplomate aimée d'un roi et aussi d'un gentilhomme à qui, avant son mariage, elle avait été fiancée. Le mari est jaloux comme un tigre et diplomate comme Talleyrand. De cette situation compliquée sortent des rendez-vous, des assassinats, des lettres anonymes, des duels, des coups de cravache, des conspirations, un divorce, un mariage morganatique que l'impératrice des Hindoustans, la belle-mère du roi veuf, fait rompre, et la mort de la charmante femme, trop froissée par le sort. La transparence du titre de la << vieille furie », l'impératrice des Hindoustans, donne aisément la clef de tout le récit. Mais il faut avouer que ce scandale princier, déjà oublié, quoique récent, ne prend pas un renouveau d'intérêt à être présenté dans la prose verbeuse et déclamatoire du narra

teur.

B.-H. G.

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L'auteur prend la parole à la fin du livre pour nous déclarer que « la vie courante est plus invraisemblable dans sa réalité que le roman le plus compliqué », et que « les personnages que l'auteur a mis en lumière ont vécu ». Je n'ai point le droit de révcquer en doute cette parole, mais j'y trouve le résumé du roman « invraisemblable ». Il ne s'agit pas de me raconter une histoire vraie; il s'agit de la raconter de telle façon qu'elle ait l'air de l'être. C'est à quoi M. Paul Cosseret, s'il l'a tenté, n'a point, à mes yeux, réussi. Une jeune fille, élevée par son père, veuf, au-dessus des préjugés et des petitesses du monde, s'éprend d'un jeune homme d'une condition inférieure à elle, mais qui lui a sauvé la vie, et se livre à lui quand il lui suffirait d'un mot pour obtenir de son père le consentement au mariage. Le vieux gentilhomme en meurt. C'est alors que les deux amants se marient. Lui, au bout d'un temps, quitte sa femme pour une marquise courtisane; elle, de douleur et de rage, prend qui elle a sous la main, un journaliste financier vereux, qui, dès qu'elle est sa maîtresse, lui inspire le plus nauséeux dégoût. Cependant la courtisane se lasse du mari, juste au moment où la pauvre femme implore son retour. Un imbroglio fait égarer les lettres, et, désespérée, se croyant abandonnée à jamais, quelques heures avant que son mari, heureux de la réconciliation offerte, accoure pour la serrer dans ses bras, elle se fracasse le crâne d'un coup de revolver. Plus tard le veuf se remarie avec son ancienne maîtresse, la marquise ; et le traître redevient son meilleur ami. — Le tout, comme style et composition, trahit une grande inexpérience.

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B.-H. G.

La Noce à Génie, par EUGÈNE HÉROS. Paris, Jules Lévy, 1885. Un vol. in-16.

Le fruitier Joseph Limon marie sa fille Génie à Anatole Falampin, employé au Comptoir d'escompte. Toute la noce se rend à la mairie, et à la dernière minute on s'aperçoit que l'extrait de l'acte de naissance du futur est égaré; impossible de procéder à la cérémonie sans cette pièce. Les Limon avaient commandé messe, voitures et dîner. La messe ne pouvait plus servir; mais les voitures et le diner consoleront du contre-temps; ainsi en décide le père Limon, et les invités s'entassent dans les landaus pour le bois de Vincennes et le Salon des Familles. Le soir, on mange, on boit, on chante, on danse, on avale du punch, tout le monde est gris; avant la fin, Anatole s'approchant de sa future belle-mère : « Voyons, maman Limon, lui dit-il de sa voix la plus douce, laissez-moi m'en aller avec Génie. Mais c'est impossible, puisque... — Voyons! ces pauvres enfants! ajouta le père. Oui, ces pauvres enfants! reprit l'oncle. » Et le choeur des mères: - Oh! ces pauvres enfants! Et toute l'assistance étourdie, prête à l'attendrissement, éclata en pleurs : Ces pauvres en

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fants! La mère Limon partit de sa larme et donna la permission demandée. Huit jours après, tout était régularisé, et la morale était sauve.

Telle est la première nouvelle qui donne son nom au recueil. Il y en a trente dans ce ton de bonne humeur gauloise, et quelquefois d'attendrissement. Elles sont écrites dans le style du jour et avec les procédés à la mode, dont voici un échantillon : « Le dessert arriva il y eut alors un moment de repos; vrai on avait rudement boulotté. » Mais cela ne prouve ni pour ni contre le talent, et ce que je puis dire, c'est que les historiettes de M. Eugène Héros

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Scènes vécues, par PIERRE MAURY. Paris, Auguste Ghio, 1886. Un vol. in-18. — Prix : 3 fr. 50.

Je ne demanderai pas si l'on peut vivre une scène. La langue reçoit journellement trop d'entorses pour qu'on s'en fasse l'orthopédiste officieux. Mais je demanderai qui les a vécues, ces scènes ? Le cerveau de l'auteur tout seul, j'imagine, et je n'implique ici ni éloge ni blame. Sans recourir à la fameuse comparaison du pommier, chacun de nous ne trouve dans son cerveau que ce qu'il y a. Heureux encore quand, sur 260 pages d'histoires insignifiantes ou ratées, il en tire une aussi amusante et aussi bien observée, dans son grotesque un peu gros, que celle qui a pour titre : Risum teneatis. C'est un grand dadais de collégien qui se croit le premier moutardier du pape, et, tout en tombant de bévues en mésaventures, ne peut arriver à la conclusion si simple pourtant — qu'il n'est encore qu'un morveux.

B. H. G.

Le Papillon, par MARCIS OLLER, traduit par Albert Savine. Préface par Émile Zola. Paris, E. Giraud et Cie, 1886. Un vol. in-18. Prix 3 fr. 50. Pour ce roman, traduit du catalan, je m'en tiendrai et le lecteur ne m'en voudra pas à l'opinion qu'exprime M. Zola dans la préface qu'il a accordée à la traduction française. Après avoir déclaré que, dans sa conviction, « il est radicalement impossible de juger un roman sur une traduction, si bonne soitelle », le grand naturaliste porte son jugement. J'y souscris d'autant plus volontiers qu'il ne diffère de celui que je porterais moi-même, que par une certaine outrance dans l'éloge, attribuable, je pense, à son rôle de préfacier. Le voici : « Ce roman me paraît une remarquable étude, l'étude de personnages légèrement idéalisés et traversant un milieu très exact. C'est bien de la vie cruelle, mais vue au travers d'un talent attendri. Barcelone s'agite dans les descriptions avec une réalité intense, tandis que les personnages marchent un peu au-dessus de la terre, les pires aussi bien que les meilleurs... Pour en venir aux détails, savez-vous que ce Louis, ce papillon, ce détrousseur de cœurs qui vole de la blonde à la brune, est une très jolie figure de l'amant adorable et féroce sans le savoir? Au fond, il est inconscient, et c'est pourquoi on ne l'exècre pas, même crimi

nel... La pauvre fille qu'il tue, après l'avoir séduite et abandonnée, Toinette, m'a paru aussi d'un très charmant dessin, illettrée et croyante, se donnant tout entière, bien peuple au fond, quoique élégiaque. Mais les figures secondaires, les figures populaires, m'ont frappé plus encore; tout cela grouille, va, vient, crie, avec du vrai sang sous la peau, Mme Fine surtout, qui doit être superbe de vérité. Maintenant, estil besoin de vous dire que je n'aime guère le drame de la fin? La scène où Toinette tombe au milieu du convoi d'un enfant, croit que c'est le convoi du sien, et se jette sur la bière, m'a semblé d'un pathétique bien gros. Et quelle complaisance du hasard, dans le dénouement: Louis se méprenant, suivant sur le trottoir une femme, la charitable Mme Grâce, et arrivant au chevet de Toinette, de sa victime mourante, pour que la derniere page soit une leçon de morale !... » Analyse et critique, voilà le plat tout fait, et je le sers, enchanté de le donner plus savoureux que s'il était de ma façon.

Un peu plus loin, M. Zola, voulant marquer les différences qu'il constate entre les naturalistes espagnols et les naturalistes français, écrit ces lignes, dont on retrouverait, en plusieurs endroits des œuvres, l'équi valent : « Nous sommes des positivistes et des déterministes, du moins nous prétendons ne tenter sur l'homme que des expériences ». Je voudrais bien savoir ce que M. Zola entend au juste par « tenter sur l'homme des expériences ». A le prendre au pied de la lettre, c'est à frémir, et je proteste contre un tel système de vivisection : je m'en tiens à M. Paul Bert et aux autres qui opèrent sur des chiens. Mais j'ai idée que ce que M. Zola appelle expérience, nous l'appelons observation, et alors la doctrine dont ce novateur est l'apôtre aurait l'incontestable mérite d'être née en même temps que la littérature et les arts.

B.-H. G.

Le petit Lazare, par GEORGES GLATRON. Paris, Victor Havard, 1885. Un vol. in-18. - Prix: 3 fr. 5o.

Les lettres connaissent M. Georges Glatron, dont chaque roman porte la marque de l'écrivain soigneux de son style et préoccupé de dessiner ce qu'il voit. S'il nous conduit avec le Petit Lazare dans un monde particulièrement sombre, il en relève la tristesse par une émotion grandissante, par la vigueur avec laquelle il peint les tableaux de la vie brutale et douloureuse qu'il a voulu conter. C'est l'histoire d'un enfant, martyr de sa naissance suspecte, lancé à travers l'existence sous une mauvaise étoile et roulant, misérable, bafoué, rudoyé, jusqu'à l'événement tragique qui termine sa lamentable existence.

Peut-être trop d'exagération dans le fatalisme qui pèse sur le Petit Lazare; l'auteur eût gagné à le faire moins sentir, à ne pas l'étaler partout. Il en a saturé son livre, et c'est une erreur : la vie, même malheureuse, a des éclaircies, des oublis. A côté de cela, des pages saisissantes de forme et de couleur, des peintures assez justes du grouillement de la bête humaine. En somme, un livre incomplet, mais un livre de reelle

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Est-ce bien un roman que cette brillante fantaisie exécutée avec un talent si amusant, avec force pétarades, pointes, sauts de carpe et de mouton, par M. Émile Bergerat et présentée au public sous un titre fait pour aveugler et effarer les bourgeois? Hum! l'exagération de la note artiste! Hum! hum! le romantisme d'atelier!

N'est-ce pas plutôt une longue thèse paradoxale, dialoguée, assaisonnée de coups de théâtre, de situations à effet, et n'eût-il pas mieux valu lui laisser sa forme primitive de pièce et son titre, Flore de Frileuse, qui lui eût laissé son arome de xvIIe siècle, son parfum de poudre à la maréchale?

La mise en scène est hardie, le crime épouvantable, et pas une lectrice ne restera insensible au malheur de la pauvre Gilberte; mais quoi! la conclusion en est-elle une, prouve-t-elle quelque chose, apportet-elle une solution à la question, ne laisse-t-elle pas, quand même, le champ libre à toutes les contradictions? C'est une simple hypothèse, mince comme un fil de la Vierge et qui me paraît bien aventurée avec un gaillard aussi touché au cerveau que ce diable de Maxime Ménorval. Hein! Comment être sûr de quelque chose avec un exalté pareil, un grand fou de poète, d'être sensible comme une pile électrique?

Du reste, pour faire admettre son histoire, l'auteur a dû choisir son héros parmi les malades d'imagination, les cerveaux impressionnables, toujours dans le rêve, dans l'irréalisé et l'irréalisable, pas très près de la vie. Maxime Ménorval n'est pas un humain ordinaire, pas plus que la tante Flore de Frileuse, une jolie figure de vieille charmante, mais dans la composition de laquelle on sent trop la préoccupation du rôle à faire interpréter par l'actrice fameuse. C'est même là une idée assez bizarre chez un écrivain, façonner un type, créer un personnage, en prenant pour modèle une femme qui n'est ainsi qu'au théatre; du pur factice et pas du tout du réel. N'est-ce pas le comble de la fantaisie, et n'avions-nous pas raison de ranger au nombre des fantaisies cette thèse brillante, étincelante, mais qui ne saurait résister à l'analyse ni à la comparaison avec la vraie vie? G. T. Mathias Sandorf, par JULES VERNE. 3 vol. in-18 de la série des Voyages extraordinaires. Paris, 1885,

J. Hetzel.

Nous avons annoncé dans notre numéro d'octobre la publication du nouveau roman de M. Jules Verne, dont le premier volume seulement venait de paraître. L'oeuvre est aujourd'hui complète en trois volumes. Nous avons dit alors, sans dissimuler notre étonnement, que l'auteur avait de son propre aveu voulu refaire Monte-Cristo. Le besoin que le conte merveilleux d'Alexandre Dumas fût refait était-il généralement ressenti? Avant l'exécution d'un tel dessein, la

réponse à cette question était déjà fort douteuse; après, elle ne l'est plus du tout. Quel intérêt y a-t-il à reprendre, pour la traiter à nouveau, une donnée de roman déjà traitée? Un seul évidemment. En général, le romancier, l'auteur dramatique, le peintre, qui se saisit du sujet d'une œuvre d'art connue, cède clairement à la pensée que l'artiste qui l'a devancé n'a pas su tirer de ce sujet tout le parti possible; mais le procédé de M. Jules Verne étant connu, on peut admettre qu'il a obéi à une impulsion moins présomptueuse, au seul désir de mettre, entre mains de l'homme qui se venge sous le masque, tous les éléments d'action dont la science moderne dispose. En effet, Mathias Sandorf ou le nouvel Edmond Dantès, le docteur Antekirt ou le nouveau Monte-Cristo usent tour à tour de l'électricité, de l'acoustique, du magnétisme, de la suggestion. Malheureusement ces moyens ajoutent peu de chose à l'intérêt d'une fable dont le dénouement est prévu dès le debut et dont le récit se délaye en d'interminables énumérations de noms de lieux, d'arbres et de plantes qui ne sont même pas des descriptions géographiques, scientifiques ou seulement pittoresques. Il est, en outre, curieux de faire remarquer que l'unique scène un peu émouvante du roman, celle de l'évasion de Mathias Sandorf, ne doit rien absolument à l'emploi de procédés scientifiques. Le dernier ouvrage de M. Jules Verne ajoute trois volumes à la série des Voyages extraordinaires, sans rien ajouter à la valeur de cette collection. Son meilleur résultat sera de faire relire le vrai Monte-Cristo et d'apporter à l'oeuvre d'Alexandre Dumas un regain de popularité.

E. C.

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Dans cette histoire scandinave et mélodramatique, ce qu'il y a de plus intéressant, c'est l'avant-propos. On retrouve avec plaisir, bien condensés et présentés, les détails d'une affaire encore récente, où la magistrature a prouvé une fois de plus que la lettre tue l'esprit. Quant au récit que M. Léouzon-le-Duc a tiré du suédois de Claude Gérard pour l'adapter au goût français, je ne veux rien préjuger de l'accueil que lui fera le public; mais, pour mon compte, j'ai rarement lu entassement de faits plus invraisemblables. Il paraît pourtant que c'est une histoire vraie. A ce compte, les ornements littéraires ne lui profitent pas, et un procès-verbal du tribunal me semblerait plus intéressant. Deux autres nouvelles terminent le volume. L'une, la dernière, intitulée l'Oncle Josua, est très courte; ce qui n'est pas un défaut. On y voit un type d'original amusant et touchant, fort bien réussi. Le Nid de corbeau, tirée, comme la précédente, d'Auguste Blanche, a du mouvement dramatique et de la passion. Elle nous présente un Tartuffe suédois et piétiste, plus laid et plus tragique que celui de Molière, et en même temps la fable est assez bien menée pour que l'intérêt ne languisse pas.

B.-H. G.

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