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que le sang, et, dans l'expérience rapportée par Mosso (fig. 49, 187), la température ambiante était plus élevée que la température du cerveau, de sorte qu'on ne peut invoquer alors un réchauffement passif du cerveau, c'est-à-dire une diminution de l'irradiation périphérique.

La conclusion générale du travail de Mosso est que les phénomènes chimiques qui produisent l'hyperthermie cérébrale sont liés à des excitations périphériques, mais qu'ils sont indépendants, dans une large mesure, de l'irrigation sanguine plus ou moins abondante. Quoiqu'ils soient produits par l'excitation périphérique, celle-ci n'est cependant pas toujours nécessaire, et des conflagrations organiques amenant de la chaleur peuvent se manifester, même quand l'excitation périphérique est absente. Ce n'est pas d'ailleurs lorsque l'excitation périphérique est très intense que s'observe le maximum de l'élévation thermique.

On peut donc dire que Mosso confirme dans leurs lignes générales les conclusions que SCHIFF, vingt-cinq années auparavant, avait données. L'excitation sensible d'un nerf, quand elle parvient au cerveau, y provoque un phénomène thermique (c'est-à-dire de cause chimique) indépendant de la circulation. Mais Mosso y a ajouté ce fait important que, même en l'absence de tout élément excitatoire appréciable, il se passe dans le cerveau des phénomènes chimiques, dégageant de la chaleur, par périodes irrégulières, et ne répondant à aucun phénomène psychique spécial de sensibilité, de mouvement ou de conscience.

Relations des phénomènes physico-chimiques du travail cérébral avec les phénomènes de conscience. Quelle est exactement la nature et la cause de cette hyperthermie? nous ne pouvons le savoir; mais il n'en reste pas moins acquis que les phénomènes de conscience coïncident avec certains phénomènes chimiques. Entre le fait psychique et le fait physique, il y a une relation qui ne peut être niée.

L'avenir nous apprendra peut-être quelles sont les conditions de cette relation. Le grand problème de la conservation de l'énergie se pose là dans toute sa rigueur, et, sans nous dissimuler que de longtemps peut-être il ne pourra être résolu, nous ne pouvons nous dispenser d'en indiquer les termes.

Déjà LAVOISIER, en 1789, a écrit ce passage célèbre, presque prophétique : « Ce genre d'observations (rapports de la chaleur produite avec le travail musculaire) conduit à comparer des emplois de forces entre lesquelles il semblerait n'exister aucun rapport. On peut connaître, par exemple, à combien de livres en poids répondent les efforts d'un homme qui récite un discours, d'un musicien qui joue d'un instrument. On pourrait même évaluer ce qu'il y a de mécanique dans le travail du philosophe qui réfléchit, de l'homme de lettres qui écrit, du musicien qui compose. Ces effets, considérés comme purement moraux, ont quelque chose de physique et de matériel. Ce n'est pas sans quelque justesse que la langue française a confondu sous la dénomination commune de travail les efforts de l'esprit comme ceux du corps. »

J'ai donc pu, en m'appuyant de l'autorité de LAVOISIER, Soutenir contre A. GAUTIER (1886) que le travail psychique est sans doute une des formes de l'énergie, ainsi que le travail mécanique; car toutes les expériences semblent bien prouver qu'à une certaine quantité de travail psychique répond une certaine quantité d'énergie chimique dégagée, comme le démontrent les accroissements des combustions chimiques et le dégagement de chaleur. A GAUTIER avait cru trouver, dans ce fait, que le cerveau s'échauffe par le travail intellectuel, la preuve que la pensée ne correspond pas à une dépense d'énergie. Mais cet argument ne me semble pas très démonstratif; car le muscle qui produit du travail mécanique s'échauffe toujours quand il travaille, quoique une certaine quantité de l'énergie chimique soit certainement employée à produire du travail mécanique et non de la chaleur. Si donc on raisonnait pour le muscle comme A. GAUTIER raisonne pour le cerveau, on pourrrait dire : le muscle s'échauffe, donc il ne produit pas de travail; ce qui serait une erreur manifeste.

Il me paraît donc qu'on peut admettre, sinon comme démontré, du moins comme assez probable, que le travail psychologique, qui est accompagné d'un dégagement de chaleur, consomme une certaine quantité d'énergie, mais que les réactions chimiques qui nécessitent cette libération d'énergie dépassent le but (comme pour le travail musculaire) et que le surplus d'énergie dégagée apparaît sous la forme de chaleur. Les

expériences de Mosso tendent à confirmer cette manière de voir, puisqu'elles nous montrent que la température du cerveau, après des excitations intenses de la sensibilité, ne s'élève pas autant que dans d'autres périodes où la conscience est inactive, comme si cet état de conscience stimulée était par lui-même cause d'une certaine absorption de chaleur.

Cette discussion, relative à l'origine même de la force psychique, a été suivie de communications intéressantes de A. HERZEN, G. POUCHET et C. GOLGI (1887), auxquelles nous renvoyons le lecteur. D'une manière générale, il paraît bien que la transformation des forces physico-chimiques en forces psychiques, telles que la pensée, n'est rien moins qu'absurde, et qu'on peut parfaitement admettre, conformément à la conception profonde de LAVOISIER, que les lois de la conservation de l'énergie s'appliquent aux phénomènes de l'âme comme aux phénomènes du corps. En tout cas, le seul moyen d'éclaircir cette obscure question, c'est l'expérimentation, et on peut espérer qu'avec le progrès de la technique physiologique, on pourra approcher de la solution plus que cela n'a été encore fait jusqu'ici.

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II. Composition chimique du cerveau. L'étude de la composition chimique du cerveau a été faite par beaucoup de chimistes; elle est loin cependant d'être connue, et il y a de nombreuses incertitudes tenant à la difficulté même du sujet.

Pendant la vie, la réaction du cerveau est alcaline ou neutre; mais, après la mort, elle devient rapidement acide. Cependant, si on porte brusquement la masse cérébrale à 100°, la réaction reste alcaline (HENNINGER, 1880). Il s'agit donc probablement d'une fermentation acide se produisant après la mort, dans le cerveau comme dans le muscle; peut-être y a-t-il alors production d'acide lactique. D'ailleurs, à un autre point de vue, il y a quelque analogie à établir entre le muscle et le cerveau. NYSTEN avait noté que, comme le muscle, le cerveau se rigidifie après la mort. Le phénomène est sans doute dû à la coagulation spontanée d'un albuminoïde.

La chaleur, les acides, le bichromate de potasse, ont, comme on sait, la propriété de durcir le cerveau. En plongeant le cerveau dans de l'acide nitrique dilué au cinquième, on peut le rendre extrêmement dur, et on finit, en renouvelant le liquide dans lequel baigne le cerveau, par transformer son tissu en une masse très dure, de consistance élastique, presque cartilagineuse. La forme des circonvolutions n'est pas altérée; et, en le desséchant avec précautions, on obtient une masse qui a gardé la forme du cerveau, et qu'on peut conserver indéfiniment à l'état sec.

Comme le cerveau contient des albuminoïdes phosphorés, ses cendres sont très acides, avec un excès d'acide phosphorique.

Les matières minérales sont, d'après GEOGHEGAN (1877), de 3 à 7 pour 1000 parties.

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On remarquera la prédominance des sels de potassium sur ceux de sodium. En cela le cerveau ressemble aux muscles et aux globules rouges qui contiennent plutôt du phosphate de potassium que du chlorure de sodium.

Voici, d'après BAUMSTARK (1885) d'une part, et PETROWSKI (1873) de l'autre, les proportions d'eau pour 1 000 de la substance blanche et de la substance grise.

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La substance blanche est donc plus riche en matières solides, en général solubles dans l'éther, que la substance grise.

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Mais on ne peut guère les comparer; car les procédés de dosage sont différents, et la nomenclature des éléments constitutifs n'est pas la même.

Chez les jeunes animaux, la proportion d'eau est plus grande que chez l'adulte. D'après WEISBACH (cité par HAMMARSTEN, 1896), il y a, chez le fœtus, environ 900 parties d'eau pour 1000, alors que chez l'adulte cette proportion est environ de 700 p. 1 000 seulement. Il paraîtrait, d'après ScCHLONBERGER, que chez le foetus il n'y a pas de différence dans la teneur en eau des deux substances grise et blanche.

Voici, d'après l'âge et le sexe, les analyses de WEISBACH.

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HALLIBURTON (1894) a trouvé les chiffres suivants comme proportion d'eau chez divers animaux, pour la substance grise et la substance blanche :

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La comparaison des diverses parties du système nerveux, chez deux singes, un chien, cinq chats, trois hommes, lui a donné, en eau, pour 1 000 parties:

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Ainsi, finalement, on peut admettre que la teneur en eau est d'environ 800 pour la substance grise et 700 pour la substance blanche, en chiffres ronds.

I. Novi (1890) a fait des expériences intéressantes pour modifier les proportions relatives des sels de potassium et de sodium dans le cerveau. Il injectait à des chiens une solution de chlorure de sodium à 10 p. 100, de manière à concentrer le sang. L'examen de la composition chimique du cerveau montre qu'il y a déshydratation de la substance cérébrale, qui perd à peu près 6 p. 100 de l'eau qu'elle contenait. En effet, il doit se faire un courant exosmotique du cerveau vers le sang, par suite de la plus grande concentration du liquide sanguin. En injectant par le bout périphérique de la carotide de cette même solution 2 centimètres cubes (par kilo d'animal), on fait perdre au cerveau une quantité d'eau égale à peu près à 1,25 p. 100 de sa quantité normale. Avec plusieurs injectins consécutives, on peut arriver à lui faire perdre jusqu'à 5 p. 100.

Ce qui est aussi bien remarquable, c'est qu'il se fait une sorte d'échange entre les sels de potasse et les sels de soude. La somme du sodium et du potassium se maintient presque inaltérée; mais le sodium augmente et le potassium diminue. Le sodium augmente de 0,09 à 0,22, et le potassium diminue de 0,39 à 0,25.

Il y aurait, sans doute, quelque intérêt à observer de près les modifications fonctionnelles que la déshydratation ou le remplacement du potassium par le sodium font subir à la vie du système nerveux.

Le cerveau se compose essentiellement de deux éléments de la famille des albuminoïdes les matières albuminoïdes proprement dites, et une substance albuminoïde spéciale, contenant du phosphore qui est le protagon.

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Les substances albuminoïdes ont été surtout étudiées par HALLIBURTON (1894). HALLIBURTON a constaté d'abord qu'il n'y a ni fibrine, ni peptone, ni myosine, ni albumine. Par des coagulations fractionnées, il a pu extraire trois albuminoïdes: 1o la protéine qu'il appelle neuroglobuline a, coagulable à 47°; c'est un corps qui ne contient pas de phosphore, non précipitable par l'acide acétique, mais précipitant par une solution. diluée de sulfate de magnésium. Il paraît un des éléments essentiels de toute cellule nerveuse; 2o une nucléo-albumine, coagulable à 56°-60°, qui contient 0,5 pour 100 de phosphore, et qui, en présence de pepsine acide, donne un résidu insoluble de nucléine. Elle produit des coagulations sanguines quand on l'injecte dans le système circulatoire du lapin; 3o une globuline, ou neuroglobine ß, sans phosphore, coagulable seulement à 74°, et ne se précipitant en totalité que par des solutions concentrées de sulfate de magnésium.

A côté de cette nucléo-albumine, il y a une substance que KUHNE et CHITTENDEN ont appelée la neurokératine. Elle se caractérise par une insolubilité presque complète dans tous les réactifs. Pour la préparer on fait digérer la masse cérébrale avec de la trypsine pendant plusieurs jours le liquide est filtré, et le résidu est épuisé par l'éther, l'alcool et le chloroforme. La partie insoluble, macérée avec de la soude au centième, demeure inattaquée en grande partie et c'est ce résidu que KUHNE et CHITTENDEN appellent neurokératine. L'analyse montre qu'elle ne contient pas de phosphore. Sa composition centésimale est en moyenne :

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Ils admettent que la neurokératine se rencontre surtout dans la substance blanche, et qu'elle constitue 30 p. 100 des matières cérébrales insolubles dans l'alcool.

JAKSCH (1876) a trouvé plus de nucléine dans la substance grise que dans la substance blanche.

Un des éléments principaux de la composition chimique du cerveau, c'est le protagon, substance mal définie; car d'une part il est probable qu'il y a plusieurs protagons, et d'autre part il n'est pas même certain que le protagon existe tout formé dans le cerveau. Le protagon, découvert par LIEBREICH, est une substance azotée et phosphorée, soluble dans l'alcool chaud, ne contenant que des traces de soufre, probablement des impuretés (RUPPEL). Il se dépose de la solution alcoolique chaude sous forme d'aiguilles cristal

lines. Par l'ébullition avec la baryte, il donne de la lécithine et une matière particulière, la cérébrine. On peut donc le considérer comme une combinaison de lécithine et de cérébrine. Il est d'ailleurs probable qu'il y a de la lécithine libre dans la masse cérébrale. D'après GAD et HEYMANS, la myéline serait surtout constituée par de la lécithine. En chauffant le protagon avec la baryte on obtient des acides gras, de l'acide phosphoglycérique et de la névrine. D'après GAMGEE et BLANKENHORN, la composition du protagon serait :

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La cérébrine, décrite d'abord par W. MÜLLER, est une substance azotée, non phosphorée. D'après PARCUS, on la prépare en faisant bouillir la masse cérébrale avec de l'eau de baryte. Le précipité, bien lavé à l'eau bouillante, est repris par de l'alcool bouillant, et la cérébrine se dépose de la solution alcoolique. Par des cristallisations et des dissolutions convenables on peut en séparer trois corps: la cérébrine (C70H140Az2013) (?) proprement dite, insoluble dans l'eau, l'éther et l'alcool froid, soluble seulement dans l'alcool bouillant, se colorant en rouge par l'acide sulfurique: l'homocérébrine (C70H138 Az2 012) (?) qui se gonfle, sans se dissoudre, dans l'eau bouillante. Comme la cérébrine elle donne, par l'ébullition avec les acides minéraux, comme produits principaux un sucre qui serait la galactose, d'après THIERFELDER: et l'encéphaline, qui est probablement un produit de décomposition et qui, par l'action de l'eau bouillante, se transforme en un empois qui persiste à froid.

Ces corps, très voisins les uns des autres et très difficiles à étudier, sont probablement les mêmes que ceux que ТHUDICHUM a décrits sous les noms de kérasine (homocérébrine) et de phrénosine (cérébrine). KOSSEL et FREITAG ont isolé aussi ces trois cérébrosides, pour nous servir du terme de THUDICHUM. Avec ces observateurs on peut appeler cérébro sides les corps non phosphorés, mais azotés, qui dérivent du dédoublement de matières phosphorées et azotées. Dans le pus on trouve deux cérébrosides, pyosine et pyogénine, provenant du dédoublement d'une substance analogue au protagon.

Il y a encore dans le cerveau de la cholestérine, surtout dans la substance blanche, qui est peut-être à la fois à l'état de liberté et à l'état de combinaison peu stable; de la neuridine (CH1Az2), découverte par BRIEGER dans les produits de putréfaction, et des matières extractives créatine, insite, acide lactique, acide urique, jécorine, d'après BALDI; et, dans certaines conditions pathologiques, de la leucine et de l'urée.

Phénomènes chimiques de la vie du cerveau. Les faits relatifs à la constitution chimique du cerveau ne nous apportent que peu d'éclaircissement sur les fonctions chimiques de cet organe. C'est un des points les plus obscurs de la physiologie.

Il me paraît d'abord qu'il faut laisser de côté toutes les analyses d'urine dans lesquelles on a cru constater quelque augmentation dans la quantité d'urée par le travail intellectuel (HAMMOND 1856, BYASSON, GAMGEE et PATON, 1871). En effet, la différence constatée est assez faible. L'écart de 10 grammes trouvé par HAMMOND est sans doute exagéré. CAZENEUVE (cité par LÉPINE 1886) n'a pas trouvé de différence appréciable, et d'autre part les variations dans la production d'urée dépendent de tant de conditions qu'on ne peut guère conclure. Le travail intellectuel, par cela seul qu'il agit sur le pouls et la température, peut sans doute déterminer une production d'urée plus abondante; de sorte que le résultat peut fort bien être dû à une excitation nerveuse agissant sur les combustions organiques générales; en tout état de cause, il sera toujours presque impossible de conclure à une combustion plus active des éléments du système nerveux lui

même.

Pour l'élimination plus abondante de phosphates, le problème semble plus intéressant, et, en apparence au moins, approcher davantage d'une solution précise. Notons cependant que le poids total d'acide phosphorique du cerveau chez l'homme peut être évalué à 25,5, quantité négligeable, par rapport à la proportion de l'acide phosphorique contenu dans le système osseux, à peu près 1000 grammes en chiffres ronds.

Le travail le plus complet sur la question est évidemment dû à MAIRET (1884), qui en

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