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M. MANCEL ayant réitéré son désir de proscrire dans la convention tout commerce aux pêcheurs, le Délégué de la Belgique, M. ORBAN, s'exprime comme suit:

M. MANCEL insiste comme en témoigne le procès-verbal de la troisième séance pour que la convention à intervenir interdise en termes formels aux pêcheurs de faire aucun acte de commerce et notamment aucun échange de poisson contre des liqueurs fortes.

Or le projet de convention érige en délit le fait de vendre aux pêcheurs des liqueurs fortes et en délit plus grave le fait d'échanger des liqueurs fortes contre du poisson.

C'est bien, je pense, répondre au désir de M. MANCEL. Comment le Délégué de la France qui supplie instamment la Conférence d'aller plus loin, de punir même le pêcheur le plus souvent complice inconscient de l'acte qu'il s'agit d'ériger en délit, pourrait-il refuser de signer le projet qui lui donne satisfaction en partie ?

M. MANCEL demande de défendre internationalement le commerce aux pêcheurs et il hésite devant un acte qui serait un acheminement vers ce qu'il réclame.

Il reconnait que son gouvernement a pris depuis longtemps des règlements en vue de sauvegarder les intérêts des armateurs à la pêche; on propose une convention qui, outre son but moral, la guerre à l'ivrognerie, doit diminuer les tentations aux quelles les pêcheurs succombent trop souvent et il semble ne pas vouloir

coopérer à une convention semblable! D'une part il nous dit que c'est uniquement grâce aux lois françaises que beaucoup de bateaux de pêche ne se transforment pas en cabarets flottants et d'autre part, délégué de ce même gouvernement, qui n'a pas hésité à sévir contre ses propres pêcheurs quand c'était nécessaire, il ne veut pas d'une mesure qui atteindrait les vrais coupables, lesquels du reste ne sont pas des Français, puisque la France, c'est M. MANCEL qui l'a déclaré à plusieurs reprises, n'a pas de cabarets flottants.

Le Délégué de la FRANCE déclare qu'il ne saisit pas la portée et le but des remarques que M. le Délégué de la Belgique vient de faire :

En ce qui le concerne personnellement, M. MANCEL fait observer à M. ORBAN qu'il n'a jamais refusé de signer le projet en discussion, que sa présence indique qu'il ne se refuse pas à coopérer à cet acte et qu'il n'a aucune hésitation sur ce qu'il est de son devoir de faire. Écho fidèle des vues du Gouvernement de la République, M. MANCEL n'a rien à modifier dans les considérations présentées antérieurement par lui.

En émettant des avis divergents, alors qu'il parlait du trafic des bâtiments du commerce et lorsqu'il avait à s'occuper des bateaux de pêche, il a suivi la distinction. très nettement établie à cet égard par les lois françaises depuis plusieurs siècles. Ce qui est vrai et juste pour les uns peut fort bien être inexact ou mauvais pour les autres.

M. ORBAN croit devoir se borner à faire remarquer que si les discussions antérieures avaient pu lui donner lieu de croire que M. MANCEL repoussait les mesures de répression pénale proposées contre le vendeur, il est heureux de constater qu'il s'est trompé.

M. MANCEL ne voit pas l'utilité d'insister davantage et pense que ses collègues se rendront à son avis s'il demande à M. le Président de clôre l'incident soulevé par M. le Délégué de la Belgique.

Accédant à ce désir, M. le PRÉSIDENT propose à la Conférence de continuer son ordre du jour.

M. MANCEL rappelle que dans la précédente séance plénière et hier encore dans la commission de rédaction plusieurs Délégués ont invoqué les discussions et les textes conventionnels arrêtés à Paris en 1882-1883, dans la Conférence internationale pour la protection des câbles sous-marins.

A propos de la résolution proposée, d'interdire la vente des boissons spiritueuses dans des cas donnés, le Délégué de la France croit devoir également appeler l'attention de ses collègues sur les opinions émises par les représentants de divers gouvernements dans la Conférence Africaine de Décembre 1884 à Berlin.

On peut trouver, dans le recueil des travaux de cette réunion diplomatique, d'utiles indications sur les diffi

cultés de concilier les intérêts légitimes du commerce avec la prohibition de la vente des boissons spiritueuses.

M KENNEDY croit devoir faire observer qu'à son avis le but de la Conférence relative au Congo était absolument différent de celui de la Conférence actuelle. Dans le premier cas on désirait régler et donner de l'extension au commerce, tandis qu'à présent nous cherchons à prohiber le trafic des spiritueux dans la Mer du Nord. Même les propositions limitées qui ne vont pas aussi loin que la prohibition visent la restriction et nullement l'extension du trafic.

Il ne nous appartient pas en ce moment d'aborder des questions qui ont été soulevées à la Conférence de Berlin. Nous cherchons à mettre fin à un certain trafic, et pour cette raison M. KENNEDY désire que nous ne parlions pas de la Conférence du Congo.

Article 3.

Le PRÉSIDENT propose au nom des Délégués des Pays-Bas de poser le principe, qu'en cas de récidive de contravention à l'article 2, le bateau délinquant et son inventaire ainsi que les spiritueux puissent être confisqués. Rien à leur avis ne serait plus efficace pour réprimer le délit.

Cette proposition est combattue par M. M. les Délégués de la Belgique et de la France, qui estiment la confiscation du bateau une peine exorbitante par rapport à la gravité du délit, tandis que celle des spiritueux serait une mesure impraticable. M. MANCEL ajoute que l'introduction de la peine de la confiscation dans la convention serait probablement un obstacle à l'adhésion de son Gouvernement aux prescriptions formulées dans le travail en cours.

M. TREVOR fait observer que l'article 23 de la convention du 6 Mai 1882 interdit l'emploi du »devil", sans stipuler, que cet instrument serait confisqué. Mais la loi anglaise a non seulement imposé une peine contre l'emploi, mais elle a aussi édicté que l'instrument pourrait être confisqué. La question de la forfaiture a donc été laissée à la législation de chaque pays sans que la convention statuât à cet égard.

LE PRÉSIDENT constate que la Conférence n'est pas unanime sur le principe de la confiscation et que par conséquent, il n'en sera pas fait mention dans la convention projetée.

Article 4.

M. WEYMANN fait observer que, si la Conférence se décide à punir non-seulement le vendeur, mais encore l'acheteur, il y aura dans beaucoup de cas deux navires différents impliqués dans chaque infraction, et qu'alors la rédaction proposée sera insuffisante.

LE PRÉSIDENT répond que si le point réservé est décidé

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Dans la séance de vendredi 11 Juin, dit M. MANCEL, M. M. les Délégués de l'Angleterre et de la Belgique ont proposé à la Conférence de régler les droits des croiseurs chargés d'empêcher le débit des spiritueux dans la Mer du Nord, en dehors des eaux territoriales, au moyen des prescriptions contenues dans l'article 10 du projet de convention pour la protection des câbles sous-marins arrêté à Paris le 26 Octobre 1883. La majorité des Délégués des puissances représentées a décidé l'impression du texte en question et le renvoi à la commission de rédaction du soin d'adapter au travail actuel les principes qu'il contient.

A ce moment les Délégués de l'Allemagne et de la France se sont élevés contre le droit de visite à conférer à des croiseurs étrangers pour enquêter sur des faits et des actes se passant sur des bâtiments du commerce allemand ou français. M. MANCEL ayant de nouveau l'honneur d'avoir pour collègues presque tous les signataires du projet de convention sur la police de la pêche arrêté à La Haye le 29 Octobre 1881, croit devoir exprimer toute sa pensée, sur cette très importante question, qui n'est pas une question de susceptibilité nationale, comme le disait dans la 1ère Conférence M. le président RAHUSEN mais bien, au point de vue du droit international maritime, une matière délicate se rattachant intimement au libre exercice de la souveraineté de chaque nation.

En se reportant au procès-verbal de la séance du 12 Octobre 1881, MM. les Délégués se rendront facilement compte de la manière de voir du gouvernement français à ce sujet.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que si, après le dépôt de la proposition transactionnelle faite par M. le premier Délégué de la Grande Bretagne, dans la séance du 19 8bre 1881, les rédacteurs de la Convention du 6 Mai 1882 sont parvenus à organiser une surveillance internationale efficace (articles 28 à 30 inclus) c'est qu'il ne s'agissait que de relever et d'apprécier des infractions. commises par des bateaux de pêche et pour des faits bien déterminés se rapportant aux opérations de pêche.

Cette considération importante n'a pas échappé à l'attention des Commissaires de la Convention des Câbles.

Eux aussi, guidés par le désir d'assurer une bonne protection aux voies de communication rapide de la pensée ont cherché un moyen terme, tout en repoussant ce qui, dans la première proposition de M. le ler Délégué de la Grande Bretagne paraissait inférer un droit de visite trop absolu.

En relisant les procès-verbaux de la Commission des Câbles on peut se convaincre que les vues de la majorité des Délégués réunis à Paris sont bien les mêmes que celles exprimées dans cette même salle en 1881, par M. l'amiral BIGREL et celui qui parle en ce moment.

Dans le rapport déposé sur le bureau de la Chambre des députés (séance du 7 Juillet 1884) au nom de la commission chargée d'examiner le projet de loi, adopté par le Sénat, portant approbation de la convention pour la protection des câbles sous-marins Mr ARTHUR LEROY, rapporteur, a pris grand soin de faire observer (1) que si l'art. 10 admettait pour les commandants des navires de guerre ou des bâtiments spécialement commissionnés à cet effet le droit de vérifier la nationalité des navires soupconnés d'une infraction à la convention, la Conférence n'avait pas maintenu, » au profit des mêmes officiers, pour relever les preuves des infractions, un droit de visite ou de recherche qui a soulevé de sérieuses difficultés."

En dehors des eaux territoriales, le droit d'enquête du pavillon ne peut pas être mis en doute. Le bâtiment de guerre a aussi et peut vouloir exercer le droit d'arraisonner, de faire raisonner autrement dit, un navire de commerce.

Le droit de visite réciproque issu de la convention entre la France et la Grande Bretagne de Mai 1814, a heureusement disparu des traités internationaux actuels. C'est ce droit qui avait suscité en France sous le règne de Louis Philippe, tant de justes critiques dans nos chambres législatives.

Il ne reste donc de discutable que le droit de vérification de la nationalité des navires suspects. C'est à ce droit qu'il faut certainement rattacher les règles contenues dans l'art. 10 de la convention des câbles.

C'est également à lui que M. MANCEL estime qu'il est possible de recourir pour régler la visite des bâtiments du commerce qui se livrent au commerce des spiritueux en Mer du Nord. Mais comme malgré la prudence qui, sans aucun doute, sera apportée à cette vérification spé. ciale et en raison de ce que les croiseurs ne sont pas toujours commandés par des officiers, afin d'éviter toute cause de mésintelligence, le Délégué de la France croit qu'il serait bon d'introduire dans la convention nouvelle un article reproduisant les instructions par les quelles en 1859, la France et la Grande Bretagne ont réglé le mode de vérification qu'elles voulaient appliquer, d'une manière identique.

M. MANCEL propose donc qu'aprés avoir accordé aux croiseurs la surveillance internationale restreinte, la com

(1) Documents parlementaires, p. 1317 (Journal Officiel de la République Française, n°. 350, 21 Décembre 1884.)

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