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Dans la partie moderne de ce périodique, si essentiellement foisonnante de renseignements de toute nature, je pense qu'il était difficile d'apporter à la fois plus de méthode et plus de variété. Cependant, si ma perception est juste, c'est ici que les avis bifurquent parmi les lecteurs : ceux-ci voudraient développer l'étude des comptes rendus et sacrifier largement cette compendieuse gazette bibliographique qui résume le mois littéraire avec tant de logique et de probité; ceux-là, par contre, ne se soucient mie des critiques d'ouvrages nouveaux. Trop de romans, disent les uns; pas assez d'analyse pensent les autres; c'est l'histoire de l'âne de Buridan. Je sais certains curieux qui périraient de dépit si on leur supprimait la liste officielle des nouveaux journaux parus, qu'ils ne sauraient découvrir ailleurs; d'autres trouvent des charmes touchants à la nécrologie honnêtement préparée. Pour telle classe d'abonnés, le véritable clou du Livre, ce sont les listes sommaires des principaux articles de la presse littéraire et politique, ainsi que le résumé des Revues; pour telle autre catégorie, le suprême attrait ne se trouve que dans ces notes de provenance étrangère qui ne nous laissent rien ignorer de ce qui se fait ou s'imprime urbi et orbi. Au demeurant, chacun trouve ici sa pâture intellectuelle; chacun y alimente son caprice, sa passion ou ses études. Ce serait la fable du Meunier, son fils et l'âne qu'il nous faudrait jouer sans fin, s'il fallait déférer aux désirs de tous nos très chers abonnés.

C'est ici un terrain de conciliation pour tant de boutades opposées. Toute Société ne vit que de concessions réciproques et l'égoïsme individuel cède forcément le pas à l'intérêt général.

Si, après six ans de travail silencieux, je me livre aujourd'hui à cette causerie d'intimité sou

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Et, par ma

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chaleur ni trop de vents coulis? » — nière préventive, je pourrais ajouter : « Je sais ce qui vous fait défaut; pas assez de tenue et de correction typographique; trop de coquilles qui gâtent et marbrent nos colonnes, et, puis encore, peut-être desirez-vous plus de luxe et de confortable dans la décoration intérieure, quelques bahuts vieux style dans l'antichambre, de la recherche dans les détails, de l'esprit de suite et de l'harmonie dans l'analyse critique des visiteurs. Est-ce là bien tout? »> - Je n'ose esperer que vous ajoutiez : « De plus fréquentes entrevues entre Comment donc, cher monsieur, l'hon

nous.

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neur serait pour moi! »

Cette visite étant faite, ces quelques mots échangés, mes hôtes très aimés, je vous dis au revoir. Sachez que je suis toujours ici avec vous et près de vous, sous le même toit, cousu à vous sur nerfs sympathiques, relié dans une même passion de peau humaine. Signalez-moi les abus, s'il en existe, faites scintiller les petits fers de vos désirs, le titre de vos ambitions; montrez-moi la doublure de tabis de vos rêves, les fleurons à froid de vos déceptions, et aussitôt j'accours.

Ces dernières préciosités sont sucreries de jour de l'an. Goustez-les pour ce qu'elles valent.

OCTAVE UZANNE.

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Une de ces Dames, par le sergent BOBILLOT. Un vol. in-18. Paris, Paul Ollendorff, 1885.

Il est bien entendu que parce qu'on est un mort héroïque et qu'on a été devant l'ennemi un soldat superbe et inspiré, il ne s'ensuit en aucune façon que vos œuvres littéraires doivent s'imposer à l'admiration du public et s'émanciper de la critique. Je ne veux pas empêcher que ce nom : le sergent Bobillot, ne soit, en tête du livre, un appel à la curiosité et un garant de la sympathie des lecteurs. Mais je peux bien ne considérer le livre qu'en lui-même, sans m'inquiéter de celui qui l'a écrit. Cela même est d'autant plus facile qu'en croyant lire du sergent Bobillot on risque de lire de l'Albin Valabrègue, comme nous l'apprend une toute modeste ligne au milieu d'une page blanche, immédiatement après le titre. M. Albin Valabregue dit bien, dans sa préface: « Dans Une de ces Dames, ce que j'aime le plus, c'est le style, et il est bien de lui. » Mais cela ressemble à une politesse. D'ailleurs, dans un enfant qui a deux pères, bien habile celui qui dirait lequel a fait les os et lequel a fait le sang. Prenons donc le roman tel qu'il est. Il en vaut la peine et n'a besoin d'aucun nom pour le recommander.

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C'est l'histoire d'une de ces dames; mais c'est aussi l'histoire d'un de ces jolis messieurs dont le Bel-Ami de M. Guy de Maupassant est le type le plus élevé et qu'on juge des autres le moins écœurant. Ces deux personnages, Julia des Margelières, qui ressemble à Sarah Bernhardt et se croit grande comédienne, et Edgar d'Orcelles, viveur décavé qui, dans son blason, s'est taillé des accroche-cœur, se sont rencontrés et convenu. Leurs vices sont de la même envergure. Ces deux corruptions s'acoquinent et se trouvent chacune satisfaites de trouver dans l'autre son égale. Cependant d'Orcelles fait un riche mariage et Julia se laisse épouser par un honnête et savant homme, riche à millions, qui s'est pris pour cette chair de courtisane d'une passion douloureuse et insatiable, et réalise encore une fois la fable des compagnons

d'Ulysse sous la baguette de Circé. Trois mois ne se sont pas écoulés après ce double mariage que les deux couples se rapprochent et que d'Orcelles et Julia de Margelières, devenue Mme Treillat, reprennent leurs relations, cette fois pimentées d'adultère. Mais la logique fatale du vice ne veut pas qu'ils s'arrêtent là. Ils recommencent leur vie d'autrefois, les nuits d'orgie, les noces folles avec les camarades mâles et femelles d'antan. Treillat a voulu lutter; le pauvre homme, de défaite en défaite, en est venu jusqu'à vivre au milieu de ce monde, dans l'hôtel de courtisane de la Margelières, et tout le monde le prend pour un mari complaisant quand il croit encore sa femme fidèle. A la fin, il ne lui est plus possible de douter; il sait qu'elle a d'Orcelles pour amant. En même temps, la femme de celui-ci apprend pour qui elle est abandonnée par le mari qu'elle croyait digne d'elle et qu'elle aime trop pour que la désillusion ne la tue pas. Treillat a provoqué d'Orcelles; mais, au lieu d'aller se battre, le misérable arrive chez Julia, et les voilà qui fourrent dans une valise les valeurs, l'or, les bijoux de la courtisane, pour fuir ensemble pendant que Treillat attend l'homme sur le terrain. Louise d'Orcelles, comme un spectre, surgit tout à coup au seuil de la chambre, « rigide et blanche, les regardant faire ». Ils vont, cyniques et violents, la repousser, lui passer sur le corps, quand elle, étendant instinctivement les bras pour chercher un appui, trouve un revolver déposé là le matin par Treillat hanté d'idées de suicide. Elle le prend, et, pour se défendre, « désespérément, au hasard, dans le tas, les yeux fermés, elle tire ». Elle tire à deux reprises et les tue tous les deux. Au même moment arrive Treillat, et « comme un bruit de pas emplissait déjà l'appartement - Silence! lui dit-il, ce n'est pas vous qui les aurez tués..., ce sera moi ! »

Je ne relève pas l'analogie qu'il y a entre ce dénouement et celui de la Glu de Jean Richepin. Mais je répète que le livre, quels que soient ses défauts, mérite d'être lu, et l'on s'explique d'autant moins les cris séditieux poussés à son sujet par une certaine

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Les frères Colombe, par GEORGES DE PEYREBRUNE. Un vol. in-18. Paris, Paul Ollendorff, 1885.

Je remercie M. Georges de Peyrebrune du plaisir que son recueil de nouvelles m'a procuré. Les livres où la fraîcheur n'est pas de la fadeur, où la naïveté n'est pas de la niaiserie, où la jeunesse ne ressemble pas à l'enfance sénile, où l'honnêteté ne parle pas par la bouche de M. Prudhomme, où les sentiments tendres et nobles ne dégagent pas l'ardeur moralisante ou prédicante, où la nature est étudiée ailleurs qu'en ses procédés de décomposition, où l'idylle n'est pas faisandée et où l'amour n'a pas de relent, sont assez rares pour qu'on les savoure avec des joies de gour

met.

La nouvelle qui donne son nom au volume, les Frères Colombe, est charmante et attendrissante. Ces deux vieux garçons, sevrés de tous plaisirs étrangers à tout ce qui n'est pas la poussière et les paperasses de leur bureau, et dont le pauvre cœur atrophié a pourtant trois épanouissements douloureux, trois amours déçus; le premier pour un chien sauvé de la rivière et qui meurt entre leurs bras, le second pour une petite fille sauvée de la boue et du crime, dont la grâce remplit pendant des années leur pauvre intérieur d'un rayonnement jusqu'au jour, vite venu, où un mariage, qu'ils arrangent eux-mêmes comme on arrange son suicide, l'emporte loin d'eux; le troisième pour un petit oiseau sauvé de la neige, un soir d'hiver, et qui s'envole au premier jour de printemps; ce sont là de touchantes figures peintes en des pages saines à lire. Deux autres, Une Séduction et Mon voisin Ténor, ont, dans des tons différents, leur valeur propre et portent la marque du talent élevé, chaud et sympathique de l'auteur. Mais le volume contient une quatrième nouvelle, laquelle est tout simplement un chef-d'œuvre. Elle a pour titre Lou Flutaïré (le Joueur de musette, le Flûteur). Longin, Bernardin de Saint-Pierre, George Sand ont fait aussi bien; mais je ne crois pas qu'ils aient fait mieux. Je tiens à frapper, dans cet espace restreint dont je dispose, l'éloge le plus fortement que je puis, sans avoir et j'en suis navre l'espoir qu'il réveille l'écho de manière à assurer à ce chef-d'œuvre - je le répète la place à laquelle il a droit.

B.-H. G.

Le Roitelet, par CÉLESTIN DEMBLON. Poème naturaliste romantique, en prose. Une brochure in-18. Paris, E. Giraud et Cie, 1885.

Le poème naturaliste romantique en prose, de M. Célestin Demblon, paraît nous venir de Belgique, bien que édité par un Parisien. De Belgique, il vient assez souvent de bonnes, fortes et belles choses pour qu'on ait de quoi se consoler d'une déception. On y est d'ailleurs tout préparé par le titre, d'un éclectisme à brouiller les cervelles où s'équilibrent le mieux les

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fluides intellectuels. L'auteur du Roitelet c'est la « prière d'insérer » qui le déclare a voulu prouver que dans le sujet le plus simple, le plus ordinaire et dans un ton familier, il est possible de développer le lyrisme le plus large et le plus vrai. Puisque telle était son ambition, que ne se taisait-il? D'autres, avant lui, s'en étaient chargés et acquittés victorieusement. Lui a fait imprimer cinquante-six pages dont voici le triomphant finale: « Indicibles joyaux dont l'univers entier n'est que le riche écrin ! ma vie ! mes amours! mon orgueil! et ma gloire! rien ne vous supplantera jamais dans les chants de mon cœur, non, jamais! non, jamais! jamais! »

Il ne manque que l'orchestre et les figurants pour se croire à l'Opéra-Comique. La plaquette de M. Célestin Demblon est lyrique... dans ce sens-là.

B.-H. G.

Monsieur Parent, par GuY DE MAUPASSANT. Paris, Paul Ollendorff, 1886. Un vol. in-18. Prix :

3 fr. 50.

Une histoire bien simple, bien connue, bien ordinaire que celle intitulée Monsieur Parent, par Guy de Maupassant; un de ces drames intimes de l'adultère dont la société est secrètement pourrie, niangée jusqu'aux moelles, et pourtant on croirait lire une chose neuve, ignorée, se trouver en face d'un problème non résolu, d'une révélation encore vierge. Telle est la magie du talent de cet analyste profond, de ce minutieux observateur, de ce peintre extraordinaire, qui semble toujours faire un pas en avant à chaque œuvre nouvelle qu'il produit.

A ces dons si rares qui ont fait de l'écrivain un maître incontesté dans l'art délicat de fouiller les cœurs, de pénétrer l'âme fermée des femmes, de compter les pulsations révélatrices des artères et des reins, se joint un style d'une simplicité parfaite. C'est une eau calme, limpide, qui coule, semble-t-il, sans effort, sans fatigue, laissant voir tous les détails du lit dans lequel elle s'encaisse, caressant les fleurs et les verdures dont elle est bordée, donnant à chaque chose un miroitant reflet qui en relève l'éclat.

Jamais l'écrivain ne s'est montré plus à l'aise que dans cette étude de la femme adultère, du mari, de l'amant et de l'enfant, le petit être dont l'existence, dont la naissance douteuse sert à torturer l'âme et le cœur du mari. Il connaît à fond les roueries de la femme, sa perversité diabolique; il sait rendre avec une extraordinaire intensité, avec un grand bonheur d'expressions, sa science innée du mal, sa féroce indifférence en face de l'homme qu'elle n'aime pas et qu'elle verrait tomber mort à ses pieds, sans verser une larme, sans éprouver un regret, ayant cette stoïque sauvagerie du Peau-Rouge vis-à-vis de l'ennemi lié au poteau de tortures. En quelques pages se déroulent toutes les phases de cette existence, la trahison, la révélation de la faute, l'infàme chassée de la maison, emportant son enfant avec elle, cet enfant, sur la naissance duquel elle-même soulève des poutes pour mieux arracher le cœur de cet homme

haï, le mari, un pauvre diable debonnaire et doux. Puis, la vie lamentable de l'infortuné qui cherche dans l'uniforme roulement de l'existence la plus calme, le repos, l'oubli, et qui ne parvient jamais à oublier complètement. Tout cela repose sur une observation patiente, presque divinatoire, des caractères humains, des êtres et des choses, et tous les détails si pénétrants du drame ont leur utilité, leur raison d'être, venant graver plus âprement dans le cerveau du lecteur les mille atomes mystérieux dont se compose la souffrance de l'homme. Monsieur Parent est un petit chef-d'œuvre complet, d'une forme irréprochable et d'une saisissante pénétration; il trouvera sa place marquée auprès des meilleures œuvres contemporaines, auprès des plus fortes études de Guy de Maupassant.

Le même volume contient quelques nouvelles qui semblent choisies parmi les plus émouvantes et les plus heureuses de l'écrivain; ce ne sont pas seulement des œuvres d'un conteur qui veut amuser, ce sont des pensées d'une audacieuse philosophie, cachées sous une forme habile, séduisante, qui semblent à la portée de toutes les intelligences par leur forme, leur charme et leur limpidité.

G. T.

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La collection des œuvres de Gustave Flaubert ne serait pas complète, si on avait négligé d'y joindre les importants fragments qui forment le volume intitulé Par les Champs et par les Grèves. Ce sont les débuts du maître, ses premiers essais, ses premières tentatives analytiques et descriptives, la fleur juvénile de son talent; il importait de les faire connaître, d'en donner aux lettrés l'exquise et délicate jouissance. Dans le voyage en Bretagne, qui compose la partie la plus importante de ce recueil, on retrouvera en germe les qualités de puissance, d'observation et de style qui, plus tard, feront de l'écrivain un maître incontesté comme Balzac, un créateur et un novateur. Çà et là se retrouve la griffe magistrale qui perce déjà à travers les impressions tendres et violentes de cette âme d'artiste, ouverte si largement à la nature et au beau, et c'est un régal pour les lettres, pour le lecteur, de rechercher dans ce débutant le futur grand écrivain. Quelques pièces sont fameuses, comme la préface aux dernières chansons de Bouilhet, la lettre au conseil municipal de Rouen. D'autres étaient absolument ignorées, comme les fragments du roman Novembre, les premières préoccupations de la Tentation de saint Antoine, des épisodes d'un voyage en Orient, la Danse des Morts, une étude sur Rabelais. Ce livre est l'indispensable complément des œuvres de Gustave Flaubert.

G. T.

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eût pu fournir à un écrivain puissant des pages de premier ordre, même après Balzac, même après l'inoubliable baron Hulot. Mais il fallait justement éviter de tomber dans les nombreux pièges semės sur la route dangereuse, pleine d'embûches, où s'aventurait forcément celui qui voulait peindre cette abjection sociale. M. Dubut de Laforest est tombé dans toutes les chausse-trapes, a donné, comme de gaieté de cœur, dans tous les pièges à loups et a produit un livre ne dégageant que l'ennui, la lassitude et l'écœu rement. Ses personnages, bien que ayant de nombreuses ressemblances avec des êtres déjà vus ailleurs, n'ont aucune consistance; ce sont des baudruches que le plus léger coup d'épingle crève et fait disparaître. Pas d'observation réelle, aucune préoccupation du style, pas d'analyse sérieuse, un peu de science apparente, mais de celle qui fait appeler le savant doctus cum libro, voilà ce qui ressort de la lecture serrée et consciencieuse de ce volume.

Des influences très diverses et très contradictoires semblent avoir présidé à l'enfantement de ce roman. On dirait que l'auteur s'est imprégné tour à tour et assez confusément des œuvres de Balzac, de Barbey d'Aurevilly, d'Eugène Sue, de Huysmans, enfin du marquis de Sade; il paraît avoir eu plus de souci de ce qu'avaient pu faire ses prédécesseurs, que de se mettre en face de la vérité et de peindre ce qu'il pouvait voir, étudier par lui-même. Il en résulte une œuvre sans consistance, pleine de boursouflures, d'invraisemblances, de scènes écourantes et impossibles, rappelant de fort loin certains passages des auteurs cités plus haut, mais n'approchant ni des uns ni des autres, faute d'une observation vraie, d'une imagination suffisamment cultivée et d'une langue châtiée. En résumé, un livre qui mérite le titre à effet que lui a choisi l'auteur, une œuvre inutile vénéneuse, champignon trop rapidement poussé dans un humus en décomposition, sous des influences délétères.

G. T.

Les signes du temps, par HENRI ROCHEFORT. Paris, Victor Havard, 1886. Un vol. in-18. — Prix : 3 fr. 5o.

La nouvelle série des Français de la décadence, publiée par Henri Rochefort, s'appelle les Signes du temps, sujet multiple, ondoyant et amusant, qui comprend tous les vaudevilles de la vie de Paris, les cocasseries de la politique, les bizarreries du monde, les curiosités de l'art et de la littérature. L'auteur aborde la politique et l'attaque de sa plume la plus aiguë, de sa raillerie la plus mordante, ne reculant jamais devant une moquerie ou un cour semble que l'écrivain ait ici donné l'es qualités d'ardent lutteur, d'infati pour prendre corps à corps, les ur toutes les choses qui sont les Signes du temps. Ce livre est comme le résumé de l'atmosphère spéciale de la capitale, une atmosphère chaude, grisant comme l'alcool, une essence folle et capricieuse dont les fumées embrasent le cerveau. Personne n'a manié

fouet. Il

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Très simple, très sincère, mais en même temps d'une terrible réalité, le drame campagnard intitulé par M. Pontsevrez les Attentats de Modeste. On sent qu'on se trouve en présence d'un observateur consciencieux, doublé d'un véritable amoureux des lettres, d'un écrivain sincère et convaincu.

Un grand parfum champêtre se dégage, puissant, plein de sève grondante, d'un acre ferment terrestre et humain, de cette étude, où les êtres tiennent de si près à la nature. Leurs passions, leurs crimes, leurs joies semblent participer de ce contact étroit et continu avec le sol; les personnages, bien plantés dans le paysage, font corps avec lui et cependant s'en détachent suffisamment pour accaparer l'attention; on dirait ces figures des tableaux de Bastien-Lepage, lumineuses de vérité, mais ne nuisant pas plus à ce qui les enveloppe que leur entourage ne leur nuit. De là un attrait général, un grand charme émanant de l'ensemble.

L'auteur nous fait pénétrer dans l'intimité des mœurs normandes du Calvados et nous montre les paysans sous leur vrai jour, à la fois cupides et emportés, capables de beaux dévouements, d'actions nobles et des choses les plus basses, les plus honteuses, les plus criminelles. Il étudie avec un réel talent les causes de la dépravation chez eux, l'ivrognerie, la luxure brutale, les ambitions locales, stigmatisant chacun de leurs vices et les concentrant dans un personnage différent, de manière à lui donner un plus saisissant relief. C'est ainsi que le père Jarlaud représente l'ivrognerie, son fils Firmin, l'ambitieux prêt à tout, même au crime, à la fois lâche, avide et luxurieux, et que Modeste, enfin, vipère dangereuse, court de l'un à l'autre, soufflant les passions, aviva t les rancunes, remuant chez les autres les haines et les fureurs qui la dévorent. A côté de cette sombre figure se détachent, charmante, la petite Marthe, la saine et robuste Claire, le grand valet Ricard, le brave et laborieux Dominique Jarlaud, qui sont la contrepartie ensoleillée de ce drame, auquel ne manquent ni le sang versé, ni les intimes déchirements de famille, ni toutes les discordes que peut soulever dans les milieux les plus unis une femme comme cette terrible Modeste. En somme, une œuvre saine, d'un intérêt dramatique qui va toujours croissant, mais en même temps un livre d'observateur et de fin lettré.

G. T.

Mam'zelle Vertu, par HENRI LAVEDAN. Paris, Laurent, 1886. Un vol. in-18. - Prix : 3 fr. 50.

Un écrivain, un vrai, un passionné de littérature, un raffiné de style, un observateur de talent, telle est

l'impression qui se dégage de la lecture de ce livre, un volume de débutant, un simple recueil de nouvelles, mais dont chaque fragment a son mérite particulier, sa saveur charmante, son originalité.

Ils sont rares, les véritables écrivains, ceux qui écrivent pour dire quelque chose, pour donner une sensation neuve, M. Henri Lavedan est de ceux-là; il n'a pas seulement le germe du talent, il a du talent tout à fait; il suffit de lire Mam'zelle Vertu, M. Papillon, Un homme peureux, Mie de pain, pour ne citer que ces nouvelles-là, on y trouvera un don véritable, une étonnante sûreté de plume et une observation réelle, ne s'attardant pas aux inutilités, pour aller droit à ce qui frappe, à ce qui émeut et qui a une signification. Un des grands charmes de sa manière est la simplicité rigoureuse de son style, une langue claire, pure, chàtiée, bien française, peignant d'un mot, d'une expression, les individus, les paysages, les choses. Même après des maîtres, après des œuvres connues et admirées, il a su en créer une humble sans imiter personne. Mam'zelle Vertu, une longue nouvelle, presque un petit roman, est l'histoire d'une dévouée, d'une de ces dévouées sincères, ignorées, vivant et mourant dans l'absolutisme de son sacrifice, formule admirable du dévouement quand même. En donner plus longuement le sujet serait déflorer une œuvre exquise dans sa simplicité; nous préférons renvoyer au volume les lecteurs, les lectrices, les lettrés, tous ceux qui savent admirer, comprendre les lettres et s'attendrir. Ils trouveront également là une série de nouvelles de premier ordre et qui font bien augurer du roman qu'élabore en ce moment le jeune écrivain, un des meilleurs parmi les jeunes, un de ceux que doivent encourager et soutenir tous ceux qui savent apprécier le talent là où il se trouve, et aider à le faire connaître.

G. T.

Le Cœur, par FÉLICIEN CHAMPSAUR. Paris, Victor Havard, 1886. Un vol. in-18. - Prix : 3 fr. 50.

Un livre délicat, une œuvre d'amoureux et de lettré, une passionnante étude de l'homme et de la femme dans leurs rapports d'amants, tel est le nouveau roman de Félicien Champsaur. Tout ce que la passion a de plus ardent et de plus pénétrant s'y trouve exprimé en une forme persuasive et gracieuse qui s'insinue dans l'esprit, coule en une rosée brûlante jusqu'au fond du cœur et vient remuer tout ce qu'il y a de générosité et de passion dans l'âme du lecteur.

On éprouve, à lire ce volume exquis, l'impression que l'on ressent en lisant ces œuvres inoubliables: Paul et Virginie, Manon Lescaut, Daphnis et Chloé, et c'est le plus bel éloge que l'on puisse faire de l'auteur, que de reconnaître que ces œuvres, pour lesquelles sa préface dit sa juste admiration, sont précisément celles dont il s'est le plus rapproché.

Une langue vibrante, bien moderne, bien saisissante, frappée à un coin particulier, vient au service de l'écrivain et lui sert à peindre l'amour en des termes qui le rajeunissent et le vivifient. C'est un

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