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Dans certains cas, la transmission du mouvement se fait dans des conditions différentes et plus complexes. En effet, cette répartition du mouvement qui serait nécessairement la seule possible pour un fluide impondérable, reçoit une importante perturbation quand c'est un liquide pesant qui est projeté avec force dans le tube élastique. Alors l'ondée peut prendre une vitesse en vertu de laquelle elle fuit les régions initiales de l'aorte, laissant derrière elle une diminution assez grande de la tension, une sorte de tendance au vide. Dans les conduits élastiques, cet effet est rendu apparent par l'affaissement du tube qui se produit aussitôt que l'ondée a pénétré avec une grande rapidité. Lorsque le liquide trouve un obstacle dans les points éloignés du tube, il reflue de nouveau vers les parties initiales, et le vide se trouve ainsi comblé. C'est dans ce cas seulement qu'il serait presque légitime de comparer à une vague le mouvement du sang artériel, et que la théorie de Weber se rapprocherait de la vérité (1). On verra, à propos du pouls dicrote, quel rôle important joue, dans la production de ce caractère du pouls, la vitesse acquise de l'ondée ventriculaire.

Cette théorie de la transmission des mouvements du sang n'est pas une vue à priori; elle repose sur des expériences faites au moyen d'appareils que nous aurons bientôt à décrire les hémomètres et les sphygmographes.

II. La science possède, depuis longtemps, le moyen de savoir quelle est, dans les conduits qui sont le siége d'écoulement, la force d'afflux pour chaque point de leur longueur, et quelle est aussi la quantité de cette force qui a été consommée par les résistances dites de frottement.

Bernouilli a donné la formule simple qui préside à la répartition de la pression dans un conduit également calibré, l'écoulement ayant lieu sous une charge

constante.

Soit un réservoir R plein de liquide jusqu'à un certain niveau a, et du fond duquel part un conduit d'un calibre uniforme. Les tubes 1, 2, 3, 4, 5, 6, bran

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chés sur ce conduit, et qu'on désigne sous le nom de piézomètres (*), auront tous leur niveau sur une ligne droite obliquement descendante de a en c, c'est-à-dire du niveau du réservoir à l'orifice d'écoulement.

(1) MAREY, These inaug. Paris, 1859, p. 33.

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- La hauteur à laquelle s'élève

(*) De, comprimer, et pérpov, mesure (appareil à mesurer la pression des liquides).

le liquide d'un piézomètre, branché en un point du tube, indique sensiblement l'intensité de la force d'afflux en ce point; et, comme elle décroît de l'orifice d'entrée à celui de sortie, on en doit conclure que la force d'écoulement du liquide décroît elle-même. Il est démontré que les résistances qu'éprouvent les liquides dans les conduits d'un calibre uniforme, sont proportionnelles aux longueurs de ceux-ci. Il s'ensuit donc que, dans le cas où l'écoulement est établi dans le tube, plus un point de ce tube sera éloigné de l'entrée, plus le liquide qui le traverse aura perdu de sa force initiale par suite des résistances. Cette réduction de force se traduit par l'abaissement de la colonne piézométrique au-dessous du niveau du réservoir.

Il est également prouvé qu'à égale longueur, les conduits opposent au liquide une résistance d'autant plus grande que leur calibre est plus étroit. Supposons donc que, dans la figure précédente, le diamètre du tube soit plus étroit à partir du point o jusqu'à l'orifice d'écoulement c. Dans ces conditions, la ligne des niveaux piézométriques ne sera plus une droite, mais une ligne brisée abc. Les parties larges offrant très peu de frottements, amèneront peu de diminution dans les niveaux piézométriques qui se tiendront sur la ligne ab; ils décroîtront au contraire très vite dans les points rétrécis, comme l'indique, dans la figure, la ligne bc, qui est très inclinée.

Dans les tubes auxquels on a adapté un piézomètre, le niveau de celui-ci n'indique pas la vitesse réelle, puisqu'elle se trouve, la même pour toutes les tranches du liquide contenu dans le tube et dont le mouvement est solidaire; mais ce niveau est élevé proportionnellement à la vitesse qu'aurait le liquide, si les résistances à vaincre au-dessous du piézomètre étaient supprimées, comme dans le cas d'un orifice pratiqué dans les parois du conduit, Un tel orifice laisserait échapper le liquide d'un jet d'autant plus fort que le piézomètre accuserait plus de hauteur au point correspondant.

Le piézomètre de Bernouilli est identique dans son mode d'action avec ce qu'on appelle aujourd'hui le manomètre. Les instruments de ce genre ont pour usage, dans l'industrie, d'évaluer les pressions des liquides ou les tensions des gaz. Hales (1) fut le premier qui tenta d'introduire l'usage de cet instrument en physiologie. Nous avons vu déjà que son but était d'évaluer la force du cœur qu'il croyait obtenir en multipliant la pression d'une artère quelconque par la surface interne du ventricule gauche.

Hales n'a pas atteint ce but, mais il a démontré plusieurs faits importants, relatifs à la tension du sang dans les artères : il a vu, par exemple, que cette tension diminue beaucoup, si, au moyen de saignées, on enlève à l'animal une masse de sang assez considérable.

Poiseuille a introduit dans l'expérimentation physiologique un manomètre à colonne de mercure, instrument plus commode à manier et que tout le monde connaît. Get investigateur eut le premier l'idée de rechercher, à l'aide du manomètre, ce que devient la tension dans les différents points du système artériel, à mesure qu'on s'éloigne du cœur, et, pour simplifier la question que compliquait par trop l'oscillation de la colonne mercurielle, il se borna à indiquer l'état de ce qu'il appelle la tension moyenne dans tout l'arbre artériel. Cette moyenne, il la

(1) Hæmustatique, trad. par Sauvages. Genève, 1744, in-4.

considérait comme exprimée par la demi-somme des colonnes maxima et minima du manomètre, ou, si l'on aime mieux, par la partie moyenne du parcours d'une oscillation.

En opérant dans ces conditions sur un grand nombre de mammifères, Poiseuille (1) crut trouver que la moyenne de tension qu'il obtenait était toujours la même, quel que fût le point des voies artérielles où il appliquait son manomètre : ainsi, la carotide et les artères du métatarse avaient la même tension moyenne.

Un tel fait semble, à priori, incompatible avec les lois physiques qui reconnaissent que, dans tout écoulement, l'effet des résistances diminue la pression du liquide à mesure qu'on s'éloigne de l'orifice d'entrée des conduits. On verra bientôt comment il a été démontré que Poiseuille s'était mépris, et comment la quantité qu'il considérait comme la pression moyenne du sang est en réalité fort éloignée de la moyenne véritable.

Le manomètre à colonne de mercure a subi encore d'autres modifications. Ainsi Magendie (2) a employé, sous le nom d'hémomètre, un instrument composé d'un réservoir à mercure sur lequel s'exerce la pression sanguine, et qui communique avec un tube dans lequel s'élève le métal. La hauteur du niveau du mercure dans ce tube unique exprime l'intensité de la pression.

En Allemagne, les physiologistes se préoccupèrent d'une cause d'erreur qui existe dans l'application de tous les instruments de ce genre, c'est-à-dire de l'oblitération du vaisseau dont on recherche la tension. En effet, lorsqu'on applique à une artère le manomètre de Poiseuille ou l'hémomètre de Magendie, on fait une section du vaisseau perpendiculairement à son axe, et l'on enfonce le bec de l'instrument dans celui des deux bouts (central ou périphérique) dont on veut étudier la pression, tandis que l'autre bout est fermé par une ligature. Il y a donc arrêt complet du courant sanguin dans l'artère qu'on examine. Mais on peut réussir à adapter un manomètre sur une artère sans y interrompre le cours du sang. L'appareil le plus simple, qui remplisse ce but, est celui de Volkmann (3): c'est un tube métallique en T qui s'introduit par les deux extrémités de sa branche principale dans les deux bouts de l'artère divisée, tandis que la branche perpendiculaire reçoit le manomètre.

Quand on fait usage de semblables instruments, il faut toujours prendre le soin d'empêcher la coagulation du sang, en introduisant une solution alcaline dans les points de l'appareil où le sang doit pénétrer.

Enfin Cl. Bernard (4) essaya d'évaluer la tension comparative de deux artères différentes au moyen d'un manomètre qu'il nomme différentiel, et qui est formé, comme celui de Poiseuille, d'un tube en U contenant du mercure. Seulement, les deux branches sont égales et mises en rapport chacune avec une artère différente. Dès lors celui des vaisseaux qui aura la pression la plus forte devra pousser la colonne mercurielle dans la branche opposée.

Aucun de ces instruments ne saurait donner une mesure numériquement exacte de la pression sanguine, parce que, comme le fait observer Marey (5), les

(1) Recherches sur la force du cœur aortique, thèse inaug. Paris, 1828, p. 37.

(2) Gazette médicale de Paris, 1850, p. 93.

(3) Die Hämodynamik nach Versuchen, etc. Leipzig, 1850, p. 146.

(4) Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux, 1858, t. 1, p. 282, fig. 42.

(5) Comptes rendus de la Société de biologie (journ. le Progrès, 1859, no 21, p. 579).

colonnes mercurielles, dans leurs oscillations, prennent une vitesse acquise qui leur fait dépasser les points qui exprimeraient exactement le maximum et le minimum de la pression sanguine. Quant à la mesure de la tension moyenne, elle est encore moins exacte, si on l'évalue, comme le fait Poiseuille, en prenant la demisomme des colonnes de mercure maximum et minimum. Car la moyenne que l'on doit chercher dépend non-seulement de la hauteur de ces colonnes, mais aussi des durées relatives de leurs périodes d'ascension et de descente. Aucun des instruments précédemment cités ne donne ces indications.

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Pour terminer ce qui concerne ces instruments à indications intermittentes, il nous reste à mentionner rapidement les résultats comparatifs obtenus par les différents auteurs. - Poiseuille, avons-nous dit, a trouvé que la demi-somme des colonnes de mercure est la même dans toutes les artères. Volkmann (1) a constaté, dans des expériences semblables, que cette quantité diminue à mesure qu'on s'éloigne du cœur. - Spengler (2) l'a vue augmenter au contraire dans les artères éloignées. Cl. Bernard a cru pouvoir, avec son manomètre différentiel, trancher la question, et prouver que, si les artères rapprochées du cœur refoulent la colonne mercurielle dans la branche qui est mise en rapport avec une artère éloignée, c'est que la tension moyenne est plus forte pour elles. De cette expérience on ne peut rigoureusement conclure que ce fait, sur lequel d'ailleurs tout le monde est d'accord, à savoir, que les maxima de tension qui arrivent à chaque sy stole du cœur sont plus forts dans les artères très voisines de cet organe.

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Dans ces dernières années, l'étude de la tension artérielle entra dans une phase nouvelle, grâce à l'emploi que fit C. Ludwig (3) des appareils à indications continues, pour mesurer les variations que cette tension subit sous l'influence d'une foule de conditions.

L'instrument dont il se servit, le kymographion (*), est construit de la manière suivante. Un manomètre, semblable à celui de Poiseuille, est mis en communication avec une artère au moyen de l'ajutage gec. Lorsque l'appareil n'est pas en expérience, le mercure occupe dans le tube en U les niveaux b, a. Aussitôt que la pression du sang agit sur le mercure, les niveaux des deux colonnes passent en b'a'. La colonne de mercure, située dans la grande branche porte un flotteur et une tige à l'extrémité de laquelle est un pinceau p qui est soulevé à chaque augmentation de la tension artérielle, et redescend quand la tension baisse. Ce pinceau trace sur un cylindre qui tourne autour de l'axe vertical ss des courbes représentées sur la ligne m et correspondantes aux oscillations du manomètre.

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FIG. 18.

(1) Ouvr. cit., p. 167.

(2) Ueber die Stärke des arteriellen Blutstromes (MÜLLER'S Arch. für Anat. und Physiol., 1844, p. 52 et suiv.).

(3) Beiträge zur Kenntniss des Einflusses der Respirations-Bewegungen auf den Blutlauf (MOLLER'S Archiv für Anat. und Physiol., 1847, p. 243, pl. X).

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(*) De xupa, flot, onde, et ypays, tracer. Ce nom de kymographion a été donné par VOLKMANN à un manomètre enregistreur inventé par C, LUDWIG.

Plus la tension est forte dans l'artère, plus le niveau général des courbes tracées en m est élevé au-dessus du zéro de l'instrument, c'est-à-dire au-dessus du point oo qu'occupe le pinceau lorsque l'appareil est au repos.

Dans les tracés obtenus par C. Ludwig, et dont nous reproduisons un spécimen (fig. 19), on remarque que chaque pulsation se traduit par une courbe dont

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l'ascension et la descente forment les deux moitiés. L'intensité de la pulsation, c'està-dire l'amplitude de l'oscillation du manomètre, se compte sur la ligne des ordonnées (ligne verticale); la fréquence des pulsations se mesure sur la ligne des abscisses (ligne horizontale), et peut facilement être transformée en sa valeur pour une minute, lorsqu'on connaît la vitesse avec laquelle tourne le cylindre. La ligne d'ensemble ab, exprimant le niveau général des pulsations, offre elle-même des ondulations qui sont dues à l'influence qu'exerce la respiration sur la tension artérielle. Il sera question plus loin de cette influence.

Pour obtenir la valeur de la tension moyenne dans une artère à l'aide de l'instrument de C. Ludwig, Volkmann (1) s'est servi du procédé qu'on emploie, en météorologie, quand on veut prendre la moyenne du tracé d'un instrument à indications continues on rogue les bords du papier de manière qu'ils se trouvent parfaitement à égale distance du tracé du côté des maxima comme du côté des minima; puis on le découpe en suivant toutes les sinuosités de la courbe. Si l'on pèse alors les deux moitiés du papier, le rapport du poids de l'une à celui de l'autre donnera la moyenne cherchée. Il est aisé de comprendre que si, pour des hauteurs maxima et minima semblables, le mercure reste plus longtemps dans le voisinage d'un de ces points extrêmes, la quantité de papier ne sera plus la même de chaque côté de la courbe, et la moyenne obtenue différera sensiblement de celle que l'on aurait en divisant le papier par une ligne qui passerait toujours à égale distance des maxima et des minima; ce qui correspondrait au procédé de mensuration de Poiseuille.

Ces moyennes, prises sur des artères situées à différentes distances du cœur, ont été trouvées par Volkmann de plus en plus petites à mesure qu'on s'éloigne du cœur. Ainsi, chez un chien, la tension moyenne, prise dans la carotide, était de 172 millimètres de mercure; tandis que, pour la fémorale, on ne trouvait que 165 millimètres. Sur un veau, la carotide donna 116 millimètres, et l'artère métatarsienne, 87 (*).

Comme le kymographion est un instrument très volumineux, et comme d'ailleurs les oscillations étendues d'une colonne mercurielle s'accompagnent nécessai

(1) Ouer. cit., p. 170 et suiv.

(Ouer. cit., p. 167.

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