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A Dictionary of the anonymous and pseudonymous literature of Great Britain. Including the works of foreigners written in, or translated into English language, by the late SAMUEL HALKETT and the late rev. JOHN LAING, vol. III (O to 'Tis). Edinburgh, William Paterson; 1885. Grand in-8° à 2 colonnes, de 420 pages environ; percalinage anglais. Prix 2 £. (50 fr.).

A deux reprises déjà nous avons eu occasion de parler de cette précieuse publication, commencée en 1881, et dont le troisième volume vient seulement

de paraître. Nous n'avons pas, dès lors, à revenir sur ce que nous en avons dit précédemment. Bornonsnous à constater que l'éditeur continue son œuvre avec un soin minutieux qui ne se dément pas et qui fera de cet ouvrage une des plus belles et plus utiles productions bibliographiques de la littérature an. glaise. Ajoutons que, dans ce troisième tome comme dans les précédents, les bibliophiles français trouveront de curieux renseignements sur certains livres composés en notre langue, imprimés et publiés en Angleterre. Il n'y a que du bien à dire de ce Dictionnaire d'anonymes et de pseudonymes qui manquait depuis si longtemps à nos voisins; sans doute, il s'y trouve quelques lacunes, et, dans notre collection, si modeste cependant, de productions anglaises, nous possédons une quinzaine d'opuscules qui n'y figurent point. Il lui faudra certainement donner plus tard un supplément comme celui que l'on prépare actuellement pour notre Barbier. Actuellement, on ne peut que désirer vivement de voir publier, aussitôt que possible, le quatrième et dernier tome de ce bel ouvrage, sur lequel nous nous proposons de faire une étude d'ensemble dès qu'il sera terminé.

PHIL. MIN.

BEAUX-ARTS

L'Hôtel Drouot et la curiosité en 1884-1885, par PAUL EUDEL, avec une préface par Philippe Burty. Édition ornée d'un portrait de l'auteur par Worms et de nombreuses illustrations. Cinquième année. Un vol. in-18 de xxiv-456 pages. Paris, G. Charpen tier.

Quatre volumes déjà, précédant celui-ci, ont obtenu le plus légitime succès dans le monde de l'art et de la curiosité. M. Paul Eudel traite, en effet, d'une plume alerte, spirituelle, admirablement informée sur les choses et sur les hommes, féconde en renseignements et en enseignements, riche de faits et d'anec dotes, cette matière complexe variée à l'infini, abondante en contrastes, pétrie de larmes et de joies, d'illusions et de déceptions amères, de suffisance de parvenu et de goût héréditaire, d'ignorante hàblerie et de science modeste, de charlatanisme, voire de friponnerie, et d'absolue probité commerciale, que représente le transit d'une saison à l'hôtel Drouot. Que de vivants portraits d'artistes, de collectionneurs et de marchands, fixés d'un trait rapide et sûr! que de bons et sages conseils donnés à chacun sans pédantisme! que de jolis chapitres inspirés au jour le jour par les hasards de l'affiche en cet aimable livre, égaye par surcroît de croquis et d'autographes tirés sans doute des catalogues mêmes des ventes dont il retrace la physionomie, et dont le souvenir se trouve, de la sorte, singulièrement ravivé et perpétué!

M. Paul Eudel, qui tient à faire bonne mesure au lecteur, ajoute à chacun de ses volumes l'attrait d'une préface signée d'un autre nom. Quelque brillant caprice ou de vives variations pour plume solo sur ce thème donné, « l'Hôtel Drouot », où s'exercera sa propre verve en l'espace de 450 pages. C'est une aimable coquetterie d'auteur sûr de lui. Les virtuoses, par qui ce morceau d'ouverture été tour à tour exécuté, sont MM. J. Claretie, A. Silvestre, Ch. Monselet et Champfleury. Cette année, l'avant-propos est de M. Philippe Burty. De bon compte, c'est à lui qu'eût dû revenir l'agréable mission de présenter au public la première série de ces annales de l'hôtel Drouot, car M. Burty est en réalité le créateur du genre qu'il introduisait, en 1859, dans le premier numéro de la Gazette des beaux-arts. Aussi est-elle charmante, cette préface, faite de ses souvenirs d'un temps qui fut la plus glorieuse époque de « l'hôtel », où le collectionneur était vraiment un amateur, un connaisseur, et non le spéculateur, le marchand éhonté se dérobant à la patente, que depuis, trop souvent, il est devenu. Il y a là des pages exquises que je regrette extrêmement de ne pouvoir citer, comme le portrait du marquis de Saint-Senne, la rehabilitation du « petit amateur », un morceau achevé d'une rare saveur lit téraire, ainsi que le tableau d'une grande vente d'alors, avec sa mise en scène d'une fidélité puissante et le mouvement vrai de ses émouvantes péripéties. Ce tableau, M. Philippe Burty nous dit qu'il le dé

tache d'une nouvelle écrite depuis longtemps déjà, la Boite en laque blanc, qu'il ne se sent pas le courage de publier. Voilà un témoignage de modestie peu commun et tout à fait hors de saison. Nous espérons que, mis en goût par le bon accueil fait à ce fragment, M. Burty se décidera à nous donner la nouvelle complète. Lire une œuvre de fiction ayant pour objet l'art et la vie artiste contemporaine, tracée par un écrivain qui possède de l'un et de l'autre l'expérience lentement acquise et la plus achevée, qui n'a qu'à emprunter au trésor inépuisable de sa propre mémoire cela nous reposerait un peu de l'effort terrible dont un romancier célèbre offre en ce moment le laborieux spectacle, à vouloir traiter ce sujet qui lui est peu familier, où il multiplie les menues erreurs de détail, les faits de seconde main et les lieux communs présentés comme autant de révélations esthétiques originales. La préface de M. Burty est une véritable bonne fortune pour le cinquième volume de l'Hôtel Drouot et la curiosité.

Bibliothèque internationale de l'art. - Les musées d'Allemagne : Cologne Munich Cassel, par EMILE MICHEL. Un vol. in-4°, de vi-298 pages, accompagné de 15 eaux-fortes et de 8o gravures. Paris, 1886, librairie de l'Art, J. Rouam.

Le nouvel ouvrage dont vient de s'augmenter la Bibliothèque internationale de l'Art, dirigée par M. Eugène Müntz, a le double mérite d'être à la fois une œuvre d'érudition et une œuvre de sentiment. L'alliance est rare. Depuis le jour où Diderot écrivait son premier Salon, la littérature artistique a pris en France, dans le mouvement intellectuel, une place considérable. Cette littérature, pendant longtemps, garda l'empreinte de ses origines, et, comme l'avait été la critique de Diderot, demeura purement sentimentale, se complaisant un peu trop peut-être à de " vagues dissertations esthétiques ou littéraires », pour me servir des termes mêmes employés par M. Émile

Michel. On attribue volontiers à W. Bürger (Th. Thore) la réaction qui se produisit, il y a une trentaine d'années, contre la critique de l'école de Diderot et de Stendhal, et qui engendra un mouvement de recherches historiques plus sévères. On ne se borna plus à l'étude et à l'appréciation des œuvres d'art, on voulut connaître exactement et déterminer leur filiation intime, remonter à leur source. L'histoire de l'art fut rejetée tout entière à la fonte. Comme toutes les réactions, celle-ci poussa les choses à l'excès. Elle rendit des services, mais les fit chèrement payer, cette école de la critique document dont la sécheresse, l'aridité, l'odeur de poussière et de moisi qu'elle mettait sans plus dans ses livres donnaient à la longue le dégoût des œuvres dont elle parlait. Elle suffit cependant à de belles fortunes académiques et administratives. De hautes fonctions, un siège à l'Institut récompensèrent tels et tels dont le cœur n'avait jamais battu, dont l'oeil ne s'était jamais mouillé devant une œuvre d'art, mais qui avaient eu la patience de fouiller, de copier et de publier d'énormes dossiers d'archives publiques.

M. Émile Michel, l'auteur des Musées d'Allemagne, nous ne saurions trop lui en savoir gré, n'appartient pas à cette triste école. Non qu'il ne s'éclaire et ne nous éclaire en sa route aux lumières d'une érudition scrupuleuse et fort attentive; mais, en outre qu'il étudie les primitifs à Cologne, Rubens à Munich ou Rembrandt à Cassel, il parle des œuvres et des hommes avec cette chaude et naturelle éloquence qui trahit l'émotion profondément ressentie. La « Librairie de l'Art » a su ajouter à cet excellent livre la parure d'une illustration exceptionnellement opulente: 80 gravures dans le texte, dont quelques-unes reproduisent des dessins de M. Émile Michel luimême, d'après des tableaux préférés, et 15 grandes eaux-fortes d'après Rubens (3), Bruyn, Palma Vecchio, Murillo, Antonio Moro (2), Van Dyck, Gonzalès Coque, David Teniers (3), Adrien Brauwer et Rembrandt.

E. C.

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A travers la Chine, par LÉON ROUSSET, ancien professeur à l'arsenal de Fou-Tchéou. Deuxième édition, contenant vingt-huit gravures et une carte. Paris, Hachette et Cie, 1886. Un vol. in-16.

Ce livre, écrit par un homme dont on peut dire : Noblesse oblige, et qui a vu et étudié de près pendant sept années ce dont il parle, est une mine de renseignements de premier ordre sur les Chinois, leurs mœurs, leurs qualités, leurs défauts, leurs be soins, les ressources de leur sol et de leur industrie, sur la situation respective des différentes nations européennes en Chine, et particulièrement sur le rôle politique et commercial qu'y joue et qu'y devrait jouer la France. Outre l'attrait d'une relation de voyage redigée par un observateur qui sait décrire et qui, grâce à sa connaissance de l'histoire et des légendes nationales, relève son récit de piquantes et curieuses anecdotes, le volume de M. Léon Rousset a une valeur pratique et patriotique inappréciable: il est admirablement fait pour exciter chez nous l'esprit d'entreprise, en nous montrant que « le meilleur moyen d'assurer l'influence de notre pays, c'est de nous répandre au dehors, et que la première condition de ce progrès, c'est de connaître les autres peuples, leur civilisation, leur caractère et leurs besoins, d'imiter, en un mot, l'Angleterre et de lutter avec elle sur ce terrain fécond, où la France pourrait lui disputer, sinon l'empire commercial, du moins l'empire moral et civilisateur du monde. »

Ces figures, datées de 1878, ne sont pas moins vraies aujourd'hui qu'elles l'étaient alors. La guerre avec la Chine et le traité qui en est sorti, nos entreprises à main armée que l'on qualifie du nom de politique d'expansion coloniale, les progrès que nous avons pu faire et les fautes que nous avons certainement commises, rien de tout cela ne nous autorise à rejeter comme arriéré ce jugement que l'histoire du passé et l'histoire du présent ne motivent qu'avec trop de force « La France ne tient pas, en Chine, la place qu'elle devrait y occuper; peut-être y a-t-il à cela beaucoup de sa faute. » Si l'on veut des explications, en voici dont on ne contestera pas la netteté: « Il n'y a point en Chine, de politique française; nous sommes, à Pekin, des comparses, toujours prêts à répondre Amen à tout ce que disent les premiers rôles : l'Angleterre, l'Amérique et la Russie, et peutêtre bientôt aussi, l'Allemagne. Ce n'est cependant point notre diplomatie qu'il faut rendre responsable de cette triste situation. C'est nous-mêmes, c'est l'indifférence et l'ignorance de la France sur les ques tions d'influence extérieure qu'il en faut accuser. Comment nos agents prendraient-ils une attitude résolue et une initiative qui pourrait éveiller la jalousie des autres puissances? Ils savent qu'ils ne seraient ni soutenus, ni suivis, ni même compris. Ils se tiennent sur la réserve, et chaque jour, nous perdons quelque reste de cette influence française qui fut, il y a deux siècles, prépondérante en Chine. » Le Journal d'un Interprète en Chine ne soutient pas une autre thèse. C'est de quoi donner à réfléchir, et de quoi rappeler que si le sang va vivifier les extrémités les plus éloignées du centre, c'est parce qu'il reçoit une vigoureuse impulsion au cœur.

M. Léon Rousset n'a pas seulement fait œuvre d'explorateur, de lettré et d'écrivain: il a fait œuvre de bon citoyen français.

P.-H. G.

PETITE GAZETTE DU BIBLIOPHILE

La troisième livraison complétant le tome premier de la revue les Lettres et les Arts se maintient à la hauteur des deux précédentes si elle ne les surpasse point. Elle s'ouvre par un merveilleux dessin de Meissonier illustrant une charmante nouvelle de M. Ad. Racot; puis dans un petit roman, dont on appréciera toute la curieuse nouveauté, M. Bentzon met aux prises un Japonais et une Parisienne, deux races, deux civilisations et deux amours. Albert

Aublet a, sur cette donnée, peint deux panneaux qui le placent définitivement parmi les maîtres du modernisme élégant. Après des sonnets de José-Maria de Heredia dignes de lui, du plus éminent des Sonneurs de Sonnets, vient une curieuse biographie de Mine Caron, la nouvelle étoile de l'Opéra, par M. Reyer, l'auteur de Sigurd, et un ravissant portrait

d'elle par Toulmouche. M. Gerspach a donné une note courte, mais substantielle sur les admirables tapisseries que le regretté Baudry avait dessinées pour les Gobelins; Francisque Sarcey, des souvenirs bon enfant et gais, pleins de vivacité gauloise; notre éminent confrère M. Charles Yriarte, un article plein de révélations sur César Borgia; Anatole France, qui ne quitte la direction de la Revue que pour mieux lui assurer sa précieuse collaboration, publie une nouvelle exquise. Un excellent article de Claudius Popelin sur notre regretté collaborateur Armand Baschet complète ce numéro qu'accompagnent une intéressante Revue bibliographique, un Courrier des theatres, une Chronique financière, etc., et qui renferme des dessins de Dagnan-Bouveret, de Grasset, de Calmettes, de Richard Goubie, de Saint-Elme

Gautier, plus de quarante dessins originaux et inédits.

La Revue les Lettres et les arts est, on ne peut le nier, la plus belle revue de ce siècle. Lorsque les éditeurs y auront introduit la variété dans le moyen de reproduction en relief et en creux, ce sera une merveille de perfection.

L'éditeur Isidore Liseux vient de publier un livre essentiellement moderne de M. Alexandre Piedagnel: Jadis, souvenirs et fantaisies, avec six eaux-fortes de Marcel d'Aubépine. C'est un magnifique volume in-8° d'environ 400 pages, remarquablement tiré par Unsinger à 450 exemplaires numérotés (350 sur Hollande à 24 fr., 100 sur grand Japon à 36 fr.). M. Piedagnel ne nous a pas apporté dans ce recueil une grande moisson de pièces littéraires inédites; il a réuni une foule de petits opuscules divers qui sont comme la quintessence de son œuvre poétique et de ses études de prosateur curieux et aimable. Peut-être mêine peut-on lui reprocher d'avoir un peu tiré sur la corde; pour joliment tressée qu'elle soit, le chanvre en est souvent de troisième main et parfois la ficelle paraît éméchée. Il suffit de lire la liste des ouvrages du même auteur, dont M. Piedagnel ne manque jamais d'établir la nomenclature minutieusement détaillée à la fin de ses livres, pour se convaincre qu'il nous sert ici une seconde resucée. Ce ne serait pas faire honneur au talent gracieux de l'auteur d'hier que de ne pas lui demander de nouvelles chansons et de nouveaux récits. Nous aimons à espérer que M. Piedagnel ne survit point à sa muse et que l'heure n'est pas encore venue pour lui de faire encadrer sa plume. Donc, tout en admirant le joli volume de Jadis, illustré par le talent printanier de M. d'Aubépine, nous pouvons dire que ces variations sur le Carnaval de Venise littéraire de M. Piédagnel ont assez duré, et que nous serons charmé de retrouver le virtuose dans de nouvelles compositions. M. Isidore Liseux, qui avait précédemment publié Avril, un des livres à succès de sa librairie, a fait de Jadis un ouvrage charmant que les amateurs accueilleront avec faveur, tout en se disant in petto à l'adresse de M. Piedagnel: « Pour cette fois-ci, passe encore; mais ne nous la faites plus! >>

Les amateurs de bons et beaux livres ne pourront que féliciter la Librairie des Bibliophiles d'avoir encore placé un chef-d'œuvre de Lamartine dans la collection de la Bibliothèque artistique moderne, où MM. Jouaust et Sigaux veulent réunir les meilleurs contes et romans contemporains, faisant ainsi pour les auteurs de notre siècle ce qu'ils ont si heureusement entrepris, avec leur Petite Bibliothèque artistique, pour ceux des siècles passés. La publication de Graziella vient d'ailleurs à son heure, aujourd'hui qu'on se prépare à élever une statue à l'auteur des Méditations.

Cette édition est, elle aussi, un monument à la gloire du poète. L'exécution typographique en est des plus soignées. Les dessins qui l'accompagnent sont

de M. Bramtot, qui a interprété avec autant de grâce que de vérité la charmante idylle de Lamartine. Il a trouvé dans l'habile aquafortiste Champollion un traducteur aussi fidèle qu'ingénieux de ses remarquables compositions.

La publication de Graziella a été précédée tout dernièrement de celle de Jocelyn, avec dessins de Besnard gravés par de Los Rios. Les éditeurs ont voulu ainsi donner simultanément le chef-d'œuvre poétique de Lamartine et son chef-d'œuvre de prose. C'est à Graziella que se trouve jointe une étude sur Lamartine écrite par M. Louis de Ronchaud, l'un des amis les plus intimes et les plus dévoués du grand poète.

Graziella forme un beau volume, du format in-8° écu, l'un des plus appréciés des bibliophiles. Le prix est de 25 francs. Il y a aussi un tirage en grand papier, in-8° raisin, sans compter les exemplaires en papiers de Chine, Whatman et du Japon, dans les deux formats.

Nous rappelons aux amateurs que dans la même collection ont déjà paru : les Contes d'Alphonse Daudet; le Roi des Montagnes; le Capitaine Fracasse, 3 volumes; Une Page d'amour, 2 volumes, et enfin Servitude et Grandeur militaires, dont nous avons tour à tour rendu compte à nos lecteurs (30 fr.).

La même librairie vient d'ajouter à sa collection des Curiosités historiques et littéraires les Lettres d'amour d'Henri IV, publiées par M. de Lescure, avec une piquante préface et des notes fort curieuses; le Livre, nous le rappelons, a eu la primeur de ce travail, c'est un choix fait dans les trois cents lettres du vert-galant à Corisande d'Andoins, comtesse de Grammont, à Gabrielle d'Estrées, à Henriette de Balzac d'Entragues, marquise de Verneuil, à la reine Marie de Médecis. Ces lettres, perdues dans les dix mille lettres politiques, diplomatiques, militaires, de la grande collection des Lettres missives d'Henri IV, publiées de 1842 à 1877 sous les auspices du ministère de l'instruction publique, acquièrent, par leur isolement, un relief, une fraîcheur, une vivacité de couleur, qui font de la plupart d'entre elles des chefs-d'œuvre de style et de sentiment. Le choix dû à l'auteur du livre les Amours d'Henri IV, dont le succès dure encore, a été relevé pour la première fois sur la collection complète. Il est le plus abondant, le seul fait avec méthode et avec critique.

Le volume des Lettres d'amour d'Henri IV, publié dans le format grand in-18 jésus, qui permet de donner au texte de belles marges, est imprimé avec un soin qui en fait un véritable livre d'amateurs; le prix est de 4 fr.

Dans cette même collection des Curiosités historiques de MM. Jouaust et Sigaux a paru dernièrement un ouvrage très curieux: Madame la comtesse de Genlis, sa vie, son œuvre, sa mort (1746-1830), d'après des documents inédits par Honoré Bonhomme. Dans l'histoire littéraire de la fin du XVIIe siècle et du commencement de celui-ci, il n'est peut-être pas de physionomie plus curieuse, plus complexe, plus

attirante que celle de la comtesse de Genlis et cependant il n'existait pas jusqu'ici une monographie détaillée et complète de ce colossal bas bleu aux trouées de chair rose. M. Honoré Bonhomme, qui est l'un des plus compétents historiographes du xvIIIe siècle et un érudit fouilleur, nous a très spirituellement restitué sous ses différentes faces la figure piquante de Mme de Genlis dans ce livre qui contient près de cent quarante pages. Après une étude habilement étudiée et écrite sur l'auteur des Souvenirs de Félicie, M. Bonhomme nous donne une dizaine de lettres inédites de Mme de Genlis avec des éclaircissements et des notes; puis, dans un troisième chapitre, il analyse avec soin le caractère et les aptitudes des élèves de Mme de Genlis; enfin, il nous dresse la bibliographie chronologique de son œuvre plus clairement qu'on ne l'avait fait jusqu'alors, et dans un appendice, sous forme de résumé, il fait passer sous les yeux du lecteur quelques-unes des critiques littéraires et autres, auxquelles Mme de Genlis se laissa aller à l'égard de ses contemporains, hommes et femmes, critiques souvent violentes qui soulevèrent contre elle des inimitiés dont l'ardeur ne s'éteignit même pas à sa mort. La Madame de Genlis de M. Honoré Bonhomme mérite de fixer l'attention de tous les curieux et d'être conservée dans les bibliothèques des travailleurs. Ce livre, très bien imprimé, est d'ailleurs en vente au prix modique de 3 francs sur vergé et 6 francs sur Hollande, 20 exemplaires sur chine et 20 sur Whatman ont été tirés de cet ouvrage.

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Sous le titre modeste d'Impressions sur la pein. ture, le peintre Alfred Stevens publie à la Librairie des Bibliophiles des pensées qu'il a crayonnées au jour le jour dans son atelier, et qu'il vient de réunir en un petit volume. Bien que l'auteur n'affiche aucune prétention littéraire, ses pensées, fort originales, sont écrites d'un style clair et élegant; il sait dire beaucoup en peu de mots et porter des jugements indépendants sans blesser personne. Son livre est en quelque sorte comme un bréviaire du peintre, s'adressant aussi aux gens du monde, et que tous auront plaisir à conserver, non seulement pour ce qu'il contient, mais aussi pour la forme élégante que lui ont donnée les éditeurs Jouaust et Sigaux. Ce volume a été tiré à 500 exemplaires sur papier de Hollande. Prix: 3 francs.

Les pensées sont du reste à la mode, les petits moralistes des siècles pullulent et le libraire Ollendorff favorise leur éclosion en mettant à leur disposition une petite bibliothèque in-32 (à 4 francs) dans laquelle viennent de paraître les Pensées d'un sceptique, par Ph. Gerfaut. L'esprit d'observation de M. Geriaut s'étend sur les femmes, la mode, l'àge, la patrie, la famille, les voyages, les vices et les vertus, l'amour et l'amitié, la douleur et les comédies du sentiment. Beaucoup de verve piquante, mais rien de transcendant, la forme de ces pensées est généralement défectueuse et aucunement lapidaire; les points de comparaison et les figures en sont parfois vulgaires, le

moraliste à notre sens doit non moins surveiller la forme et le style que le poète. Une pensée demande à être enchassée dans une griffe impérissable et non pas enregistrée au hasard dans la manière courante de l'expression. Là où on subtilise l'esprit, il faut subtiliser la façon et la rendre exquise.

La maison Quantin fait paraître dans sa Bibliothèque des chefs-d'œuvre du roman contemporain Mauprat, de George Sand, avec dix compositions de J. Le Blant, gravées à l'eau-forte par H. Toussaint.

C'est le quatrième volume paru dans cette collection des chefs-d'oeuvre et, à notre avis, c'est le plus parfait en tous points sous le rapport de la forme artistique. La typographie est remarquable, le caractère de neuf Didot, spécialement gravé pour la maison Quantin, est net, saillant et par conséquent delicieux à l'œil. Le papier du Marais a été très légèrement teinté et n'a plus les tons crayeux des premiers volumes; l'amélioration est indéniable et l'éditeur a bien fait de ceder sur ce point à l'opinion des amateurs qui n'aiment pas avec raison trouver au papier de leurs livres de choix le ton brutal d'un plastron de chemise blanche. Il est nécessaire à l'harmonie d'un livre que la teinte du papier soit sobre, douce avec quelque chose de cette patine de l'ivoire que donne le temps. Mauprat réalise cet idéal.

Il serait superflu de revenir sur le mérite littéraire de cette grande œuvre Mauprat, deux fois célèbre par le roman et par le drame. Le côté épique de cette fiction magistrale est restée dans l'esprit de tous et il ne nous reste qu'à envier le plaisir de ceux qui auront la virginité de cette lecture dans le bel ouvrage publié par la maison Quantin. Ce que nous tenons à louer avant toute chose dans ce livre, c'est l'interprétation de M. J. Le Blant qui a réalisé en véritable artiste les principales scènes du chef-d'œuvre de George Sand. Le peintre des Chouans était bien l'illustrateur désigné pour Mauprat; son tempérament, non moins que les études où il s'est spécialisé, le préparaient à la compréhension intime de cet ouvrage; aussi vientil de s'y montrer supérieur, soit qu'il ait eu à traiter des pages sentimentales, soit que son crayon se soit mis en mouvement pour peindre les actions mouvementées et tragiques du drame. Il a procédé en tout et pour tout avec une rare simplicité et il a tiré de sa manière des effets surprenants, tour à tour émus ou poignants. Il n'est point, par exemple, de composition plus touchante que celle qui représente Edmée au chevet de Bernard Mauprat, ni de plus largement dramatique que ce joli tableau digne d'un maître où l'on voit l'escalade de la Roche-Mauprat. Le dessin de M. Le Blant est large, très aéré et toujours consciencieux et précis. Il ne fignole pas ses personnages jusqu'à préciser les moindres détails de costume, mais il se réserve pour l'ensemble qui reste séduisant et impeccable.

M. Le Blant a d'ailleurs trouvé dans M. Henri Toussaint, l'aquafortiste, un interprète habile et très ingénieux qui a eu le rare mérite de graver dans la ma

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