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rement de vitesses acquises qui introduisent des causes d'erreur dans les résultats, Marey a cherché à obtenir l'indication de la tension moyenne à l'aide d'un autre instrument qu'il appelle manomètre compensateur (1).

Qu'on se figure un manomètre de Magendie portant deux colonnes mercurielles : l'une d'elles oscille comme dans l'instrument ordinaire; mais l'autre, ne communiquant avec le réservoir à mercure que par un tube capillaire très fin, n'offre que des vestiges d'oscillations, et lorsque l'instrument est en expérience, cette colonne s'élève par petites saccades successives jusqu'au point qui indique la moyenne de tension. Ce point indiqué par le manomètre compensateur est d'autant plus près du maximum ou du minimum signalés par la colonne oscillante, que la tension artérielle est pendant plus longtemps à son maximum ou à son minimum d'intensité.

En expérimentant, avec cet instrument, sur des tubes élastiques dans lesquels on envoie des ondées intermittentes de liquide pour imiter les conditions de la circulation sanguine, on voit que la moyenne de tension va toujours en décroissant, à mesure qu'on la cherche plus loin de l'orifice d'entrée du tube. Quant aux variations qu'on produit, soit dans l'intensité de l'afflux, soit dans la facilité de l'écoulement, elles font varier la tension moyenne suivant les lois mêmes formulées par Bernouilli pour les cas d'écoulement constant.

Tous ces mouvements des colonnes manométriques sous l'influence des changements de tension que produit chaque contraction du cœur sont des manifestations de même nature que le phénomène désigné sous le nom de pouls artériel. L'importance du pouls, dans la pratique médicale, nous oblige à rapporter avec quelques détails les études entreprises sur les changements rhythmiques que les systoles du cœur produisent dans la tension artérielle. On entrevoit, d'après ce qui précède, que le pouls plus ou moins fréquent et fort, perçu en palpant l'artère radiale, se traduirait, si un manomètre était adapté à ce vaisseau, par des oscillations de fréquence et d'amplitude proportionnelles.

Parmi ceux qui voudraient faire remonter à Hippocrate toutes les connaissances en physiologie comme en pathologie, plusieurs croient reconnaître dans le vypòs du père de la médecine, ce que nous appelons le pouls des artères. Il est à peu près démontré que, sous ce nom, on confondait alors une foule de phénomènes différents, parmi lesquels étaient compris les soubresauts des tendons et les palpitations des muscles. Rufus d'Ephèse (2) passe pour être le premier observateur qui ait bien explicitement attribué le pouls à la contraction cardiaque.

Ce n'était pas assez d'avoir prouvé que le pouls est dû à l'afflux du sang artériel, il fallait rechercher en outre de quelle manière il est produit: s'il résulte de l'allongement de l'artère, comme le croyaient Arthaud (3), Parry (4), etc.; de sa dilatation, comme l'admettaient Haller (5), Spallanzani (6), Hastings (7), etc.; ou

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Recherches

(1) Du pouls et des bruits vasculaires (Rec. cit., p. 273 et suiv., fig. 4). hydrauliques sur la circulation du sang (Annales des sciences naturelles, Zoologie, 1858, p. 355 et suiv.).

(2) Σύνοψις περὶ σφυγμῶν, trad. de Daremberg. Paris, 1846.

(3) Dissert. sur la dilatation des artères. Paris, 1771.

(4) Inquiry into the Nature of the Arterial Pulse. London, 1816.

(5) Elementa physiologiæ, t. II, p. 238.

(6) Exper. sur la circulation, p. 395.

(7) De vi contractili vasorum, in-8. Édimbourg, 1818.

bien s'il est un effet complexe de ces causes réunies, opinion soutenue par Weitbrecht (1), par Lamure (2), et aussi par Bichat (3). Nous n'insisterons pas ici sur un historique qui ne serait propre qu'à faire ressortir les progrès de la physiologie dans les temps modernes. La pulsation artérielle correspond bien certainement à tous les phénomènes qui ont été décrits plus haut; elle est, comme eux, une conséquence des mouvements rhythmiques du liquide sanguin, mais elle n'est constituée par aucune des causes précédentes.

Pouls artériel.

Le pouls est un choc perçu par le toucher à chaque augmentation de la tension artérielle par les afflux successifs du sang que lance le cœur.

Pour percevoir ce choc, il faut déprimer le vaisseau sous le doigt de manière à lui faire perdre sa forme cylindrique, grâce à laquelle chaque point résiste également à la tension intérieure. Cette déformation du vaisseau est une condition tellement indispensable, que, dans les opérations chirurgicales, on peut souvent avoir sous le doigt une artère sans en percevoir les battements: cela arrive lorsque le vaisseau, situé au milieu des parties molles, fuit sous le doigt sans pouvoir être arrêté par un plan résistant. Si l'artère radiale a été surtout choisie comme propre à la recherche du pouls, c'est qu'elle est facile à comprimer contre la face antérieure du radius.

Comme le soulèvement du doigt par le pouls est dû au changement qui s'opère dans la tension artérielle, la sensation de soulèvement offrira des variétés nombreuses suivant la nature du changement qui aura lieu dans cette tension à chaque contraction du cœur. Ce changement peut être lent ou rapide, de telle sorte que le soulèvement du doigt aura une durée variable, depuis le durcissement lent et graduel de l'artère jusqu'au choc brusque et violent.

L'ancienne médecine possédait une riche nomenclature des formes du pouls: les noms de pouls vite ou lent, dur ou mou, dicrote, filiforme, etc., exprimaient des variétés assez tranchées que l'on observe dans les maladies; mais l'étude de ces caracteres était presque tombée en désuétude et ces désignations presque oubliées, par suite de la difficulté de s'entendre sur leur valeur mal définie. La physiologie moderne a trouvé le moyen de rendre saisissables ces différents caractères, en les traduisant par un tracé graphique dont le type change avec l'état circulatoire du sujet observé. C'est à Vierordt (4) qu'on doit la première idée d'un instrument qui, représentant la forme du pouls, puisse s'appliquer à l'homme jusque-là l'emploi de tous les appareils exigeait une vivisection préalable.

Chacun avait vu, sans y attacher d'importance, les mouvements que les pulsations de l'artère poplitée produisent à l'extrémité de l'une des jambes, lorsqu'on tient celle-ci croisée sur l'autre. King (5) avait eu l'idée, pour étudier le pouls veineux, d'employer un levier très léger qui serait soulevé par chaque dilatation du vaisseau, et dont le grand bras oscillerait à chaque battement en exagérant son

(1) Comment. Acad. Petropol., 1724 et 1735, vol. VII, p. 316.

(2) Recherches sur la cause de la pulsation des artères. Montpellier, 1769.

(3) Anatomie générale, 1801, t. 1, p. 338.

(4) Die Lehre vom Arterienpuls., p. 21. Braunschweig, 1855.

(5, KING, An Essay on the Safety-valo. Function of the right Ventricle of the Human Heart (Guy's Hospital Reports, 1837, t. II, p. 107 et suiv.).

LONGET, PHYSIOLOG., T. I.

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amplitude. Vierordt pensa à utiliser un mouvement de ce genre pour obtenir des tracés du pouls: en conséquence, il construisit un instrument dans lequel un levier, mis en mouvement par les battements artériels, va tracer, sur un cylindre tournant, des courbes dont chacune correspond à une pulsation de l'artère. Cet instrument a reçu le nom de sphygmographe (*).

Sur un double support, représenté dans la figure 20 par des lignes ponctuées, sont adaptés deux leviers de longueur inégale, ab et fg. Ces leviers sont articulés,

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d'une part, avec leurs supports au moyen des axes hi et ec, d'autre part avec un cadre métallique par l'intermédiaire des axes nn et mm.

Ces articulations ont pour effet de corriger l'arc de cercle que décrirait un levier simple, et agissent en cela comme une sorte de parallélogramme de Watt. En effet, la tige o, qui se détache inférieurement du cadre métallique et porte un pinceau, oscille toujours verticalement dans les mouvements d'élévation et de descente des leviers. Un cylindre, tournant autour de l'axe ss, reçoit la trace des mouvements du pinceau comme dans le kymographion.

La disposition destinée à rendre bien verticales l'ascension et la descente du pinceau donne à l'ensemble des leviers un poids considérable que Vierordt équilibre au moyen d'une cupule P' dans laquelle il place un contre-poids convenable. L'appareil étant équilibré, on place l'avant-bras au-dessous de lui, de façon que la petite plaque p, qui supporte une tige verticale dépendante du levier et située près du centre de mouvement, repose sur l'artère radiale dont la position est figurée par les lignes R ponctuées. Lors de chaque pulsation du vaisseau, l'instrument se comportera comme un levier interpuissant dont le grand bras décrira des mouvements amplifiés par sa longueur même.

Nous reproduisons ici, fig. 21, un des tracés que donne l'instrument de Vierordt : avec cette figure, on peut, connaissant la rapidité avec laquelle le cylindre tourne, calculer facilement le nombre des pulsations pour une minute.

Le pouls, dont on voit le spécimen, est parfaitement régulier. Mais, dans le cas où il y a des intermittences dans les battements du cœur, l'instrument les accuse par des intervalles plus ou moins grands entre deux pulsations consécutives. Lors

(*) De apvyuos, pouls, et ypápev, tracer.

que les pulsations sont d'inégale intensité, l'instrument le montre également par l'inégale hauteur des différentes courbes du tracé.

Si l'on compare les courbes du sphygmographe à celles que C. Ludwig (1) ou Volkmann (2) ont obtenues avec le kymographion, on est frappé d'une différence très grande dans la forme de chacune d'elles prise isolément. Dans les instruments

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à colonne de mercure, la période d'ascension de la courbe est en général plus rapide que celle de descente; dans les tracés de Vierordt, les deux moitiés de cette courbe ont la même durée. Marey (3) a signalé la cause de cette différence: d'après lui, c'est le sphygmographe qui donne une fausse idée de la forme de la pulsation, et c'est dans la masse trop grande du double levier oscillant qu'est la cause de cette erreur. Dans l'instrument de Vierordt, le levier, assez lourd par lui-même, est équilibré par un contre-poids; puis, une charge additionnelle P (fig. 20) sert à presser sur le vaisseau avec assez de force pour que la pulsation se manifeste. Il en résulte une masse à mouvoir tellement considérable, que la force du pouls est insuffisante à produire le mouvement d'une manière instantanée, et que l'appareil n'éprouve plus que des oscillations lentes et sensiblement isochrones, comme celles d'une balance très chargée.

Pour remédier à cette cause d'erreur, Marey a construit un autre sphygmographe, dont le levier est d'une légèreté extrême, et dans lequel la pression sur le vaisseau s'exerce au moyen d'un ressort élastique dès lors, la déformation de la courbe par l'inertie n'existe plus, et, comme résultat d'ailleurs prévu, on a la preuve que les deux moitiés de la pulsation ne sont pas égales. Avec ce nouvel instrument, on trouve les caractères du pouls assez analogues à ceux que fournissent les appareils à colonne de mercure. Comme on le verra, il a été modifié par son auteur pour s'appliquer spécialement à l'artère radiale, de telle sorte qu'on peut étudier sur l'homme, non plus seulement, comme avec le sphygmographe de Vierordt, la fréquence, le rhythme et la régularité du pouls, mais aussi toutes les variétés de forme de la pulsation, ce que le doigt n'est pas apte à apprécier d'une manière exacte.

Ayant repris les études hydrauliques indispensables pour l'intelligence du mouvement du sang dans les vaisseaux, voici comment Marey institua l'expérience dans le but d'établir la théorie du mouvement pour chaque afflux nouveau du liquide dans les conduits élastiques.

Un tube de caoutchouc, de deux ou trois mètres de longueur, constitue le conduit élastique dans lequel on veut étudier la transmission du mouvement en

(1) Mém. cité.

(2) Hamodynamik, etc., pl. IV, V, VI, VII, VIII.

(3) Recherches hydrauliques sur la circulation du sang (Ann. des sc. nal., 1858, p. 331).

différents points de son étendue. Ce tube est adapté à une boule de caoutchouc B qui offre dans son intérieur deux valvules s'ouvrant du côté du tube, de telle sorte que lorsqu'on la presse entre les mains, le liquide est lancé dans le tube comme le sang l'est dans l'aorte à chaque systole du ventricule. Quand la boule n'est plus pressée, elle revient à sa capacité primitive en aspirant de l'eau du vase V au moyen d'un large conduit qui plonge dans ce liquide. L'extrémité terminale du tube de caoutchouc, qui représente un vaisseau artériel, est munie d'un ajutage étroit correspondant aux voies capillaires, et par lequel se verse l'eau dans le vase même où elle a été puisée. Comme les soupapes de la

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boule B ne sont pas toujours assez parfaites pour s'opposer au reflux, on place au point s, c'est-à-dire entre la boule et le tube élastique, une valvule très hermé- . tique qui correspond aux valvules sigmoïdes de l'aorte. Si l'on palpe le tube pendant qu'on y envoie des ondées successives de liquide en comprimant la boule B à intervalles égaux, on sent des pulsations identiques avec celles que donne le toucher d'une artère. Ces pulsations sont de moins en moins sensibles à mesure qu'on explore un point plus éloigné de la boule.

Reste à déterminer d'une manière exacte la forme des pulsations en différents points du tube, afin de déduire les transformations qu'y éprouve le mouvement du liquide dans son trajet d'une extrémité à l'autre. A cet effet, Marey fait passer le tube sous trois sphygmographes, de telle sorte que chacun d'eux indique la forme de la pulsation en un point différent. Les trois instruments sont, ainsi que le montre la figure, portés sur un même support: comme ils sont exactement semblables entre eux, nous n'en décrirons qu'un seul.

Une plaque de métal supporte une gouttière dans laquelle on loge le tube, et qu'on peut, à l'aide d'une vis placée au-dessous d'elle, élever plus ou moins, de manière que la dilatation du tube soulève le levier de l'instrument. Ce levier / a deux bras inégaux. Le plus petit est constamment tiré en haut par une bandelette de caoutchouc tendue et fixée par un clou sur le support. Le grand bras de levier, qui tend conséquemment à s'abaisser avec une force proportionnelle à la traction de la bandelette élastique, est formé par une longue tige de bois d'une minceur extrême, et obéit immédiatement à toute impulsion; dans le voisinage de son centre de mouvement, il presse sur le tube, tandis que son extrémité libre décrit

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