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querait bientôt à la lampe, et l'animal périrait, comme une lampe s'éteint lorsqu'elle manque de nourriture. »

Le chyle et la lymphe sont les deux fluides qui ont pour usage commun de contribuer à la rénovation du sang. Toutefois, quand on considère que le chyle résulte de la transmutation de différents matériaux pris en dehors de l'organisme, tandis que la lymphe est une sorte de chyle formé aux dépens de la propre substance de l'animal lui-mêine, on ne peut s'empêcher d'assigner à ces deux liquides une différence dans leur importance respective pour la régénération du fluide sanguin. Il est manifeste que, vu son origine et sa composition corrélative, le chyle doit contribuer à cette régénération autrement et plus efficacement que la lymphe, qui, n'ajoutant rien à l'organisme, lui emprunte au contraire les éléments dont elle est formée. Ajoutons que d'ailleurs l'existence de la lymphe et de ses vaisseaux ne se rattache au travail de la nutrition que chez les vertébrés, qui seuls, en effet, sont pourvus de ce fluide; tandis que les matières nutritives équivalentes au chyle se retrouvent dans les vaisseaux de l'intestin des animaux dépourvus de chylifères. Dans les animaux supérieurs, l'acte duquel résulte la lymphe ne parait donc être qu'un moyen complémentaire à l'aide duquel les matériaux enlevés à l'économie, dans le travail nutritif, lui sont rendus avec des qualités nouvelles, avec une aptitude réparatrice déterminée; aussi voit-on la lymphe, tout en conservant sa destination propre, être en communauté d'action avec le sang veineux et offrir une direction parallèle à la sienne. Elle ramène, comme lui, divers éléments du sang artériel au centre circulatoire, se charge de molécules organiques qui momentanément ont perdu l'aptitude de concourir à la structure des parties, et enfin, plus spécialement dans le canal intestinal, sert, comme le sang veineux, de véhicule à des matériaux étrangers introduits par l'absorption.

Si la lymphe et le chyle (aussi bien que les produits liquides de la digestion absorbés par les veines intestinales) n'offrent pas, comme le sang lui-même, les qualités d'un fluide directement nutritif, on sait qu'ils peuvent, après leur mélange avec lui, les acquérir bientôt au contact de l'air par l'entremise de la respiration : de là le grand intérêt qui s'attache à l'étude comparative de tous les faits relatifs à ces trois liquides.

C'est en pratiquant des fistules au canal thoracique vers son abouchement dans les veines sous-clavières ou jugulaires internes, qu'il est possible de se faire quelque idée de la quantité énorme de liquide (lymphe ou chyle) que le système lymphatique introduit, sans interruption, dans le sang: une vache de taille moyenne a fourni, en vingt-quatre heures, par une pareille fistule, jusqu'à 95,386 grammes des précédents fluides, c'est-à-dire environ un hectolitre (1)! - En rapprochant un pareil fait des cas d'hémorrhagies abondantes et répétées qui, dans un certain laps de temps, ont amené la perte d'une quantité de sang bien supérieure à celle qui existe dans l'organisme, on ne saurait évidemment trouver une meilleure preuve pour établir que le sang est en effet dans un état de perpétuelle mutation, et qu'il doit se renouveler sans cesse avec les matériaux que charrient les lymphatiques de l'intestin (chyle), comme avec ceux que les lymphatiques généraux puisent dans le sein des divers organes (lymphe) ; matériaux auxquels s'ajoutent encore, comme autre source importante de réparation du sang, les matières organiques, solubles et alimentaires, que les veines elles-mêmes puisent dans le tube digestif.

(1) COLIN, Traité de physiol. comp. des animaux domestiques. Paris, 1856, t. 11, p. 106.

Or, comme la lymphe et le chyle apportent continuellement de nouveaux córpuscules au sang, le nombre des corpuscules nageant dans ce fluide devrait peu à peu s'accroître à l'infini, si les globules qui sont plus anciennement développés ne disparaissaient pas d'une façon quelconque du torrent circulatoire. Cette disparition a lieu certainement, mais on ignore comment elle s'opère, si c'est par dis solution ou par résorption; si, en changeant d'aspect, de dimensions, de consis stance et de constitution, les globules hématiques donnent naissance à quelque tissu ou à quelque produit particulier de l'organisme; on n'est guère mieux renseigné sur la durée normale de leur existence avant qu'ils soient remplacés par d'autres globules semblables. Enfin, sur le lieu de leur destruction et de letr régénération on a émis diverses opinions qué bien des auteurs ne considèrent encore que comme autant d'hypothèses.

Nous avons déjà dit que la supposition avait été faite que les globulės rougės, étant la partie nutritive et vivante du sang, s'appliquaient aux parois vasculaires, se modifiaient à leur contact, et, après les avoir traversées, venaient disparaître dans le parenchyme ou la trame des organes pour concourir directement à leur nutrition. Ce résultat supposé de l'observation microscopique n'a pu supporter le contrôle des investigateurs modernes.

G. H. Schultz (1) admet que les corpuscules colorés du sang, au moins ceux qu'il regarde comme superflus et inactifs, disparaissent pour être employés à la formation de la bile; hypothèse que rien ne justifie. Mais le même physiologiste (2) et H. Nasse (3) ont fait cette remarque intéressante, que par suite d'une abstinence prolongée les précédents globules se décolorent, se déforment et disparaissent graduellement, en l'absence des éléments nécessaires à leur renouvellement. Il en est de même dans beaucoup de cas morbides où le travail de désassimilation continuant, celui d'assimilation cesse faute de l'élaboration des matériaux indispensables à la rénovation des divers principes immédiats du sang. Peu à peu les globules rouges eux-mêmes s'atrophient, pâlissent et finissent par se résorber ou se dissoudre tout à fait; de là une diminution plus ou moins rapide de leur nombre, et, par suite, des troubles variés en rapport avec leur destination physiologique.

D'après diverses observations microscopiques, notamment celles de Kölliker (4), et aussi d'après l'examen chimique du sang avant son entrée dans la rate et à sa sortie de cet organe, la rate devrait être considérée comme étant le siége de la destruction des globules rouges du sang. En examinant plus tard la valeur de cette opinion, à propos de l'étude des fonctions de la rate, nous verrons que les mêmes faits, invoqués par Kölliker à l'appui de son sentiment, ont été interprétés par d'autres tout différemment, en faveur de l'hypothèse opposée et anciennement émise par Hewson, à savoir, que les globules rouges du sang se forment dans la rate.

Si, comme nous l'avons dit, Schultz (5) admet la destruction d'un certain nombre de globules hématiques dans le foie, d'autres observateurs, parmi lesquels nous citerons Prévost et Dumas (6), supposent au contraire que la production de

(1) Das System der Circulation, etc. Stuttgart, 1836, p. 72.

(2) SIMON's Beiträge zur physiol. Chem. und Mikrosk., 1844, p. 567.

(3) WAGNER'S Handwörterbuch der Physiol., t. 1, p. 215.

(4) Zeitschrift für rationnelle Med., t. IV. - Mittheilungen der Züricher naturforsch. Gesellschaft, 1847.

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ces corpuscules a son siége principal dans l'organe où se forme aussi la bile: les globules elliptiques de l'oiseau (lequel offre d'abord des globules sphériques) ne paraîtraient qu'au moment où le foie se forme (*).

Quant à la durée de l'existence des globules rouges, elle varie sans doute suiyant les circonstances, et probablement aussi suivant l'espèce animale. Cette durée normale, chez les batraciens, serait de quinze jours au moins, d'après les observations de Marfels et Moleschott (1): en effet, ces auteurs affirment avoir encore retrouvé, après ce laps de temps, dans le système circulatoire de la grenouille, quelques globules de sang de mouton, sang qu'ils avaient d'abord introduit dans. l'estomac de ce batracien. La distinction entre ces corpuscules, variés de volume et de forme dans ces deux espèces animales, était évidemment facile. Seulement la conclusion ne saurait être ici bien rigoureuse, puisque la résorption ou la dissolution avait à s'opérer sur des globules étrangers à l'animal mis en expérience. Rien ne prouve que les globules propres au sang de la grenouille elle-même doivent durer le même temps avant de se renouveler.

A propos des hypothèses précédentes sur le lieu de la formation des globules hématiques et sur celui de leur destruction, chez l'adulte, on peut rappeler que ces globules, nés dans le plasma de l'area vascularis de l'embryon, naissent sans doute, chez l'adulte, dans les capillaires de tous les organes, au sein même du plasma qui devra les emporter dans le torrent circulatoire; que d'ailleurs, chez l'embryon, ils préexistent au foie comme à la rate; qu'on les observe chez les myxinoïdes (**), qui ne possèdent ce dernier viscère à aucune époque de leur existence; qu'enfin on les a vus persister et se renouveler chez des chiens ayant survécu à l'ablation de la rate, chez des grenouilles privées de leur foie.

Vouloir absolument localiser les phénomènes dont il s'agit, en leur assignant le système capillaire de tel ou tel organe particulier, nous semblerait donc une exagération. Les globules sanguins disparaissent comme ils sont venus: il s'en forme constamment de nouveaux dans le plasma du sang de tous les organes, et, quand ils ont parcouru un certain cercle de métamorphoses, quand ils ont atteint un certain âge, peut-être se dissolvent-ils dans ce plasma absolument de même que d'autres cellules (par exemple les cellules glandulaires) se dissolvent d'elles-mêmes lorsqu'elles sont parvenues à un degré déterminé de développement, ou bien crèvent en laissant échapper leur contenu (2). A l'appui de l'opinion que les globules hématiques subissent en effet plusieurs phases de développement, et qu'ils existent dans le sang à divers degrés de formation par suite de leur renouvellement continuel, on peut rappeler que, parmi ces globules pris dans le même sang, les uns résistent moins que les autres à l'action de l'eau et même de l'acide acétique; que les uns se flétrissent vite, spontanément, quand ils sont soustraits à l'influence des parties vivantes, tandis que les autres se conservent très longtemps intacts, etc. (3).

(*) D'après L. MANDL, la destruction des globules rouges s'opérerait dans le foie, à l'aide de la bile, dont on connaît l'action dissolvante sur ces corpuscules.

(1) Untersuch. zur Naturlehre des Menschen und der Thiere, von MOLESCHOTT, 18:6, t. I, p. 52.

(**) Genre de poissons cyclostomes voisin des lamproies.

(2) HENLE, Anat. génér., t. I, p. 493, trad. franç, de Jourdan. Paris, 1813.

(3) DONNÉ, Cours de microscopic. Paris, 1844, p. 87.

Ainsi, d'après ce qui précède, le contenu des globules hématiques retournerait dans le plasma du sang, où ces corpuscules s'étaient d'abord développés, « et l'on pourrait, jusqu'à ce qu'on en sache plus long sur leur compte, dit Henle (1), les considérer comme des corps glanduleux nageants, qui attirent certains matériaux de ce plasma, les métamorphosent, puis les lui restituent perfectionnés, en se dissolvant. >> On arriverait ainsi à expliquer pourquoi, bien qu'ils ne soient pas directement nourriciers, ils sont néanmoins la partie vivifiante du sang; à tel point que, comme nous l'avons vu précédemment, ce n'est ni par le sérum, ni par la fibrine très divisée ou dissoute que la vie peut être ranimée après des hémorrhagies épuisantes, mais par du sang battu, c'est-à-dire tenant encore presque tous ses globules en suspension.

Nous venons de dire où se forment les globules rouges du sang chez l'embryon, où ils se forment, se détruisent et se renouvellent chez l'adulte, en laissant voir toutefois ce qu'il y a encore d'hypothétique dans la plupart des données que la science possède à ce sujet, aussi bien qu'à propos de la destination physiologique de ces corpuscules. Il nous reste à indiquer l'origine présumée des globules incolores du sang, et, après avoir recherché d'où ils viennent et où ils vont, à essayer de savoir s'il existe ou non quelque rapport, quelque lien qui unissent entre elles les diverses espèces de particules sanguines. Enfin il nous faudra aussi dire quelques mots de l'origine des autres matériaux constitutifs du sang.

Dans le sang des adultes, les corpuscules blancs ou incolores sont désignés sous le nom de corpuscules lymphatiques par un assez grand nombre de micrographes, pour rappeler l'origine qu'ils leur assignent dans la lymphe. Mais l'existence de globules blancs dans le sang de l'embryon, à une époque où il n'y a pas encore vestige de vaisseaux et de ganglions lymphatiques, prouve qu'il s'en forme dans les vaisseaux sanguins, et que, du moins chez l'embryon, cette espèce de globules ne provient pas nécessairement de la lymphe.

Pour les auteurs qui ont embrassé l'opinion émise d'abord par G. Hewson (2), les globules blancs du sang appartiennent à une phase du développement des globules rouges. Hewson, regardant ces globules blancs et les corpuscules de la lymphe comme identiques, suppose que ces derniers sont appelés à constituer la partie centrale des globules rouges du sang; il suppose aussi que les vaisseaux et les ganglions lymphatiques, le thymus et la rate concourent à la formation de l'élément organique par excellence, du globule rouge ou hématique. Suivant cet observateur, les lymphatiques qui émergent des ganglions représenteraient des conduits excréteurs dans lesquels ces ganglions versent les corpuscules lymphatiques ou centraux des globules du sang, et l'enveloppe colorée de ces derniers prendrait naissance à la fois dans les vaisseaux de la lymphe et dans la rate, mais surtout dans ce dernier viscère. La plupart des observateurs ont rejeté la théorie de Hewson comme dénuée de preuves.

Il est une autre théorie qui a été adoptée surtout par C. H. Schultz (3) et J. Müller (4): elle admet que les globules du sang se forment des granulations

(1) Loc. cit.

(2) Disquisitio experimentalis de sanguinis natura, trad. lat. Leyde, 1785, in-8, p. 94 et suiv.

3 Das System der Circulation. Stuttgart, 1836, p. 30 et suiv. (4) Manuel de physiol., trad. franç. Paris, 1951, t. I, p. 119.

de la lymphe de la même manière que les cellules naissent de leurs noyaux ; qu'en d'autres termes, les corpuscules de la lymphe, une fois arrivés dans le sang, y jouent le rôle de noyaux pour provoquer autour d'eux la formation et le développement des cellules sanguines ou globules rouges.

A l'appui de l'opinion qui soutient que les corpuscules de la lymphe peuvent, en se transformant, devenir globules sanguins, on a surtout rappelé les nombreux cas où d'éminents observateurs ont vu, dans le contenu du canal thoracique des mammifères (chevaux notamment), outre les globules grenus de la lymphe, de véritables globules sanguins colorés. Mais on a objecté que ces derniers avaient pu être introduits accidentellement dans le canal thoracique pendant l'opération à l'aide de laquelle on se procure la lymphe elle-même; objection dont la validité ne nous paraît pas démontrée, au moins pour un certain nombre de cas. D'après des recherches encore récentes, Gubler et Quévenne (1) admettent que « la lymphe renferme normalement, au nombre de ses principes, des globules sanguins ». Mais les globules hématiques ou sanguins, que ces habiles observateurs ont rencontrés dans la lymphe, leur ont constamment paru d'un diamètre inférieur à ceux du sang: les uns étaient lenticulaires, comme les corpuscules sanguins proprement dits, les autres très petits, sphéroïdaux et lisses. Quant aux globules pâles ou globules vrais de lymphe, quelques-uns dépassaient le volume des globules rouges du sang, tandis que la plupart, réduits pour ainsi dire à un noyau, n'atteignaient que la moitié de cette dimension; enfin existaient aussi des granules moléculaires de matière grasse.

Ces observations ont été faites par Gubler et Quévenne sur la lymphe qui (chez une femme), « à la partie antérieure et supérieure de la cuisse gauche, à 2 centimètres au-dessous du pli de l'aine», s'échappait de dilatations ampullaires du réseau lymphatique sus-dermique de cette région.

Les remarques qui précèdent ne nous semblent d'ailleurs concourir aucunement à démontrer que les globules sanguins résultent de la transformation des globules de la lymphe. Elles seraient plutôt propres à établir que, si chez l'embryon les globules blancs de son sang ne proviennent pas nécessairement de la lymphe, mais peuvent se former dans les vaisseaux et le plasma sanguin, de même aussi, chez l'adulte, il peut se former, dans les vaisseaux et le plasma lymphatiques, des globules si analogues à ceux du sang, qu'ils en sont comme les rudiments. Si l'on veut bien se rappeler, d'une part, que le plasma de la lymphe et celui du sang ont la plus grande analogie de composition, et que, d'autre part, la matière de la lymphe concourt efficacement à la régénération du sang, même en l'absence de la digestion, on ne s'étonnera plus de voir que, dans ces deux liquides, puissent réciproquement apparaître des cellules ou globules qu'on supposait exclusivement propres à l'un ou à l'autre.

Pour nous autoriser à repousser l'hypothèse qui fait dériver les globules rouges du sang d'une transformation des globules blancs de la lymphe, nous ne rappellerons pas que ceux-ci sont un peu plus gros que les premiers; que les globules lymphatiques sont sphériques, tandis que les globules sanguins sont aplatis ; que les uns sont granulés, et les autres lisses, etc.; car ce ne sont point là des caractères qu'on puisse rigoureusement invoquer pour refuser d'admettre que les globules blancs soient les rudiments des globules rouges. Mais nous nous bornerons

(1) Gazette médicale de Paris, 1854, p. 516.

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