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riences physiques, Magendie (1) démontra qu'on pouvait, avec des tubes élastiques traversés par un liquide, obtenir des bruits de même caractère que ceux des vaisseaux sanguins; mais il n'étudia qu'avec peu de succès les conditions dans lesquelles ils se développent. C'est de l'Allemagne que nous sont venus les premiers travaux régulièrement institués dans ce dernier but. Th. Weber (2), en faisant usage de tubes élastiques de caoutchouc, est parvenu à constater que les bruits se produisent avec intensité, si l'on exerce une compression sur le tube au point observé; qu'ils existent dans les cas où le conduit s'élargit brusquement, et qu'on les obtient d'autant plus facilement que le courant du liquide est plus rapide, que ce liquide est plus dense et moins visqueux. La largeur et la minceur des tubes sont encore des conditions favorables.

Heynsius (3) avait obtenu des résultats à peu près analogues à l'aide d'expériences du même genre. De plus que Weber, il chercha la cause immédiate de ces bruits, en étudiant les mouvements qui se passent dans les molécules du liquide lors de la production de ces mêmes bruits. A cet effet, il plaça sur le trajet de ses tuyaux élastiques des tronçons de verre, qui, par leur transparence, permettaient d'observer les mouvements du liquide rendus saisissables au moyen des particules colorées tenues en suspension. Il vit alors des tourbillons se former, comme les remous qu'on aperçoit dans les rivières, en aval des points où elles se rétrécissent. L'intensité de ces tourbillons croissait et décroissait avec celle des bruits. Enfin, il annonça que la force des bruits est augmentée par la présence d'aspérités à la surface intérieure des tubes. Ce dernier point est formellement contredit par les recherches de Chauveau (4). Pour cet expérimentateur, les rugosités du tube sont sans effet sur la production des bruits, et tout réside presque dans l'influence des changements de diamètre. Le souffle existe toutes les fois que le liquide passe d'un point rétréci dans un autre plus large, soit que le tube s'élargisse en ampoule à la manière d'un anévrysme, soit que, comprimé sous le stéthoscope, il offre au liquide une dilatation relative quand celui-ci pénètre dans la portion située en aval de l'obstacle et qui a conservé son diamètre normal. La cause immédiate du bruit consisterait dans la formation d'une veine fluide vibrante au moment où le liquide sort du point rétréci. Pour que le bruit se produise, il faut que, entre les points situés au-dessous et au-dessus du rétrécissement, il existe une certaine inégalité de tension.

Ayant repris les expériences sur les bruits de souffle, Marey (5) chercha à comparer l'état du pouls avec l'intensité des bruits, lorsqu'il produisait artificiellement ces deux phénomènes à l'aide des appareils que nous connaissons déjà (*). Il reconnut que le bruit de souffle s'obtient, sur un tube, comme sur une artère, en exerçant une pression sur l'un ou l'autre. Dans ces cas, le bruit est d'autant plus fort et plus bref, que la pulsation est plus brève elle-même. Il y a, dans ce premier fait, une

(1) Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, t. I, p. 298.

(2) Physikalische und physiologische Experimente über die Entstehung der Geräusche in den Blutgefässen (Archiv für physiol. Heilkunde, 1855, t. XIV, p. 40).

(3) Bijdrage tot eene Physische verklaring van de abnormale Geruischen in het Vaatstelsel Nederlandsch Lancet, 3o série, 1854, t. IV, p. 20).

(4) Gazette médicale de Paris, 1857.

(b) Du pouls et des bruits vasculaires (Journal de physiologie de l'homme et des animaux, juillet 1859, p. 444).

(*) L'appareil de la figure 22 est très propre à l'étude des bruits de souffle :

suffit, pour les

obtenir, d'ausculter un point du tube pendant qu'on y fait passer des ondées liquides intermit

tentes.

confirmation directe de la remarque clinique faite par Beau, qui signale le pouls fort et bref (percutant) comme s'accompagnant de bruits de souffle carotidiens.

Les idées de Chauveau sur la cause première du bruit sont entièrement acceptées par Marey, qui croit aussi à la formation d'une veine liquide dont les vibrations sont sonores. Cette veine ne se forme que dans le cas où le liquide est animé d'une très grande vitesse dans le point du tube où a lieu le bruit. Or, dans quelle circonstance le liquide prend-il cette grande vitesse? Les changements de calibre du tube n'amènent ce résultat, suivant Marey, que quand ils produisent des variations dans la tension du liquide; de telle sorte que, en amont du point où se forme le bruit, la tension soit beaucoup plus forte qu'en aval. La veine fluide rapide et vibrante se produirait alors par suite du changement de tension, absolument comme, dans une rivière, il se produit un courant violent et bruyant par suite d'un changement brusque du niveau de l'eau.

En appliquant cette théorie aux faits observés, on voit que, si l'on comprime un vaisseau ou un tube sous le stéthoscope, on crée en ce point un obstacle derrière lequel la tension s'élève, comme le niveau d'une rivière derrière un barrage. L'écoulement du liquide, dans la partie située au-dessous du lieu de la compression, y fait au contraire baisser la tension, et l'inégalité une fois produite, il s'établit, au niveau du point où elle existe, un courant rapide et sonore.

Dans le but de prouver que le changement du calibre du vaisseau, en ces points, n'est qu'une circonstance secondaire, Marey rapporte des expériences dans lesquelles le changement de calibre ne s'accompagne pas de bruit de souffle, parce que la tension n'a pas changé.

Chauveau, adaptant à l'artère carotide d'un cheval une ampoule de caoutchouc semblable à un anévrysme, obtint un bruit de souffle à chaque afflux de sang dans cette partie les conditions du bruit de souffle anévrysmal étaient donc réalisées dans cette expérience. L'auteur conclut que, en pareil cas, le changement brusque du calibre du vaisseau est la cause du bruit. Pour prouver que

la véritable cause du souffle réside dans le changement brusque de la tension, Marey rappelle que les tumeurs anévrysmales, par l'élasticité de leurs parois, suppriment, à leur intérieur et dans les parties du vaisseau situées au-dessous d'elles, les inégalités de la tension artérielle que produisent les contractions du cœur ; c'est ainsi qu'elles agissent pour faire disparaître, ou au moins pour diminuer beaucoup, le pouls des artères sur lesquelles elles se développent. Grâce à cette transformation du mouvement, les ampoules élastiques offrent à leur intérieur une tension sensiblement fixe, qui est la moyenne entre le maximum et le minimum; dès lors, au moment où une impulsion cardiaque portera à son maximum la tension du sang dans l'artère en amont de l'anévrysme, ce sang, en passant du vaisseau dans la poche, trouvera subitement une tension plus faible et prendra un mouvement rapide, duquel résultera le bruit de souffle. Si cette théorie est vraie, une ampoule non élastique et ne transformant pas les inégalités de tension, ne devra pas offrir de bruit; car la tension de cette ampoule suivra toute les variations de celle de l'artère. L'expérience prouve qu'une boule de verre, placée sur le trajet du tube dans les conditions précédentes, ne donne pas naissance au bruit de souffle.

Une autre expérience est propre à démontrer, d'une manière plus nette encore, l'importance fondamentale des changements de la tension dans la production des bruits. Si l'on prend un tube dans lequel coule un liquide, et qu'on le comprime

dans une pince avec une force déterminée, on voit que, pour faire successivement paraître et disparaître le bruit au point comprimé, il suffit de faire varier le diamètre de l'orifice d'écoulement situé à l'extrémité du tube. Si l'orifice d'écoulement est large, le bruit apparaît et se montre d'autant plus fort, que la tension s'est abaissée davantage en aval du point comprimé. L'ajutage d'écoulement est-il étroit, le bruit disparaît, parce que la tension s'élève en aval du point comprimé et se rapproche du degré qu'elle atteint en amont de ce point. On voit que, dans ce cas, l'influence de la tension a joué le rôle important dans la production des bruits, puisque en faisant varier cette tension, on les a fait paraître ou disparaître, l'état des diamètres du tube restant le même au point où le souffle existait.

Dans les anévrysmes artérioso-veineux et les tumeurs érectiles, on trouve une communication anormale entre le système artériel, qui a une tension forte, et le système veineux, qui a une tension faible; il en résulte, d'après cette théorie, un passage rapide du sang de l'artère dans la veine et une vibration sonore de la veine liquide.

Les bruits qui se passent aux orifices du cœur s'expliqueraient de la même manière si, par exemple, un rétrécissement de l'orifice aortique donne naissance à un bruit de souffle à chaque systole, c'est que, le cœur déployant beaucoup de force pour lutter contre cet obstacle, le sang contenu dans le ventricule offre une tension considérable qu'il ne retrouve plus à son entrée dans l'aorte.-Dans certaines maladies, la forme des orifices n'a pas subi d'altération, et néanmoins il y a bruit de souffle, comme dans la chlorose, la fièvre, etc. Cela tient à ce que, dans ces affections, la tension artérielle est plus faible que de coutume, ce qui produit, à l'orifice aortique, l'inégalité de tension nécessaire à la formation du bruit.

Influences qui modifient la circulation artérielle.

La circulation artérielle est modifiée par des influences extérieures assez nombreuses. On a vu déjà comment la pesanteur, en agissant sur la colonne sanguine, accélère ou ralentit la rapidité du courant, suivant qu'elle agit dans le sens de l'impulsion cardiaque ou en sens contraire. - Des pressions extérieures peuvent, en effaçant plus ou moins le diamètre des artères, entraver le cours du sang. Dans ces circonstances, la circulation n'est pas nécessairement interrompue au-dessous du point comprimé : les anastomoses, que les artères échangent entre elles, sont des voies de rétablissement pour la circulation, et quand bien même l'oblitération d'une artère serait définitive ces anastomoses considérablement dilatées, fournissent bientôt au sang une voie nouvelle. Ces phénomènes se produisent mécaniquement par un simple effet de la nouvelle répartition du mouvement du sang. L'oblitération d'une des branches d'une artère augmente la tension dans toutes les autres branches nées du même vaisseau; sous l'influence prolongée de cette tension plus forte, ces conduits se dilatent peu à peu. Les anastomoses qui réunissent le vaisseau oblitéré à ceux qui sont restés perméables subissent la même dilatation, et finissent par laisser passer le sang en aussi grande abondance qu'avant l'oblitération de l'artère. Ces obstacles définitifs au cours du sang artériel sont rares et rentrent dans le domaine de la pathologie; mais, à chaque instant, il survient physiologiquement des oblitérations temporaires des artères: la contraction d'un muscle, la pression d'un corps extérieur, l'extension ou la flexion forcée d'une

articulation, peuvent suffire pour déterminer momentanément l'arrêt du sang dans une artère.

La respiration exerce aussi une influence notable sur le cours du sang artériel, comme l'ont bien prouvé les expériences hémométriques. Lorsqu'en effet, un manomètre est appliqué à une grosse artère, les oscillations de la colonne de mercure présentent deux sortes de mouvements: l'un, faible et fréquent, se répète à chaque contraction du cœur ; l'autre, doué d'une amplitude beaucoup plus grande, s'observe à chaque nouvelle respiration.

Poiseuille a reconnu ces deux sortes de mouvements dans ses recherches. Ludwig les a retrouvés dans ses tracés obtenus à l'aide du kymographion, comme on peut le voir sur la figure 19: les petites courbes sont dues aux battements du cœur, et les grands déplacements de leur ligne d'ensemble sont produits par les influences de la respiration.

Comment agissent les mouvements respiratoires pour modifier la circulation artérielle ?

On a coutume de comparer l'action aspirante et foulante de la poitrine au jeu d'un soufflet, et cette comparaison rend très bien compte de ce qui se passe. En effet, quand la poitrine se dilate sous l'influence des muscles inspirateurs, il s'y forme un vide, et l'air se précipite à travers la trachée et les bronches; inversement, au moment où l'inspiration cesse, le retrait élastique du poumon chasse au dehors l'air contenu dans la poitrine : l'élasticité pulmonaire est secondée, dans les expirations fortes, par la contraction des muscles dits expirateurs. Dans ces deux états opposés d'ampliation et de resserrement de la cavité thoracique, les alternatives d'appel et d'expulsion ne portent pas seulement sur l'air extérieur qui est tour à tour inspiré et expiré, mais toutes les parties susceptibles de déplacement et voisines de cette cavité reçoivent, sous cette influence, des mouvements faciles à constater. Les espaces intercostaux se dépriment, les creux sus-claviculaires se prononcent davantage; enfin, sauf les parties osseuses que leur rigidité empêche de céder à l'appel intérieur, tout subit l'influence de l'aspiration thoracique. Le sang, contenu dans les vaisseaux qui sortent du thorax, ne saurait échapper à cette influence. On verra, à propos de la circulation veineuse, avec quelle énergie l'aspiration s'exerce sur le cours du sang noir; pour l'instant, il ne s'agit que de l'action des mouvements respiratoires sur la circulation artérielle.

Au moment de l'inspiration, l'appel du sang dans la poitrine fait baisser la tension dans les artères avoisinantes, et cet effet est de moins en moins sensible au fur et à mesure que l'artère qu'on observe est plus éloignée de cette cavité. Les effets de l'aspiration, très prononcés dans la carotide, sont presque nuls dans la radiale et tout à fait nuls dans les artères du métatarse par exemple. Ces différences sont faciles à concevoir.—Au moment de l'expiration, l'inverse se produit: les artères intrathoraciques sont comprimées extérieurement par la condensation de l'air dans la poitrine; et cette pression, s'ajoutant à leur retrait élastique, contribue à pousser le sang avec force vers la périphérie. Un manomètre, adapté à une artère accuse cette augmentation de la pression d'une manière d'autant plus intense qu'on agit plus près de la poitrine.

Cette action aspirante et foulante de la cavité thoracique n'est pas à son maximum dans les mouvements ordinaires de respiration qui se produisent en effet sans un grand déploiement de force; mais, dans les mouvements respiratoires exa

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gérés, comme quand on fait souffrir un animal sur lequel on expérimente, les influences de la respiration prennent une intensité beaucoup plus grande, et alors deviennent apparentes même dans des artères assez éloignées de la poitrine.

En appliquant son sphygmographe sur l'artère radiale, Marey a constaté que, dans les respiratious normales, la ligne d'ensemble des pulsations est parfaitement rectiligne, comme le montrent les figures 27 et 28; c'est-à-dire que l'influence de

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respiration n'est pas sensible sur ce vaisseau trop éloigné de la poitrine. Si, au contraire, on fait des efforts énergiques de respiration, les influences respiratoires deviennent très sensibles même à la radiale, comme on peut s'en assurer par l'inspection de ce tracé (fig. 33), qui représente le pouls avant, pendant et après un effort d'expiration.

Ces phénomènes deviennent encore plus, frappants chez les malades atteints. d'une dyspnée considérable.

Dans l'effort, comme on le sait, il y a occlusion de la glotte avec tendance énergique à l'expiration. Toutefois l'air ne s'échappant pas du poumon, la compression de ce fluide dans l'intérieur de la poitrine arrive à un degré bien plus élevé, et ses effets sur la circulation sont beaucoup plus manifestes. On peut, en appliquant le sphygmographe sur l'artère radiale, constater que, pendant l'effort, la tension artérielle atteint un degré considérable: il y a élévation du niveau du tracé obtenu. Dès que l'effort a cessé, la pression intrathoracique retombe à son degré normal, et le sang refluant vers l'aorte, la tension baisse tout à coup dans les artères des membres et en particulier dans la radiale, comme l'atteste encore le tracé dû au précédent instrument.

En résumé, les artères sont chargées du rôle, aussi important que complexe, qui consiste à porter le sang depuis le cœur jusqu'aux points les plus périphériques de l'organisme. Ces vaisseaux n'ont pas seulement à remplir les fonctions de canaux de conduite, ils doivent aussi, par leurs propriétés physiques et organiques, transformer l'afflux intermittent du sang qu'ils reçoivent en un mouvement qui est continu, lorsqu'ils cèdent ce liquide aux vaisseaux capillaires; ils doivent, en outre, réglant leur calibre au moyen de la contractilité de leurs parois, porter à chaque organe une quantité de sang qui variera suivant ses besoins. Ces usages des vaisseaux artériels avaient été bien compris par J. Hunter qui, pour cette raison, avait désigné les artères sous le nom de vaisseaux actifs, par opposition aux veines qu'il appelait des vaisseaux passifs.

Il ne faudrait pas, toutefois, dépasser la pensée de l'illustre physiologiste anglais el attribuer aux artères un rôle réellement actif dans la propulsion du sang. La seule force impulsive émane de la pompe cardiaque : toute l'action des vais

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