Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de parcourir, s'ouvre par le récit des faits qui se sont accomplis sous le règne de Charles VIII; il se ferme sur un chapitre dans lequel il est parlé de l'état intérieur de la Champagne à la mort de Louis XIII. C'est un siècle et demi de l'histoire d'une province et de notre histoire nationale: les derniers Valois, la Renaissance, la Réforme, la Ligue, puis l'avènement des Bourbons et les commencements de la monarchie absolue.

L'auteur expose par le menu, avec une grave clarté toutefois, ceux des événements qui ont eu la Champagne pour théâtre, et il insiste sur ceux qui, s'étant produits en dehors, n'ont pas laissé que d'être pour elle de conséquence; les lois et les lettres-patentes sont par lui analysées; mais il est partial plus qu'il n'est permis de l'être, et rien de ce qu'ont pensé, voulu ou exécuté les Huguenots ne trouve grâce à ses yeux. Trop courts sont les chapitres ayant trait aux libertés municipales, qui s'en vont se restreignant de plus en plus, - à l'état religieux (et il n'est parlé que du zèle des catholiques!), à l'état moral et économique de la province, à différentes époques; ayant trait aussi au mouvement littéraire, scientifique, artistique.

Une question intéressante est discutée : la ville de Sens est-elle champenoise ou bourguignonne? La discussion, il faut l'aller chercher à la fin du voume, dans l'Appendice.

Histoire de la littérature portugaise depuis ses origines jusqu'à nos jours, par A. LOISEAU, professeur agrégé au lycée de Vanves, docteur és lettres. Un vol. in-12. Paris, Ernest Thorin, 1886.

On est souvent tenté, si l'on traite une question, de la considérer comme des plus dignes de fixer l'attention; a-t-on l'esprit critique, on se défend, sans doute, de tout enthousiasme ou de tout mépris exagére, suivant le cas; mais on ne laisse pas pour cela, toujours le plus souvent, de grandir le sujet à l'étude duquel on a consacré de longues heures. C'est un travers qu'il faut excuser, et M. Loiseau y serait tombé que nous ne lui en ferions pas un crime. Mais s'il vante plus que de raison certaines œuvres qui ne sont pas, nous l'accordons, tout à fait à dédaigner, et s'il tient pour considérables encore à quelques égards des ouvrages assez médiocres, suivant nous, il ne

présente pas du moins son Histoire comme une sorte de révélation: louons-le plutôt.

« Un préjugé répandu généralement, même de nos jours, veut, dit-il, que le portugais ne soit qu'un dialecte de l'espagnol, et que la littérature portugaise se réduise à Camoens : génie supérieur sans doute, mais qui n'est pas un astre isolé dans le ciel poétique de la Lusitanie. » Et il tâche à ruiner ces deux préjugés. Vaine tentative. Nous n'avons pas la compétence qu'il faut pour décider si le portugais diffère essentiellement, ou non, du castillan; ce que nous pouvons affirmer, c'est qu'avant Camoens on peut nommer trois écrivains aux œuvres de qui l'on peut s'intéresser, c'est qu'après Camoens (Camões, - l'au teur adopte la façon d'orthographier du pays,) on peut en citer trois également.

Les Cancioneiros dont on parle n'enferment rien d'original pas une pièce qui n'ait été composée à l'imitation, comme tour, comme rythme, de quelque poésie provençale. La question de l'Amadis de Gaule réservée, les romanceiros ne sont pas davantage intéressants. Il faut citer les noms de Ribeiro, de de Vasconcellos? Soit. Et le théâtre de Gil Vicente, de Så de Miranda, d'Antonio Ferreira, ne serait pas dépourvu de toute valeur? Soit encore. Et oublier de parler des pastorales de Bernardo serait une véritable injustice? Camôes reste le premier grand poète, et les astres qui ont brillé déjà dans le ciel de Lusitanie sont des étoiles de quatrième ou cinquième grandeur.

Sur Camôes, dans le livre, un seul chapitre, et un chapitre seulement, c'est vraiment trop peu.

Au XVIIe siècle, le Phénix renaissant, les Épanaphoras; le xvie est plus pauvre encore, en dépit des Arcadies. C'est au commencement de celui-ci que le Portugal commence d'avoir une littérature, avec d'Almeida Garrett, Antonio de Castilho, Alexandre Herculano; des articles de revues nous ont fait connaître ces écrivains.

M. Loiseau parle très aimablement des auteurs contemporains, de MM. José de Silva Mendes Léal et João de Andrade Corvo de Camôes, de MM. Camillo Castillo Branco et Francisco Gomez de Armorim; nous n'estimons qu'il ait eu tort.

L'Histoire de M. Loiseau n'est pas travail inutile.

F. G.

[graphic][subsumed]
[blocks in formation]

Une Philippique inconnue et une strophe inédite de LAGRANGE-CHANCEL, recueillies par un bibliophile. Paris, Damascène-Morgand, et Reims, F. Michaud, 1886. In-8° de 42 pages, avec fac-similé. Tiré sur hollande à 150 exemplaires, dont 100 seulement mis dans le commerce.

Tout le monde connaît les fameuses odes satiriques composées par Lagrange-Chancel contre le régent Philippe d'Orléans; elles sont en effet à la portée de tous puisque, sans parler des copies manuscrites toujours recherchées, il en existe douze editions, dont celle donnée par M. de Lescure est encore la meilleure, à notre avis. On sait donc que ces pièces, considérées par maintes personnes comme un chefd'œuvre de satire, si l'on peut qualifier ainsi le produit d'une haine atroce et de la plus noire méchanceté, sont au nombre de cinq; mais ce que l'on ignore généralement, c'est qu'il existe une sixième ode, offrant cette particularité curieuse que, loin d'être comme les autres une virulente attaque contre le régent, elle en est au contraire une ardente apologie. C'est cette Philippique inconnue qu'un érudit bibliophile rémois, M. V. D. (?), vient de vulgariser dans la charmante plaquette que nous avons sous les yeux. Comme il a soin de le dire, ce n'est pas la première fois qu'elle voit le jour; nous avons eu, en effet, le plaisir de la publier déjà dans l'Annuaire de la Société des Amis des livres pour 1885. Mais cet annuaire est destiné à un si petit nombre de bibliophiles qu'on peut bien dire que toutes les productions qui y sont insérées peuvent être regardées comme à peu près inédites. C'est une grande satisfaction pour nous de voir donner une publicité plus etendue, mais encore trop restreinte,

à cette pièce très curieuse que, grâce l'obligeance du savant M. Gustave Pawlowski, nous avions pu transcrire d'après un manuscrit provenant de l'admirable bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot. Nous ignorions alors qu'il en existât une autre copie, et nous nous réjouissons fort que M. V. D. ait découvert un nouveau manuscrit où cette ode, remarquable à divers titres, se trouve plus complète et plus correcte que dans le texte que nous avons publié.

Dans le manuscrit de M. V. D., comme dans celui de M. Didot, cette Philippique inconnue occupe le quatrième rang. L'éditeur a tiré parti de cette circonstance et de maints autres arguments puisés dans l'ode même pour déterminer la date de sa composition. Cette pièce, avons-nous dit, est une apologie du régent; par divers motifs plausibles, M. Gustave Pawlowski avait cru pouvoir alléguer qu'elle était antérieure à toutes les autres; - M. V. D., au contraire, pense qu'elle est bien à sa place entre la troisième et la cinquième ode; il explique, avec force bonnes raisons, que Lagrange-Chancel, après s'être attiré un juste châtiment par la composition des trois premières, s'était efforcé de rentrer en gràce par cette palinodie, et que, furieux de n'avoir pu réussir dans son rôle de courtisan, il s'était vengé de sa déception en écrivant les deux dernières. Nous n'entreprendrons pas d'analyser et de discuter ces opinions contradictoires; nous nous bornerons, quant à présent, à signaler à nos lecteurs la publication de M. V. D. qui mérite à tous égards l'attention des bibliophiles et des érudits, publication intéressante au point de vue littéraire comme à celui de l'histoire, et qui atteste, chez son auteur, autant de modestie et de savoir que de goût et de jugement.

PHIL. MIN.

[blocks in formation]

pourtant si calomnié ; une morue de trois ans, blanche et grasse, et dont la chair se détache par écailles gonflées et savoureuses, éternel regret de ceux qui ont été à Terre-Neuve ».

M. de la Chaume refroidit son enthousiasme pour l'odeur de la morue séchée au solei! qui s'exhale des rivages de la Quidividi.

Le voyageur nous décrit avec une estimable précision l'aspect du pays, ses ressources, ses mœurs. Il nous allèche en nous promettant non moins de détails sur les habitants, mais il se borne à quelques notes trop sommaires, qui ne nous font voir les Terre-Neuviennes que comme des provinciales basbretonnes, émancipées par l'éducation anglaise. M. de la Chaume ne nous parle que de Saint-Jean, et il a

pour cela deux raisons qui en valent mille. La première, c'est qu'elle est la ville la plus intéressante; la seconde... c'est que c'est la seule qu'il connaisse.

En revanche, hors de Terre-Neuve, il a connu les Iroquois et les Iroquoises: il a vu à Caughnawaga le type indien dans toute sa pureté, car aucun blanc n'a le droit de se fixer là, de par la volonté du gouvernement canadien. Il y a de beaux hommes et des femmes presque blanches et jolies. Le grand chef, ô désillusion, porte le nom anglais de Williams, et, tout grand chef qu'il est, tient boutique d'épiceries. Sa fille est une demoiselle, parlant anglais et français, et jouant du piano. Et que joue-t-elle ? Les valses d'opérette des Bouffes et des Nouveautés. Et voilà ce qui reste des sauvages de l'Amérique!

[ocr errors]

PZ.

[blocks in formation]

Études sur le scepticisme de Pascal considéré dans le livre des Pensées, par ÉDOUARD DROZ, docteur és lettres, maître de conférences à la Faculté des lettres de Besançon. Un vol. in-8°. Paris, Félix Alcan, 1886.

Ceci est une bonne thèse de doctorat és lettres. La remarque qu'elle est bonne n'est pas à prodiguer aujourd'hui, qu'on accorde le doctorat ès lettres un peu à l'aventure. On lit en tête de l'introduction de M. Droz : « Que veux-je faire en tout ceci? inculquer le jansénisme et le plaider? oh! non pas. » Cela est tiré de Sainte-Beuve. L'historien de Port-Royal avait envie de se garder. Il désirait qu'on sût qu'il ne sacrifiait pas, au sujet traité par lui, sa liberté d'esprit. M. Droz a-t-il peur de se compromettre? Il ose en effet citer Bossuet, aborder un point de morale pour ces temps << laïcs » et scientifiques où ces sujets-là sont à l'index. Ajoutez qu'il n'est pas sans éducation littéraire, qu'il l'a puisée aux sources, qu'il a un talent d'exposition qui promet, quelque style · il promet aussi de ce côté. Le fait est qu'il n'est pas arrivé, qu'il ne semble pas même en voie d'arriver à l'état scientifique, c'est-à-dire à cette mort intérieure qui permet d'étiqueter les idées et les sentiments comme les échantillons d'un herbier et qui est le terme de la perfection scientifique. Son âme vibre encore au contact des opinions. Il s'en excuse du reste. Jusqu'ici on n'était pas obligé de s'en excuser.

[ocr errors]

Donc M. Droz plaide: not guilty, Pascal n'est pas sceptique. Eh! bien non! Pascal n'est pas sceptique; il y a en lui le contraire du scepticisme, l'amour effréné de croire. Le mal est qu'il ne trouve pas à croire. Il ne nie pas la légitimité de la raison, il lui trouve des bornes étroites. Ce n'est, selon lui, qu'une

bougie qui éclaire à dix pas dans la nuit de l'éternité, ce dont il se plaint avec amertume. Il a gagné à cela l'animadversion de Cousin que M. Droz traite un peu légèrement. Cousin n'est pas seulement un des meilleurs écrivains du xixe siècle; son esprit ne manquait ni de hauteur ni d'étendue. Il avait tout de suite découvert chez Pascal un ennemi personnel. Cousin, cartésien, éditeur des œuvres de Descartes, auteur d'une doctrine qui se réclamait de Descartes, savait du reste, ce que ses études sur le xvIIe siècle lui avaient appris, que le livre des Pensées avait été écrit contre Descartes et la philosophie de Descartes. M. Droz signale en passant cette hostilité des Pensées contre Descartes. Cette hostilité est le fond du livre et on doit toujours l'avoir présente à la pensée si on veut entendre Pascal. L'attaque de Cousin est donc une défense indirecte de Descartes. Ce qui afflige Cousin, ce n'est pas que Pascal soit sceptique. Il sait aussi bien que M. Droz dans quel sens Pascal est sceptique. Il ne conteste pas l'au torité, mais l'étendue de la raison. Pascal a voulu lui éteindre sa lumière qui n'est, dit-il, qu'une bougie dont la lueur n'a pas de portée. De plus, Pascal déplace la raison. Au lieu de la mettre, comme Cousin et les positivistes modernes, dans l'entendement, il l'étend à l'âme entière, à la sensibilité - c'est le cœur qui sent Dieu à la volonté mère de l'intuition, de l'instinct, de la coutume, de l'hérédité, en un mot, toutes choses qui échappent au raisonnement. De ce côté donc, l'intervention de Cousin et le crédit qu'il a obtenu ne sont pas aussi déplacés qu'imagine M. Droz.

Il y a un autre côté du scepticisme de Pascal qui échappe complètement à M. Droz et ce côté-là, c'est de l'histoire. Ce qu'on appelle scepticisme chez

Pascal, a des liens intimes avec son état de santé, les événements de sa vie, ses relations, le milieu où il a vécu qui est le milieu de Richelieu et de la Fronde. Si sa tendance à ne pas croire à la légère est un mal du temps auquel nul ne se dérobe entièrement, elle est davantage chez lui un effet du pessimisme qui, lui aussi, est un mal du temps beaucoup plus dangereux que le scepticisme. Pascal est sceptique par contagion; mais il l'est surtout parce qu'il est pessimiste, et il est pessimiste non seulement par contagion, mais parce qu'il souffre dans sa chair et dans son âme.

Il n'y a pas d'intelligence de Pascal sans l'intelligence de ce fait-là. Il convient de le répéter le livre de M. Droz promet plus qu'il ne donne. Le XVIIe siècle d'avant Louis XIV et Pascal est de cette période du XVIIe siècle, et ne lui est pas assez familier. La grande personnalité de Pascal ne l'empêche pas de dépendre de tout ce qui l'entoure. Quant à l'autorité qu'il pos sède de nos jours, elle est très variée, mais on aurait tort d'en demander des témoignages à tout le monde. Vinet et Sainte-Beuve en peuvent fournir ; il n'y a pas à en chercher dans les précis ou commentaires à l'usage des écoles et des enfants, ni dans les leçons faites dans une chaire. Un mot tombé de la bouche de Châteaubriand, de Napoléon, de Byron, de Guizot, a plus de sens. L'opinion de ceux qui sont désintéressés et qui, en outre, sont en état de se la faire eux-mêmes, compte seule. Celle qu'on ramasse dans la rue n'a pas de valeur... quand il s'agit de Pascal, entendons

[blocks in formation]

Le titre est emprunté et tout ce qu'enferme le volume est également pris, non pas au poète latin, mais à M. Lefèvre, à M. Véron.

Nulle considération un peu originale, et les argumentations trahissent une naïveté vraiment trop grande.

Qu'on en juge. L'auteur sait que l'on conteste l'existence de la matière, et il s'écrie: « Prenez vos outils, allumez vos fournaises, préparez vos creusets, coupez, pilez, chauffez, brûlez, liquifiez, faites évaporer! vous arriverez sans doute à le désagréger (le pied cube de matière), à en semer les débris impalpables aux quatre vents du ciel; mais, au bout de tous vos efforts, pas une de ses molécules ne manquera à l'appel, pas un atôme n'en sera perdu (p. 16). » Autre exemple; il s'agit de la morale. M. Danten écrit (p. 181): « La morale n'est point une donnée individuelle. L'homme seul ne serait point un être moral. La morale est une donnée sociale, la seule juridic. tion à laquelle elle ressortisse est donc la conscience sociale. Non point peut-être que la règle proclamée par la conscience générale ait une source plus pure que celle que peut tirer d'elle-même la conscience individuelle, puisque, en définitive, elle n'est que la

BIBL. MOD. - VIII.

[ocr errors]

résultante du travail qui s'opère dans les individus ; mais dans ce travail d'élaboration, outre qu'il est inspiré par une direction supérieure, })} une direction! cela est-il bien sûr? et, si direction il y a, en quoi, pourquoi est-elle supérieure? dans ce travail, « les conceptions entachées d'erreur » - à quel signe les peut-on reconnaître telles? « se contrôlent et s'éli minent l'une par l'autre, erronées peut-être parce qu'elles s'éliminent? - « s'éliminent l'une par l'autre, de façon à ne laisser surnager que ce qu'elles contiennent de pur et de vrai. Et le vrai et le pur se laissent sans doute distinguer de l'impur et du faux, en ce que le faux, l'impur s'engloutissent lentement, que le vrai, le pur surnagent ou surnageront!

F. G.

Exposé sommaire des théories transformistes de Lamarck, Darwin et Haeckel, par ARTHUR VIANNA DE LIMA, docteur és sciences. Un vol. in-12". Paris, Ch. Delagrave, 1886.

L'auteur, parlant de son livre, répète la phrase de Montaigne « J'ay seulement faict icy un amas de fleurs étrangières, n'y ayant fourny du mien que le filet à les lier. » Le « filet » de Montaigne ? mais il n'est pas de si médiocre valeur ! M. Vianna n'y a pas songé son livre n'est rien qu'un ouvrage de vulgarisation, et il nous en prévient; donner un exposé qui fût clair a été sa seule prétention, il nous le dit. Cette prétention est pleinement justifiée : le travail est bien fait.

Nous ferons pourtant plusieurs reproches à l'au

teur.

Le premier au sujet du titre. Pourquoi avoir inscrit sur la couverture les mots : Théories darwinistes? Darwin n'a jamais défendu, que nous sachions, la thèse chère à l'auteur, à savoir le monisme, l'hylozoïsme. Les questions traitées sont au nombre de quatre l'évolution de la vie ou la conception mécaniste et unitaire des phénomènes vitaux; de la survivance du plus apte dans la lutte pour l'existence; l'origine des espèces organiques et la mutabilité des êtres; téléologie et dystéléologie d'après les transformistes. Mais combien de ces questions Darwin s'estil appliqué à résoudre ?

Notre deuxième reproche porte sur l'exposé lui. même. Il se laisse lire très facilement, nous n'avons pas fait difficulté de le reconnaître; n'eût-il pas toutefois gagné encore en clarté, si, au lieu de rapporter toutes les argumentations des uns et des autres touchant tel ou tel point, important ou secondaire de la doctrine vraie, l'auteur se fût contenté de présenter cette doctrine dans ses grandes lignes? M. Vianna n'a omis aucune observation, aucune considération : un Maître a remarqué, un autre Maître a établi, d'autres Maitres ont reconnu... Il n'a pourtant pas voulu qu'on crût seulement à l'étendue de ses lectures; il croit fermement à la doctrine à laquelle il s'efforce de recruter des adhérents.

Citer des autorités serait l'unique moyen de communiquer la foi. Quoi qu'il en soit, M. Vianna la

26

[blocks in formation]

Éléments de psychologie physiologique, par W. WUNDT, professeur à l'Université de Leipzig, traduite de l'allemand sur la deuxième édition, avec l'autorisation de l'auteur, par le Dr Élie Rouvier, de Pignan, précédés d'une nouvelle préface de l'auteur et d'une introduction par M. D. Nolen, recteur de l'Académie de Douai. Deux vol. in-8° de la Bibliothèque de philosophie contemporaine. Paris, Félix Alcan, 1886. Prix: 20 francs.

Dans son remarquable ouvrage : la Psychologie allemande contemporaine (école expérimentale), M. Ribot, après avoir analysé l'œuvre de Herbart, de Lötze, de Fechner, en venait aux travaux de M. Wundt (chap. vi), et il écrivait : « M. Wundt doit être considéré, à l'heure actuelle, comme le principal représentant de la psychologie experimentale en Allemagne. Seul, il l'a embrassée dans toute son étendue. Fechner s'est confiné dans une question unique; Lotze est avant tout un métaphysicien, qui souvent semble n'entrer dans l'expérience que par nécessité et à regret; Helmholtz, malgré la haute portée de son analyse des sensations élémentaires, n'est psychologue que par occasion; d'autres enfin, tout en suivant la même voie que Wundt, sont loin de l'égaler. Chez lui seul, nous trouvons une étude complète et systématique des problèmes de la psychologie. » Cela est dit très justement; M. Wundt est bien le philosophe qui a appliqué le plus largement, en psychologie, la méthode expérimentale.

-

On s'y est mépris, on a voulu croire, — non pas dans l'Université sans doute, non pas quelques philosophes qui ne lui appartiennent pas, mais nombre de littérateurs philosophant, que M. Wundt et ses élèves réduisent toute la méthode psychologique à l'expérimentation psychophysique, qu'ils n'usent que des seuls procédés d'analyse et de mesure; on a voulu donner l'école dont il est le chef pour une école matérialiste. Rien de moins exact. Des phénomènes conscients qui sont l'objet de la psychologie, les uns résultent de l'énergie des organes des sens et du cerveau, les autres procèdent de l'activité de la pensée; or, M. Wundt n'a pas méconnu l'impossibilité d'appliquer la méthode psychophysique à tous les phénomènes qui sont l'expression immédiate des phénomenes cérébraux, et pour les autres phénomènes, s'il se défie de la pure observation du sens intime, il recommande et il emploie tour à tour la méthode d'observation et de comparaison, la méthode historique.

--

Le premier volume des Éléments de psychologie physiologique s'ouvre sur une étude du système nerveux, de ses fonctions physiologiques. (PREMIÈRE SECTION. Chap. 1. Développement organique des fonctions psychiques; - Chap. 11. Structure du système nerveux; Chap. I. Développement de forme des centres nerveux; Chap. IV. Parcours des voies nerveuses conductrices; Chap. v. Fonctions physiologiques des parties centrales ; Chap. vi. Mėcanique physiologique de la substance nerveuse.) M. Wundt réfute la theorie des energies spécifiques : l'exercice des éléments nerveux et leurs relations rendent compte des diverses fonctions.

Suit une étude des sensations. (DEUXIÈME SECTION. Chap. vII. Origines et propriétés générales de la sensation; Chap. vi. Intensité de la sensation; Chap. ix. Qualité de la sensation; - Chap. x. Ton de sentiment de la sensation.) L'auteur analyse la loi de Weber; il ne la tient pas pour absolue, mais comme capable pourtant de nombreuses applications. Sur les qualités qui différencient les sensations, il écrit des pages très dignes d'attention.

Dans le second volume, quatre sections qui portent en titres généraux : De la formation des représentations sensorielles; De la conscience et du cours des représentations; De la volonté et de ses actes extėrieurs; De l'origine du développement intellectuel.

L'auteur regarde (chap. xi à XIV) aux représentations sensorielles, au rapport de la représentation avec la sensation, aux sensations et représentations tactiles, auditives, visuelles, enfin aux sentiments esthétiques simples.

Il aborde l'étude de la conscience et se demande jusqu'où elle s'étend (chap. xv); il traite ingénieusement de l'aperception (chap. xvi), des conditions qui la facilitent ou la gênent, plus ingénieusement encore du discernement et du choix, des liaisons associatives et des liaisons aperceptives (chap. xvir), des divers mouvements de l'âme (chap. xvIII), du sommeil, du rêve, des hallucinations et autres perturbations de l'àme (chap. xIx); mais peu de pages sur la mémoire, l'imagination, les émotions; l'auteur s'en tient aux faits psychologiques élémentaires, il ne s'occupe pas des manifestations psychiques plus élevées.

La cinquième section est peut-être bien la partie de l'ouvrage qui mérite d'être considérée comme la plus importante. M. Wundt (chap. xx à xx11) montre l'aperception active comme n'étant rien qu'un mode de la volonté, ou, plus justement, que la volonté ellemême. M. Nolen, dans sa préface, résume ainsi la doctrine professée dans cette partie du livre : « La volonté est une faculté primordiale; l'activité externe de la volonté n'est qu'une forme de la volonté in terne; les mouvements automatiques et reflexes ont d'abord été voulus; le mouvement instinctif est la forme primitive du mouvement volontaire; de l'instinct dérivent toutes les autres manifestations de l'activité. >>

Le chef de l'école expérimentale, aux derniers chapitres (xx et XXIV), pèse les hypothèses métaphysiques présentées quant à l'essence de l'ame; il cri

« AnteriorContinuar »