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généralement admise comme normale chez l'homme. Or, Andral et Gavarret (1) ont reconnu et définitivement établi que, dans le cours des phlegmasies diverses, l'augmentation de la fibrine est constante: ils ont vu, chez l'homme, la quantité relative de ce principe s'élever à 5, 6, 8 et même 10 millièmes.

En pareils cas, sans doute sous l'influence de l'abstinence et des émissions sanguines auxquelles les malades sont ordinairement soumis, on voit au contraire les globules, ainsi que l'albumine, diminuer ; et comme la quantité d'albumine en moins correspond à peu près à l'excédant de fibrine, l'opinion a été émise que l'albumine doit alors se convertir en fibrine (*).

C'est notamment dans la pneumonie, le rhumatisme articulaire aigu et la pleurésie, que le plus haut degré d'accroissement de la fibrine dans le sang a été observé; puis viennent la péritonite, la bronchite, l'amygdalite, l'érysipèle, etc. L'élévation du chiffre est d'ailleurs en rapport avec l'intensité et la généralisation de la phlegmasie (*).

C'est avec raison qu'Andral et Gavarret ont professé que l'excès de fibrine est ici la conséquence et non la cause du travail phlegmasique: car ils avaient constamment observé que, dans le sang de la saignée faite avant le début appréciable de la phlegmnasie, la fibrine n'était point augmentée. A cette occasion, je rappellerai que, chez un chien dont le sang contenait normalement 4 millième de fibrine, Zimmermann (2) trouva, deux jours après avoir pratiqué une plaie au cou, 3 millièmes du même principe; qu'une autre fois, ayant déterminé une lésion inflammatoire de la peau à l'aide de frictions avec la pommade stibiće, il reconnut, chez un animal de la même espèce, que le chiffre de la fibrine s'était élevé de 1,4 pour 1000 à 4. L'expérimentateur allemand a répété sur des chevaux ces observations qui évidemment viennent à l'appui de l'opinion précédente. Quant à la proportion des globules, elle était diminuée, tandis que celle des matières grasses du sérum était très notablement accrue.

L'augmentation de la fibrine, dans les cas précédents, a pour conséquence à peu près constante la formation de la couenne, dite couenne inflammatoire.

En faisant l'histoire de la coagulation du sang, nous avons déjà eu occasion d'examiner, en dehors du travail phlegmasique, les conditions favorables ou défavorables à la production de la couenne (page 699), telles que la lenteur ou la rapidité de la coagulation spontanée du sang, la forme du vase dans lequel on reçoit ce fluide, le volume du jet (***) au sortir de la veine, le repos, la composition du plasma, etc. ayant, de plus, fait connaître le mécanisme de la formation

(1) Annales de chim. et de phys., 1840, t. LXXV.

(*) La fibrine ne paraît être qu'un premier degré d'oxydation de l'albumine. Ce qu'il y a de certain, c'est que, dans l'œuf des ovipares, la fibrine procede de l'albumine qui existe seule dans l'origine, et sa formation coïncide avec l'établissement de la respiration, c'est-à-dire avec l'absorption d'oxygène.

(**) Nous avons vu déjà que, dans la grossesse, la proportion de fibrine est un peu augmentée; et cette augmentation, au dire de quelques auteurs, ne serait point sans influence sur la facilité avec laquelle se développent les phlegmasies dans la période qui suit l'accouchement.

Dans la chlorose proprement dite, il y a aussi augmentation légère de fibrine.

(2) Arch. für physiol. Heilkunde, 1848, t. VII, p. 149.

(***) C'est par suite d'une erreur de rédaction qu'il a été dit ci-dessus (p. 700) que le jet de sang, quand il est rapide, gêne la formation de la couenne. La vérité est que le sang qui s'échappe de la veine par un jet effilé devient moins couenneux, toutes choses égales d'ailleurs, que celui qui en est sorti par une large ouverture et dans un temps très court.

LONGET, PHYSIOLOG., T. I.

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de la couenne et la nature de ce produit qui n'est que de la fibrine coagulée à part, nous n'avons point à revenir sur toutes ces questions. Il nous reste à tâcher d'expliquer pourquoi ce phénomène, auquel on attache généralement tant d'importance dans le diagnostic et le pronostic des maladies, se manifeste de préférence dans les phlegmasies et dans d'autres états de l'organisme qui en sont bien distincts. Disons-le à l'avance, nous ne prétendons pas satisfaire à tous les desiderata d'un aussi difficile problème.

La formation de la couenne s'expliquerait-elle par la proportion même de fibrine, proportion plus grande, par exemple, dans le cas de phlegmasie qu'à l'état normal? Sans doute une pareille cause peut contribuer au phénomène; mais, de prime abord, on ne voit pas bien pourquoi, comme conséquence nécessaire, une portion de la fibrine se coagulerait isolément, de manière à donner ainsi naissance à ce produit fibrineux particulier qu'on désigne sous le nom de couenne inflammatoire. Serait-ce parce que, devenus relativement trop peu nombreux dans les phlegmasies, les globules ne sauraient plus suffire à remplir toutes les aréoles que forme la fibrine plasmique en se coagulant? Dans la chlorose, où il y a aussi élévation du chiffre de la fibrine, et surtout diminution notable des globules, on trouve en effet une couenne quelquefois aussi épaisse que dans les phlegmasies. Il en est de même pour le sang des animaux ou de l'homme qui ont été soumis à de fréquentes et abondantes saignées dans un laps de temps assez court; ce sang est aussi devenu pauvre en globules, mais relativement riche en fibrine que lui apporte incessamment la lymphe : or, ici encore l'observation a appris qu'un pareil sang devient ordinairement couenneux, et que même celui des dernières saignées fournit une couenne plus épaisse que celle du sang des premières. J'ajouterai que, dans la seconde moitié surtout de la grossesse, où la quantité proportionnelle de fibrine est accrue et celle des globules sensiblement diminuée, le liquide sanguin se recouvre habituellement de couenne; et qu'enfin le sang du cheval, qui est plus chargé de fibrine que celui de l'homme, est constamment couenneux dans l'état de santé. Ainsi, l'augmentation de la proportion de fibrine et la diminution corrélative des globules nous semblent devoir être les deux principales conditions de la constitution du sang dans lesquelles s'observe le plus communément l'apparition d'une couche couenneuse, sans que nous osions affirmer que ce phénomène ne dépende point aussi d'autres causes très différentes. Mais la première de ces conditions paraît néanmoins être la plus importante et même pouvoir suffire à elle seule qu'on veuille bien se rappeler, à ce propos, l'expérience que nous avons déjà citée (p. 700) d'après J. Müller, expérience qui prouve que les globules s'enfoncent plus vite dans un plasma chargé de fibrine que dans le sérum de sang battu, et partant, privé de ce principe. Descente rapide des globules dans les couches inférieures, avant que la coagulation de la masse sanguine ait eu le temps de se faire et d'empêcher leur chute en les emprisonnant, telle est la condition indispensable pour qu'un sang devienne couenneux. Or, nous venons de voir que cette condition se trouve réalisée surtout par la présence de la fibrine dans le plasma; aussi croyons-nous devoir admettre que la proportion de ce principe dans le sang a une influence incontestable sur la production de la couenne.

Plusieurs des exemples qui viennent d'être cités démontrent que la couenne, dite inflammatoire, peut survenir sans qu'il y ait absolument aucune trace de phlegmasie. Puisque nous l'avons vue se montrer à la surface du caillot des anémiques et des chlorotiques, à quels accidents funestes ne donnerait pas lieu celui

733 qui, ayant négligé l'étude de la coagulation de la fibrine, s'aviserait de saigner dans ces circonstances, à cause de la présence de la couenne, sous prétexte que ce produit fibrineux ne saurait se former sans une inflammation? Chaque nouvelle émission sanguine ne manquerait pas de précipiter la diminution des globules, c'est-à-dire de la portion vivante du sang.

Pour expliquer l'apparition de la couenne, quelques observateurs ont admis que le sérum étant devenu moins dense, les globules s'y enfoncent plus facilement. Mais la précédente expérience de J. Müller milite déjà contre une pareille hypothèse qu'infirme aussi l'observation exacte de tous les cas où la densité du sérum est très diminuée, comme dans la fièvre typhoïde par exemple: dans cette affection, sauf complications, il n'apparaît jamais de couche couenneuse sur le sang.

L'augmentation de la fibrine constitue un bon moyen de distinction des inflammations franches et des pyre.cies. Becquerel et Rodier (1) ont indiqué deux autres caractères des phlegmasies, savoir: l'augmentation de la cholestérine et la diminution de l'albumine. -Quoi qu'il en soit de ces derniers caractères, nous rappellerons qu'ayant analysé le sang: 1° dans le prodrome des fièvres continues, 2° dans les fièvres continues non typhoïdes, 3° dans la fièvre typhoïde, 4° dans les fièvres éruptives (variole, rougeole, scarlatine), 5° dans les fièvres intermittentes, Andral et Gavarret (2) out conclu de leurs recherches : « que, dans aucun de ces cinq groupes de maladies, la fibrine ne présente d'augmentation de quantité, si ce n'est dans quelques cas de complication phlegmasique; que souvent, au contraire, la fibrine diminue soit d'une manière absolue, soit d'une manière relative; que les globules peuvent conserver leur état normal; mais que, dans un certain nombre de cas, ils augmentent suivant une proportion très remarquable et ne diminuent jamais que par le fait de circonstances dont l'influence vient se surajouter à celle de la maladie. »>

Rappelons que, dans ces maladies, il y a généralement absence de couenne coïncidant avec le défaut d'augmentation ou avec la diminution de la fibrine.— Il suffit de mettre ces résultats généraux en parallèle avec ceux qu'a donnés le sang dans les phlegmasies, pour saisir tout ce qu'ils ont de différent.

Il existe, dans la science, des exemples fort remarquables d'altération du sang par diminution de la fibrine, avec fluidité excessive de cette humeur de là une diathèse hémorrhagique fréquemment observée chez les différents membres d'une même famille. Les plus petites solutions de continuité donnent lieu, dans ces cas, à des écoulements de sang qu'on ne peut pas toujours tarir, et qui se terminent par la mort. D'autres fois ce sont des hémorrhagies spontanées par des muqueuses, comme la pituitaire, qui amènent une fin également funeste (*).

Le scorbut et le purpura hæmorrhagica ont été aussi rangés, par divers auteurs, dans les maladies où le sang est altéré par diminution de la fibrine, avec une trop

(1) Traité de chimie pathologique, etc. Paris, 1854, p. 106 et 112. (2) Mém. et Rec. cit.

(*) Consultez plus particulièrement à ce sujet : NASSE et KRIMER, Arch. für. med. Erfahr., von HORN, 1820, t. 1, p. 385. OSBORNE, Dublin Journal of Med. Sc., 1835, t. V. — SYLVA, Gaz, med. de Paris, 1838, p. 43.-A. TARDIEU, Arch. gén. de med., 1841, 3 série, t. XI. HUGHES, Amer. Journ. of the Med. Sc., 1842, p. 542.-DEQUEVAUVILLER. De la disposition aux hémorrhagies, et des signes auxquels on peut la reconnaitre (Journal de chirurgie de MALGAIGNE, 1844, p. 164).

grande fluidité. Mais on est forcé de reconnaître que les mêmes discussions et les mêmes faits contradictoires se présentent pour l'une et l'autre de ces affections qui sont loin d'avoir donné des résultats identiques aux différents investigateurs. Plusieurs d'entre eux, par exemple, ont admis une augmentation de fibrine dans le scorbut (*), au lieu d'une diminution de ce principe.

On a prétendu que la transfusion, plusieurs fois répétée à l'aide du sang défibriné, provoquait les mêmes symptômes et les mêmes lésions organiques qu'on observe dans le scorbut.

Quant aux globules du sang, ils sont tantôt en excès, comme dans la pléthore, et tantôt ils offrent une diminution notable, comme dans la chlorose ou l'anémie. Dans la pléthore, il importerait de ne pas confondre deux ordres de sujets fort différents ceux qui, n'éprouvant aucun accident, se trouvent encore dans la limite physiologique, et ceux qui, l'ayant dépassée, se trouvent réellement malades. Or, c'est une distinction qui a été trop négligée par les expérimentateurs, comme le prouvent bien la différence et même l'opposition de leurs résultats, Quoi qu'il en soit, l'opinion la plus généralement admise aujourd'hui est celle d'Andral, qui attribue la pléthore à la surabondance des globules. Ses travaux ont fait voir qu'il n'est pas vrai que, dans cet état de l'organisme, le sang contienne notablement plus de fibrine que dans l'état physiologique. Ajoutons que le mot pléthore fait aussi naître l'idée d'une grande quantité de sang distendant tout le système vasculaire. Au contraire, le mot anémie rappelle à la fois une quantité relativement petite de ce fluide et aussi un nombre de globules inférieur à ce qu'il est dans l'état normal. Cette dénomination correspond à un certain nombre d'états morbides assez mal définis que Bouillaud a distingués, au point de vue nosologique, en anémie, hydrémie et chlorose. L'expérimentation constate d'ailleurs, dans tous ces états, une altération identique du fluide sanguin.

Andral et Gavarret (1) ont trouvé, comme moyenne du chiffre des globules dans 16 cas d'anémie commençante, le chiffre 109 (**), et dans 24 cas d'anémie confirmée le chiffre 65: c'étaient des anémies spontanées. Le chiffre le plus bas en globules était, dans ces cas, de 28. Becquerel et Rodier (2), dans leurs analyses fort nombreuses, ont confirmé tous les résultats obtenus par les deux précédents observateurs, et formulé cette conclusion: « La diminution de proportion des globules, caractérisant l'état général auquel on a donné dans ces derniers temps le nom d'anémie, s'observe fréquemment dans les maladies, soit comme caractère essentiel, soit comme complication, soit comme phénomène consécutif. >>

Dans la chlorose, la diminution des globules paraît avoir été signalée, pour la première fois, par Le Canu (3). Le sang d'une chlorotique ne lui a donné que 55,15 de globules. Par conséquent, dit Le Canu, 'ce fluide en contenait une quantité proportionnelle de beaucoup inférieure à celle que contient, terme moyen, le sang de femmes en santé, puisque, chez elles, nous avons trouvé cette moyenne égale à 115 millièmes. » La diminution des globules, chez les chlorotiques, a été (*) BECQUEREL et RODIER, Comptes rendus de l'Acad. des sciences de Paris, 21 juin 1847. -CHATIN et BOUVIER, ibid., février 1848. · FOLTZ, American Journ. of Med. Sc., 1948.

(1) Ouvr. cit.

(**) On se rappelle que, pour ces observateurs, la moyenne des globules serait de 127 à l'état normal.

(2) Ouvr. cit.

(3) Etudes chimiques sur le sang humain, thèse inaug. Paris, 1837, no 395, p. 113.

reconnue aussi par Andral et Gavarret (1), etc., qui ont constaté une élévation légère du chiffre de la fibrine. Enfin les chlorotiques, ayant moins de globules, ont nécessairement moins d'hématosine, et par conséquent moins de fer dans une quantité déterminée de sang. Il est, du reste, vraisemblable qu'on ne doit pas attribuer uniquement à cette perte de globules et de fer la maladie dont il s'agit. Il y a là encore d'autres modifications et d'autres causes qui restent à découvrir.

Les émissions sanguines, souvent répétées, amènent dans la composition du sang des changements analogues à ceux qu'on observe dans ce fluide chez les chlorotiques: elles diminuent l'abondance des globules, tout en déterminant dans la quantité de fibrine une augmentation bien supérieure à celle qui existe, d'après Andral et Gavarret, chez les personnes atteintes de chlorose.

On ne cite point d'état morbide en rapport avec une augmentation notable d'albumine dans le sang (*), tandis qu'il est des cas assez nombreux où l'on peut constater la diminution de l'albumine: il en est ainsi à la suite d'une diète prolongée, d'une alimentation insuffisante, et des diverses phlegmasies où au contraire la fibrine augmente. Il est surtout une classe de maladies, qui semble avoir des connexions assez intimes avec la diminution de l'albumine dans le sang ce sont les hydropisies. Dans la maladie de Bright (albuminurie par affection granuleuse des reins), l'albumine s'en va par les urines, pendant que l'analyse démontre que c'est bien le sang qui l'a perdue, et quelquefois sans aucune altération de ses autres éléments constitutifs.

Chez l'homme, la proportion d'albumine dans le sérum est, terme moyen, de 70 pour 1000 parties de sang.

Le fait de la diminution de ce principe du sang, dans l'albuminurie, signalé par Christison (2), a été nettement établi surtout par Andral et Gavarret (3), puis par A. Becquerel et Rodier (4), Schmidt (5), etc. On a vu dans cette affection, le chiffre de l'albumine s'abaisser de 70 à 63, 61, 58 et même au-dessous de 44. Ce dernier chiffre a été obtenu par Schmidt dans un cas d'albuminurie compliquée d'hydropisie considérable. Il s'y joint souvent une diminution des globules, complication anémique, et cette fois sans que la fibrine augmente; une complication d'inflammation élèverait à coup sûr le chiffre de la fibrine. On retrouve aussi la diminution de l'albumine dans quelques autres hydropisies: ainsi, dans celle qui succède parfois à la scarlatine, Andral a toujours vu l'urine albumineuse; dans un cas où l'hydropisie était survenue, chez un sujet sain jusque-là, par un refroidissement subit, l'urine était pareillement albumineuse, etc. Les individus atteints d'une affection du cœur, avec une anasarque générale, offrent aussi une diminution d'albumine dans leur sang.

Après avoir passé en revue les altérations de composition du sang, soit par diminution, soit par exagération des principaux éléments organiques de ce fluide

(1) Annales de chimie et de physique, 1840, t. LXXV, p. 225.

(*) ANDRAL (Hématol. pathol., p. 155 et suiv.) admet que l'albumine augmente légèrement dans la chlorose.

(2) On the Granular Degeneration of the Kidneys, 1839, p. 61.

(3) Annales de chimie, 1842, t. V, p. 317. - ANDRAL, Hématol., p. 154.

(4) Rech. sur la compos. du sang, 1844, p. 110.

(5) Charakteristik der epidem. Cholera. Dorpat, 1850, p. 121.

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