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cœur, monter des bouillons inconnus et remuer des vases ignorées, finit par comprendre qu'elle aussi va ainer ce jeune homme, et frémit à l'idée du péril. Pour le détourner, elle n'imagine, dans sa candeur de provinciale et de femme mariée sans expérience, rien de mieux que de mettre en présence de Paul Lobligeois sa propre sœur, Désirée de Bonnay, qu'on appelle familièrement Zuzette, et qui sort du couvent. Elle espère que les deux jeunes gens s'aimeront et qu'elle assurera du même coup leur bonheur et sa tranquillité. Zuzette, vive, étourdie, charmante et bruyante, entraîne Paul Lobligeois en un tourbillon de promenades, de parties, de rires et de joyeux ébats. Marthe Déglise a trop compté sur ses forces, ou plutot elle n'a pas assez compté avec sa passion. La réussite de ce qu'elle a souhaité l'irrite et l'indigne. Cet amour, qu'elle a semé et qu'elle voit grandir, soulève tous les orages en son cœur, et elle se trahit dans une scène violente qui finit par un défi jeté par Zuzette à sa sœur aînée. Mais Paul n'aime réellement que Marthe, et il le lui dit, et la pauvre femme, heureuse et désolée, s'attachant à ses devoirs et à ses croyances religieuses comme le naufragé à la branche qui casse, succombe un soir, après une poursuite folle à travers le jardin et les champs. « Quand elle revint à elle, un mouvement instinctif, comme on en a dans un demi-sommeil, lui fit tendre encore vers Paul ses lèvres enivrées; mais peu à peu le sens de la réalité la ressaisit, ses paupières se soulevèrent; elle vit le ciel noir au-dessus de sa tête, la meule effondrée, ses vêtements en désordre, et comme illuminée par une rapide et sinistre lueur, elle comprit ce qui venait de se passer. Tout ce qu'il y avait de pudeur, de dignité et d'orgueil en elle se révolta à la pensée de cette chute soudaine, ignominieuse, irréparable... » Elle rentre chez elle par une pluie battante et s'alite pour ne plus se relever. Paul s'enfuit, emportant cet adieu de Zuzette : - « Vous avez fait ici le malheur de deux personnes, que cela vous suffise... Je vous méprise et je vous hais ».

Tel est le Péché mortel, dont la pauvre Marthe seule est morte. Ce livre, pour être franc, me plaît moins que d'autres ouvrages de l'auteur, la Maison des deux Barbeaux ou le Fils Maugars, par exemple; mais il a droit à une place distinguée parmi les romans de la saison.

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L'intérêt ne manque pas à ce roman, mais il eût gagné à être resserré et mieux pondéré. Un peu décousue, la série d'aventures que traverse le commis voyageur. Il commence par la pauvreté, la misère noire au point d'être obligé d'offrir ses services aux voyageurs pour porter leurs paquets et, grâce à un généreux et intelligent protecteur que sa mine honnête a touché au cœur, il finit par devenir un négociant important et riche. Il a deux fois le bonheur d'épouser la femme qu'il aime, et monte au grade d'heureux père de famille après un premier veuvage. M. de Beugny d'Hagerue nous promène avec son héros de France en Irlande, d'Irlande en Amérique, puis nous ramène en Angleterre, expéditions assaisonnées de naufrages, d'incendies, etc.

Les caractères ne sont pas étudiés de très près; la façon de composer de M. de Beugny d'Hagerue semble un peu vieillotte. Mais son roman est pur de tout écart et peut être lu par les honnêtes femmes. C'est déjà quelque chose. Mais les honnêtes femmes ne demanderaient pas mieux si l'ouvrage était aussi pur, mais plus vif, les incidents de la fable aussi décents, mais plus neufs.

PZ.

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L'aimable humoriste qui signe Théo-Critt poursuit sa veine en garçon avisé qui sait ce qu'on peut faire rendre à un succès. Il nous raconte ici par quel hasard, d'avocat qu'il avait l'ambition d'être, il devint cuirassier. La destinée ne me semble pas lui avoir joué là un mauvais tour. Ce n'est pas que les tribuacteurs et public ne lui eussent offert autant de types originaux sur qui exercer un esprit d'observation et de satire; mais je m'imagine que la toque noire eût plus éteint cet esprit que le casque ou le colback.

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Nous avons dans ce nouveau volume, comme dans les précédents, d'amusantes anecdotes, des portraits sans méchanceté, mais pleins de malice et, je n'en doute aucunement, de vérité, au bas desquels on peut mettre des noms propres sans être à cheval sur l'Annuaire, des détails intéressants, d'autant plus utiles qu'on ne les trouverait pas dans les ouvrages à prétentions sérieuses, sur l'École de Saumur, le Prytanée de la Flèche et les opérations de remonte, enfin, puisqu'il faut tout dire, des longueurs. Les mots tirent à la ligne et les lignes au volume, et cela gâte l'effet. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle s'em

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Lou, remis en possession de ses biens, épouse enfin sa cousine Étiennette, et ils jouirent de tout le bonheur qu'ils méritaient.

Il faut vous dire que Loŭ méritait d'être heureux, car, ayant failli périr tout petit par une machination criminelle de son frère consanguin, très fàché d'avoir à partager le domaine de Trévannes, il aurait droit de se plaindre qu'on lui eût sauvé la vie, si elle ne lui offrait à point une jolie épouse et une grosse fortune avec un titre de comte.

Quant aux péripéties qui emplissent les vingt années écoulées entre la chute de la berline dans le torrent, la reconnaissance de la personne et des droits de Loû et l'apoplexie de son coquin de frère, j'ai regret à constater leur puérilité et leur antiquité. M. Sirven s'est peut-être dit : « Elles sont donc excellentes, puisqu'on s'en est tant de fois servi. » Hélas! elles sont usées. Une seule question à l'auteur: la scène du début se passe en 1816, près de Nantes; le comte de Trévannes, pour décider un bohémien à détruire le pont où doit passer la voiture de la seconde femme de son père, lui dit :

- «La frontière est tout près d'ici. » Laquelle?

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Ce roman est un intéressant début. L'auteur se rattache à l'école réaliste, mais qu'on n'aille point lui tenir rigueur par peur que ce mot de réalisme ne recouvre des horreurs. Sans doute ce n'est pas gai, il n'y a point là de fantaisie joyeuse et l'amour n'y est pas une fête de l'âme. Mais pourquoi vouloir que tout soit fête et joie dans les livres, alors que, dans la vie, c'est le contraire qui domine? M. Jacques La Ronce nous retrace l'histoire morale et physiologique d'une famille de la basse Normandie, voisine de la mer. C'est un tableau d'ensemble, qu'il s'est préoccupé de rendre vrai, au risque d'une certaine monotonie. Les scènes sont prises sur le vif et agencées avec une logique suffisante; M. Jacques La Ronce a étudié les caractères de ses personnages et les a soutenus sans forcer la note.

L'affabulation, à vrai dire, est secondaire, car c'est une peinture de mœurs et non le développement d'une intrigue. Le choix des incidents, des péripéties, sert convenablement les caractères en provoquant à propos leur manifestation: c'est un mérite dont il est juste de tenir compte à l'auteur. Il explique ces caractères par l'influence de l'hérédité et de l'éducation, et il a le bon goût de ne pas abuser de la théorie physiologique.

C'est bien assez que nous assistions aux crises d'hystérie de la malheureuse Sidonie Tubeuf; pour en atténuer l'effet pénible, l'auteur a eu soin de placer tout à côté un trait comique, en les faisant traiter par ce bohème de Viguemale qui calme l'accès par la pression des poings sur les ovaires et déclare en son langage trivial:

- «Quand ça recommencera, asseyez-vous dessus! >> Ce qui n'empêche pas la pauvre fille de céder à son tempérament et de tomber dans les bras du souspréfet Trotabas, type de méridional ignare, bruyant, vaniteux et libertin qui, une fois las de cette liaison fatigante, trouve une solution toute naturelle : abandonner sa maîtresse et demander un changement de résidence.

Sidonie, désespérée, se précipite du haut de la falaise, et la marée haute roule son cadavre sur la plage.

Ce sera le coup de la mort, comme on dit, pour le père et la mère, bonnes gens, d'intelligence médiocre, recroquevillés dans l'inertie de leur existence pro

vinciale.

L'analyse de cette famille Tubeuf révèle en M. Jacques La Ronce un romancier d'un esprit fin, observateur. Les procédés qu'il emploie ne sont pas tout à fait les siens, le moule dans lequel il met en forme sa matière n'est pas à lui, il les tient des maîtres réalistes. Mais c'est déjà bon signe que de s'adresser aux maîtres pour s'initier au métier et il en use en homme de réflexion, et par là nous donne l'espoir d'une originalité plus franche : à son second ouvrage, nous le verrons probablement se dégager de la formule de ses modèles et la renouveler.

Le style, malgré des inégalités, est généralement ferme et précis. Le développement, par malheur, entraîne le jeune écrivain, qui croit, comme tous les autres debutants, que l'abondance des phrases fait la richesse d'un livre. Quand il consentira à resserrer la trame de sa composition, M. Jacques La Ronce produira certainement une œuvre remarquable. Celle-ci est déjà beaucoup au-dessus de la moyenne des débuts de cette année.

PZ.

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Les historiettes de M. Méténier ne sortent pas de la moyenne des récits naturalistes qui sont la spécialité de l'éditeur Kistemaeckers. Le seul caractère qui les distingue de la plupart des produits déliquescents, c'est un certain respect de la syntaxe et de la modération dans l'emploi des néologismes. M. Méténier doit à cause de cela exciter quelque peu le mépris de ses frères en naturalisme.

La première nouvelle celle qui donne son titre au volume est l'histoire d'un jeune simplice qui se déniaise tout d'un coup, brise les bandelettes sacrées dont l'avait entouré son abbé-précepteur. Comme ces vertus comprimées ne s'échappent point sans faire explosion, le jeune vicomte va du premier coup au comble du scandale: il cède à la folle exigence

de sa maîtresse improvisée et l'amène passer la nuit dans sa chambre, dans la pieuse maison de la rue Servandoni où ne sont admis que des hommes pieux, des abbés, des séminaristes.

Une autre, Candeur, nous montre une jeune fille qui choisit un vieux mari avec l'intention préalable de prendre pour amant un sien cousin qu'elle aime. Le soir même du mariage, elle donne, pendant le bal, rendez-vous au jeune homme dans une grotte, et là lui offre tout d'elle-même; naturellement il ne refuse rien. Et comme il s'étonne qu'elle ait, dans ces dispositions choisi, ce vieux mari : « Il fallait bien un père à nos enfants », répond-elle.

La Perle de Châteaurieux, la femme d'un horloger de province est venue à Paris pour le 14 juillet; elle se confie à un jeune officier, qu'un billet de logement fit son hôte lors des grandes manoeuvres. L'officier la pilote le jour.... et la nuit.

L'Idéal de Robert Duru, une superbe jeune fille qui inspire un peintre. Vingt ans après, il la retrouve épaisse et couperosée au comptoir d'un épicier. Sic transit gloria mundi.

Il y a encore une douzaine environ de ces nouvelles, ni bien neuves de fond, ni bien délicates de forme. Du Paul de Kock, avec moins de bonne humeur; des contes légers lourdement contés.

J'espère pour M. Méténier qu'il les écrit au courant de la plume et sans se relire. Ce serait au moins une excuse, une mauvaise; mais c'en serait une. P. Z.

Ladies et Gentlemen, par MARIE et ROBERT Halt. Un vol. in-18. Paris, Marpon et Flammarion, éditeurs, 1885.- Prix: 3 fr. 50.

Histoires anglaises, contées à la française, c'està-dire avec esprit et vivacité. Le volume est formé de deux récits: Battu par les demoiselles; et les Suites d'un Cook's town.

Battu par les demoiselles, c'est l'aventure d'un jeune clergyman qui abuse de sa situation privilégiée pour se faire aimer en tout bien tout honneur, par plusieurs jeunes filles et flirte agréablement avec chacune d'elles en évitant le mariage avec autant d'adresse que l'anguille évite la nasse. Mais il n'est anguille si agile et si fluette qui ne trouve, sa nasse. Il n'est flirteur si subtil qui ne soit pris au trébuchet du mariage.

Les jeunes filles délaissées par le galant James se vengent d'une façon originale: comme leurs cœurs n'étaient pas très sérieusement engagés dans le flirtage, elles sont exemptes de jalousie, et ayant reconnu que l'une d'elles aime vraiment d'un amour capital le jeune clergyman, elles dressent une jolie embûche et favorisent une entrevue entre Effie Perkins et James. Au moment où il exprime à la jeune miss ses plus tendres sentiments, les autres le surprennent, le voilà engagé d'honneur; il est fiancé; c'est un peu le mariage forcé. Et voilà comment on est battu par les demoiselles.

Les Suites d'un Cook's town représentent un chassécroisé de sentiments et de mariage, qu'il est plus

amusant de lire dans l'ouvrage que d'expliquer en quelques lignes. D'autant plus que le charme de l'œuvre est dans la façon humoristique et les traits comiques du conteur. Cette nouvelle est beaucoup plus développée que la première. L'élément principal est la confusion d'amour d'une jeune fille et de deux jeunes gens qui sont frères. Tous deux l'aiment, mais l'un se sacrifie à l'autre par dévouement fraternel. La jeune fille accepte celui qui se déclare, mais au fond c'est l'autre qu'elle préfère. Celui-ci, de son côté, pour calmer son chagrin, part pour les colonies et s'y marie. Plus tard, devenus veufs l'un et l'autre, ils reconnaissent leur funeste erreur. Ils sont disposés à la réparer, mais la loi anglaise interdit le mariage entre beau-frère et belle-sœur. La violation de cette loi est punie de mort. L'opinion commune est contre cette loi qu'on trouve surannée et excessive. Il faudrait qu'un couple audacieux risquât cette union prohibée, se dénonçat lui-même, attirant ainsi les rigueurs de cette loi inhumaine. Et devant le soulèvement de l'opinion publique qui ne manquerait pas de provoquer la condamnation, le Parlement abolirait le bill royal de 1567.

Or il y a en Angleterre plus de mille beaux-frères et belles-sœurs mariés ensemble secrètement. Aucun ménage n'est disposé à se sacrifier.

Mais nos deux amoureux trouvent un joli motif de donner satisfaction à leur passion : ils vont se marier, mais uniquement pour se dénoncer; ils s'épousent dans l'intérêt de la cause commune de tous les beauxfrères et belles-sœurs amoureux! ils se vouent au martyr! n'est-ce pas magnanime, héroïque? L'auteur affirme qu'ils se dénonceront; ils ont d'autant plus de mérite à tenir leur résolution qu'un M. Mattheys, très malin et très pratique, leur conseille, maintenant que dans une intention très louable ils ont enfreint la loi, de faire comme les autres : de garder le silence sur leurs affaires et de jouir en paix de leur union.

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Ne vous laissez pas détourner par le titre quelque peu tapageur: il ne s'agit pas d'une de ces élucubrations scandaleuses à la Léo Taxil; aucune scène de ce roman ne fournirait prétexte à un dessin malpropre comme ceux qui illustrèrent effrontément nos murs il y a quelques mois. Il ne s'y révèle même aucun parti pris de malmener le clergé catholique; l'auteur n'y manifeste d'autre intention que de livrer le dernier combat de la campagne entreprise par lui en forme de liberalisme religieux. Le Fils de prêtre paraît après la mort de l'écrivain anonyme qui produisit successivement le Jésuite, le Moine, la Reli

gieuse, d'autres encore, auxquels l'énigmatique signature de l'abbé assura un certain retentissement jadis.

La thèse soutenue par lui dans ces divers romans, c'est la nécessité pour l'Église, ou de périr ou de se régénérer; la forme du roman employée par l'abbé *** est destinée à donner plus de force et plus d'intérêt aux faits qu'il choisit et dispose pour démontrer dans quelle erreur s'immobilise et à quel danger s'expose P'Eglise en persistant à rester en arrière des idées mc

dernes.

Dans le Fils de prêtre, l'abbé *** (l'abbé J.-H. Michon, au témoignage du Dictionnaire des anonymes) met en scène, à l'époque du second empire, un jeune homme que son oncle, chanoine du diocèse de Paris, a préparé pour le rôle de champion laïque de l'Église. Ernest de Lancion a été imbu des doctrines de l'ultramontanisme. Docilement il a subi l'influence qui pesait sur lui avec une autorité incontestée, jusqu'au jour où, parvenu à l'àge d'homme et sortant ses idées du cercle étroit où les circonscrivait le chanoine, il éprouva une révolte de sa raison. L'intolérance ultramontaine froisse sa conscience. Tout le drame de sa pensée commence à cette évolution, se développe en mille péripéties psychologiques, et le dénouement, c'est la transformation d'Ernest de Lancion, non pas en libre penseur, ni en athée, loin de là! mais en catholique libéral!

Avec l'ardeur de la jeunesse et la générosité d'un cœur convaincu, il ose écrire un livre de combat, les Retardataires; ceux qu'il stigmatise de cette dénomination, les fervents de Rome, ne lui pardonnent pas ce qu'ils appellent une trahison.

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La publication de cet ouvrage a pour premier effet et ici commence la partie émue et émouvante du roman de séparer à jamais l'oncle et le neveu. Le déchirement de l'affection est le fruit amer de l'indépendance de la conscience : le chanoine la confond avec l'indépendance du cœur et traite son neveu en ingrat.

Le second effet de la publication des Retardataires est d'obliger Ernest de Lancion à une lutte cruelle, implacable les catholiques, prélats et simples croyants, le monde et la cour, le parquet même, qui n'a su rester indifférent à la témérité de ses écrits et au bruit fait autour d'eux, voilà autant d'adversaires, on peut dire autant d'ennemis qui le poursuivent avec une ténacité infatigable. Au milieu de ces déboires, des écœurements que lui cause cette guerre où sont visées ses idées bien plus que sa personne, Ernest de Lancion s'éprend d'une jeune personne aussi bien douée sous le rapport des charmes et de l'esprit qu'abondamment pourvue sous le rapport des avantages de fortune. Un mariage se conclut, un vraiment beau mariage, et le jeune catholique liberal y trouve la paix dont il a grand désir et grand besoin.

Il revient alors auprès du chanoine qui est à toute extrémité et apprend enfin que celui qu'il appelait son oncle est son propre père.

A vrai dire, cette revelation n'était pas bien nécessaire; il n'était pas même nécessaire que la paternité du chanoine fût autrement que spirituelle. Son action sur le jeune homme se fut tout aussi fermement exercée et nous ne l'aurions pas moins bien compris. Le caractère de prêtre eût gagné en élévation sans rien perdre en vérité, au contraire, s'il avait voulu former un fils à l'image de sa pensée sans que ce fût le fils de son sang et de ses sens.

Seulement il eût fallu un autre titre, et l'auteur tenait sans doute à celui-ci pour son aspect criard. Au demeurant, l'œuvre est intéressante et vigoureusement écrite malgré quelques longueurs.

P. Z.

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La belle Judith, ou, si vous aimez mieux, miss Clarick est arrière-petite cousine de l'Étrangère; elle devient la maîtresse de M. d'Almérida, lequel a pourtant la chance de posséder une jeune épouse charmante. Poussé par sa passion illégitime, il empoisonne Carmen, sa femme, en versant de la belladone dans une tasse de café; puis il veut fuir avec sa maîtresse. Judith lui déclare qu'elle ne l'aime plus; il la tue et se brûle la cervelle.

L'histoire de la belle Judith ne dépassant pas deux cents pages, les auteurs ont complété le volume avec celle de Mademoiselle Cordier, qui a fait une faute. Mais, en réalité, c'est Mme Cordier qui est une vilaine femme, adultère, lubrique au point de s'offrir à celui qui recherche sa fille en mariage. Cette Mme Putiphar est punie comme il convient; sa fille, qui est une bonne créature aimant bien son père, est mariée à l'homme qu'elle aime et dont elle est aimée, et M. Cordier, qui n'a pas même eu la satisfaction de donner un coup d'épée au sieur d'Estivet, un polisson trop ami de Mme Cordier, se console de ses mésaventures conjugales par le bonheur non moins conjugal de ses enfants.

Ces fables, d'une banalité audacieuse, sont contees dans un style quelconque.

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P. Z.

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Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle. par P. LAROUSSE (2° supplément).

La maison Ve P. Larousse et Cie prépare en ce moment un second supplément au Grand Dictionnaire universel du xixe siècle de Pierre Larousse.

Le Grand Dictionnaire, commencé en 1865, fut terminé en 1876. Il comprenait alors 16 vol. in-4° d'environ 1,400 pages, à quatre colonnes de texte compact.

Dès 1878, paraissait en un volume un premier supplément destiné à mettre à jour cette œuvre colossale, la plus complète, la plus riche en renseignements de tout genre, la plus véritablement encyclopédique qu'on ait jamais publiée.

Depuis cette époque, un grand nombre d'événements se sont produits qui ont enrichi le domaine de l'histoire et modifié la situation politique, économique, commerciale des peuples; des faits de guerre importants ont eu lieu en Égypte, en Tunisie, au Soudan, dans l'Indo-Chine, en Chine, dans les Balkans; des explorations, notamment dans le continent africain, ont agrandi nos connaissances géographiques et préparé des voies nouvelles aux produits et à la civilisation de l'Europe; des œuvres philosophiques, littéraires, scientifiques, artistiques, dignes de fixer l'attention, ont vu le jour; des hommes nouveaux sont arrivés à la réputation pendant que des hommes célèbres ou remarquables disparaissaient de la scène du monde, etc., etc.

C'est à consigner, dans l'ordre alphabétique, cette série considérable de faits que sera consacré le nouveau supplément. Tout en complétant les 16 volumes qui l'ont précédé, il formera un tableau complet de la vie publique, des transformations politiques et sociales, de l'activité incessante de l'esprit humain dans les lettres, les sciences et les arts, des progrès accomplis depuis dix ans dans le monde entier.

Parmi les articles qu'on y verra figurer, nous citerons, au hasard de la plume: Annam, Birmanie, Cambodge, Formose, Tonkin, Lang-Son, Tuyen-Quan qui, en raison d'événements récents, offrent un inté rêt tout particulier ; — Afrique, Association africaine, Algérie, Congo, Sénégal, Tunisie, Madagascar, Bulgarie, Roumélie ; - Anarchistes, Dynamiteurs, Invincibles, Irrédentistes, la Main Noire, Récidivistes ; Bataillons scolaires, Enfants abandonnés, Enseignement professionnel, etc., réorganisation des Facultés; — Associations, Bimétallisme, Acte Torrens, Conven

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tions monétaires; Crise industrielle ; · Canal de Panama, Navigation du Danube ; Électrothérapie, Suggestion, Rage, Microbe; Ballons dirigeables, Torpilleurs, Armes nouvelles, Unités électriques, Transport de la force par l'électricité, Explorations sous-marines; Brière de l'Isle, Courbet, Négrier, Flatters, Brazza, le Mahdi, Parnell, Riel, Tolstoi ; l'Armée du Salut; le Volapück; Torquemada d'Hugo, le Prêtre de Némi, de Renan, Théodora, de Sardou, Denise, d'Alex. Dumas; les Jacobites, de Coppée; Anna Karénine, de Tolstoi; Jésus devant Pilate, de Munkacsy; États-Généraux, de Dalou; Les Premières funérailles, de Barrias; Quand même, de Mercié, etc.,

etc.

Écrit dans le même esprit et sur le même plan que le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse, dont il ne cessera de s'inspirer, ce supplément ne comprendra pas seulement tout ce qui a trait à l'histoire, à la géographie, à la politique, à la biographie, à l'économie politique et sociale, à l'administration, à la législation, aux sciences pures et appliquées, à la littérature, à la philosophie, aux arts, etc. On y trouvera ce qui a fait l'originalité propre de l'œuvre de Pierre Larousse, des comptes rendus d'ouvrages en tout genre, des études critiques et sociales, des descriptions d'œuvres d'art, des curiosités philologiques, des procès célèbres, des articles sur les journaux, sur les théâtres, etc., ce qu'on chercherait en vain dans toute autre encyclopédie.

Souvenirs 1829-1830, par AMAURY-DUVAL. Un vol. in-18, Paris, 1886. Librairie Plon.

Ce serait égarer le lecteur que de lui présenter ces Souvenirs comme une œuvre d'un intérêt «< palpitant», mais les relations de famille et d'amitié ont ouvert à M. Amaury-Duval, très jeune encore, le salon de Charles Nodier à la bibliothèque de l'Arsenal et ceux de sa propre sœur, d'abord Mme Chassériau, au quai Conti, puis Mme Guyet-Desfontaines, rue d'Anjou; en outre, peintre, c'est dans l'atelier de M. Ingres que s'est formé son talent non pas éclatant, mais réel et distingué. De bonne heure il s'est donc trouvé en bon lieu pour fréquenter à l'aurore de leur célébrité la plupart des hommes de son temps qui se sont fait un nom dans les arts, les lettres et les sciences; et de bonne heure il a pris l'habitude de noter chaque soir les faits de la journée.

Si souvent que les soirées de l'Arsenal aient été

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