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composé des plus hauts dignitaires de l'état, auquel on recourait pour obtenir ce combat. Semblable tribunal exista aussi chez nous. Voilà un des faits les plus imposans qui puissent être cités à l'appui de l'assertion que le duel a été, pendant des siècles, une nécessité sociale. Toutes les fois, en effet, que l'on rencontre dans l'histoire une institution ayant pour objet de régler un ordre de faits quelconques, c'est que ces faits avaient acquis une importance sociale, telle qu'il n'a pu être permis à l'autorité publique d'y demeurer étrangère, et que celle-ci a cru de l'intérêt général d'intervenir au milieu d'eux; et dès que cette intervention a eu lieu, ces faits ce sont trouvés légitimés. C'est ce qui s'est vu pour le duel chez la plupart des nations européennes.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, ce n'est pas la première fois que l'on tente de restreindre les libertés dont nous devons la conquête à la révolution. On l'a tenté pour la liberté du théâtre; on le tente aujourd'hui pour la liberté individuelle. Nous comprenons ces tentatives. Nous concevons que beaucoup d'esprits honnêtes se laissent ébranler à l'aspect des faits déplorables produits par ces libertés, ne tenant pas assez compte des bienfaits dont elles sont prodigues envers la société. Cependant, il faut bien le reconnaître: s'il est au monde un peuple digne de jouir de toutes les libertés, c'est le peuple belge. Voyez l'usage qu'il en a fait depuis six ans, comptez les abus, et dites si tout autre peuple, au milieu des mêmes circonstances, en eut commis un moins grand nombre. S'il est vrai que la nation belge ne soit point douée de cette chaleur de sentimens, de cet élan généreux qui fait d'une autre nation voisine

l'agent et à la fois le martyr de toutes les grandes améliorations sociales, en revanche, elle possède un bon sens profond, une moralité haute et calme qui lui rendent léger le fardeau de la liberté la plus large. C'est un mérite qu'on ne saurait lui contester, et qui, pour n'être pas environné d'un brillant éclat, n'en est ni moins grand, ni'moins solide. Qu'une bonne fois donc on renonce chez nous à toutes ces tentatives qui manquent de justification. Qu'on laisse entières toutes nos libertés. Qu'on ait plus de confiance dans l'esprit de la population. Si elle a prouvé, depuis six ans, qu'elle sait user sagement de la liberté de la presse, de la liberté d'association, de la liberté d'enseignement, qu'on croie qu'elle saura cesser de faire abus de la liberté individuelle. Revenir sur ces libertés, si hautement et si unanimement proclamées, ce serait faire un pas rétrograde, et il ne faut jamais se décider pour une pareille entreprise, que quand il y a péril dans la demeure, que quand le salut du peuple en fait une loi. Mais si nous insistons fortement pour le maintien de toutes les libertés, ce n'est pas à dire que nous pensions qu'il n'y ait plus qu'à en jouir, puis à se croiser les bras. Il reste à remplir une haute mission. Il y a à éclairer la route du peuple du flambeau des lumières; il y a à lui signaler tous les écueils dont cette route est semée; il y a à appuyer chacune des libertés dont il jouit, de l'appréciation des actes et de la connaissance des faits ; il y a, en un mot, à le moraliser et à l'instruire. C'est un point sur lequel on ne saurait trop attirer les regards du législateur. Dans toutes les directions où s'exerce le libre développement des facultés humaines, dans l'ordre intellectuel, dans l'ordre

moral, comme dans l'ordre physique, les populations manquent partout de la science des faits et des leçons de la morale. Laissez-les livrées à leur ignorance, à leur inexpérience, à leurs instincts, et les abus naîtront en foule sous leurs pas. Moralisez-les, éclairez-les, signalezleur les bonnes voies; précédez-les sans cesse comme un tuteur attentif, et la liberté n'aura plus pour elles que des bienfaits. Il faut le dire encore, quoiqu'à regret, cette haute mission, les pouvoirs publics ne semblent pas en avoir une idée bien nette.

NIHON.

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La Madelène de Village.

Que celui qui est sans tache jette
la première pierre.
Evangile selon St. Marc.

MADAME,

Vous vous êtes souvent étonnée des accès de tristesse qui s'emparaient de temps en temps du capitaine Adolphe De Beir que j'eus l'honneur de vous présenter, il y a quatre ans. Il était habituellement d'une si franche gaîté et d'une élégance de manières si remarquable, que cette brusque transition à la mélancolie, à la sauvagerie même, vous frappait chaque fois vivement. Elle vous faisait éprouver une espèce de contrainte intérieure, et vous semblait défendre, à vous, si naturellement empressée à prendre votre part dans toutes les peines, d'aller au-devant de cette sombre et solitaire douleur, et de lui dire de s'épancher.

Enjoué, ouvert d'ame à l'ordinaire, mon ami était glaçant en ces momens; il imposait silence même à la pensée sur ce qui le concernait; et c'est probablement cette impression, Madame, qui vous a jusqu'ici empêchée de me questionner sur son compte. Quel qu'ait été le motif de cette réserve, je vous en ai eu infiniment de reconnaissance; mais aujourd'hui la discrétion est inutile: le capitaine vient de périr de froid devant Constantine,

lui qui avait vaincu le climat de la Sibérie, où vous savez qu'il a subi un atroce esclavage de quinze années ; la cause de sa tristesse, en quelque sorte périodique, est morte aussi; tous ses parents ne sont plus; il n'avait en Belgique de relations intimes qu'avec le docteur St.... et moi, et les connaissances qu'il avait à l'armée ont probablement succombé avec lui. Je puis donc, sans le moindre scrupule maintenant, vous dire les évènements pour lesquels, je le sais, le capitaine vous a inspiré une curiosité d'autant plus impatiente qu'elle était plus contenue.

Lisez cet écrit consacré au souvenir du brave militaire et de l'honnête homme, et s'il vous paraît, à certains endroits, invraisemblable ou romanesque, veuillez ne pas oublier que cela tient à la réalité même. Ne m'en voudriez-vous pas de préférer la vraisemblance à la vérité?

I.

L'iLE CACHÉЕ.

Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez? Tont ce qu'ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire : il n'y a de caractères ineffaçables que ceux qu'imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs.

J. J. ROUSSEAU. Emile.

Meulebeke (Ruisseau du Moulin) est un bourg flamand, orgueilleux de sa population de neuf mille ames, de sa grosse cloche, de ses innombrables métiers à tisser la toile, à filer et préparer le lin; orgueilleux de sa belle

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